Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UC) publiée le 11/02/2010

M. Jean Boyer attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la répartition nationale des nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales.

En effet, 2010 sera une année charnière pour les finances locales dans la mesure où le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation économique territoriale s'applique aux entreprises dès à présent. Mise en application à partir de 2011 pour les collectivités et leurs groupements, l'État s'est engagé à maintenir leurs recettes en 2010 à l'euro près grâce à une compensation relais. Ainsi, le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a publié sur Internet des simulations des compensations financières pour toutes les collectivités. Ainsi, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale disposeront d'un pouvoir fiscal sérieusement limité à la seule part foncière, cotisation foncière des entreprises, de la nouvelle cotisation, soit une assiette correspondant à moins de 20 % de la taxe professionnelle actuelle.

Si, à partir de 2011, une dotation de compensation versée par l'État et un Fonds national de garantie individuelle de ressources viennent assurer la neutralité de la réforme pour nos communes et leurs groupements, il n'en demeure pas moins que le panier de recettes sera sensiblement modifié, venant prélever ce que les uns pourraient gagner de cette réforme afin de compenser les pertes subies par les autres. Par exemple, les gains enregistrés au niveau de la taxe d'habitation grâce à une croissance démographique seront complètement dilués par ce nouveau mode de redistribution.

C'est la fin des recettes dynamiques grâce auxquelles les collectivités pouvaient tirer profit de leurs investissements et bénéficier ainsi d'une véritable autonomie fiscale. Cette péréquation, où la garantie individuelle des ressources est le principe, n'est qu'un artifice mathématique ne prenant pas en compte les réalités locales et les efforts des collectivités en situation difficile, les territoires ruraux ou les zones de montagne dont l'objectif est d'accroître leurs ressources fiscales.

Il souhaite connaître comment le Gouvernement entend maintenir l'autonomie fiscale des collectivités et leur permettre de bénéficier de marges de progression indispensables, utile au développement local.

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie publiée le 17/02/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/02/2010

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre chargé de l'industrie, je souhaiterais connaître, et par là même attirer votre attention sur ce sujet important, les perspectives attendues dans les années à venir pour les nouvelles ressources fiscales destinées aux collectivités territoriales, particulièrement aux communes.

Comme vous le savez, 2010 sera une année charnière pour les finances locales, avec notamment la mise en place des compensations relais liées à la perception de certaines ressources, dont la part départementale de la taxe d'habitation et les parts départementales ou régionales du foncier non bâti, et quelques autres recettes.

Nous sommes certes d'accord pour une année charnière, mais assurément pas pour une année à recettes bloquées !

Or certaines dispositions prévues peuvent s'interpréter comme un blocage fiscal, d'où l'inquiétude des communes, redoutant que pareil phénomène ne se perpétue, au risque de décourager tout développement local, en particulier celui qui est attaché au produit de la taxe d'habitation.

Reconnaissons-le, la lecture qu'en fait le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, notamment sur internet, soulève nombre d'interrogations, voire de craintes.

Monsieur le ministre, quel sera exactement le rôle, plus exactement la mission, du Fonds national de garantie individuelle des ressources ? Les communes recevront-elles dans les années à venir la totalité de la taxe d'habitation attachée à leur territoire ?

Je n'ai point besoin de vous le rappeler, connaissant votre attachement à toutes les collectivités locales : pour qu'une commune puisse rester une commune, il faut qu'elle ait les ressources nécessaires à son développement, mais aussi que tout projet de développement soit générateur de recettes supplémentaires. C'est la condition indispensable pour lui permettre de conserver son identité, sa raison d'être et son aspiration au développement.

Je vous saurais donc gré de bien vouloir nous apporter des précisions en ce sens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, j'apprécie toujours les échanges que nous pouvons avoir, car je partage votre conviction et l'ardeur que vous mettez à défendre les collectivités territoriales.

Je suis moi-même un élu local. Je vous répondrai donc en tant que membre du Gouvernement, mais convaincu de la nécessité de maintenir un lien entre les collectivités et les entreprises, notamment les entreprises industrielles, car ce sont ces dernières qui soutiennent la compétitivité et l'attractivité de nos territoires.

En appelant l'attention du Gouvernement sur la répartition nationale des nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales au lendemain de la réforme de la taxe professionnelle et des finances locales, vous vous êtes fait l'écho des préoccupations tout à fait pertinentes exprimées en la matière par les élus locaux.

