Question de M. POIRIER Jean-Marie (Val-de-Marne - UC) publiée le 28/11/2002
M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le problème de l'enlèvement des véhicules épaves, incendiés et des voitures dites " ventouses ". Les délais d'enlèvement de ces véhicules stationnés sur la voie publique ou dans les lieux privés varient selon que le véhicule est immatriculé ou non, qu'il s'agit d'une épave ou d'un véhicule dit " ventouse ". Ainsi, selon le type de véhicule, la procédure peut varier d'un mois à plusieurs trimestres. Outre le fait qu'il pérennise le sentiment d'insécurité de la population, le stationnement prolongé des véhicules épaves ou incendiés jette le discrédit sur certains quartiers dont le caractère dangereux n'est en aucun cas avéré. Par ailleurs, lorsqu'un véhicule est abandonné dans un parking privé, la réglementation ne mentionne aucune procédure particulière d'enlèvement. L'article 3 de la loi n° 70-1301 du 31 décembre 1970 dispose ainsi que " les véhicules laissés sans droit dans les lieux publics ou privés (...) peuvent à la demande du maître des lieux et sous sa responsabilité être mis en fourrière, aliénés et éventuellement livrés à la destruction ". Les modalités de la demande sont précisées dans le décret du 6 septembre 1972. Conformément à l'article R. 325-1 du code de la route, les collectivités n'ont aucune compétence s'agissant de l'enlèvement de voitures épaves dans des parkings privés. En raison de l'imprécision des textes évoquant une possibilité de mise en fourrière, et non une obligation à la charge des bailleurs, ces derniers tardent à faire procéder à l'enlèvement des véhicules ventouses, incendiés, ou des épaves pérennisant ainsi une infraction au code de la route. Il lui demande en conséquence s'il ne serait pas opportun de compléter le cadre normatif en détaillant une procédure d'enlèvement dans les parkings privés à la charge du bailleur, et de créer, à l'instar de la Belgique, une procédure supplétive, en cas de carence des bailleurs, permettant aux collectivités d'y faire procéder d'office aux risques et périls des défaillants qui seront tenus solidairement d'en supporter les frais.
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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 16/01/2003
L'honorable parlementaire se préoccupe à juste titre de l'enlèvement des véhicules réduits à l'état d'épaves et des " voitures-ventouses " qui se trouvent sur la voie publique et sur les parcs de stationnement privés : s'inquiétant de la longueur des délais d'enlèvement et du caractère lacunaire de la réglementation, il suggère de la compléter par une procédure spécifique qui obligerait les bailleurs de parkings privés ou les collectivités en cas de carence de ces bailleurs à faire enlever ces véhicules et ces épaves. Avant de répondre, il faut exposer une double distinction : entre les voies ouvertes à la circulation publique et celles qui ne le sont pas (non entre voies publiques et voies privées) d'une part, entre les véhicules proprement dits et les véhicules réduits à l'état d'épaves ; ces distinctions, qui se fondent sur des données de fait, entraînent l'application de régimes juridiques différents. Les possibilités qu'offrent les textes en vigueur au regard des préoccupations de l'honorable parlementaire sont vastes : elles découlent de textes particuliers : le code de la route prévoit la mise en fourrière des véhicules, le code de l'environnement permet l'élimination des épaves de véhicules comme de simples déchets ; elles découlent ensuite de dispositions à la portée plus générale : le pouvoir de police des maires, le code civil et le code de procédure civile. Seuls les véhicules proprement dits peuvent être mis en fourrière, comme le précise la circulaire ministérielle du 13 décembre 1974. Si des véhicules se trouvent sur une voie, publique ou privée, ouverte à la circulation publique, le code de la route leur est applicable ; parmi les cas d'infractions prévue par lui et justifiant le recours à la procédure de mise en fourrière figure le stationnement abusif, défini à l'article R. 417-12 comme le stationnement ininterrompu en un même point de la voie publique ou de ses dépendances pendant plus de 7 jours ou pendant une durée inférieure mais excédant celle qu'a fixée par arrêté l'autorité investie du pouvoir de police : cette disposition autorise la mise en fourrière des " véhicules-ventouses " sous les conditions précitées. Par ailleurs, l'article 17, I, de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne, qui a complété l'article L. 325-1 du code de la route, a ouvert la possibilité de mettre en fourrière des véhicules, en raison, non d'une infraction précise, mais de leur état : cette disposition vise les véhicules en voie " d'épavisation ", à savoir les véhicules privés d'éléments indispensables à leur utilisation normale et insusceptibles de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols, s'ils se trouvent sur une voie ouverte à la circulation publique ou sur ses dépendances. Il appartient aux officiers de police judiciaire territorialement compétents (de la police nationale ou de la gendarmerie) de prescrire la mise en fourrière d'un véhicule, s'ils l'estiment justifiée et opportune, sur proposition, le cas échéant, de l'agent verbalisateur habilité à constater les infractions évoquées précédemment (ce peut être un policier municipal s'agissant, par exemple, d'un véhicule en stationnement abusif) ; le maire dispose du pouvoir de prescrire la mise en fourrière d'un véhicule en cas seulement d'infraction aux règlements édictés pour la sauvegarde de l'esthétique des sites et des paysages classés ; dans le projet de loi sur la sécurité intérieure, il est prévu de confier aux chefs de service de police municipale territorialement compétents le pouvoir de prescrire la mise en fourrière d'un véhicule. Dans les lieux, publics ou privés, où ne s'applique pas le code de la route, deux catégories de véhicules peuvent faire l'objet d'une mise en fourrière : d'une part les véhicules laissés sans droit, en application