Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UDI-UC) publiée le 14/07/2016
M. Philippe Bonnecarrère demande à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat des éclaircissements sur la politique de l'eau de notre pays. La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) a prévu d'ici 2020 une compétence générale en matière d'eau confiée aux intercommunalités.
Cette compétence vient compléter le dispositif « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » dit Gemapi qui conduit à confier cette même compétence aux intercommunalités d'ici le 1er janvier 2018.
Les premiers retours de la part des services de l'État dans les départements sont assez étonnants.
Dans le département du Tarn, des réunions d'information ont été organisées à l'issue desquelles les collectivités locales invitées ont compris que le modèle privilégié, pour ne pas dire recommandé de manière insistante, serait celui de syndicats départementaux.
En parallèle, la compétence Gemapi, également confiée aux intercommunalités, a été évoquée dans d'autres réunions tout aussi officielles avec une recommandation tendant à redéléguer une telle compétence à des établissements de bassin.
Tous ces éléments sont contraires à la loi NOTRe.
Il lui demande si les dispositions de la loi NOTRe sont ou non le guide de l'action de l'État et comment expliquer l'arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
Sous une apparence technique d'orientations, d'objectifs, de dispositions en matière de SDAGE, une recentralisation complète entre les mains de l'État est mise en œuvre.
Il faut aller à l'article 8 de l'arrêté pour découvrir dans la liste des annexes accompagnant le SDAGE un nouveau document intitulé « stratégies d'organisation des compétences locales de l'eau » (SOCLE).
Sur la base de l'arrêté du 20 janvier 2016 modifiant l'arrêté du 17 mars 2006 relatif au contenu des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, elle a en effet confié aux six préfets coordonnateurs de bassins les pouvoirs d'élaborer avant le 31 décembre 2017 de nouvelles « stratégies d'organisation des compétences locales de l'eau » dites SOCLE.
Dans la mesure où ces stratégies ont vocation à être intégrées, au moins à titre d'annexes, aux SDAGE, tout laisse à penser qu'elles auront un caractère prescriptif. Ces « SOCLE » portent répartition entre les collectivités et leurs groupements des compétences dans le domaine de l'eau, là où la lecture de la Constitution pouvait laisser croire que ceci relevait de la libre administration des collectivités.
Le même document doit être accompagné de propositions d'évolution des modalités de coopération entre collectivités sur les territoires dits à enjeux. Tous les territoires sont à enjeu en matière d'eau.
Cette stratégie d'organisation doit intégrer la cohérence hydrographique, ce qui se comprend techniquement, mais également le renforcement des solidarités financières et territoriales, ce qui, là également, porte atteinte à la libre administration des politiques des collectivités locales.
Sont également prévues la rationalisation du nombre de syndicats, la fusion ou la disparition de syndicats devenus obsolètes, cet adjectif relevant pour le moins d'un a priori dans la rédaction de l'arrêté.
Finalement, les compétences locales de l'eau sont remontées au niveau national par le rôle confié aux préfets coordonnateurs et surtout le contenu de la stratégie, en contradiction avec les dispositions de la loi NOTRe. Il est inacceptable que des dispositions réglementaires soient ainsi contraires aux dispositions législatives.
Il lui demande quelle est la politique de l'eau de notre pays et quelle est la responsabilité des collectivités locales et en particulier celle des intercommunalités.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 09/12/2016
Réponse apportée en séance publique le 08/12/2016
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais d'abord vous adresser mes félicitations pour les nouvelles responsabilités qui vous ont été confiées.
La question que je souhaitais poser à Mme la ministre de l'environnement concerne la politique de l'eau et en particulier le risque manifeste ou la volonté de recentralisation qui me semble exister aujourd'hui dans la politique définie par son ministère.
Dans le cadre de l'application de la loi NOTRe, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, il est prévu un transfert de la compétence générale en matière d'eau aux intercommunalités d'ici à 2020 et un transfert de la compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dispositif GEMAPI, d'ici au 1er janvier 2018. La règle du jeu de la réforme de la loi NOTRe est très claire : il s'agit de confier aux intercommunalités une compétence globale sur la politique de l'eau.