J'évoquerai, tout d'abord, la suppression de la taxe professionnelle.

Effective depuis le 1er janvier dernier, cette mesure contribuera à renouer avec des investissements et des créations d'emplois plus dynamiques, à redonner vie au tissu économique local et à restaurer l'attractivité de nos territoires.

Pour les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, la suppression de la taxe professionnelle s'inscrit dans une réforme globale et se traduit, avant tout, par la définition d'un nouveau schéma de financement à compter de 2011.

Le schéma que vous avez choisi respecte, j'y insiste, le principe, auquel nous sommes si attachés, d'autonomie financière, comme a d'ailleurs pu le confirmer le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 2009.

À cet égard, je le rappelle, à compter de 2011, le bloc communal bénéficiera d'impôts nouveaux.

Il se verra affecter la taxe sur les surfaces commerciales et concentrera l'essentiel du produit des impôts directs locaux, notamment, bien évidemment, la taxe d'habitation, ainsi que la cotisation foncière des entreprises, et aura pouvoir de voter les taux.

Il bénéficiera, en outre, d'une fraction de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, et de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l'IFER destinée à compenser les nuisances liées à certaines installations.

Il sera, par conséquent, encore plus impliqué dans sa relation avec les entreprises implantées sur son territoire. Il pourra nouer des liens étroits avec les opérateurs de réseaux, qui représentent d'importants facteurs de développement et sur lesquels, jusqu'à présent, il n'avait que peu d'influence, voire pas du tout. Il disposera désormais de leviers supplémentaires pour influer sur son propre aménagement du territoire.

Le nouveau schéma donne droit à une garantie de ressources pour chaque commune et établissement public de coopération intercommunale pris isolément.

Ainsi, les collectivités percevront une compensation relais en 2010, avec l'assurance que son montant ne sera pas inférieur au produit de la taxe professionnelle touché en 2009. Celles-ci ont jusqu'au 31 mars prochain pour voter leur budget primitif. Mais des communes l'ont déjà fait, tout comme certaines intercommunalités qui s'étaient vu transférer la taxe professionnelle : leurs ressources sont donc fixées dès à présent. Toutefois, en aucun cas, l'État ne versera moins que ce qui a été obtenu en 2009.

Simultanément, un mécanisme pérenne de garantie individuelle des ressources permettra d'assurer à chaque commune la stabilité de ses moyens de financement.

Dès lors, en plus de cette garantie de ressources, les collectivités et EPCI pourront bénéficier du dynamisme de leurs recettes fiscales.

Tout d'abord, le calcul de la compensation s'effectuera sur l'année de référence 2010 : les données comparées des paniers de ressources utilisés pour la garantie de ressources ne sont donc pas modifiées pour les années ultérieures. Les augmentations des produits fiscaux constatées au titre des années suivantes viendront, en conséquence, alimenter les ressources de la commune. La réforme favorise ainsi le dynamisme économique, dans le respect de la péréquation.

Si la commune était amenée à percevoir plus que ce qu'elle a touché en 2009 et en 2010, elle participerait à la péréquation en reversant ce surplus au bénéfice des collectivités qui pâtiraient du nouveau mode de calcul, étant entendu que serait bien évidemment prise en compte la dynamique économique. Un territoire n'a en effet pas à être pénalisé du seul fait qu'il est plus innovant, plus dynamique et plus compétitif que les autres !

Il faut faire en sorte que les maires qui prennent plus d'initiatives pour améliorer la compétitivité de leur territoire en recueillent le bénéfice, en tout cas au profit de leur commune.

De toute façon, la CVAE est assise sur une base qui reflète le dynamisme économique. L'évolution de cette cotisation résultera donc de la réussite économique locale, comme de la faculté des collectivités à tirer les entreprises et à leur offrir les investissements nécessaires à leur épanouissement.

Certains élus consacrent leurs marges d'investissement à la plantation de parterres de fleurs ou à la construction de beaux ronds-points, tandis que d'autres choisissent d'aménager des zones d'activité, d'attirer des investissements productifs et créateurs d'emplois. Ce choix, chacun le fait en son âme et conscience. Mais, dans le second cas que j'ai évoqué, celui de l'investissement productif, il faut évidemment un retour pour maintenir le lien entre l'entreprise et la collectivité, auquel vous êtes si attaché, monsieur le sénateur. Et cette nouvelle contribution garantira la pérennité et la transparence du lien.

