Question de Mme BILLON Annick (Vendée - UC) publiée le 23/05/2019
Mme Annick Billon interpelle Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions de détention des détenues transgenres au sein de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis.
Conformément à la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme (arrêt Kudla contre Pologne, 2000), le placement à l'isolement peut être regardé comme un traitement inhumain et dégradant. De plus, dès 2010, le contrôleur général des lieux de privation et de liberté, dans un avis du 25 juillet 2010, déplorait le recours à l'isolement pour les détenues transgenres et encourageait les établissements pénitentiaires à recourir à d'autres procédés pour protéger leur intégrité physique. Or, celles-ci sont bien souvent isolées, ce qui n'a pour seul effet que de les précariser et de les marginaliser davantage.
Actuellement, les personnes transgenres sont détenues en fonction de leur état civil. Ainsi, de nombreuses femmes transgenres sont incarcérées dans des établissements pour hommes, livrées aux violences, harcèlements et agressions des autres détenus ou gardiens. Certains aménagements existent pour les personnes ayant bénéficié d'une opération de « réassignation génitale » mais une grande liberté de manœuvre est laissée aux directions des administrations pénitentiaires, peu formées sur ces questions.
Elles subissent, de surcroît, des conditions de détention discriminantes par rapport aux autres détenus en raison de leur transidentité et n'ont en outre pas accès aux activités de formation ou sportives. Enfin, elles se retrouvent souvent privées de leurs traitements hormonaux ou d'autres soins spécifiques ce qui entraîne de lourdes conséquences physiques et psychologiques.
Elle lui demande donc si elle envisage de prendre des mesures concrètes pour faire cesser ces violences et assurer des conditions de détention dignes aux personnes transgenres.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/02/2020
L'administration pénitentiaire met en uvre des actions visant au respect de l'identité de genre exprimée par chaque détenu. Les chefs d'établissement tiennent compte en pratique des déclarations de la personne détenue quant à son identité de genre afin de décider de son affectation, notamment pour que les fouilles intégrales soient réalisées par un agent du même sexe, règle imposée par dispositions réglementaires du code de procédure pénale. Par ailleurs, la prise en charge sanitaire des personnes détenues issues des minorités de genre fait l'objet d'un travail de coordination soutenue avec le ministère des Solidarités et de la Santé, afin que celles d'entre elles souhaitant entamer ou poursuivre une ou plusieurs opérations de modification corporelle soient accompagnées dans leurs démarches sanitaires. L'hormonothérapie est prescriptible au sein des unités sanitaires en milieu pénitentiaire, au sein desquelles les praticiens peuvent se rapprocher des équipes médicales hospitalières pluridisciplinaires et spécialisées (Nice, Montpellier, Bordeaux, Lyon, Marseille, Paris, Brest, Strasbourg et Nancy). Les détenus transgenres désirant présenter une demande de changement d'état civil sont quant à eux accompagnés par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Depuis la mise en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, les personnes souhaitant demander la modification de leur état civil (sexe et prénom) ne sont plus contraintes de procéder, au préalable, à une opération de réattribution sexuelle, ce qui permet à des personnes dont le sexe physiologique ne correspond pas au régime de détention initialement prévu, d'accéder à un établissement correspondant à leur identité de genre. S'agissant de la question de l'affectation des détenus transgenres en établissement en quartier et de celle des conditions de détention, à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, ces derniers sont affectés dans un quartier spécifique qui permet la mise en place de mesures de protection adaptées, ainsi que l'augmentation du nombre et de la fréquence des interventions qui leur sont consacrés. L'accès aux produits d'hygiène féminins, via une cantine dédiée, et à une activité physique régulière dans un espace protégé est également assuré. Les détenus transgenres bénéficient de l'encellulement individuel et d'une douche en cellule. Un espace de promenade spécifique leur est réservé et les personnels de surveillance qui les prennent en charge sont sensibilisés. Lorsqu'il n'existe pas de quartier spécifique susceptible de renforcer la prise en charge d'un détenu transgenre, et lorsque les conditions de sécurité internes ne permettent pas une affectation en régime de détention ordinaire, certains détenus sont placés à l'isolement. Ces situations concernent spécifiquement les maisons d'arrêts ou quartiers maison d'arrêt de moyenne ou petite taille. La difficulté dans ce cas est d'organiser ou de maintenir des temps d'activités équivalents à ceux des autres détenus. L'administration pénitentiaire travaille également, en coordination avec la Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH) autour de trois axes : le renforcement des droits des personnes issues des minorités sexuelles et de genre, l'optimisation de leur affectation et de leurs espaces de détention dédiés, ainsi que la lutte contre les violences à caractère LGBT-phobe. Les travaux en cours incluent notamment des mesures relatives à l'accès aux produits cosmétiques, d'hygiène et aux vêtements associés à un autre genre et à la formation des personnels de l'administration pénitentiaire. La feuille de route Santé-Justice du 2 juillet 2019 (action 21) prévoit un groupe de travail Santé-Justice dédié à la prise en charge des personnes transgenres et à l'accès aux traitements hormonaux qui sera prochainement mis en place.
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