Or, dans la pratique, nous constatons exactement l'inverse. En ce qui concerne l'eau, les services préfectoraux tout au moins dans le département du Tarn nous ont expliqué que nous devions opter si possible pour des syndicats départementaux. Quant à la compétence GEMAPI, il serait bon de la confier, pour le bonheur des intercommunalités, à des établissements publics gestionnaires au niveau des bassins. En d'autres termes, le principe fixé par la loi NOTRe est mis en uvre en sens inverse.
Cette situation se trouve aggravée par l'arrêté du 20 janvier 2016 pris par Mme la ministre concernant les SDAGE, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, avec l'intégration, à l'article 8, d'une annexe obligeant à réaliser un document intitulé SOCLE, ou stratégie d'organisation des compétences locales de l'eau, ces stratégies concernant directement le rôle des collectivités locales. D'après une note extrêmement récente du 7 novembre 2016, tout laisse à penser que ces SOCLE auront un caractère prescriptif.
Mon inquiétude est très claire, monsieur le secrétaire d'État, et je souhaiterais que vous puissiez la lever : est-il possible de renoncer à cette logique de centralisation de la politique de l'eau, qui est totalement inadaptée aux intérêts de nos concitoyens par rapport à ce que nous pouvons connaître, les uns et les autres, dans la proximité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous remercie tout d'abord de votre message personnel.
En réponse à votre question, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, a attribué la compétence de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, la compétence GEMAPI, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, les EPCI. Elle a également prévu un schéma cible d'organisation à trois niveaux.
Le premier niveau est celui des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, qui peuvent favoriser les liens avec d'autres compétences en interaction avec ces sujets, tels que l'urbanisme.
Le deuxième niveau est représenté par les établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux, constitués à l'échelle d'un sous-bassin versant, qui ont vocation à porter la maîtrise d'ouvrage des opérations et des travaux.
Le troisième niveau est représenté par les établissements publics territoriaux de bassin, constitués à l'échelle d'un grand bassin versant, qui ont pour rôle d'assurer la cohérence des actions dans une logique de gestion équilibrée et durable de l'eau.
La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a reporté la mise en uvre de la nouvelle compétence GEMAPI à 2018 et organisé le transfert des compétences eau et assainissement aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à l'horizon de 2020.
Les associations de collectivités ont souhaité disposer d'un document pédagogique permettant de clarifier la répartition des compétences entre les échelons de collectivités dans le domaine de l'eau. Cette demande, qui émane des associations d'élus, est à l'origine de la stratégie d'organisation des compétences locales de l'eau, le document SOCLE dont vous avez parlé.
Cette stratégie vise à identifier les responsabilités respectives de tous les acteurs de l'eau et doit prendre en compte la cohérence hydrographique, le renforcement des solidarités financières et territoriales ainsi que la gestion durable des équipements structurants du territoire nécessaire à l'exercice des compétences dans le domaine de l'eau.
Le Gouvernement a décidé que la première stratégie serait arrêtée par le préfet coordonnateur de bassin, après avoir été soumise à l'avis des collectivités et groupements concernés par voie électronique pour une période de deux mois, ainsi qu'à l'avis du comité de bassin.
J'ai bien conscience que cette réponse technique ne vous satisfera pas totalement, monsieur le sénateur, notamment en ce qui concerne les rapports entre l'État et les collectivités locales. Aussi, je propose de m'en entretenir avec vous à l'occasion. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup, ne serait-ce que parce que j'ai été chargé, au sein du Gouvernement, de la réforme de l'organisation territoriale de la République et en particulier de la compétence GEMAPI.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre proposition de dialogue.
Mon inquiétude est liée au mécanisme que je pressens prescriptif de ces stratégies adoptées par les préfets coordonnateurs, qui vont complètement à l'encontre de la règle de libre administration des collectivités, en particulier dans un domaine où les compétences étaient bien définies. Je suis quelque peu dubitatif sur la nécessité de recourir à des stratégies régionales pour clarifier les compétences. Les stratégies étaient, je le répète, définies : les intercommunalités avaient les maîtrises d'ouvrage et étaient exploitantes.
Il s'agit donc largement d'un retour en arrière. Au travers de votre proposition de poursuivre l'échange, je perçois que vous êtes conscient du problème, et je vous remercie d'être l'interprète de nos préoccupations au sein du Gouvernement.
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