Question de Mme GAOUYER Marie-Françoise (Seine-Maritime - SOC) publiée le 30/01/2014

Mme Marie-Françoise Gaouyer appelle l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'avenir des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) dits interdépartementaux. Les EPTB sont reconnus, depuis la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, comme les acteurs de référence en matière de politique de l'eau à l'échelle d'un bassin versant ou sous-bassin. Depuis dix ans, ils ont acquis une expérience et un savoir faire irremplaçables. Au delà de leur rôle essentiel pour la prévention des inondations, la préservation des zones humides et la gestion équilibrée de la ressource en eau, qui sont leur cœur de compétence, ils ont apporté une contribution décisive dans notre connaissance de ces espaces et pour leur valorisation auprès du public.
En les intégrant aux dispositifs du projet de loi de modernisation de l'action publique et l'affirmation des métropoles (MAPAM), au titre de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gémapi), compétence désormais dévolue aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre avec possibilité de délégation vers un EPTB, le ministère a reconnu cette expérience, ainsi que la pertinence de la gestion par bassin versant, la seule à même d'apporter la cohérence indispensable pour ces espaces qui ne connaissent pas nos frontières administratives.
Toutefois, le transfert ou la délégation de compétence reste volontaire et fragilise les EPTB actuels. De plus, ceux-ci n'ont été que partiellement intégrés, puisque la version actuelle de la loi ne fait référence qu'aux syndicats mixtes, qui ne sont qu'une forme d'organisation administrative de ces établissements. En effet, parmi les trente-six EPTB, dix sont des institutions interdépartementales.
Cette décision d'écarter un quart des établissements est étonnante et préjudiciable. Elle crée, tout d'abord, des ambiguïtés localement : certains EPCI vont devoir prendre en charge la Gémapi, sans expérience et avec peu de moyens, alors même qu'un EPTB interdépartemental assurait cette compétence avec succès jusqu'alors. Impossible, pour le premier, de donner délégation au second pour assurer cette compétence. Faudra-t-il que l'EPTB disparaisse et que les EPCI reprennent le travail à zéro ? Faudra-t-il que l'EPTB change de forme et devienne un syndicat mixte ?
Cette deuxième solution n'est pas intrinsèquement mauvaise mais elle comporte des risques. Détruire une institution pour recréer un syndicat mixte serait d'abord long, juridiquement complexe et politiquement périlleux. Le risque de voir des départements se désengager, au regard notamment des contraintes budgétaires qu'ils connaissent, est notamment à craindre. Une telle solution, si souhaitable soit-elle, est porteuse de fragilités à tous les niveaux.
C'est pourquoi elle lui demande quel avenir son ministère réserve à ces EPTB interdépartementaux. Elle lui demande, en outre, si l'État est prêt à les accompagner activement dans cette transition qu'il semble appeler de ses vœux. Enfin, elle lui demande comment il envisage de renforcer, sur tout le territoire national, la logique globale de gestion par bassin versant, seule à même d'assurer les solidarités entre collectivités.

- page 245

Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 16/04/2014

Réponse apportée en séance publique le 15/04/2014

Mme Marie-Françoise Gaouyer. Monsieur le secrétaire d'État, ma question concerne les établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, reconnus depuis la loi de juillet 2003 comme les acteurs de référence en matière de politique de l'eau à l'échelle d'un bassin versant ou d'un sous-bassin.

Depuis dix ans, ces établissements ont acquis une expérience et un savoir-faire irremplaçables. Au-delà de leur rôle essentiel dans la prévention des inondations, la préservation des zones humides et la gestion équilibrée de la ressource eau, qui constituent leur cœur de compétence, les EPTB ont apporté une contribution décisive à notre connaissance de ces espaces et à leur valorisation auprès du public.

À titre d'exemple, l'EPTB de la Bresle mène des actions aux échelles adaptées, à la demande des collectivités ou même des agriculteurs : engagement des travaux de restauration de la continuité écologique, avec des résultats concluants en termes de remontée des poissons migrateurs ; lancement d'une étude pour lutter contre les érosions et les ruissellements sur un sous-bassin ; animation, avant sa validation, du schéma d'aménagement et de gestion des eaux...

Monsieur le ministre, en intégrant les EPTB aux dispositifs de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la MAPAM, au titre de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, la Gémapi, compétence désormais dévolue aux établissements publics de coopération intercommunale - les EPCI - à fiscalité propre, avec possibilité de délégation vers un EPTB, vous avez reconnu cette expérience ainsi que la pertinence de la gestion par bassin versant, seule à même d'apporter la cohérence indispensable pour des espaces qui ne connaissent pas nos frontières administratives.

Toutefois, le transfert ou la délégation de cette compétence restent volontaires, ce qui fragilise les EPTB actuels. De plus, ceux-ci n'ont été que partiellement intégrés puisque la version actuelle de la loi ne fait référence qu'aux syndicats mixtes, qui ne sont qu'une forme d'organisation administrative de ces établissements. En effet, parmi les trente-six EPTB, dix sont des institutions interdépartementales.

