Question de M. MOULY Georges (Corrèze - RDSE) publiée le 09/03/2006
M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur les inquiétudes et les préoccupations qui agitent les responsables des établissements et services d'aide au travail (ESAT) malgré l'adoption de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, réforme majeure de la loi fondatrice de 1975 voulue par le Président de la République. En effet, incertitudes et insuffisances sont aujourd'hui pointées, parmi lesquelles il a déjà eu l'occasion de souligner, entre autres, l'aide au poste et la participation des établissements aux frais de sièges. Nouvelle « mauvaise » nouvelle pour le secteur : la diminution notable de la dotation budgétaire 2006, amputée après une délégation initiale afin de financer le « plan banlieues ». Les budgets des établissements et services sont déjà fragilisés et une telle décision ne peut qu'aggraver une situation financière difficile, qui risque, en réduisant ainsi les moyens d'éliminer des structures de travail protégé un grand nombre de personnes handicapées. Il lui demande donc toutes assurances quant au maintien des délégations de crédits initiales qui étaient déjà insuffisantes compte tenu de l'héritage des exercices antérieurs mais dont « l'amputation » est inacceptable.
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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 22/03/2006
Réponse apportée en séance publique le 21/03/2006
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 970, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, j'ai appelé à plusieurs reprises votre attention sur les inquiétudes et les préoccupations qui agitent les responsables des établissements et services d'aide au travail, les ESAT, les anciens centres d'aide par le travail ou CAT, malgré l'adoption de la loi du 11 février 2005, voulue par le Président de la République.
Dans un contexte difficile, la diminution notable de la dotation budgétaire 2006, amputée après une délégation initiale afin de financer le « plan banlieues », ne constitue pas une très bonne nouvelle, et c'est une litote. En conséquence, dans ma région, le budget opérationnel de programme « Personnes âgées-Personnes handicapées » a été amputé à hauteur de 5,32 % après qu'une première délégation de crédits a été attribuée et répartie entre les trois départements.
Cette ponction n'est évidemment pas bienvenue pour les ESAT, alors que de nombreux établissements sont déjà en difficulté en raison d'enveloppes « serrées » depuis plusieurs exercices. À titre d'exemple, des contentieux budgétaires gagnés par des établissements corréziens ne pourront pas être honorés et des actions inscrites au schéma départemental 2005-2009, qui correspondent pourtant à de réels besoins, ne pourront pas être financées.
Les budgets des établissements et services sont déjà fragilisés. Une telle décision ne peut qu'aggraver une situation financière difficile et, en réduisant ainsi les moyens, on risque d'éliminer des structures de travail protégé un grand nombre de personnes handicapées.
Monsieur le ministre, des assurances pourraient-elles nous être données quant au maintien des délégations de crédits initiales, qui étaient déjà insuffisantes compte tenu de l'héritage des exercices antérieurs ? Leur « amputation » est à mes yeux inacceptable. Est-ce bien au secteur « personnes âgées-personnes handicapées » de contribuer, même s'il y a là un vrai problème, au financement des actions en faveur des banlieues ?
Le danger est réel pour les structures de travail protégé. Incertitudes et insuffisances demeurent, notamment, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, s'agissant de l'aide au poste, qui doit à mon avis rester individualisée, et de la participation des établissements aux frais de siège.
Il convient de veiller à conserver intact l'esprit du texte de 2005 et, à cet égard, monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse du mois de janvier dernier, dans laquelle vous assuriez que la réforme ne devait entraîner aucune perte de ressources pour les travailleurs handicapés et que, bien au contraire, elle devait améliorer leur situation financière.
Vous assuriez également que, pour ce qui concerne les frais de siège des associations, vous aviez chargé votre cabinet « d'explorer les possibilités d'assouplir les dispositions du décret budgétaire du 29 octobre 2003 ».
Je suis heureux de constater que nous pouvons compter sur votre vigilance, monsieur le ministre. Ce n'est pas dans ma bouche une simple formule, et c'est pourquoi j'interviens encore auprès de vous aujourd'hui.
Comme je vous le disais, le danger est réel et les projets de décret alarment, à tort ou à raison, les gestionnaires des structures du fait des risques qu'ils font peser sur les comptes commerciaux dans une conjoncture économique difficile et alors que les quelques excédents sont destinés à abonder les investissements liés au développement de l'outil de travail et au développement commercial, investissements que les budgets sociaux n'ont à l'évidence pas, eux, vocation à financer.
Si l'on diminue les ressources, déjà insuffisantes, des travailleurs handicapés ou les marges de manoeuvre, déjà sérieusement réduites, des établissements et services d'aide au travail, on se trouvera dans une logique non plus d'intégration sociale mais, en quelque sorte, de « réinstitutionnalisation » des personnes handicapées.
La part prise par les ESAT dans l'économie locale est loin d'être négligeable et leur existence permet à de nombreux travailleurs handicapés une intégration sociale et l'exercice d'une réelle citoyenneté.
La loi du 11 février 2005 n'a de sens que si elle est de nature à améliorer la condition des personnes handicapées. Monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous apporter à un secteur dont vous savez qu'il est en proie à quelques inquiétudes ?
