Question de M. MADEC Roger (Paris - SOC) publiée le 20/04/2006

M. Roger Madec attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur la circulaire ministérielle du 21 février 2006, adressée aux préfets et procureurs, ayant pour objet les conditions d'interpellation et de garde à vue des étrangers en situation irrégulière. Cette circulaire organise l'interpellation de ces derniers dans les préfectures, les centres d'hébergement, les sièges d'associations ou encore les hôpitaux et jusque dans les blocs opératoires. Concernant les lieux de soin, ils étaient jusqu'à présent préservés au nom du respect du droit fondamental de la personne malade à être soignée. Il considère que de telles dispositions portent gravement atteinte au droit à l'accès aux soins et à la protection de la santé qui est inscrite dans le préambule de la constitution française. Il s'agit d'un droit fondamental de la personne humaine qui ne saurait être utilisé à d'autres fins qu'à la préservation de la santé. Or, la menace d'une interpellation dans un lieu de soin remettrait en question ce droit essentiel. En outre, en encourageant les interpellations dans les sièges des associations, les centres d'hébergement ou encore les centres d'accueil des demandeurs d'asile, elle contribue à priver les personnes sans titre de séjour de l'aide nécessaire à leur régularisation et à leur intégration à la société française. Enfin, cette circulaire décrit les conditions dans lesquelles il sera possible d'interpeller des étrangers sans titre de séjour dans les préfectures. De telles interpellations auront pour effet de dissuader les étrangers d'effectuer les démarches nécessaires à leur régularisation et de maintenir ceux-ci dans l'irrégularité. La circulaire incite également les préfets à convoquer ces personnes afin de procéder à leur interpellation. Cette méthode abusive est contraire à l'esprit de la jurisprudence de la Cour de cassation pour qui la convocation en préfecture d'un étranger doit être « loyale » et non pas un prétexte à son interpellation. Il considère donc que cette circulaire est contraire aux droits fondamentaux de la personne et qu'elle aura pour effet de maintenir les étrangers dans la clandestinité et l'insécurité. En conséquence, il demande à M. le ministre de retirer cette circulaire.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire publiée le 07/09/2006

La lutte contre le séjour irrégulier, qui constitue l'une des priorités de l'action gouvernementale, doit être conduite dans le complet respect des règles de droit. Le séjour irrégulier est un délit prévu et réprimé par l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Il incombe à l'autorité judiciaire de le constater et de le sanctionner et à l'autorité administrative de mettre fin à la poursuite de l'infraction. C'est l'interpellation de l'étranger en situation irrégulière qui déclenche les procédures judiciaires et administratives. Or, selon les lieux et les circonstances, les conditions d'interpellation des personnes en situation irrégulière répondent à des exigences très strictes de procédure et de respect des droits de la défense. La complexité de ces procédures, qui impliquent les autorités judiciaires et les autorités administratives, justifie pleinement le rappel très précis du droit applicable, particulièrement sur l'exigence du respect de la protection du domicile. Tel est l'objet de la circulaire conjointe du 21 février 2006 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et du garde des sceaux, ministre de la justice. Pour illustrer les contours de la notion juridique de domicile, la circulaire se réfère à divers arrêts de la Cour de cassation qui ont jugé que, dans des cas d'espèce, certains lieux ne constituent pas un domicile au sens du code pénal. Il va de soi que ce rappel de jurisprudence ne saurait en aucun cas signifier qu'il est envisagé de faire procéder à des interpellations dans l'enceinte de lieux de soins, a fortiori de blocs opératoires, Cette précision a d'ores et déjà été apportée notamment à l'ordre national des médecins. S'agissant des conditions de l'interpellation en préfecture, la circulaire se borne à rappeler l'exigence de loyauté de l'administration. Par ailleurs, les responsables de foyers d'hébergements et des centres d'accueil des demandeurs d'asile ont eux-mêmes appelé l'attention des pouvoirs publics sur la sur-occupation des centres à laquelle ils doivent faire face et des risques majeurs, notamment en termes de sécurité des personnes, en résultant. Il est avéré que cette sur occupation est largement liée au maintien dans les lieux de personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire français. Ces mêmes responsables ont fait part de leur vive préoccupation sur la possible dérive de leur mission d'accueil vers une forme passive d'aide au séjour irrégulier. La circulaire conjointe rappelle les conditions légales et procédurales de l'interpellation des étrangers en situation irrégulière. Elle n'entend aucunement mettre en cause la mission de soutien, d'aide et de réinsertion des étrangers de certaines associations. C'est l'occupation illégale, souvent sur de très longues périodes, des lieux d'accueil et de réinsertion par des personnes en situation irrégulière qui compromet la sécurité des occupants en général et l'accès des personnes étrangères en situation régulière à leurs droits effectifs. La légitimité des missions d'aide juridique et de soutien aux étrangers, quelle que soit leur situation administrative, est pleinement reconnue, mais cet objet légitime ne saurait inclure une forme d'aide au séjour irrégulier qu'impliquerait nécessairement la pérennisation du maintien dans des centres destinés à l'accueil et à la réinsertion de personnes dépourvues de tout droit à y être hébergées.

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