Colloque Sénat-Ubifrance sur l'Australie et la Nouvelle-Zélande
Table des matières
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Ouverture
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Les fondements politiques et économiques des affaires en Australie et en Nouvelle-Zélande
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L'environnement des affaires, un des plus attractifs au monde
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De nombreux projets d'infrastructures, des marchés publics en évolution
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Montée en puissance des biens de consommation et enjeux de la distribution
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Le secteur des services, moteur de l'économie
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Conclusion
Actes du colloque Sénat-Ubifrance
AUSTRALIE et NOUVELLE-ZELANDE
Marchés occidentaux, croissance asiatique
Jeudi 5 avril 2007
Sous le haut patronage de Christian PONCELET, Président du Sénat,
et sous l'égide des groupes interparlementaires d'amitié
France-Australie et France-Nouvelle-Zélande du Sénat
Ouverture
Dominique LECLERC
Sénateur, Président du Groupe interparlementaire France-Australie
Je vous souhaite la bienvenue à ce colloque, organisé avec le concours d'Ubifrance et des groupes interparlementaires d'amitié France-Australie et France-Nouvelle-Zélande du Sénat.
Monsieur Poncelet, Président du Sénat ne peut, malheureusement, pas être parmi nous. Il m'a toutefois, chargé de vous lire ce message :
« Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Le Sénat est fier et heureux d'accueillir ce colloque économique sur l'Australie et la Nouvelle-Zélande, deux pays que nous n'avons encore jamais traités depuis le lancement des rencontres Sénat-Ubifrance, il y a maintenant plus de dix ans.
Je saisis cette occasion pour souligner la richesse et la diversité du partenariat qui nous lie avec nos amis d'Ubifrance, ex CFCE.
Au fil des années, il nous a permis d'aborder les marchés les plus variés, ceux de pays émergents comme ceux d'États plus développés, avec toujours le même objectif : favoriser l'ouverture de nos entreprises à l'international et mieux les sensibiliser à des opportunités d'affaires auxquelles elles ne songent pas toujours d'elles-mêmes.
Le calendrier électoral et politique de ce trimestre m'empêche d'être parmi vous ce matin, mais soyez assurés de l'intérêt que je porte à vos travaux, dont j'ai suivi la préparation attentivement.
Je remercie donc vivement le Président du groupe France-Australie, mon collègue et ami Dominique LECLERC, d'avoir accepté de vous transmettre ce message.
Comme le note à juste titre l'argumentaire de ce colloque, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, au-delà de leurs personnalités respectives bien affirmées, offrent plusieurs caractéristiques communes, dont deux auxquelles les opérateurs devraient être spécialement sensibles : le dynamisme et la sécurité, termes qui, dans la compétition économique, ne vont pas souvent de pair.
Tous les investisseurs le savent, les marchés très dynamiques sont souvent des marchés peu sûrs, susceptibles de retournements de tendance brutaux ; inversement, les économies très sécurisées affichent en général des performances plus sages, pas toujours assez attractives pour justifier une implantation à l'étranger.
Or, l'Australie et la Nouvelle-Zélande conjuguent à la fois les deux atouts : une forte croissance et un environnement des affaires stable et juridiquement rassurant.
De surcroît, ces deux États disposent d'importantes liquidités, affichent des niveaux de vie élevés, avec une population fortement demandeuse des produits à haute valeur ajoutée provenant d'Asie, du continent nord-américain et d'Europe.
Encore faut-il que les entreprises européennes s'intéressent à un marché qu'elles connaissent en général assez mal.
Certes, les compagnies françaises n'en sont pas totalement absentes, avec déjà près de 300 implantations dans quelques secteurs où notre savoir-faire n'est plus à démontrer : les systèmes électroniques, les communications, l'industrie du luxe, etc.
Pour autant, plusieurs de nos pôles traditionnels d'excellence ne sont pas encore représentés dans cette région, notamment le BTP ou la grande distribution, alors que la demande y est pourtant forte.
Bien entendu, l'implantation dans cette région du Pacifique sud soulève des difficultés spécifiques ; on pense, en particulier, à l'éloignement (plus de 20 heures d'avion....) et aux écarts linguistiques et culturels entre la vieille Europe et le plus jeune des continents.
Mais ces difficultés n'ont rien d'insurmontables et plusieurs de nos partenaires de l'Union européenne -pas seulement des anglophones d'origine- n'hésitent plus à s'engager en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Il serait donc très dommage que les entreprises françaises -y compris les PME- se laissent trop distancer sur des marchés où elles disposent pourtant d'atouts sérieux.
Je suis certain que les Ambassadeurs des deux pays -auxquels j'adresse mes amicales salutations- et nos dynamiques chefs des missions économiques concernées sauront vous en convaincre.
Une chose est certaine : avec leur appui, avec celui d'Ubifrance et, pour ce qui les concerne, avec le soutien des groupes d'amitié du Sénat, vous pouvez y envisager beaucoup de nouvelles perspectives intéressantes.
Je vous souhaite d'excellents travaux, en espérant que vous garderez de votre passage au Sénat un bon souvenir et que vous y reviendrez. »
Eric ELGHOZI
Directeur général délégué, Ubifrance
Je tiens à remercier le Sénat de nous accueillir aujourd'hui. Je suis également reconnaissant aux Ambassadeurs, et aux représentants d'Invest Australia et d'Invest New-Zealand,d'avoir participé à l'organisation de cette réunion. Notre dernier colloque sur cette région remonte à 2004. Il était temps d'attirer à nouveau l'attention de nos investisseurs sur ces deux pays. Madame Lagarde, Ministre déléguée au Commerce extérieur, s'est rendue le mois dernier en Australie. Elle n'a de cesse, depuis lors, d'encourager nos entrepreneurs à s'implanter sur ces marchés. J'invite ainsi les participants à diffuser, autour d'eux, les informations qui seront échangées à cette occasion. J'espère également que l'organisation de la coupe du monde de rugby, en France, sera l'occasion de tisser des liens d'affaires entre les entrepreneurs de nos pays.
