NOTE DE SYNTHESE
En
dépit des aménagements apportés au statut de l'artisan par
la loi relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle du
11 février 1994, il semble que certains problèmes subsistent. Si
la loi a instauré des mesures visant notamment à rétablir
un certain équilibre entre le travail indépendant et
l'activité en société et à améliorer la
protection sociale des non- salariés, elle n'a prévu aucune
mesure en faveur de l'apprentissage, qui constitue un problème
récurrent, et n'a pas non plus répondu à plusieurs
demandes répétées des chambres des métiers.
Ces dernières concernent, d'une part, les incitations fiscales à
l'investissement, et d'autre part, l'amélioration du statut du conjoint
par l'extension à tous les artisans de la possibilité de
déduire le salaire du conjoint collaborateur dans la même limite
que celle qui est octroyée aux entreprises adhérant à un
centre de gestion agréé (déduction du
bénéfice imposable correspondant à 36 fois le SMIC
mensuel, soit environ 216 000 F au 1er janvier 1995 au lieu de 17 000 F).
Par ailleurs, si dans le domaine de la protection sociale, la loi a permis de
déduire du revenu imposable les cotisations d'assurance volontaire des
entreprises individuelles pour prévoyance et perte d'emploi, elle n'a
pas instauré un régime légal de protection sociale en cas
de cessation d'activité temporaire. Ce n'est qu'en juillet 1994 que les
élus représentant les artisans au sein de la Caisse nationale
d'assurance-maladie des travailleurs non salariés ont adopté une
mesure rendant obligatoire la cotisation pour les indemnités
journalières en cas de maladie. Celle-ci n'est entrée en vigueur
que récemment.
Dans ces conditions, il a paru intéressant d'analyser chez nos proches
voisins européens, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni et
la Suisse les points suivants :
- le régime juridique de l'entreprise artisanale,
- les incitations fiscales à l'investissement,
- la déductibilité du salaire du conjoint collaborateur,
- la couverture sociale des artisans,
- les mesures en faveur de l'apprentissage.
De cet examen, il ressort que :
- seules l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie définissent l'entreprise
artisanale ;
- aucun pays n'a prévu d'incitations fiscales à l'investissement
spécifiques aux artisans ;
- en Allemagne et en Espagne, le salaire du conjoint collaborateur est
toujours intégralement déductible ;
- seuls l'Espagne et le Royaume-Uni obligent aujourd'hui les artisans à
cotiser en vue de percevoir des indemnités journalières en cas de
maladie ;
- en Allemagne et en Suisse, l'Etat ne participe pas au financement de
l'apprentissage.
*
* *
1) Seules l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie définissent l'entreprise artisanale.
a) Dans ces trois pays, si la notion d'entreprise artisanale est définie, les critères diffèrent.
En
Allemagne, c'est l'exercice d'un métier figurant au code de l'artisanat
qui permet de déterminer si une entreprise est artisanale ou non. En
outre, c'est le seul pays où l'installation de l'artisan est
subordonnée à des exigences de qualification professionnelle. En
revanche, il n'y a aucun critère de taille, si bien que dans les faits,
la distinction entre industrie et artisanat est assez floue.
En Espagne et en Italie, les deux critères de détermination du
caractère artisanal d'une entreprise sont, d'une part, l'existence d'une
activité de production et, d'autre part, la taille de l'entreprise.
Dans ces trois pays, l'artisan doit être inscrit à un
répertoire des métiers.
b) Seule l'Italie restreint la forme juridique des entreprises artisanales.
Si les
entreprises artisanales peuvent y être constituées sous forme de
sociétés, elles ne peuvent prendre toutes les formes sociales. En
outre, lorsque l'entreprise artisanale est une société, il faut
que la majorité des associés y exercent un travail personnel de
production et que le travail y ait une fonction plus importante que le capital.
En Allemagne et en Espagne, les entreprises sont généralement
individuelles ou sous forme de société à
responsabilité limitée, mais les codes de l'artisanat n'excluent
aucune possibilité.
c) Au Royaume-Uni et en Suisse, il n'y a pas de définition des entreprises artisanales.
Celles-ci peuvent donc adopter la forme juridique de leur choix.
2) Aucun pays n'a prévu d'incitations fiscales à l'investissement spécifiques aux artisans.
Qu'il
s'agisse des plus-values réinvesties ou des nouveaux investissements,
tous les pays ont prévu soit des reports d'imposition ou des
exonérations, soit l'attribution de crédits d'impôts ou
d'abattements.
Ces différentes facilités valent cependant pour toutes les
entreprises quelle que soit leur taille, sauf en Allemagne où les
déductions fiscales pour investissement sont réservées aux
petites et moyennes entreprises.
