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N° 17

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 4 octobre 2007

PROPOSITION DE LOI

d' orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et la justice fiscale ,

PRÉSENTÉE

Par MM. François MARC, Jean-Pierre BEL, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, Bertrand AUBAN, Robert BADINTER, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, M. Jean BESSON, Mmes Alima BOUMEDIENE-THIERY, Yolande BOYER, Nicole BRICQ, MM. Bernard CAZEAU, Michel CHARASSE, Roland COURTEAU, Yves DAUGE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Jean-Noël GUÉRINI, Claude HAUT, Mme Odette HERVIAUX, MM. Alain JOURNET, Louis LE PENSEC, Mme Raymonde LE TEXIER, MM. Roger MADEC, Marc MASSION, Michel MOREIGNE, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-François PICHERAL, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Thierry REPENTIN, Roland RIES, Claude SAUNIER, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Michel SERGENT, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, Robert TROPÉANO, Richard YUNG, Gérard MIQUEL et les membres du groupe socialiste (1) ,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Michel Charasse, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Charles Josselin, Alain Journet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente-Baudrin, M. Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropéano, André Vantomme, Richard Yung.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2002, les collectivités locales doivent faire face à des transferts de compétences qui génèrent par leur nature des croissances de charges ne faisant l'objet d'aucune compensation. Or, du côté des recettes, des réformes fiscales ont depuis 15 ans bridé les marges de manoeuvre des collectivités locales (renforcement du plafonnement de la taxe professionnelle, réductions multiples privant les collectivités du produit de l'accroissement des bases et des taux d'imposition, réfactions appliquées à certaines compensations, dont celle concernant le foncier non bâti des départements et des régions).

Mesure phare de ces réformes, le plafonnement de la taxe professionnelle aura des conséquences financières douloureuses, pour les collectivités et les groupements intercommunaux.

Ce contexte vient renforcer le décalage structurel existant en France, entre l'importance du mouvement de décentralisation institutionnelle engagé depuis 25 ans, et les carences de la décentralisation financière qui l'accompagne.

Aujourd'hui, le système financier local risque la « surchauffe ».

De ce fait, beaucoup considèrent que la réforme des finances locales aurait dû être un préalable à tout nouveau transfert de compétences.

En effet, les dotations, compensations et dégrèvements de l'État sont opaques, complexes et impuissants à réduire de manière significative les écarts de richesses entre collectivités, en particulier au niveau des communes.

La péréquation des ressources entre collectivités demeure très approximative.

L'action de l'État ne parvient pas à réduire la fracture territoriale, d'autant plus que ses marges de manoeuvre budgétaires sont, aujourd'hui plus que jamais, limitées. Les impôts locaux, reposant sur des bases archaïques, sont sources d'injustices, aussi bien pour les contribuables que pour les collectivités. Les correctifs apportés pour pallier ces carences ont finalement conduit à plafonner certains prélèvements locaux plutôt qu'à réformer la structure de ces prélèvements.

À l'instar de ce qui s'est produit ces dernières décennies chez nos voisins européens, il est évident que nous ne pouvons plus faire l'économie d'une réflexion globale sur le mode de financement de la décentralisation que nous souhaitons. Les derniers rapports publiés sur ce sujet sont unanimes : une réforme du système financier local est aujourd'hui nécessaire pour éviter la « surchauffe ».

Bien que ce constat soit unanimement partagé, la question de la réforme des finances locales ne fait pas partie des priorités du nouveau Gouvernement.

Le premier ministre s'est en effet contenté d'annoncer la suppression de l'indexation des concours de l'État sur la croissance économique nationale, affaiblissant du même coup la capacité des collectivités locales à financer les croissances des charges que l'État leur a transférées, notamment dans le domaine social . Cette annonce apparaît d'autant moins opportune, que les dépenses des collectivités locales croissent aujourd'hui à un rythme bien supérieur à l'inflation, principalement en raison de mesures qui leur sont imposées. Le « panier du maire », indice spécifique qui mesure l'évolution des prix constatée pour les collectivités locales, augmente en 2006 de 3,9 % alors que l'inflation se monte à 1,7 % seulement.

