Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 22/04/2010

M. Alain Fauconnier attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, présenté en Conseil des ministres le 17 mars dernier, qui porte création d'un acte contresigné par avocat et préoccupe particulièrement les huissiers de justice. Ces derniers, en effet, craignent que l'acte contresigné par avocat devienne un outil permettant aux cabinets anglo-saxons d'accroître leur présence dans la sphère juridique française et de faciliter la circulation en France d'actes rédigés par des cabinets étrangers dans le cadre du droit communautaire. Cet acte contresigné par avocat insère un déséquilibre dans les relations entre les professions juridiques au profit des avocats, au détriment des autres professions, comme l'ont du reste remarqué les travaux de la commission Darrois, qui prônent le renforcement de l'interprofessionnalité. À ce déséquilibre s'ajoute, pour les huissiers de justice, la crainte qu'un nouvel acte à la valeur probante renforcée ne banalise la spécificité des actes authentiques qu'ils dressent quotidiennement en vertu de leurs statuts d'officiers publics et ministériels. Ainsi l'introduction d'un acte contresigné par avocat risque d'affaiblir la sécurité juridique apportée par les actes authentiques et de rompre les équilibres entre les professions du droit. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui faire connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/06/2010

L'acte contresigné est issu des travaux de la commission présidée par Me Darrois, qui a remis son rapport au Président de la République le 8 avril 2009. Cette commission a proposé que le contreseing de l'avocat confère une efficacité juridique renforcée à l'acte sous seing privé qui en est l'objet. En particulier, l'acte fera pleine foi de la signature et de l'écriture des parties. Cependant, cette mesure ne saurait être comparée à la spécificité et à la sécurité qu'apporte dans notre droit l'autorité de l'acte authentique. En particulier, la procédure de remise en cause par la voie de l'inscription de faux, réservée aux actes authentiques, demeure attachée à la qualité d'officier public. Les avocats n'ayant pas reçu délégation de puissance publique, l'acte contresigné ne saurait non plus avoir force exécutoire. Par ailleurs, en intégrant, par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, la profession de conseil juridique dans la profession d'avocat, le législateur a décidé de confier à cette profession, en sus de son activité contentieuse traditionnelle, l'activité de conseil juridique comprenant la consultation et la rédaction d'acte mettant sur un même plan ces deux composantes essentielles de l'activité des avocats. Ainsi, si le législateur a estimé qu'il convenait de réserver l'activité de conseil juridique exercée à titre principal à tous les membres des professions judiciaires et juridiques, compte tenu des exigences de ces derniers en termes tant d'expérience et de déontologie que de responsabilité, les avocats sont, bien parmi ces professionnels, les premiers rédacteurs d'actes sous seing privé, et sont les mieux placés, par la pratique de leur activité contentieuse, pour anticiper les difficultés d'application et d'exécution des actes, ce qui leur confère une expérience et une compétence particulières. En outre, les huissiers de justice sont des officiers publics et ministériels dont les attributions sont énumérées par la loi et qui disposent d'un monopole en matière de signification d'actes judiciaires ou extrajudiciaires ainsi que d'exécution des titres exécutoires. La parcelle de puissance publique qui leur est ainsi confiée justifie que certains des actes qu'ils dressent le soient en la forme authentique. Ainsi, si ces professionnels sont autorisés, en application de l'article 56 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et dans le cadre défini par leur statut, à rédiger des actes sous seing privé, cette activité n'a pas vocation à constituer leur coeur de métier. Au surplus, autoriser des officiers publics et ministériels à contresigner des actes sous seing privé dans un but autre que de leur conférer l'authenticité entraînerait un risque de confusion dans l'esprit du public préjudiciable en terme, de lisibilité du droit pour les justiciables.

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