de l'article 3 de la loi n° 70-1301 du 31 décembre 1970, intégré à l'article L. 325-12, 1er alinéa, du code de la route lors de sa recodification (il ne s'agit pas de véhicules en infraction, mais de véhicules occupant un immeuble alors que leurs propriétaires ne disposent pas de titre régulier à cet effet au regard du droit civil), d'autre part les véhicules en voie " d'épavisation ", définis plus haut, en application de l'article 17, II, de la loi sur la sécurité quotidienne, qui a complété l'article L. 325-12 du code de la route. En conséquence, la procédure de mise en fourrière applicable aux véhicules considérés comme abandonnés sur un parc de stationnement privé diffère selon que ce parking est constitué de voies ouvertes à la circulation publique, ou non ; s'il est constitué de voies ouvertes à la circulation publique, le code de la route s'y applique et la procédure de mise en fourrière applicable le cas échéant aux véhicules qui s'y trouvent est la procédure de droit commun (elle découle des articles L. 325-1 à L. 325-3, L. 325-6 à L. 325-11 et R. 325-12 à R. 325-42 du code de la route) ; si ce parking privé est constitué de voies qui ne sont pas ouvertes à la circulation publique, les règles de procédure de mise en fourrière applicables aux véhicules qui s'y trouvent sont d'abord celles que prévoient les articles R. 325-47 à R. 325-52 du code de la route (il s'agit des dispositions du décret n° 72-824 du 6 septembre 1972, pris pour l'application de l'article 3 de la loi n° 70-1301 du 31 décembre 1970 évoqué plus haut, intégrées dans le code de la route lors de sa recodification) : le " maître des lieux " (à savoir le propriétaire, le copropriétaire, le syndic, le gérant, le concessionnaire, le régisseur, le locataire ou le fermier) doit mettre en demeure, s'il le connaît, le propriétaire du véhicule concerné de retirer son véhicule dans un délai de huit jours à compter de l'avis de réception avant de demander l'enlèvement de ce véhicule à l'officier de police judiciaire territorialement compétent ; ensuite, s'appliquent les règles de la procédure de droit commun mentionnées ci-dessus ; le " maître des lieux ", qui agit sous sa propre responsabilité, n'est pas tenu de demander une telle mise en fourrière bien qu'il y ait intérêt. Les délais d'enlèvement en fourrière d'un véhicule sont donc fonction des délais de constatation du cas justificatif de mise en fourrière, de l'appréciation par le prescripteur de la légalité et de l'opportunité d'une telle mesure, du degré d'organisation locale du service de fourrière, des dispositions convenues le cas échéant entre l'autorité de fourrière et son gardien de fourrière agréé, et de la diligence apportée par celui-ci aux demandes d'enlèvement. Il est à signaler que le maire a la faculté, non l'obligation, d'instituer et de faire fonctionner une fourrière municipale, sous son autorité, et que le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales envisage de " municipaliser " les fourrières pour automobiles. Il n'y a pas lieu d'appliquer la procédure de mise en fourriere à des véhicules réduits à l'état d'épaves : ce ne sont plus juridiquement des véhicules ; ces épaves sont des véhicules réduits à l'état de carcasses non identifiables et qui ne peuvent plus être utilisés pour leur destination normale, le plus souvent démunis de plaques d'immatriculation, sans roues, sans portières ni moteur. Des instructions sont en cours de préparation quant au traitement juridique de ces épaves, mais déjà la doctrine du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales préconise de les traiter comme des déchets à éliminer, par application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, à l'expresse condition que les autorités judiciaires n'aient pas voulu auparavant les placer sous scellés, en tant qu'indices ou éléments de preuve nécessaires à la manifestation de la vérité pour les besoins d'une enquête de procédure pénale. Conformément à la circulaire en date du 4 janvier 1985 du ministère de l'environnement, il appartient au maire d'adresser une mise en demeure au responsable du dépôt de déchet : puis, passée l'échéance fixée par lui, le maire peut faire procéder à l'enlèvement de ce dépôt en vue de son élimination, aux frais du responsable. L'emploi des textes particuliers rappelés ci-dessus prime sur celui d'autres dispositions, de portée plus générale. Ainsi, par l'exercice de son pouvoir de police générale, le maire peut faire déplacer un véhicule ou faire éliminer une épave, pour satisfaire aux exigences de sûreté, de sécurité ou de salubrité publiques, en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Enfin, le déplacement d'un véhicule ou celui d'une épave peuvent intervenir dans le cadre du droit privé : la demande peut en être présentée en référé devant les tribunaux judiciaires, si la mesure ne se heurte à aucune contestation sérieuse, ou si elle est justifiée par l'existence d'un différend ; elle peut aussi être demandée pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le recours à l'assignation d'heure à heure, ainsi que le caractère exécutoire de la décision sur minute permettent de procéder avec célérité. Dans les cas où les circonstances exigent que la mesure ne soit pas prise contradictoirement, le recours à une ordonnance sur requête peut également être envisagé. Les autorités de police et les bailleurs de parcs de stationnement disposent, on le voit, de larges possibilités juridiques pour faire enlever des domaines public ou privé les " voitures-ventouses " et les épaves de véhicules, comme le souhaite l'honorable parlementaire. Il n'est pas envisagé de mesures nouvelles autres que celles qui ont été mentionnées. En toutes hypothèses, qu'il s'agisse de mise en fourrière de véhicules, d'élimination d'épaves ou de déplacement des uns et des autres, les actions menées doivent concilier les impératifs de la circulation et du stationnement, la préservation de l'ordre public, le respect de la liberté individuelle et celui du droit de propriété.
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