Question de M. GOURNAC Alain (Yvelines - UMP) publiée le 07/02/2013

M. Alain Gournac attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la décision qui pourrait être prise d'interdire à partir de 2015 les feux de cheminée à foyer ouvert en Île-de-France. La raison serait, paraît-il, d'ordre médical et la mesure d'ordre sanitaire, la combustion du bois étant à l'origine de particules fines responsables de nombreux troubles respiratoires et d'allergies.
Qui peut croire à la dangerosité de la flambée ? Les Français sont inquiets. Devant l'aberration d'une mesure qui discrédite ceux qui la prennent, ils se demandent qui décide quoi dans notre pays ou plus exactement quel obscur fonctionnaire s'est fait approcher et par quel lobby pour qu'une telle mesure puisse être envisagée. La santé publique a bon dos. Qu'est devenu le peuple souverain pour qu'il puisse se voir imposer une chose aussi étrange dans une période où l'urgence est ailleurs ? Dans quel monde vivons-nous ? Finies les soirées au coin du feu ! Auront-elles lieu désormais à côté du radiateur électrique ?
Aussi il lui demande de bien vouloir préciser aux Français ce qu'il en est exactement de cette décision.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 10/04/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2013

M. Alain Gournac. Madame la ministre, un bruit, qui n'était pas celui d'une bûche dans l'âtre, est parvenu à mes oreilles, un bruit selon lequel il serait désormais interdit aux Français de faire ce que mon père appelait une « flambée », autour de laquelle la famille se retrouvait...

J'observe un vif émoi chez les Franciliens, je rencontre des habitants du Pecq, ville dont je fus longtemps maire, qui m'interpellent : « Est-il vrai, monsieur le sénateur, que l'on va nous empêcher de faire des feux dans nos cheminées à partir de 2015 ? » Bien sûr, j'émets les plus grands doutes, mais je les assure que, faute d'éléments d'information précis, je me renseignerai.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, madame la ministre, je m'adresse à vous : pour obtenir ces informations.

Croyez-moi, au moment où l'on met tous les repères par terre, beaucoup de Français, dans mon département ou ailleurs, veulent acheter une maison avec une cheminée ; et s'il n'y en a pas, la première chose qu'ils font en prenant possession de leur maison est d'en faire installer une. Alors, allez donc leur expliquer qu'ils n'auront plus le droit, à partir de 2015, de faire un feu de cheminée à « foyer ouvert », que seuls les feux de cheminée à « foyer fermé » seront autorisés !

Madame la ministre, franchement, où est le danger de la « flambée » ? Comme moi, les Français ne comprennent pas pourquoi le Gouvernement veut leur interdire ce petit plaisir qu'ils s'accordent à la saison froide ou lorsque les nuits sont encore fraîches.

En tant que modeste législateur, je me demande comment mes engagements pourront être crédibles si je dois annoncer à mes concitoyens qu'ils ne pourront plus faire de feux de cheminée et que la famille devra désormais se rassembler autour du radiateur électrique ! (Sourires.) Cela me paraît aberrant !

Bien sûr, je souhaite que la santé publique soit préservée. Mais croyez-vous vraiment que les particules qui s'échappent d'une cheminée nuisent de manière si décisive à notre santé ?

Enfin, cette interdiction a été décidée en catimini, sans aucune publicité ; je lis toute sorte de documents, et je n'en ai trouvé trace nulle part. Ce n'est pas correct ! Il faut respecter les Français !

Madame la ministre, je sais que vous êtes très attentive à tout cela. Par conséquent, j'écouterai votre réponse avec beaucoup d'intérêt.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je veux vous répondre de la façon la plus franche.

Bien sûr, tout le monde apprécie un feu de bois dans la cheminée, mais il se trouve que 60 % de la population de notre pays est exposée à une qualité de l'air dégradée, dont les effets sur la santé sont désormais avérés : irritations, allergies, asthme, insuffisances respiratoires graves, maladies cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux, cancers...

Selon une étude de la Commission européenne, la pollution par les particules serait à l'origine d'environ 42 000 décès prématurés par an en France.

En outre, notre pays accuse un retard important dans le respect de la directive européenne sur la qualité de l'air de 1996. Nous sommes sous la menace d'une condamnation lourde de la Commission européenne.

C'est un fait : les vieux appareils de chauffage au bois et les foyers ouverts sont fortement émetteurs de particules. Les flambées dans les foyers ouverts représentent ainsi 27 % des émissions de particules dans l'air en Île-de-France.

