Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - Socialiste et républicain) publiée le 21/01/2016
Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la persistance de la crise agricole, en particulier dans les filières d'élevage.
En Normandie comme ailleurs, que ce soit en production de viande bovine, porcine ou encore en production laitière, les filières d'élevage traversent une période extrêmement difficile. Les prix à la production, fortement dégradés, ne permettent plus la rémunération d'une partie des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, souvent fragilisées depuis plusieurs années.
Certes, le « plan de soutien à l'élevage » (PSE) annoncé par le Gouvernement le 22 juillet 2015 et complété le 3 septembre 2015 est aujourd'hui pleinement opérationnel. Au total, sur la période 2015-2017, il est prévu de mettre en place des mesures conjoncturelles et structurelles pour un montant total de 700 millions d'euros répartis entre budgets de l'État et de la sécurité sociale. À ceci s'ajoutent les 63 millions d'euros obtenus par la France lors du Conseil européen de septembre 2015 réuni à sa demande.
Cependant, malgré ce plan, des questions demeurent en ce début 2016, année dont on peut craindre qu'elle soit aussi défavorable aux activités agricoles que l'année 2015. Au-delà des filières d'élevage, les productions végétales (céréales, oléo-protéagineux) connaissent elles aussi des conditions de vente très défavorables, sans perspective de redressement à court terme. Ce faisant, il apparaît bien que, sans intervention publique coordonnée au niveau européen, les filières agricoles françaises vont au-devant de plus grandes difficultés encore.
Dans ce contexte, elle souhaiterait connaître le nombre de demandes déposées par des éleveurs normands en difficulté, en particulier du Calvados, en vue de bénéficier des mesures inscrites dans le PSE (allègements de charges, allègements ou effacements de cotisations sociales, aides à la restructuration de dettes bancaires, allègements d'impôts
).
Aussi, compte tenu de l'acuité de la crise, il ne fait aucun doute que les demandes d'aides ne vont pas se tarir. Elle souhaiterait donc connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour y faire face et assurer aux éleveurs un soutien pérenne.
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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation
Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 22/06/2017
Le secteur de l'élevage, en particulier du lait de vache et de la viande bovine a traversé en 2016 une crise face à laquelle des mesures d'urgence et structurelles ont été mises en place au niveau de l'Union européenne (UE) et au niveau français. Des conditions climatiques exceptionnelles particulièrement défavorables se sont ajoutées à cette crise ce qui a eu un impact sur la production de céréales dans un contexte de cours dégradés, conduisant à une dégradation très sensible des résultats économiques des exploitations agricoles. Au niveau national, un plan de soutien à l'élevage a été mis en oeuvre dès l'été 2015, complété et élargi le 26 janvier 2016 pour certaines mesures à d'autres filières, notamment les producteurs de céréales et de fruits et légumes. Ce soutien a bénéficié des crédits de l'UE à hauteur de près de 63 millions d'euros. Dans ce cadre, les 47 000 éleveurs les plus en difficulté ont bénéficié d'un versement de 400 millions d'euros d'aides nationales et de l'UE via un fonds d'allègement des charges et de mesures d'allègement et de prise en charge de cotisations sociales ainsi que des mesures fiscales. En complément, la mesure de restructuration bancaire pouvant conduire à une « année blanche bancaire », des éleveurs et des agriculteurs en difficulté, a été prolongée à plusieurs reprises et est ouverte jusqu'au 30 juin 2017, dans le même calendrier que l'aide à la garantie des prêts. Il est rappelé que cette mesure concerne les exploitations d'élevage, mais également de céréales, de fruits et légumes ainsi qu'aux horticulteurs et pépiniéristes en difficultés. Dans le département du Calvados, 910 éleveurs ont bénéficié d'une aide à l'allègement des charges ou à la restructuration de dette bancaire, pour un montant total de plus de 5,6 millions d'euros d'aides nationales et de l'UE. Au-delà de ces aides d'urgence, des allègements de charges durables et d'une ampleur sans précédent pour les agriculteurs (sur le coût du travail et en matière de charges personnelles) ont été mis en