Question de Mme LOPEZ Vivette (Gard - Les Républicains) publiée le 31/01/2019

Mme Vivette Lopez attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la décision du Conseil constitutionnel portant sur la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 qui vient de censurer, pour un motif de forme, la disposition exonérant les trufficulteurs du paiement de l'indemnité compensatoire de défrichement.
En effet, lorsqu'un trufficulteur souhaite défricher une parcelle de bois pour planter des arbres truffiers, il est soumis à l'obligation énoncée par le code forestier de verser une indemnité compensatoire pour alimenter le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSB) dont le montant représente environ 3 000 euros par hectare. Le paiement de cette taxe constitue à cet égard un frein majeur au développement de la trufficulture et peut avoir pour conséquence l'annulation de bien des projets de plantation.
Or la concurrence est très rude et notre pays continue d'importer aujourd'hui près de 80 % des truffes consommées en France (20 % seulement sont produites sur le territoire) et doit faire face à la concurrence accrue de l'Espagne qui est désormais le premier producteur européen. En outre, les truffières jouent un rôle important dans la restauration des paysages naturels, la lutte contre l'érosion, la lutte contre les incendies de forêt et la mise en valeur de zones marginales.
L'exonération de cette indemnité compensatoire permettrait ainsi de ne plus décourager les trufficulteurs à défricher un bois ou des taillis improductifs pour y planter des arbres truffiers. Les experts estiment en outre que les opérations de défrichement réalisées au profit de la plantation d'arbres truffiers, notamment les chênes, ne concernent tout au plus que quelques dizaines d'hectares par an sur l'ensemble du territoire national. Le coût financier induit par la suppression de cette indemnité se révélerait donc tout à fait marginal.
Alors que les trufficulteurs français plantent chaque année environ 300 000 plants truffiers, elle lui demande ainsi les mesures que le Gouvernement compte mettre en place pour lever le frein financier qui menace cette filière traditionnelle, emblématique de notre agriculture et de notre gastronomie actuellement menacée par une concurrence mondiale accrue.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 07/03/2019

Le Conseil constitutionnel a considéré que les trois articles visant une exonération de cette indemnité adoptés par la loi de finance pour 2019, « ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État ». Il a considéré également que ces dispositions « modifient le régime de l'autorisation de défrichement ». Le cadre de discussion de la loi de finance n'a donc pas été jugé propice à un débat démocratique sur un sujet sans rapport avec des questions budgétaires. La protection des forêts étant d'intérêt général, leur destruction pour des intérêts particuliers, même légitimes, serait contraire aux grands principes du droit. Le Conseil d'État a notamment affirmé dans un avis de 1973, que le défrichement doit être apprécié « sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les fins en vue desquelles ces opérations sont entreprises ou les motifs qui inspirent celui qui en prend les initiatives ». La loi n° 2014-1170 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 répond aux besoins d'évolution de la politique forestière et notamment de développement de la filière bois. Elle reconnaît en effet d'intérêt général notamment la protection et la mise en valeur des forêts, ainsi que le stockage de carbone dans les bois et forêts, dans le bois et les produits fabriqués à base de bois. Dans le cadre de la COP 21, l'optimisation de la contribution de la forêt française à la lutte contre le changement climatique a été un enjeu majeur. Le plan climat de la France du 6 juillet 2017, a renforcé les ambitions de la France en la matière. Même si elle rend obligatoire la compensation des surfaces défrichées, cette réglementation préserve les terres agricoles. En effet, elle permet de compenser par des travaux contribuant à l'amélioration du capital productif sur d'autres espaces déjà boisés. De plus, le demandeur a également la possibilité, pour s'acquitter de ses obligations, de verser une indemnité au fonds stratégique de la forêt et du bois qui se substituera à lui pour financer des investissements forestiers. Cette indemnité n'est donc pas une taxe mais une facilité de mise en œuvre offerte aux demandeurs, tout en reconnaissant l'impact que représente le défrichement. De plus, la définition du défrichement s'apprécie au regard de la destruction de l'état boisé et de la fin de la destination forestière des terrains, indépendamment de leur nouvelle affectation ou de la qualité de la personne qui en bénéficiera. Le régime d'exemption d'autorisation de défrichement prévu par l'article L. 342-1 du code forestier s'appuie sur des caractéristiques ayant trait aux terrains boisés. La plus grande partie de ces surfaces exemptées est constituée de parcelles en déprise agricole enfrichées jusqu'au stade où elles constituent des boisements de moins de trente ans. Compte tenu de la progression de la surface boisée en France sur cette période, il existe un potentiel de plus de trois millions d'hectares de terrains boisés qui peuvent être défrichés sans autorisation et donc, sans compensation. Enfin, le remplacement d'une forêt par une plantation de chênes truffiers constitue bien un défrichement. En effet, le code forestier, dans son article L. 341-2, confère à ces plantations une destination agricole et non forestière. On ne saurait donc admettre qu'une production agricole puisse valoir compensation de la perte d'une forêt sans remettre en cause la définition même du défrichement.

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