Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC-EELVr) publiée le 08/12/2011
M. Bernard Cazeau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur la situation des fraisiculteurs en Dordogne. Jusqu'au début des années 1980, la fraise avait connu un développement spectaculaire : 400 hectares et 2 000 tonnes en 1962, 1 330 hectares et 24 700 tonnes en 1990. Premier département producteur de France, la Dordogne dénombrait 1 330 producteurs en 1988.
Aujourd'hui, ils ne sont plus que 250. En vingt ans, les surfaces ont été divisées par quatre. Le département, qui produisait 18 260 tonnes de fraises en 1995, n'en livrait plus que 7 500 tonnes en 2010, soit 20 % du volume national. Ce chiffre est dérisoire à côté des 350 000 tonnes annuellement exportées par le voisin hispanique dans notre pays.
A cet égard, l'année 2011 pourrait s'avérer être fatale à la fraisiculture périgourdine. En effet, suite à la colonisation des fraiseraies par la mouche Drosophila suzukii, plus du tiers de la production départementale a été touchée. La perte financière est estimée à 1 585 000 euros, soit une perte moyenne de 5 000 euros par producteur. Face à cette situation, les professionnels envisagent d'avoir recours à des produits phytosanitaires actuellement non homologués. Il s'agit là de la seule solution alternative à la destruction des fruits atteints, cette opération nécessitant une main d'œuvre importante.
C'est pourquoi il lui demande de préciser les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement pour soutenir cette filière et faire connaître également ses intentions sur une nécessaire évolution réglementaire pour le traitement des fraiseraies infectées.
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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la famille publiée le 18/01/2012
Réponse apportée en séance publique le 17/01/2012
M. Bernard Cazeau. J'ai voulu attirer l'attention du ministre de l'agriculture sur la situation des fraisiculteurs de Dordogne.
Dans les années quatre-vingt, la fraise périgourdine a connu un développement spectaculaire : nous sommes passés de 2 000 tonnes en 1962 à 25 000 tonnes en 1990. Premier département fraisicole de France, la Dordogne abritait 1 300 producteurs en 1988.
Aujourd'hui, on ne compte plus que 300 producteurs et, en vingt ans, les surfaces ont été divisées par quatre ! Le département, qui produisait 18 260 tonnes de fraises en 1995, n'en livrait plus que 7 500 tonnes en 2010.
Face à cette situation, les fraisiculteurs de mon département ne sont pas restés inactifs et ont fait récemment le choix de la modernisation, à travers l'usage croissant des serres chauffées et des cultures hors sol. Conséquence : dans le Périgord, entre 2007 et 2010, la production et le nombre d'hectares sont redevenus stables.
Néanmoins, l'année 2011 a fragilisé ce renouveau de la fraisiculture périgourdine. En effet, à la suite de la colonisation des fraiseraies par la mouche Drosophila suzukii, plus du tiers de la production départementale a été touché. La perte financière dans mon département est estimée à 1 585 000 euros, soit une perte moyenne de 5 000 euros par producteur.
Dans ces conditions, les professionnels du secteur se sentent désemparés au regard de réglementations de plus en plus strictes sur l'usage des pesticides, qui les privent de précieux moyens d'action. Et les exigences du plan Écophyto 2018, qui impose de réduire de 50 % l'usage des pesticides, restreignent encore la panoplie des réponses possibles.
Aussi ces exploitants souhaiteraient-ils avoir la possibilité de recourir à des produits phytosanitaires non encore homologués dans notre pays, mais qui sont pourtant utilisés actuellement avec succès en Californie et en Australie. Il s'agit, à leurs yeux, de la seule solution pour éviter la destruction des fruits atteints, opération qui nécessite de surcroît une main-d'uvre importante.
