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N° 360
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 mars 2019 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à renforcer la parité dans les exécutifs des collectivités territoriales ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis une vingtaine d'années, de nombreuses lois ont permis de faire considérablement progresser la parité en politique. L'Association des maires de France et des présidents d'Intercommunalité (AMF), l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et plusieurs autres associations d'élus locaux ont cependant regretté à juste titre que des progrès restent à faire dans certains domaines, et notamment au sein des exécutifs des collectivités locales.
L'Association des maires ruraux de France a par exemple réclamé à plusieurs reprises la suppression du seuil de 1 000 habitants afin que le scrutin de liste avec obligation de parité soit étendu à toutes les communes. L'AMF et l'AMRF ont également suggéré que, dans les municipalités, le maire et le premier adjoint soient de sexe différent. Enfin, une demande encore plus insistante a été formulée pour que l'obligation de parité s'applique aux vice-présidents des intercommunalités sur la même base qu'aux adjoints dans les communes.
Malheureusement, malgré cette convergence d'avis, le Gouvernement semble ne pas considérer que cette problématique est prioritaire. Une réponse ministérielle récente vient encore de le confirmer (Journal officiel du Sénat du 29 novembre 2018, réponse à la question écrite n° 6353).
I - La parité dans les exécutifs communaux
Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les règles de parité appliquées aux adjoints au maire présentent deux lacunes.
• Tout d'abord, la parité se limite aux adjoints et ne prend pas en compte le maire. De ce fait, une commune de par exemple 1 200 habitants, qui a trois adjoints, a souvent un maire et deux adjoints de même sexe, ce qui conduit à un ratio de parité fort peu satisfaisant.
• Par ailleurs, en cas d'élection partielle à des postes d'adjoint, la jurisprudence exige que la parité s'applique séparément aux sièges à pourvoir. Si par exemple quatre femmes adjointes au maire ont démissionné, la municipalité est obligée d'élire non pas quatre nouvelles adjointes, mais deux adjointes et deux adjoints.
Il est facile de remédier à ces deux problèmes. Pour cela, l'article 1 er de la présente proposition de loi prévoit que, dans les communes de 1 000 habitants et plus, les adjoints au maire de rang impair sont obligatoirement de sexe opposé à celui du maire et que ceux de rang pair sont du même sexe que le maire (1°). Le même article prévoit en outre les adaptations nécessaires au respect de cette exigence à apporter aux conditions d'élection des adjoints, tant au début (2°) que, le cas échéant, en cours (3°) de mandature :
• En début de mandature, puisque les adjoints prennent rang selon l'ordre de leur élection, il est nécessaire que les listes sur lesquelles ils sont élus soient composées alternativement d'un candidat de chaque sexe en commençant par un candidat de sexe différent de celui du maire (2° a) et que, lorsque la municipalité envisage de n'élire qu'un seul adjoint, celui-ci soit de sexe différent de celui du maire (2 b) ;
• En cours de mandature, il convient de faire en sorte que les vacances susceptibles de se produire ne remettent pas en cause la parité originelle. Pour cela, il y a lieu de prévoir non seulement que toute vacance d'un poste d'adjoint est pourvue par un conseiller municipal de même sexe, mais que le rang ainsi libéré soit aussi occupé par un adjoint de même sexe (ce qui pourra se faire soit en plaçant le nouvel adjoint au rang de la personne qu'il remplace, soit en avançant tous les adjoints de même sexe de deux rangs).
II - Les exécutifs des intercommunalités à fiscalité propre
Avec les transferts massifs de compétences effectués au profit des intercommunalités à fiscalité propre, celles-ci finissent par jouer un rôle beaucoup plus important que les communes. Il est donc inacceptable que les exécutifs de ces intercommunalités ne soient soumis à aucune règle de parité. Cette carence s'explique par le fait que les conseils communautaires sont constitués par agrégation de représentants des différentes communes membres, ce qui conduit très souvent à une surreprésentation d'un sexe ou même à un quasi-monopole.
Cependant, l'efficacité des lois sur la parité peut reposer à la fois sur des mesures directement contraignantes et sur des mesures pénalisantes ou dissuasives. Un bon exemple en est la modulation des aides publiques de l'État aux partis politiques en fonction du respect par chaque parti d'un minimum de parité lors de la désignation de ses candidats aux élections législatives.
Dans cette logique, si au sein d'une intercommunalité le déséquilibre de la parité est tel qu'il n'est pas possible d'avoir une égalité du nombre des vice-présidents de chaque sexe, on devrait pénaliser globalement les élus concernés en réduisant à due concurrence le nombre des vice-présidents.
Pour cela, l'article 2 de la présente proposition de loi prévoit, par renvoi au dispositif applicable aux communes de 1 000 habitants et plus, que dans les intercommunalités à fiscalité propre les vice-présidents de rang pair doivent être de même sexe que le président et que les vice-présidents de rang impair doivent être de sexe opposé (1°). Pour éviter que certains postes de vice-président soient délibérément non pourvus, il prévoit également que l'écart entre le nombre de vice-présidents de chaque sexe ne peut pas être supérieur à un (2°).
