Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SOCR) publiée le 01/02/2018
Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la problématique des zones défavorisées et, plus spécifiquement, sur la situation de la Vallée de l'Orne dans le Calvados.
Les zones défavorisées sont des zones soumises à des contraintes naturelles. Dans ces zones, les agriculteurs sont éligibles à des aides compensatoires de l'Union européenne liées à ce handicap naturel. La reconnaissance de zone défavorisée permet notamment aux jeunes agriculteurs, lorsqu'ils s'installent, de bénéficier d'une bonification de leur dotation « jeunes agriculteurs », d'obtenir des prêts bonifiés et de percevoir l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN).
Les zonages actuels datant des années 70, l'Union européenne a demandé à la France de procéder à leur révision, avec pour objectif d'appliquer la nouvelle carte à la campagne PAC 2019.
La zone défavorisée de la Vallée de l'Orne comprend 36 communes, principalement les communes de l'ancien canton de Thury-Harcourt. Depuis 2016 et le lancement de la révision du zonage, les agriculteurs de la vallée de l'Orne redoutent un déclassement aux conséquences très lourdes, voire désastreuses.
Ayant un attrait touristique certain, ce territoire est très difficile à exploiter du fait de ses vallons et de ses pentes séchantes. Nul ne peut nier aujourd'hui que les agriculteurs de cette zone contribuent fortement à entretenir les paysages et à garantir ainsi la qualité touristique reconnue de la Suisse normande. Aussi, ils participent à l'entretien des prairies dans cette zone de montagne, afin de préserver la qualité des rivières et, plus globalement, de l'eau. Dans un contexte déjà difficile, l'aide à l'installation des jeunes est indispensable à la survie de ce territoire rural. En plus d'être vécu comme une injustice par les éleveurs de cette zone, un déclassement apparaîtrait aussi comme contraire aux objectifs de la directive cadre sur l'eau.
Un groupe de travail, associant les différents acteurs concernés par la révision des zones défavorisées, a été mis en place par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et s'est notamment réuni le 26 janvier 2018. Dans ce cadre, il aurait été finalement décidé de réintégrer la Vallée de l'Orne dans le périmètre des zones défavorisées. En effet, en travaillant sur une maille plus fine que la « Petite région agricole » (PRA), autrement dit en se plaçant à l'échelle du canton ou de la commune, ce qui n'avait jusqu'à présent pas été validé par la Commission européenne, il apparaît clairement que la Vallée de l'Orne répond aux critères des zones défavorisées.
Personne ne comprendrait que la réforme du périmètre des zones défavorisées ne colle pas à la réalité du terrain. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui confirmer que la Vallée de l'Orne, dans le Calvados, est définitivement réintégrée dans la carte des zones défavorisées françaises.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 02/08/2018
Les zones défavorisées simples avaient été définies à la fin des années 1970 en se fondant sur des critères socio-économiques mais aussi, parfois, d'opportunité. Un rapport de la Cour des comptes européenne de 2003 pointait l'utilisation de critères non harmonisés conduisant à des situations très disparates au sein de l'Union européenne et à un classement contestable dans un certain nombre de cas. Une révision était donc nécessaire pour pérenniser les soutiens prévus aux agriculteurs de ces zones, en particulier l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) en assurant une homogénéité de traitement pour les agriculteurs européens. Le règlement européen relatif au développement rural a rendu cette révision obligatoire pour l'ensemble des États membres d'ici 2019. Des discussions ont été engagées dès 2016 avec les professionnels agricoles afin d'établir ce nouveau zonage, qui se composera de deux parties : une première partie, les « zones soumises à contraintes naturelles », qui découle de l'application stricte de critères européens biophysiques et climatiques, sur laquelle il n'y a pas de marge de discussion. La carte établie sur la base de ces critères est soumise à l'approbation du Joint Research Center de la Commission européenne ; une deuxième partie, les « zones soumises à contraintes spécifiques » (ZSCS), sur laquelle les travaux sont en voie d'achèvement et où la prise en compte de certaines spécificités est permise. Ainsi, dans le respect du plafond de 10 % du territoire pouvant être classé sous