place. Ceux-ci bénéficieront en 2016 au total d'un allègement de charges de 2,3 milliards d'euros (contre 1 milliard d'euros en 2012), qui vient s'ajouter aux mesures d'urgence mises en place en parallèle. Conscient de la situation exceptionnelle et sans précédent à laquelle les filières animales sont confrontées avec la conjonction de cours bas et l'impossibilité, pour les exploitations possédant plusieurs ateliers, de les compenser par des revenus plus satisfaisants avec les productions céréalières, l'État s'est mobilisé dès le 27 juillet 2016 pour accompagner les exploitants agricoles et soutenir ce secteur stratégique pour l'économie française. Un premier ensemble de mesures a ainsi été décidé pour soulager la trésorerie des exploitants et leur permettre de mettre en place un nouveau cycle de production. Ont ainsi été mis en uvre un report de paiement de cotisations sociales, le lancement d'une procédure de dégrèvement d'office de taxe sur le foncier non bâti, et la reconnaissance de la force majeure dans les départements sinistrés afin de permettre aux agriculteurs de conserver le bénéfice de leurs aides de la politique agricole commune et obtenir certaines dérogations indispensables au maintien du bénéfice des aides dans ces circonstances exceptionnelles. Conformément au calendrier annoncé le 27 juillet 2016, un bilan de la campagne écoulée a été établi dès la fin de l'été, afin de définir des mesures de soutien aux agriculteurs adaptées aux pertes dans le cadre du pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles (PCREA). Ce pacte, présenté le 4 octobre 2016, associe l'État, les agriculteurs, les banques, de multiples acteurs du monde agricole ainsi que plusieurs régions dans le but de faciliter le refinancement du secteur agricole français et lui permettre de conserver sa compétitivité, notamment à l'exportation. Le PCREA s'adresse à l'ensemble des agriculteurs français, avec des mesures plus particulièrement ciblées sur la crise conjoncturelle qui touche le secteur céréalier, et des mesures spécifiques pour le secteur de l'élevage qui traverse une crise persistante depuis 2015. Ainsi, ce pacte s'articule autour de quatre axes principaux : permettre aux agriculteurs de se refinancer aux conditions les plus favorables, soutenir la trésorerie des exploitations à court terme, mobiliser des moyens européens et nationaux pour les éleveurs et accompagner socialement les situations les plus fragiles. De plus, grâce à la mobilisation déterminée de la France, la Commission européenne a mis en place en juillet 2016 un dispositif de régulation de la production laitière doté de 150 millions d'euros ainsi que des aides aux producteurs de lait de vache et de viande bovine, pour laquelle la France a obtenu une enveloppe de 49,9 millions d'euros (sur un total de 350 millions d'euros) avec des financements complémentaires nationaux. Grâce à cette enveloppe, la France a décidé d'apporter un soutien supplémentaire de 100 euros par tonne pour l'aide à la réduction de la production, soit au total 240 euros par tonne de lait non produite durant les trois derniers mois de l'année 2016, dans la limite de 5 % de la production du dernier trimestre 2015. Pour les producteurs s'engageant à une réduction de production en novembre et décembre 2016 et janvier 2017, un dispositif similaire est mis en place et permet à ces derniers d'obtenir un soutien au même niveau que les producteurs qui se sont engagés précédemment, conformément aux annonces gouvernementales du 4 octobre 2016. Cela vise à rééquilibrer le marché du lait, sans provoquer de diminution brutale du cheptel de vaches laitières qui aurait un impact négatif sur le marché de la viande bovine. De plus, un dispositif d'appui en trésorerie est actuellement déployé pour les producteurs de lait de vache en difficulté et répondant à certains critères (autonomie fourragère, « stabilisation de la production », « petite exploitation », membre d'une organisation de producteurs ou d'une coopérative). Les premiers versements d'une aide de 1 000 euros pour près de 20 000 exploitations laitières ont été réalisés fin décembre sur la base d'une procédure simplifiée pour les producteurs ayant bénéficié du plan de soutien à l'élevage. Les autres exploitations pouvaient déposer une demande d'aide auprès de la direction départementale des territoires (et/ou de la mer) du siège de leur exploitation au plus tard le 28 février 2017. Pour les éleveurs de bovins viande, une aide forfaitaire de 150 euros