III - La parité dans les exécutifs des départements et des régions
Tout comme pour les conseils municipaux et les conseils communautaires, il convient aussi de renforcer la parité au sein des exécutifs des conseils départementaux et des conseils régionaux.
Dans ce but, l'article 3 de la présente proposition de loi prévoit que, dans les conseils départementaux et dans les conseils régionaux, les vice-présidents de rang pair sont toujours (donc y compris s'il y a lieu de remplacer un vice-président en cours de mandature) de même sexe que le président et que les vice-présidents de rang impair sont toujours de sexe opposé.
IV - Modalités transitoires
Conformément à l'usage, l'article 4 de la présente proposition de loi prévoit que les nouvelles dispositions s'appliqueront à partir du prochain renouvellement général des assemblées locales concernées. C'est-à-dire, sauf report, mars 2020 pour les articles 1 er et 2 et mars 2021 pour l'article 3.
S'agissant des articles 1 er et 2, un faux argument est souvent évoqué. Selon celui-ci, il ne serait pas possible de modifier les règles électorales moins d'un an avant un scrutin. Cela n'a aucune base juridique. D'ailleurs, en mars 2014, les élections municipales se sont déroulées sur la base de la loi du 17 mars 2013, laquelle avait considérablement modifié le mode de scrutin. De même, en 2008, lors des élections cantonales, la loi a été modifiée à peine un mois avant le scrutin (déjà pour des questions de parité), alors même que les opérations préparatoires au scrutin avaient déjà débuté.
De plus, saisi d'un moyen tiré de l'hypothétique tradition républicaine, le Conseil constitutionnel l'a jugé inopérant, dans une décision ainsi résumée par ses « Cahiers » (décision n° 2008-563 DC du 21 février 2008) : « Les sénateurs invoquaient, en premier lieu, la tradition républicaine qui veut qu'on ne procède pas à une modification des règles électorales dans l'année qui précède un scrutin et, a fortiori, lorsque le processus électoral a débuté. Le grief avait été soulevé au cours des débats. L'opposition avait d'ailleurs déposé, en vain, dans les deux assemblées, un amendement tendant à reporter l'entrée en vigueur de la loi au 1 er janvier 2009. Il est vrai que ce délai d'un an a été le plus souvent respecté. Mais il ne l'a pas toujours été et n'a jamais été consacré par aucune loi de la République ; il ne pouvait donc se voir reconnaître la valeur d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, comme le demandaient les requérants. »
Proposition de loi tendant à renforcer la
parité
dans les exécutifs des collectivités
territoriales
Article 1 er
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa du II de l'article L. 2121-1, après le mot : « rang », sont insérés les mots : « de telle sorte que les rangs pairs et impairs soient attribués à des adjoints respectivement du même sexe et de sexe différent de celui du maire et » ;
2° L'article L. 2122-7-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe en commençant par un candidat de sexe différent de celui du maire. » ;
b) Le dernier alinéa est complété par les mots : « parmi les membres du conseil municipal de sexe différent de celui du maire » ;
3° Le dernier alinéa de l'article L. 2122-10 est ainsi rédigé :
« Quand il y a lieu, en cas de vacance, de désigner un nouvel adjoint, celui-ci est choisi parmi les conseillers de même sexe que l'adjoint auquel il est appelé à succéder. Le conseil municipal peut décider qu'il occupera, dans l'ordre du tableau, le même rang que l'élu qui occupait précédemment le poste devenu vacant. À défaut, les adjoints du même sexe que celui-ci occupant les rangs suivants et jusqu'à celui auquel le conseil municipal décide de désigner le nouvel adjoint sont avancés de deux rangs. »
Article 2
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L'article L. 5211-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, les dispositions du troisième alinéa du II de l'article L. 2121-1, en tant qu'elles prévoient que les rangs pairs et impairs sont attribués à des adjoints respectivement du même sexe et de sexe différent de celui du maire, ne sont applicables qu'aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. » ;
2° L'article L. 5211-10 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, l'écart entre le nombre d'hommes et de femmes vice-présidents ne peut être supérieur à un. » ;
b) Au début des deuxième et troisième alinéas, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des dispositions de la seconde phrase du premier alinéa, ».
Article 3
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l'article L. 3122-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'ordre des vice-présidents est toujours déterminé de telle sorte que les rangs pairs et impairs soient attribués à des vice-présidents respectivement du même sexe et de sexe différent de celui du président. » ;
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 3631-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'ordre des vice-présidents est toujours déterminé de telle sorte que les rangs pairs et impairs soient attribués à des vice-présidents respectivement du même sexe et de sexe différent de celui du président du conseil de la métropole. » ;
3° Le second alinéa de l'article L. 4133-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'ordre des vice-présidents est toujours déterminé de telle sorte que les rangs pairs et impairs soient attribués à des vice-présidents respectivement du même sexe et de sexe différent de celui du président. »
Article 4
Les articles 1 er et 2 s'appliquent à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant la promulgation de la présente loi.
L'article 3 s'applique à compter du prochain renouvellement général des conseils départementaux suivant la promulgation de la présente loi.