Je voudrais donc connaître les intentions du ministre de l'agriculture quant à la possibilité d'une évolution de la réglementation concernant le traitement des cultures de fraises infectées. À défaut d'une telle évolution, quelles seraient les mesures concrètement envisagées par le Gouvernement pour soutenir cette filière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. Monsieur Cazeau, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre de l'agriculture, qui m'a chargée de vous transmettre la réponse qu'il aurait souhaité vous apporter lui-même sur le problème important que vous soulevez.
Le nombre des producteurs de fraises en Dordogne et leurs capacités de production sont en effet en diminution depuis vingt ans.
La baisse de la production de fraises s'est accompagnée d'une restructuration de la filière fraisicole, qui s'est recentrée sur des productions à forte valeur ajoutée, dont l'indication géographique protégée garantit justement la qualité et sur des variétés répondant aux attentes du consommateur, notamment la fameuse gariguette.
Dans ce contexte nouveau, la réforme de la gouvernance de la filière fruits et légumes de 2008 a donné lieu à la constitution de l'Association nationale des organisations de producteurs de fraises, reconnue en 2010, qui joue un rôle important d'animation et de coordination, avec le soutien de l'établissement public FranceAgriMer.
Cette structuration de la filière contribue à une meilleure prévention des crises, et force est de constater que la fraise a été sensiblement moins frappée que les autres fruits et légumes par les difficultés de marché que ce secteur a connues au cours des trois dernières années.
S'agissant des enjeux de compétitivité, des moyens importants sont dédiés chaque année à la modernisation des exploitations agricoles et au développement des filières dans le cadre du budget de FranceAgriMer, doté, je vous le rappelle, de 30 millions d'euros par an.
À cela s'ajoute la volonté de réduire le coût du travail, y compris dans les fraiseraies : au-delà de la mesure d'allégement du coût du travail agricole adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2012, une évolution du financement de la protection sociale est inscrite à l'agenda gouvernemental pour alléger les charges pesant aujourd'hui sur le travail.
La mouche Drosophila suzukii, dont vous avez évoqué les ravages, a été identifiée pour la première fois en France en juin 2010 et s'est diffusée très rapidement sur le territoire national. Cet insecte est particulièrement nuisible pour les cultures de fruits rouges.
Dès 2011, les services du ministère de l'agriculture ont mis en place, avec l'aide du centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, le CTIFL, et de la station d'expérimentation et de recherche des fruits et légumes Invénio d'Aquitaine, des expérimentations de moyens de lutte contre cette mouche.
Dans le cas des fraises, plusieurs substances autorisées ont été testées - spinosad, thiaclopride ou abamectine - et ont montré de bonnes perspectives d'efficacité. Les travaux de validation scientifique de ces solutions et des modalités d'usage sont en cours ; ils devraient aboutir dans les prochaines semaines.
Le recours à des produits phytopharmaceutiques non autorisés placerait a contrario nos producteurs en situation d'infraction, sans garantie d'efficacité, et avec un risque réel pour leur santé comme pour celle du consommateur. II ruinerait ainsi tous les efforts engagés par la filière en termes d'image.
Monsieur le sénateur, sachez-le, les services du ministère de l'agriculture sont pleinement mobilisés aux côtés de nos producteurs afin d'identifier une solution adaptée à ce problème particulier dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la secrétaire d'État, dans la dernière partie de votre intervention, vous avez indiscutablement répondu à une des questions que j'avais posées, mais vous l'avez malheureusement fait dans un sens plutôt négatif.
Je veux bien croire que, comme il le dit à chacun de ses déplacements, le ministre de l'agriculture ne reste pas inactif. Les fraisiculteurs espèrent qu'il va rapidement trouver une solution permettant de résoudre ce problème d'infestation, de façon qu'ils puissent continuer à produire dans les meilleures conditions et sans atteinte à la santé des consommateurs. Mais, pour l'instant, ils sont dans l'attente ! Je leur ferai part de votre réponse et, bien qu'elle soit incomplète, j'espère qu'ils y trouveront quelque satisfaction.
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