par animal est octroyée aux producteurs de jeunes bovins mâles produisant des animaux plus légers. Ce dispositif opérationnel sur les mois de janvier et février 2017 a été prolongé jusqu'à fin mai. Il vise à diminuer la quantité de viande sur le marché pour le rééquilibrer et redonner des perspectives de prix à l'instar de ce qui a été fait pour le lait. Le PCREA prévoit par ailleurs, depuis le 15 novembre 2016, un dispositif d'assurance-crédit export court terme pour des marchés agricoles et agroalimentaires du pourtour méditerranéen ; il est opérationnel pour le Liban, l'Egypte et l'Algérie. Il a été élaboré en concertation étroite avec les professionnels et vise à renforcer les actions des exportations françaises vers ces pays cibles. Enfin, un programme de promotion de la consommation de viande bovine de qualité doté d'un budget de 7 millions d'euros est mis en uvre afin d'accompagner la stratégie des producteurs de viande issue du troupeau allaitant visant à s'adapter à la demande du consommateur. Ces différentes mesures économiques constituent des réponses concrètes pour soulager la trésorerie des exploitations et chercher à rééquilibrer les marchés du lait et de la viande. Néanmoins, en raison de la grande fragilité économique, voire de détresse psychologique dans laquelle se trouvent certains exploitants, ce pacte prévoit un volet social important pour accompagner les agriculteurs en grande difficulté. Ainsi, la mutualité sociale agricole (MSA), interlocuteur privilégié des agriculteurs sur les questions sociales, a été sollicitée pour mettre systématiquement en uvre le « rendez-vous prestations MSA » pour les exploitants en difficulté, en élargissant l'information aux autres dispositifs (aide à la reconversion professionnelle, formation professionnelle, cumul emploi-retraite, retraite progressive, délais de paiement, etc.) et en articulant le réseau MSA avec les autres acteurs du monde agricole (chambres d'agriculture, Vivea, solidarités paysans, etc.). En parallèle, l'accès des agriculteurs aux prestations sociales de droit commun doit être facilité dans le cadre de la loi de finances pour 2017, avec l'assouplissement des conditions d'éligibilité à la prime d'activité et au revenu de solidarité active (RSA). De plus, les règles de calcul du RSA et de la prime d'activité pour les exploitants agricoles vont être adaptées, dans le cadre d'un décret en Conseil d'État en cours de finalisation, afin d'améliorer la prise en compte de leur situation réelle. Enfin, une enveloppe exceptionnelle, dans la limite de 4 millions d'euros, est déléguée à la caisse centrale de la MSA dans le cadre du fonds d'action sanitaire et sociale afin de financer le remplacement temporaire d'agriculteurs en situation d'épuisement professionnel. Le Gouvernement est également attaché à pouvoir accompagner la sortie d'activité des agriculteurs souhaitant se reconvertir ou entrer progressivement en retraite. L'aide à la réinsertion professionnelle (ARP), qui peut être octroyée à des bénéficiaires ayant cessé leur activité agricole et n'exerçant plus aucune activité économique, comprend ainsi une aide au départ de 3 100 euros par actif, une aide de déménagement de 1 550 euros pour les personnes contraintes à quitter leur logement ainsi que la possibilité pour le bénéficiaire, en tant que demandeur d'emploi, de suivre une formation professionnelle rémunérée. L'ARP, dont l'enveloppe budgétaire a été abondée, sera mise en uvre au sein des cellules départementales d'urgence. Dans le cadre d'un partenariat entre l'État et le fonds mutualisé d'assurance formation des actifs non-agricoles Vivea, ce dernier pourra apporter jusqu'à 2 500 euros supplémentaires à chaque bénéficiaire. L'entrée progressive en retraite sera quant à elle accompagnée via les dispositifs de droit commun de cumul emploi-retraite. Au-delà de ces différentes mesures, les aléas climatiques subis en 2016 par l'agriculture française ont une nouvelle fois souligné l'intérêt pour les exploitants de pouvoir assurer leur récolte. Aussi, afin de favoriser le développement de l'assurance-récolte, en particulier le contrat-socle subventionnable qui permet de répondre à une logique de « coup dur », il a été décidé, pour l'année 2017, de garantir un taux de subvention de 65 % des primes d'assurance pour ce premier niveau, alors que ce taux est normalement un plafond ajustable en fonction du montant total subventionnable des contrats.
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