cette catégorie, le caractère extensif de l'élevage dans certains territoires, ou encore certaines particularités d'intérêt pour l'environnement ou le paysage (présence de haies ou parcellaire morcelé, présence de surfaces peu productives ou de zones humides, zones soumises à déprise agricole, ou encore insularité) ont été prises en compte. La détermination des différents critères étudiés et retenus a fait l'objet d'une concertation étroite avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles. Le 15 mars 2018, une délégation française a présenté aux services de la Commission européenne la méthodologie nationale retenue pour le nouveau zonage. En complément de la carte stabilisée, la France a également partagé avec la Commission européenne le principe d'un critère d'homogénéité territoriale. En effet, après application des critères, certains biais statistiques rares entraînaient le non classement de petites enclaves au sein de plus vastes territoires classés. La France a ainsi mobilisé ses marges de manuvre (dans le respect de l'obligation européenne de ne pas dépasser 10 % du territoire classé en ZSCS), à hauteur de 55 000 hectares supplémentaires, notamment afin d'inclure dans le zonage ces petites enclaves. La Commission européenne a demandé de justifier, commune par commune, qu'il s'agissait de zones enclavées au sein de zones classées et que ces zones n'avaient pas été retenues alors qu'elles étaient très proches des seuils fixés pour les critères utilisés. Une carte consolidée pour l'Hexagone, après application du principe d'homogénéité territoriale, a été récemment diffusée par les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Ce projet de carte peut être considéré comme une version de travail avancée dans les discussions avec la Commission européenne. Les échanges avec la Commission se poursuivent afin de permettre la validation formelle de la méthodologie française et, dès lors, de la carte finale. Sur la base des travaux actuels, il y aurait donc 14 210 communes classées contre 10 429 dans le zonage actuel. 5 074 communes seraient nouvellement classées pour près de 8 000 bénéficiaires potentiels supplémentaires. Cependant 1 293 communes sortiraient du zonage. S'agissant des critères utilisés, les paramètres de réglage économique qui accompagnent les différents critères en ZSCS visent tant à garantir l'équité entre les différents territoires classés qu'à obtenir un zonage global qui respecte le plafond des 10 % du territoire classé en ZSCS imposé par la réglementation européenne, afin là-aussi de veiller à l'équité des zonages entre agriculteurs des différents États membres. Les exploitants situés dans des zones sortantes bénéficieront, avant de sortir totalement du dispositif d'aide, et comme cela est permis par la réglementation européenne, de paiements au titre de l'ICHN dégressifs sur les années 2019 et 2020. Un accompagnement spécifique a été demandé aux préfets s'agissant des exploitations qui bénéficiaient des aides liées au zonage et qui sortiront de la nouvelle carte en 2019. Il importe également d'aider les exploitants situés dans ces territoires à se projeter dans une nouvelle dynamique, la réflexion pouvant être associée, dans certaines zones, à celle, plus large, sur l'accompagnement des agriculteurs situés en zones dites « intermédiaires ». Ainsi, le travail a débuté aux niveaux départemental et régional pour établir un diagnostic des systèmes de production et identifier les difficultés rencontrées par les entreprises agricoles dans ces zones. Des groupes de travail, sous l'autorité des préfets de région et associant les représentants des entreprises agricoles et des filières agroalimentaires et les conseils régionaux, auront pour objectif, sur la base de ces diagnostics, d'identifier les opportunités ainsi que les outils mobilisables et adaptés aux différents territoires et les conditions de leur bonne articulation, avec une attention particulière accordée aux nouveaux installés. Ces travaux permettront d'alimenter le comité national qui se réunit régulièrement. Le travail sur le zonage est en voie de finalisation pour mise en uvre en 2019. À l'issue de cette réforme, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation restera mobilisé, d'une part, au niveau européen pour défendre les intérêts des éleveurs, et notamment ceux des zones les plus difficiles, et d'autre part, au plan national, avec un accompagnement des agriculteurs sortant du dispositif, en lien étroit avec les conseils régionaux.
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