Enfin, notre réforme porte également des principes de péréquation. Elle définit, pour la première fois, le principe d'une péréquation horizontale des nouvelles ressources au niveau des départements et des régions afin de gommer les inégalités territoriales dues à la localisation des bases économiques. Conscients que certains territoires souffrent plus que d'autres, nous veillerons à les protéger, grâce à la péréquation.

La situation des territoires ruraux, notamment des zones de montagne et, plus généralement, des territoires défavorisés ne doit pas être ignorée. Sur ce sujet très délicat et complexe, il a été prévu de maintenir, en 2010, les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle à leur niveau de 2009.

À compter de 2011, de nouveaux systèmes de péréquation de ressources des communes seront mis en place dans chaque département. Ils supprimeront les inadéquations de la répartition ou de la croissance des ressources, l'objectif étant de parvenir en 2011 à un niveau de péréquation au moins équivalent à celui de 2010.

Cette problématique s'inscrit dans le cadre des sujets qui devraient être étudiés par la mission parlementaire désignée afin d'accompagner l'application de la réforme et de préparer la mise en œuvre de la clause de réexamen. L'objectif est que le système de financement réponde au mieux à vos attentes, ainsi qu'à celles de l'ensemble des élus et des contribuables locaux.

Sur la base de cette réforme, une évaluation parlementaire, qui interviendra en cours d'année, nous permettra de faire des ajustements nécessaires pour éviter toute pénalisation et nous assurer que nous avons, au contraire, impulsé une dynamique plus forte.

À ceux qui en appellent à plus d'autonomie, je réponds que l'autonomie est plus que jamais préservée. Á ceux qui redoutent de moins recevoir qu'avec la taxe professionnelle, je rétorque que le taux de croissance de cette dernière était assez moyen – il était limité à 3,3 % sur la moyenne des trois dernières années alors que contribution économique territoriale est un impôt plus dynamique, assis sur la valeur ajoutée et dont le taux de croissance sur la moyenne des trois dernières années avoisine les 4,6 %. On le voit bien, plus le territoire d'une commune est riche en activités et en investissements, plus l'impôt sera dynamique au bénéfice de cette collectivité.

Nous vivons un moment difficile. Nous traversons une période de crise qui nous impose de lutter contre les délocalisations suscitées par les coûts de production plus faibles pratiqués, par exemple, en Asie ou aux États-Unis. Il n'est pas dans l'intérêt d'une commune d'assister à une nouvelle fermeture d'entreprise ou de firme sous-traitante.

Dans ces conditions, il n'est pas sans intérêt – et là, je m'exprime en ma qualité de ministre de l'industrie – de faire remarquer que, depuis le 1er janvier dernier en France, les entreprises auront économisé près de 12 milliards d'euros, somme qu'elles acquittaient au titre de la taxe professionnelle. Nous étions le seul pays au monde à avoir cet impôt injuste, qui pénalisait les investissements productifs et l'emploi. Avec la réforme, nous renforçons, au contraire, la compétitivité des entreprises et menons une politique en faveur de l'investissement et de l'emploi sur chaque territoire.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, la richesse de votre propos, vos explications très détaillées témoignent parfaitement de l'intérêt que vous portez aux 36 000 communes de France. Nous devons reconnaître – et quand les choses vont moins bien, nous le disons –que l'intérêt des communes a été pris en compte.

Cela étant, monsieur le ministre, je pense très sincèrement que, dans ce domaine comme dans d'autres – et ce n'est pas un reproche que je vous adresse, j'ai trop de considération pour vous ! – on aurait pu faire plus simple. Une commune de 200 habitants située en zone de montagne, par exemple, n'a pas besoin de péréquation. On peut partager la richesse, mais non la pauvreté. Pourquoi ne pourrait-elle pas garder son autonomie ?

Considérons cette commune de 200 habitants située en zone de montagne. Elle a 3 000 hectares à gérer, et dix habitations vont être construites sur son territoire dans les quatre années à venir : le produit de la taxe d'habitation viendra-t-il enrichir son budget ? C'est une question fondamentale que je me permettrai peut-être, monsieur le ministre, de vous poser en aparté. Je vous remercie, en tout cas, d'avoir abordé tous les aspects du problème aujourd'hui avec nous.

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