Cette décision d'écarter un quart des établissements est étonnante et préjudiciable. Tout d'abord, elle crée des ambiguïtés localement : certains EPCI vont devoir prendre en charge la Gémapi, sans expérience et avec peu de moyens, alors même qu'un EPTB interdépartemental assurait jusqu'alors cette compétence avec succès. Or il est impossible pour les EPCI de donner délégation à un tel EPTB pour assurer cette compétence ! Faudra-t-il que l'EPTB disparaisse et que les EPCI reprennent le travail à zéro ? Faudra-t-il que l'EPTB change de forme et devienne un syndicat mixte ?

Cette seconde solution n'est pas intrinsèquement mauvaise, mais elle comporte des risques. Détruire une institution pour recréer un syndicat mixte serait long, juridiquement complexe et politiquement périlleux. En particulier, le désengagement de certains départements, au regard notamment des contraintes budgétaires qu'ils connaissent, est à craindre. Vous le voyez, cette solution, si souhaitable soit-elle, recèle des fragilités à tous les étages !

Monsieur le ministre, quel avenir le ministère du développement durable réserve-t-il aux EPTB interdépartementaux ? L'État est-il prêt à les accompagner activement dans la transition que vous semblez appeler de vos vœux ? Enfin, comment envisagez-vous de renforcer sur tout le territoire national la logique globale de gestion par bassin versant, seule à même d'assurer les solidarités entre collectivités ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, je vais vous faire connaître la réponse de Mme Ségolène Royal.

La politique de gestion des milieux aquatiques et de prévention des risques d'inondations et de submersion nécessite la structuration d'une maîtrise d'ouvrage territoriale en charge de la gestion permanente des ouvrages hydrauliques, la maîtrise de l'urbanisation des zones exposées, la gestion intégrée des cours d'eau et une sensibilisation des élus et de la population.

Ces compétences étaient jusqu'alors facultatives et partagées entre tous les niveaux de collectivités. La loi MAPAM, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, a donc attribué aux communes une compétence ciblée et obligatoire relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations. Toutefois, ces compétences pourront être exercées, en lieu et place des communes, par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ou être déléguées ou encore être transférées si les communes adhèrent à des groupements de collectivités.

La loi distingue désormais trois échelles cohérentes pour la gestion des milieux aquatiques : le bloc communal, assurant un lien étroit et pérenne entre la politique d'aménagement et les missions relatives à la gestion du milieu aquatique et la prévention des risques d'inondation ; l'établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau - l'EPAGE - en charge de la maîtrise d'ouvrage locale et de l'animation territoriale dans le domaine de l'eau à l'échelle du bassin versant de cours d'eau ; l'établissement public territorial de bassin - l'EPTB -, en charge de missions de coordination et de maîtrise d'ouvrage de projets d'intérêt commun à l'échelle du groupement de bassins versants.

Lors du vote de la loi MAPAM, le législateur a décidé que les institutions interdépartementales ne pourraient plus être reconnues comme EPTB. Ces groupements, essentiels pour la mise en œuvre de la politique de l'eau, devront donc évoluer en syndicats mixtes. L'introduction d'une période transitoire pour leur permettre de le faire dans de bonnes conditions pourrait cependant être opportune. Un amendement du Gouvernement a été adopté en ce sens par le Sénat ces derniers jours dans le cadre du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Plus largement, pour encourager le regroupement des collectivités à des échelles cohérentes sur le plan hydrographique, ne pas déstabiliser les structures existantes et garantir la solidarité territoriale, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux doivent identifier dès 2015 les bassins, les sous-bassins ou les groupements de sous-bassins hydrographiques qui justifient la création ou la modification du périmètre des EPTB et des EPAGE.

Cette réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2016. Le Comité national de l'eau et la Commission mixte inondation se sont réunis le 2 avril dernier pour examiner ses modalités de mise en œuvre avec les représentants de tous les partenaires concernés. Une mission d'appui sera constituée dans chaque bassin, sous l'autorité du préfet coordonnateur de bassin, pour accompagner la réforme.

Par ailleurs, les structures assurant des missions de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, à la date de publication de la loi MAPAM, continuent à exercer les compétences qui s'y rattachent jusqu'au transfert de celles-ci aux EPCI à fiscalité propre et, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2018.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Gaouyer.

Mme Marie-Françoise Gaouyer. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, et je vous prie de faire savoir à Mme Royal que nous serions ravis de la recevoir.

Sur la Bresle, qui est un fleuve très riche en poisson, notamment en saumon, la gestion diffère d'un versant à l'autre, d'un département à l'autre, voire d'une région à l'autre. C'est de là que surviennent les problèmes. Il faut en outre savoir qu'une communauté de communes interrégionale est impliquée.

- page 3059

Page mise à jour le