Il y a là des leviers importants pour réduire significativement ces émissions, sans perte de confort. Je rappelle qu'un foyer ouvert émet six à huit fois plus de particules qu'un foyer fermé à l'aide d'un insert. Une chaudière à bois émet jusqu'à quinze fois moins de particules qu'une cheminée ouverte.

Voilà pourquoi les services de l'État en charge de l'élaboration du plan de protection de l'atmosphère pour l'Île-de-France ont proposé, après concertation - car il y a eu concertation, monsieur le sénateur -, des mesures visant à limiter les émissions de particules dues aux équipements de combustion individuels du bois. Ce plan, approuvé par arrêté interpréfectoral le 25 mars 2013, prévoit ainsi l'interdiction totale de l'utilisation des foyers ouverts à compter du 1er janvier 2015 en zone sensible.

Je vous signale que le préfet de région d'Île-de-France avait déjà interdit, en 2007, l'utilisation des foyers ouverts, sauf pour l'appoint et l'agrément.

À Paris, la combustion du bois sera totalement interdite, sauf dérogation par arrêté préfectoral. Dans la zone sensible, hors Paris, seront autorisées les cheminées à foyer fermé par un insert ou un poêle performant, c'est-à-dire doté d'un bon rendement énergétique, ce que l'on appelle « qualité flamme verte ».

Le remplacement des équipements de plus de quinze ans par des installations performantes sera recommandé et encouragé.

J'ajoute que ces mesures ont été discutées dans le cadre du Conseil national de l'air et ont fait l'objet d'une ample concertation avec l'ensemble des associations et des partenaires de la politique de l'État en matière d'amélioration de la qualité de l'air.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Madame la ministre, j'apprécie votre franchise. Cette qualité est importante pour répondre à ce genre de questions.

Pourriez-vous demander à vos services de rédiger une brève note pour expliquer cela à mes Alpicois et aux habitants de nos campagnes des Yvelines. Sinon, ils vont se dire que leur sénateur est fou ! (Sourires.)

Bien sûr, il va falloir aussi mettre en place une police des foyers ouverts, chargée de surveiller les toits et de vérifier que la fumée sortant des cheminées est bien verte ! (Sourires.)

Moi, madame la ministre, je proteste !

Je ne conteste pas du tout la nécessité de protéger la santé de nos concitoyens, mais sincèrement il est aussi important de pouvoir se retrouver en famille, que ce soit à la campagne ou près de Paris, autour d'une flambée. Dans la famille Gournac, c'était comme ça ! Et ce n'est pas vraiment pour se chauffer qu'on fait un feu dans la cheminée, d'autant que, la plupart du temps, l'habitation possède un vrai système de chauffage !

Décidément, je trouve tout à fait déplaisante cette idée de supprimer le droit de faire du feu dans la cheminée. On ne peut pas continuer à revenir ainsi sur tous nos repères, notre mode de vie. Après s'en être pris au camembert au lait cru, qui ne présentait pas, paraît-il, toutes les garanties d'hygiène, voilà qu'on s'en prend aux bûches qui flambent dans les cheminées ! Les Français perdent pied et ne croient plus du tout que les politiques soient capables de prendre les bonnes décisions.

Madame la ministre, je sens que vous brûlez d'envie de répondre à ma réponse, mais je ne suis pas sûr, monsieur le président, que notre règlement le permette... (Sourires.)

M. le président. Madame la ministre, si vous le souhaitez, je peux vous redonner la parole, pour un retour de flamme ! (Nouveaux sourires.)

Mme Delphine Batho, ministre. Je ne veux pas déroger au règlement du Sénat, mais puisque vous m'y autorisez, monsieur le président...

Je comprends parfaitement ce que vous dites, monsieur le sénateur, mais nombre d'habitants de l'Île-de-France sont préoccupés par les problèmes de pollution, notamment par les bronchiolites des enfants. Il faut donc faire un véritable travail de pédagogie sur cette question.

Grâce à cette mesure, les émissions de particules du secteur résidentiel pourraient être très sensiblement réduites. Il s'agit donc d'une mesure efficace.

Si elle ne doit entrer en application qu'en 2015 et non en 2013, c'est précisément pour nous laisser le temps de fournir des explications et de mettre en œuvre des mesures d'accompagnement. Ainsi, le remplacement d'un foyer ouvert par un foyer fermé de même que les évolutions que j'ai évoquées concernant les poêles à bois seront éligibles au crédit d'impôt développement durable.

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