Au Royaume-Uni, il n'y a pas de déduction fiscale pour investissements
mais, de manière générale, toutes les P.M.E. sont
imposées au titre de l'impôt sur les sociétés
à un taux réduit.
3) En Allemagne et en Espagne, le salaire du conjoint collaborateur est toujours intégralement déductible.
a) Cette règle s'applique que l'entreprise artisanale soit imposable au titre de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
En
Allemagne, le conjoint doit être en possession d'un contrat de travail au
même titre que tout salarié et la jurisprudence impose l'existence
de relations de travail " sans ambiguïtés et
sérieuses ".
En Espagne, les conjoints sont en principe imposés
séparément, les revenus tirés d'une entreprise sont
attribués à l'entrepreneur et le salaire du conjoint fournissant
une prestation en travail est déductible des revenus de l'entreprise.
Cette déductibilité est également appliquée lorsque
les conjoints optent pour l'imposition conjointe.
b) En Suisse, toute collaboration du conjoint donne droit à une déduction fiscale plafonnée.
Au
niveau fédéral, le plafond est égal à environ 25
000 F.
Lorsqu'une telle déduction existe au niveau cantonal, elle peut
être forfaitaire ou peut correspondre à une fraction du revenu
global du couple.
c) Au Royaume-Uni, la déduction du salaire du
conjoint est limitée aux cas où l'entreprise est imposable au
titre de l'impôt sur les sociétés.
d) En Italie, la déductibilité du salaire du
conjoint dépend de la forme de l'entreprise
artisanale.
Dans les
entreprises familiales, forme pour laquelle beaucoup d'artisans optent, le
salaire du conjoint est déductible.
Dans les autres cas, il ne l'est pas mais, par ailleurs, le conjoint ne peut
être imposable au titre de l'impôt sur le revenu.
4) Seuls les artisans espagnols et britanniques perçoivent, quel que soit le mode d'exercice de leur profession, des indemnités journalières en cas de maladie.
Dans tous les pays étudiés, l'artisan salarié bénéficie d'indemnités journalières en cas de maladie, mais il en va différemment si l'artisan exerce à titre individuel.
a) Seuls l'Espagne et le Royaume-Uni obligent les artisans indépendants à cotiser pour percevoir des indemnités journalières en cas de maladie.
En Espagne, les artisans non-salariés appartiennent à un régime spécial auquel ils cotisent sur une base forfaitaire choisie et comprise entre 4 000 F et 15 000 F. En cas de cessation d'activité, quelle qu'en soit l'origine, les artisans perçoivent une indemnité égale à 75 % de l'assiette des cotisations.
b) En Italie, l'affiliation obligatoire à l'Institut national des assurances permet aux artisans de bénéficier d'indemnités journalières spéciales en cas d'accident du travail.
Les
cotisations varient en fonction des risques propres à chaque profession.
En revanche, l'assurance obligatoire des artisans auprès de l'Institut
national pour la prévoyance sociale leur garantit seulement la
gratuité des soins en cas de maladie et non le versement
d'indemnités journalières.
c) En Allemagne et en Suisse, les artisans indépendants ne bénéficient pas d'indemnités journalières en cas de maladie.
En
Allemagne, l'artisan doit, pour percevoir des indemnités
journalières, souscrire une assurance volontaire.
En Suisse, l'assurance maladie demeure facultative jusqu'au 1er janvier 1996,
date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'assurance maladie qui
prévoit notamment une assurance de base uniforme obligatoire pour toute
la population.
5) En Allemagne et en Suisse, l'Etat ne participe pas au financement de l'apprentissage.
Dans ces
deux pays, la formation professionnelle par apprentissage joue un rôle
prédominant dans le système éducatif et les coûts de
l'apprentissage sont assumés par les entreprises se chargeant de la
formation. Il n'existe aucune aide ni aucune incitation fiscale à
caractère général.
Ailleurs, la participation de l'Etat prend généralement la forme
de déductions fiscales. En outre, en Italie, les artisans
bénéficient d'allégements de charges sociales
supérieurs aux autres entrepreneurs et peuvent employer des apprentis
jusqu'à l'âge de 29 ans.
Quant au Royaume-Uni, qui a longtemps négligé ce type de
formation, il développe depuis 1988 une politique visant à
accroître le rôle des organisations professionnelles dans la
formation professionnelle initiale. Celle-ci a notamment donné lieu
à la création de prêts de formation accordés aux
petites entreprises et à la mise en place d'un programme de formation
alternée, destiné aux jeunes, intégralement financé
par l'Etat.