Question de M. AMOUDRY Jean-Paul (Haute-Savoie - UDI-UC) publiée le 21/03/2013

M. Jean-Paul Amoudry attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le régime d'imposition des plus-values immobilières réalisées lors de la cession de biens pour la construction de logements sociaux.

Au cours des débats parlementaires préalables au vote de la loi de finances pour 2013, l'Assemblée nationale avait prorogé, jusqu'en décembre 2014, les régimes d'exonération codifiés sous les 7e et 8e du II de l'article 150 U du code général des impôts, qui avaient pris fin le 31 décembre 2011.

Ces dispositions, entrées en vigueur avec la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, permettaient aux particuliers de bénéficier d'une exonération des plus-values immobilières qu'ils réalisent lors de la cession de biens à un organisme en charge du logement social ou à une collectivité territoriale en vue de leur cession à un tel organisme.

Or, cette exonération n'était pas étendue aux bailleurs privés et le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, a estimé que ce choix du législateur avait pour conséquence de porter atteinte à l'égalité devant l'impôt.

Cette décision supprime une mesure qui, en complément de la mobilisation du foncier public en faveur du logement, avait un caractère fortement incitatif pour la mise en marché de réserves foncières privées.

Une telle mise en marché s'avère pourtant extrêmement utile pour faire face à la crise du logement, qui frappe directement plus de 10 millions de Français (dont 3,6 millions de mal-logés ou de sans logement), et contribuerait ainsi à la relance du secteur de l'artisanat du bâtiment, qui traverse une période difficile en raison de la crise économique qui frappe notre pays.

Aussi, souhaiterait-il savoir si le Gouvernement projette de rétablir le bénéfice de cette exonération, en vue de la nécessaire réalisation de logements sociaux, quelle que soit la qualité de l'opérateur.

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Réponse du Ministère chargé des Français de l'étranger publiée le 05/06/2013

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2013

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où le Parlement autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures d'ordre essentiellement administratif, urbanistique et procédural propres à relancer la construction du logement et de logements sociaux, nous devons nous interroger sur l'abandon d'un dispositif financier qui pourrait apporter une aide décisive à cette politique : je veux parler du régime spécifique d'imposition des plus-values immobilières réalisées lors de la cession de biens pour la construction de logements sociaux.

Entrées en vigueur avec la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, ces dispositions, codifiées sous les 7° et 8° du II de l'article 150 U du code général des impôts, ont permis aux particuliers de bénéficier d'une exonération des plus-values immobilières qu'ils réalisent lors de la cession de biens à un organisme en charge du logement social ou à une collectivité territoriale en vue de leur cession à un tel organisme. Surtout, ces dispositions ont contribué à favoriser la construction de logements sociaux et avaient donné des résultats significatifs.

Ce régime d'exonération, qui devait prendre fin au 31 décembre 2011, a été opportunément rétabli jusqu'en décembre 2014 par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2013. Or, par une décision du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a estimé que ce choix du législateur avait pour conséquence de porter atteinte à l'égalité devant l'impôt du fait que l'exonération n'était pas étendue aux bailleurs privés, et il a censuré cette disposition.

Ainsi a été supprimée une mesure qui, en complément de la mobilisation du foncier public en faveur du logement, avait un caractère fortement incitatif pour la mise en marché de réserves foncières privées. Or, une telle mise en marché se révèle extrêmement utile pour faire face à la crise du logement qui, rappelons-le, frappe directement plus de 10 millions de Français, parmi lesquels plus de 3 millions de mal-logés ou de sans logement ; elle contribuerait ainsi à la relance du secteur de l'artisanat du bâtiment, qui traverse actuellement une période particulièrement difficile.

Aussi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir me faire connaître si le Gouvernement projette, dans le respect du cadre constitutionnel, de proposer à nouveau une mesure d'exonération de droits ciblée exclusivement sur la réalisation de logements sociaux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur Amoudry, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Pierre Moscovici, qui est retenu ce matin.

Comme vous l'indiquez, les plus-values réalisées jusqu'au 31 décembre 2011 par les particuliers lors de la cession d'immeubles au profit d'organismes en charge du logement social ou, notamment, d'une collectivité territoriale en vue de la rétrocession des immeubles concernés à de tels organismes étaient exonérées d'impôt sur le revenu, et par suite de prélèvements sociaux.

