Question de M. PACCAUD Olivier (Oise - Les Républicains) publiée le 30/05/2019

M. Olivier Paccaud attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur l'absence de décret d'application de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 relative à la prise en considération des années de formation des élèves enseignants des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) pour leurs droits à la retraite.

Un enseignant de l'Oise lui a en effet transmis une lettre stupéfiante du secrétaire général de l'académie d'Amiens. Par cette missive, l'administration informe le destinataire que, même si l'article 14 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique indiquait que « les périodes pendant lesquelles ont été perçues des allocations d'enseignement créées par le décret n° 89-608 du 1er septembre 1989 portant création d'allocations d'enseignement, ainsi que la première année passée en institut universitaire de formation des maîtres en qualité d'allocataire, sont prises en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension de retraite, sous réserve de la titularisation dans un corps d'enseignements et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État », ces dispositions ne pouvaient être appliquées « en l'absence de décret d'application, (…) jamais entré en vigueur. ». L'académie conclut donc « que les périodes d'allocataires de première année d'IUFM ne sont ni validables, ni valables pour la retraite ».

Le ministère hérite donc d'une situation kafkaïenne et scandaleuse. C'est une chose de la constater et de la déplorer mais il faut désormais la corriger. L'État doit tenir ses engagements inscrits dans la loi.
Il souhaite savoir si un décret permettant la rétroactivité des droits est envisagé.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 17/07/2019

Réponse apportée en séance publique le 16/07/2019

M. Olivier Paccaud. Monsieur le secrétaire d'État, la loi est votée, vérifiée dans sa conformité, promulguée, mais parfois, et même trop souvent, non appliquée.

Pourtant, nous connaissons tous l'adage : « Nul n'est censé ignorer la loi. » L'exécutif ne doit pas non plus y déroger, non plus qu'il ne peut échapper à ses devoirs, qui sont, entre autres, d'exécuter la volonté du législateur, c'est-à-dire du peuple.

Le cas d'espèce qui me conduit à vous interpeller aujourd'hui concerne l'article 14 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, plus précisément la prise en compte des années de formation des élèves enseignants des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, dans le calcul de leurs droits à la retraite.

Il y a quelques semaines, l'académie d'Amiens a confirmé à un enseignant souhaitant légitimement en bénéficier qu'il ne pouvait prétendre à cette disposition, faute d'entrée en vigueur du décret. L'académie conclut que « les périodes d'allocataires de première année d'IUFM ne sont ni validables ni valables pour la retraite ».

Je tiens à votre disposition le courrier adressé à l'enseignant en question par le secrétaire général de l'académie, courrier dont je me permets de lire un court extrait : « Les périodes pendant lesquelles ont été perçues des allocations d'enseignement ainsi que la première année passée en institut universitaire de formation des maîtres en qualité d'allocataire sont prises en compte pour la constitution et la liquidation du droit à pension de retraite, sous réserve de la titularisation dans le corps enseignant » – c'est bien logique – « et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Cependant, en l'absence de décret d'application, ces dispositions ne sont jamais entrées en vigueur. »

Cette pratique jette l'opprobre sur l'action de la représentation nationale. Les bénéficiaires de ce décret en attente ont été suffisamment patients. Après vingt-huit ans, le délai raisonnable est plus que dépassé.

J'ai conscience, monsieur le secrétaire d'État, que vous héritez d'une situation kafkaïenne, voire scandaleuse. C'est une chose de la constater, de la déplorer, mais il faut désormais la corriger. Pouvez-vous m'indiquer si un décret permettant la rétroactivité des droits est envisagé à court terme ? Au nom de la sécurité juridique, de la confiance légitime dans les institutions, il est de la responsabilité du ministère de l'éducation nationale de mettre fin à ce préjudice et à cette injustice.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Paccaud, vous mettez le doigt sur une situation comme malheureusement notre système, historiquement, sait en produire. En l'occurrence, de potentiels bénéficiaires attendent la mise en œuvre d'un décret, en application d'une loi votée en 1991 – j'avais deux ans ! Depuis lors, rien n'a été fait pour régler cette situation effectivement kafkaïenne.

Ce décret en Conseil d'État, relatif à la prise en compte de l'année d'allocataire en institut universitaire de formation des maîtres pour la constitution et la liquidation des droits à pension, n'a jamais été publié, comme le précise le courrier de l'académie d'Amiens. Il faut assumer ces faits, même si nous héritons d'une situation historique complexe.

Près de trente années après le vote de la loi de 1991, les conditions n'étant plus les mêmes, il est objectivement difficile de demander au ministère de l'action et des comptes publics, compétent sur le service des retraites de l'État, de combler cette carence, alors même que se prépare et se discute une vaste réforme des retraites visant, à l'opposé du dispositif imaginé en 1991, à ce qu'un euro cotisé donne les mêmes droits à chacun.

Au demeurant, la prise en compte de ces périodes pour la retraite est devenue possible par le biais du rachat des années d'études, dispositif introduit par l'article 45 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

C'est donc désormais dans le cadre de la réforme des retraites que nous allons envisager les règles qui ont trait à l'ensemble des retraites des personnels de l'éducation nationale.

Encore une fois, je déplore comme vous cette situation kafkaïenne à laquelle nous faisons face et nous travaillons à ce que cela ne puisse plus se reproduire. Tant le Président de la République que le Premier ministre ont très fortement insisté pour que nous suivions au jour le jour les textes d'application des lois qui ont été votées.

Je peux vous assurer, en tant que membre du Gouvernement, que nous sommes très régulièrement questionnés par le secrétariat général du Gouvernement, par le ministère des relations avec le Parlement, pour garantir que l'ensemble des textes d'application des réformes que nous portons soient pris dans les temps. J'espère que cela évitera que ce type de situation ne se reproduise à l'avenir.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.

M. Olivier Paccaud. Pour que la défiance qui existe aujourd'hui envers le monde politique disparaisse, il faut avant tout tenir sa parole et tenir ses engagements.

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