Les auteurs de cette proposition de loi considèrent quant à eux que la réforme des finances locales est urgente, et qu'elle doit prioritairement reposer sur deux piliers : le renforcement de la solidarité financière entre les territoires d'une part, et la modernisation des impôts locaux, dans le sens d'une plus grande justice fiscale d'autre part.

Pour beaucoup d'élus locaux, la situation devient en effet intolérable, du fait du décalage croissant entre les moyens dont ils disposent, et les attentes croissantes de leurs concitoyens en matière de service public de proximité.

La présente proposition de loi d'orientation propose donc de dresser les lignes d'une telle réforme.

L'objet de l'article 1 er est de revoir le dispositif de péréquation entre les collectivités territoriales.

En effet, le premier objectif d'une réforme des finances locales doit être de tendre vers une plus grande égalité devant le service public, sur l'ensemble du territoire. Or, lorsque l'on touche à la fiscalité locale, quelle qu'en soit l'assiette, sa base est par nature inégalement répartie sur le territoire national.

Il est donc nécessaire de renforcer les politiques de péréquation pour atteindre l'objectif visé.

Le rapport réalisé par Guy GILBERT et Alain GUENGANT visant à évaluer les politiques de péréquations verticales existantes (1 ( * )) dresse un constat éclairant en la matière. Cette étude constate en effet la permanence de l'immense disparité de ressources fiscales entre collectivités, au sein d'une même catégorie, avant application de tout dispositif de péréquation.

Ce constat est particulièrement prégnant pour les communes : les inégalités primaires de potentiel fiscal réel par habitant y sont considérables : de 1 à 8 500 (avant tout écrêtement par les fonds départementaux de péréquation). Cet écart est de 1 à 5 pour les départements, et de 1 à 3 pour les régions.

À partir d'une méthode rigoureuse d'évaluation, l'étude démontre que, si la péréquation permet de réduire les inégalités de « pouvoir d'achat » entre les collectivités, cette correction demeure partielle : en 2001, les politiques de péréquation existantes corrigeaient 40 % des écarts de richesse entre communes, 51 % entre départements, et 54 % entre régions.

Mais les auteurs soulignent légitimement que « l'appréciation du niveau global de correction demeure délicate en l'absence d'un chiffrage précis, par les pouvoirs publics, du degré souhaitable de réduction des inégalités territoriales, tant dans la loi que, désormais, dans la Constitution » .

En effet, le cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution précise désormais que « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

Du reste, le principe dorénavant constitutionnel d'autonomie financière est précisé dans une loi organique votée en 2004, et fait l'objet d'un suivi spécifique, alors que rien de tel n'a été fait à ce jour quant à la concrétisation de l'autre principe de base : celui portant sur la péréquation.

C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de préciser dans la loi le contenu que nous souhaitons donner au principe de péréquation, afin de lui offrir une portée similaire au principe d'autonomie financière.

Aujourd'hui, les écarts de ressources entre collectivités demeurent très importants. Pourtant, l'État dispose d'un puissant outil de solidarité financière avec la Dotation Globale de Fonctionnement, qui représente plus de 39 milliards d'euros en 2007.

Les montants affectés à la péréquation de la DGF sont une résultante du partage entre la dotation forfaitaire et la dotation de péréquation. À condition que le périmètre de la dotation forfaitaire soit correctement défini, le mécanisme doit permettre de tendre vers un objectif ambitieux de corrections des inégalités de pouvoir d'achat entre collectivités.

L'article 1 er propose donc, à la lumière d'exemples étrangers tels que l'Allemagne ou le Japon, de poser le principe d'une limitation des écarts de ressources entre les collectivités.

**

L'article 2 vise quant à lui à poser les bases d'une première étape de réforme de la fiscalité locale.

La France fait aujourd'hui partie des rares pays qui n'ont pas recours à l'imposition sur le revenu au niveau local.

En effet, la plupart de nos voisins européens disposent d'un impôt local sur le revenu (Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Italie, Royaume-Uni, Suède...). Dans les pays scandinaves, cet impôt représente une part importante des ressources fiscales locales.