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous savez combien je suis attentif à la situation des structures de travail protégé, qu'il s'agisse, d'une part, des entreprises adaptées et, d'autre part, des centres d'aide par le travail, devenus les ESAT. Je suis régulièrement sur le terrain aux côtés des travailleurs handicapés et des gestionnaires de ces établissements : j'étais hier encore à Valenciennes et, vous le savez, je suis venu, il y a quelques mois, en Corrèze, où j'ai pu voir un certain nombre de réalisations.
Nous avons maintenant une grande loi : la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Un immense travail, mené avec les représentants des personnes handicapées, a déjà été effectué, pour qu'elle soit d'application pleine et entière à travers la parution de ses décrets d'application, qu'ils concernent l'accessibilité, la scolarisation des enfants, les maisons départementales des personnes handicapées ou la prestation de compensation du handicap.
Aujourd'hui, le dispositif est en place.
À cette loi s'ajoutent, bien sûr, toutes les mesures prises en faveur de l'emploi.
S'agissant des entreprises adaptées, les nouvelles dispositions relatives à leur financement ont été mises en oeuvre.
J'ai par ailleurs annoncé, voilà exactement un mois, un plan gouvernemental doté de 10 millions d'euros supplémentaires par rapport aux sommes mobilisées les années précédentes pour soutenir les efforts des entreprises adaptées, qui doivent parfois se reconvertir vers de nouveaux marchés et se solvabiliser avec leur clientèle. S'agissant d'entreprises de main-d'oeuvre peu qualifiée, elles subissent effectivement de plein fouet la concurrence internationale et les effets de la mondialisation. Nous devons donc les aider à se tourner vers des marchés plus « captifs ».
Ces entreprises vont ainsi pouvoir conclure des contrats d'objectif avec les directions départementales du travail et de l'emploi. J'ai mis au point le dispositif avec Gérard Larcher, et nos directeurs départementaux en sont maintenant saisis. Chaque entreprise adaptée pourra se voir proposer un contrat d'objectif et, éventuellement, une aide pour faire face aux difficultés du marché et s'y adapter.
S'agissant ensuite des anciens centres d'aide par le travail, devenus, avec la loi, les ESAT, qui sont au coeur de votre question, nous n'avons pas voulu forcer le passage et prendre immédiatement des dispositions sur ce que l'on appelle l'aide au poste, laquelle détermine la possibilité pour les ESAT d'augmenter le niveau des salaires des personnes handicapées qui y travaillent. Plusieurs gestionnaires de ces établissements nous ont en effet fait savoir que les projets tels qu'ils avaient été élaborés risquaient de leur faire perdre des ressources, ce que, bien évidemment, nous ne voulons pas.
Je m'engage donc devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce que les textes, qui sont réexaminés aujourd'hui avec les représentants des associations de personnes handicapées et notamment les gestionnaires de ces établissements, ne puissent en aucun cas faire perdre de ressources aux ESAT.
C'est cette garantie essentielle qu'il fallait commencer par apporter, mais elle n'est pas suffisante : nous devons aussi aider ces entreprises à trouver des débouchés pour leur production. À cette fin, avec le ministre de la fonction publique, Christian Jacob, nous avons saisi l'ensemble des collectivités publiques pour les engager à utiliser les dispositions de la loi de 2005 qui leur permettent, au titre de leur obligation d'emploi des personnes handicapées, de développer la sous-traitance tant avec les ESAT qu'avec les entreprises adaptées. C'est aussi un point que je crois très important.
Cependant, la loi peut beaucoup, mais elle ne peut pas tout. Depuis 2002, nous avons mobilisé des moyens importants sur les crédits de l'État pour augmenter le nombre de places en ESAT. Ce sont 14 000 places qui auront ainsi été créées entre 2002 et 2007.
Monsieur Mouly, vous m'avez également interrogé à propos des budgets. Vous savez que l'application de la loi organique relative aux lois de finances a entraîné un certain nombre de nouveautés, ce qui a pu retarder de quelques semaines l'attribution des crédits, mais aujourd'hui la distribution est en cours. Par conséquent, les difficultés temporaires qu'ont pu ressentir certains ESAT sont maintenant pour la plupart derrière nous et elles seront réglées pour l'ensemble des établissements d'ici à la fin de ce mois.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de vous apporter. Sachez que l'emploi des personnes handicapées, qui constitue un aspect absolument décisif de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005, est une question que le Gouvernement suit avec beaucoup d'attention, d'engagement et d'énergie.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous ai interrogé, en pareilles circonstances voilà quinze jours, sur un autre aspect de la mise en oeuvre de la loi de 2005 et je vous ai dit combien j'avais apprécié la teneur de votre réponse, que j'ai diffusée aux associations concernées, lesquelles partagent le sentiment que j'exprimais alors.
La réponse que vous m'apportez aujourd'hui m'amène à vous réitérer mes remerciement, car son contenu est appréciable et, en tout cas pour ce qui me concerne, apprécié. Je la diffuserai également sur le terrain, où je ne doute pas qu'elle recevra le même accueil.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre écoute et de votre travail.
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