Vous souhaitez que ces exonérations soient rétablies, en prévoyant toutefois d'en élargir le champ d'application, au-delà des cessions directes ou indirectes réalisées au profit d'organismes en charge du logement social, à celles qui sont réalisées au profit de tous les opérateurs susceptibles de construire des logements sociaux.

L'article 15 de la loi de finances pour 2013, qui, à titre principal, aménageait le régime d'imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir afin de lutter contre la rétention des ressources foncières par les propriétaires et d'accroître ainsi l'offre de logements, prévoyait également de reconduire jusqu'au 31 décembre 2014 les exonérations attachées à la cession, directe ou indirecte, d'immeubles aux bailleurs sociaux.

Toutefois, dans une appréciation globale des impositions qui auraient pesé sur les plus-values de cessions de terrains à bâtir à l'issue de la réforme, le Conseil constitutionnel a censuré l'ensemble des dispositions de l'article 15 de la loi de finances pour 2013 par sa décision du 29 décembre 2012, y compris donc la reconduction jusqu'au 31 décembre 2014 des exonérations attachées aux plus-values de cessions d'immeubles à des bailleurs sociaux.

C'est pour ce seul motif, tenant au risque d'une imposition excessive au titre des plus-values de cessions de terrains à bâtir, que le Conseil constitutionnel a annulé l'ensemble de l'article 15 de la loi de finances, sans se prononcer sur les autres griefs des auteurs de la saisine contre cet article, notamment sur celui selon lequel l'exonération des plus-values immobilières prévue lorsque la cession est réalisée au profit d'un bailleur social pour réaliser des logements sociaux, alors qu'une telle exonération n'est pas applicable aux bailleurs privés, porterait atteinte à l'égalité devant l'impôt.

À cet égard, contrairement aux opérateurs privés qui n'ont pas l'obligation de construire exclusivement des logements sociaux, la qualité même de ces organismes cessionnaires écarte toute possibilité d'utilisation des biens cédés à d'autres fins que la construction de ce type de logements. Elle constitue ainsi un gage d'utilisation des biens cédés conforme à l'objectif recherché, qui rend inutile l'introduction de mécanismes de contrôle nécessairement complexes destinés à garantir cette utilisation spécifique.

En tout état de cause, compte tenu de l'intensité de la crise du logement, le Gouvernement entend engager une nouvelle réflexion, dans le respect des exigences formulées par le Conseil constitutionnel, en vue de la mise en place d'une fiscalité plus juste, propre à améliorer l'offre de logement en incitant à la mise sur le marché des ressources immobilières, notamment non bâties, dont notre pays a besoin.

C'est dans le cadre de cette réflexion d'ensemble, monsieur le sénateur, que la mise en place d'un dispositif particulier d'incitation fiscale à la cession de biens immobiliers en faveur des organismes en charge du logement social a vocation à s'intégrer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse ; je me réjouis en particulier de la réflexion que le Gouvernement compte engager, dans le cadre du respect des principes constitutionnels.

Je comprends l'extrême complexité qu'il y a à étendre la mesure à des bailleurs privés dont le métier n'est pas exclusivement le logement social. Cependant, pour réduire le déficit de logement, qui est un enjeu national, il me semble indispensable d'aller au-delà des mesures d'ordre administratif et procédural qui sont envisagées. Compte tenu de l'urgence, il me semble qu'un levier financier, tel que le régime fiscal que j'ai évoqué, devrait s'imposer.

J'ajoute que le coût pour les finances publiques serait, à mon sens, avantageusement compensé : sur le plan humain, d'abord, par la mise à disposition de logements à ceux qui en sont privés, sur le plan économique, ensuite, puisqu'une vigoureuse reprise de la construction s'ensuivrait, sans compter les innombrables retombées positives sur le plan social, par la baisse du chômage, mais aussi sur le plan financier, par la diminution des indemnités aux personnes privées d'emploi.

Pour toutes ces raisons, nous devrions rapidement nous orienter vers des mesures de caractère fiscal sans lesquelles je crains que nous ne parvenions pas à résorber le déficit dans le domaine du logement social.

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