Question de M. ABATE Patrick (Moselle - Communiste républicain et citoyen) publiée le 21/04/2016
M. Patrick Abate rappelle à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé qu'entre 1966 et 1996, et après avoir abandonné les essais nucléaires en Algérie, notre pays a mené 193 tirs dans le Pacifique. Dans un contexte de course aux armements, l'État a imposé aux citoyens polynésiens un héritage déplorable tant sur le plan environnemental que sanitaire.
En effet, les explosions ont fragilisé les fonds sous-marin, entraînant un risque d'effondrement de certains atolls. Les sols eux aussi sont touchés puisque contaminés de façon durable à cause des retombées et de la présence de débris toxiques et radioactifs (métaux lourds, plutonium
) qui menacent aujourd'hui encore la population. Aux milliers de personnes irradiés pendant les essais, il faut ajouter les déficits de naissance, malformations congénitales et autres infirmités que subissent toujours un nombre significatif d'enfants polynésiens, comme le démontre une étude publiée par l'observatoire des armements.
Suite à la levée du secret défense en 2013, les archives ont révélé que ces agissements se sont faits de façons lucide au regard de leurs impacts sanitaires. Malgré la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, seules dix-neuf personnes - dont seulement cinq Polynésiens ont pu bénéficier d'une indemnisation à ce jour. Quant à la rente annuelle versée à la Polynésie, elle ne cesse de se réduire année après année : fixée à 150 millions d'euros en 1996, elle passera en 2016 à 84 millions d'euros.
Face à cela, tout doit être mis en œuvre pour faire enfin la lumière sur les impacts des essais, assurer un véritable suivi sanitaire des populations, dédommager les victimes et procéder autant que possible à une décontamination des atolls.
Lors de sa visite en Polynésie en février 2016, le président de la République a reconnu dans son discours les impacts environnementaux et sanitaires des essais nucléaires et a proposé la création d'un centre d'archives, ainsi qu'une légère hausse de la dotation allouée à la Polynésie pour faire face aux conséquences des essais. On peut également saluer la volonté de modifier le décret d'application pour préciser la notion de risque négligeable pour certaines catégories de victimes lorsqu'il est démontré que les mesures de surveillance indispensables n'avaient pas été mises en place. Mais cette modification ne doit se faire qu'avec la présence des acteurs concernés.
Les associations qui luttent pour l'indemnisation de ces « oubliés du nucléaires » revendiquent de participer à la discussion concernant les indispensables modifications de réglementation sur la question de la qualification des risques.
Il lui demande si elle entend rencontrer ces associations afin de renforcer le processus démocratique de l'élaboration des textes.
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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 21/07/2016
Le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a été institué par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Auparavant consultatif et placé sous tutelle du ministère de la défense, le CIVEN est devenu, depuis la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, une autorité administrative indépendante, et fonctionne sous ce nouveau statut depuis février 2015. Le système d'indemnisation repose sur une présomption de causalité entre les expositions aux rayonnements ionisants des essais nucléaires français et une maladie radio-induite. La présomption de causalité bénéficie toujours au demandeur lorsqu'il souffre ou a souffert de l'une des maladies radio-induites mentionnées en annexe du décret du 15 septembre 2014 et qu'il a résidé ou séjourné dans l'une des zones entrant dans le périmètre du décret. Les frais d'expertises, quand celles-ci sont ordonnées par le CIVEN, sont à la charge de ce comité. La présomption de causalité ne peut être écartée que si le risque attribuable aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable au regard de la nature de la maladie et des conditions de l'exposition aux rayonnements ionisants. Cette présomption ne joue actuellement que si la probabilité de causalité est supérieure à 1%, seuil fixé par le CIVEN. La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires a été réunie le 13 octobre 2015, pour la première fois sous la présidence de la ministre des affaires sociales et de la santé. La ministre a fait part de sa volonté d'améliorer le dispositif d'indemnisation, en commençant par une plus grande transparence de la méthode d'indemnisation et d'appréciation du risque négligeable par le CIVEN pour identifier les leviers d'amélioration à recommander. Cette méthode a depuis été rendue publique. Sur la base des travaux engagés à la suite de cette première commission, le Président de la République a annoncé, lors de son déplacement en Polynésie française, que le décret d'application de la loi n° 2010-2 serait modifié pour préciser la notion de risque négligeable afin de permettre à plus de victimes d'être indemnisées, notamment lorsque les mesures de surveillance qui auraient été nécessaires n'ont pas été mises en place. La ministre des affaires sociales et de la santé a présidé, le 6 juillet 2016, la deuxième réunion de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires et a notamment présenté le projet de décret annoncé par le Président de la République. Avec ce projet, le Gouvernement propose de fixer un seuil de probabilité plus bas, à 0,3 %. Par ailleurs, le projet prévoit que le CIVEN puisse également prendre en compte d'autres éléments pour ouvrir droit à indemnisation et notamment l'incertitude liée à la sensibilité de chaque individu aux radiations et à la qualité des relevés dosimétriques. Enfin, le projet de décret précise les cas dans lesquels le risque que la maladie radio-induite dont est atteint le demandeur soit attribuable aux essais nucléaires ne peut pas être considéré comme négligeable : lorsqu'aucune donnée dosimétrique ne peut être prise en compte et alors que des mesures de surveillance qui auraient été nécessaires n'ont pas été mises en place. Par ailleurs, le projet prévoit la mise en place de visioconférences pour que les victimes puissent se faire entendre par le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) lorsque les distances géographiques ne permettent pas un déplacement coûteux. Enfin, la commission a considéré qu'il convenait d'étudier l'hypothèse d'un élargissement des maladies radio-induites listées en annexe du décret de 2014. L'ensemble des membres de la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires a pu s'exprimer au cours de la réunion et notamment les associations dont l'AVEN.
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