Le renforcement de la justice fiscale, et l'amélioration de la lisibilité de la fiscalité locale, plaident pour la mise en place d'une telle imposition locale reposant principalement sur le revenu.

À cette fin, la création d'une Contribution Sociale Généralisée (CSG) locale, affectée aux départements, est une solution à envisager.

La CSG a en effet l'avantage de reposer sur une assiette large, qui inclut non seulement les revenus du travail et de remplacement, mais aussi les revenus du patrimoine et de placement. La création d'une nouvelle fiscalité locale reposant sur les revenus implique de définir un territoire de collecte étendu, de nature à disposer d'un panel de revenus assez large, et limiter ainsi les disparités de produits d'une collectivité à l'autre.

D'autre part, la CSG a été instituée pour financer les dépenses sociales et de santé. Aujourd'hui, les départements assurent prioritairement les dépenses sociales et de solidarité. Il existe donc une cohérence entre la finalité première de cet impôt, et les compétences assumées par les départements. Ce nouvel impôt se substituerait à l'actuelle part départementale de taxe d'habitation.

Aucune réforme de la fiscalité locale ne doit aujourd'hui se concevoir sans y affilier un dispositif de péréquation horizontale, car les ressources fiscales sont par nature inégalement réparties sur le territoire. C'est pourquoi, un « fonds de solidarité départemental » devrait être créé à partir de cette nouvelle ressource.

L'article 2 propose donc qu'un rapport étudie, d'ici à la rentrée parlementaire de 2008, les conditions dans lesquelles une telle réforme pourrait être mise en place.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

I. Dans le but de garantir aux collectivités territoriales les moyens financiers leur permettant d'assurer de façon équitable sur tout le territoire de la République un service public de proximité de bonne qualité, la loi définit les conditions d'un rapprochement progressif de leurs potentiels financiers.

Conformément au cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, la plus prochaine loi de finances met en place l es dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales .

Cette loi arrête les éléments de la dotation forfaitaire et de la dotation de péréquation constitutive de la dotation globale de fonctionnement des communes, des départements et des régions.

Elle définit pour les régions, départements et pour chaque strate démographique communale, respectivement, une fourchette de variation du potentiel financier par habitant en fonction de la moyenne de la catégorie ou de la strate de population.

Les mécanismes de péréquation mis en place doivent en tout état de cause conduire à ce qu'aucune commune n'ait, dans le délai fixé par la loi, un potentiel financier par habitant inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique. Pour les départements, ce taux serait de 90 % et pour les régions de 95 %. La mesure des seuils ainsi déterminés doit pouvoir s'appuyer sur une redéfinition du critère « potentiel financier », afin qu'il représente au mieux le pouvoir d'achat réel des collectivités locales.

II. Le dispositif prévu au I donne lieu à la mise en place d'un mécanisme de lissage de ses effets sur une période de dix ans, afin de limiter ses conséquences financières pour les collectivités.

III. Les dispositions du I et du II entrent en vigueur à une date fixée par décret après avis du Comité des Finances Locales, lequel délibère au vu des simulations des effets de la mesure, fournies par l'administration.

Article 2

Le gouvernement dépose au parlement avant le 1 er septembre 2008 un rapport présentant les modalités de substitution de la part départementale de la taxe d'habitation par une part additionnelle à la Contribution Sociale Généralisée.

Ce rapport doit notamment explorer les conditions dans lesquelles le taux de ce nouveau dispositif de Contribution Sociale Généralisée pourrait être modulé, à l'intérieur d'une fourchette, par les départements.

Il étudie par ailleurs les dispositifs de lissage temporaire des effets de la réforme sur le contribuable.

Il précise les modalités de mise en oeuvre d'un « fonds de solidarité départemental », à titre de dispositif de péréquation horizontale de cette nouvelle ressource entre les départements.

* 1 Évaluation des effets péréquateurs des concours de l'État aux collectivités locales , Guy GILBERT, Alain GUENGANT, Commissariat Général au Plan, mai 2004.

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