Les fondements politiques et économiques des affaires en Australie et en Nouvelle-Zélande
Sont intervenus :
François DESCOUEYTE, Ambassadeur de France en Australie
Jean-Louis LATOUR, Chef des Services économiques pour l'Océanie
Jean-Luc FAURE-TOURNAIRE, Sous-Directeur de l'Océanie, Ministère des Affaires étrangères
François RAFFRAY, Chef de la Mission économique de Wellington
Les débats étaient animés par Carole GAESSLER, journaliste.
François DESCOUEYTE
L'Australie dispose, à mon sens, de trois atouts fondamentaux, dont le premier est l'espace. La superficie de ce pays est égale à celle des Etats-Unis sans l'Alaska, et représente quatorze fois la taille de la France. La densité de population, encore faible, renforce cette impression d'immensité. L'Australie ne compte, en effet, que vingt millions d'habitants. Sa taille lui permet de bénéficier de ressources naturelles importantes, notamment dans le domaine énergétique. Elle dispose ainsi de 40 % des réserves mondiales prouvées d'uranium. Elle a également d'immenses gisements de gaz naturel ainsi que des mines de charbon à ciel ouvert.
La fédération australienne comprend six Etats et deux territoires qui se caractérisent par leur francophilie et par la présence de nombreuses opportunités commerciales. Les grands pôles économiques se concentrent dans le triangle « classique » formé par les villes de Sydney, Melbourne et Canberra et dans le triangle de croissance formé par les villes de Brisbane, Perth et Adélaïde. Il ne faut pas négliger, pour autant, les opportunités commerciales qu'offrent les villes de Darwin au nord et d'Hobart au sud du pays.
Le deuxième atout de l'Australie réside dans une forte croissance de long terme. Elle atteint le taux record, au sein de l'OCDE, de 3,6 % annuel en moyenne, sur les dix dernières années. En outre, le taux d'inflation est limité et les finances publiques sont saines. Le pays connaît, en effet, un excédent budgétaire. L'Australie enregistre, en revanche, un déficit commercial important en termes de balance courante. Il est, toutefois, facilement financé par des emprunts sur le marché extérieur. La réputation de l'Australie est telle qu'elle peut se permettre de libeller ses titres dans sa propre monnaie, ce qui annule les risques de change.
L'Australie représente la quinzième économie mondiale, avec un revenu par habitant équivalent à celui de la France. Elle abrite, en outre, la deuxième place financière d'Asie. L'augmentation de la demande mondiale de matières premières, ainsi que la croissance indienne et chinoise, garantissent la croissance continue de cette économie. Par ailleurs, le débat public, à l'approche des élections, témoigne du consensus sur la politique économique dans ce pays. L'industrie tient, certes, une place limitée dans la structure de l'économie australienne mais les perspectives restent prometteuses pour les secteurs de haute technologie. Enfin, ce pays dispose de ressources humaines d'une rare qualité comme en atteste la présence de sept prix Nobel sur son territoire.
Le troisième atout de l'Australie est la qualité de la vie, fondée sur un subtil équilibre entre le travail et les loisirs. La durée légale du travail est ainsi limitée à 38 heures légales hebdomadaires. L'organisation du travail est, en outre, moderne et peu hiérarchisée.
A ces atouts, je tiens à ajouter l'excellence des relations politiques entre nos deux pays, qui est sans précédent. La conclusion d'un accord de défense, en décembre 2006, souligne la qualité de nos rapports. Nous sommes, de fait, dans une situation de rattrapage après les malentendus de ces dernières années. C'est ainsi un nouvel âge d'or qui s'ouvre pour les relations franco-australiennes en raison de la prise de conscience d'intérêts communs.
En outre, la balance commerciale française est excédentaire vis-à-vis de l'Australie. Les statistiques douanières australiennes, qui intègrent la vente des équipements de défense et les services, laissent ainsi apparaître que la France exporte en valeur quatre fois ce qu'elle importe d'Australie. Les investissements se développent au point que la France est désormais le septième investisseur en Australie. Les milieux financiers australiens commencent, réciproquement, à s'intéresser à la France.
Je souhaiterais conclure sur la qualité des relations humaines en Australie, qui me semble fondamentale. Ce pays se caractérise par l'ouverture d'esprit et la proximité culturelle de ses habitants tant avec l'Europe qu'avec l'Asie. Plus de 100 000 immigrants viennent en Australie chaque année, enrichissant une société composite. La société australienne fait figure de laboratoire réussi de la mondialisation puisqu'un quart de la population est né est à l'étranger. La communauté française d'Australie, forte de 75 000 ressortissants, s'intègre facilement. Ainsi les deux tiers d'entre eux disposent de la double nationalité.
En définitive, le seul obstacle existant dans le développement des relations franco-australiennes est la distance. Toutefois, la « tyrannie de la distance », pour reprendre la formule forgée par l'historien Geoffrey Blainey, est compensée par la proximité politique, économique et culturelle.
Jean-Louis LATOUR
Je souhaiterais citer quelques chiffres qui me paraissent significatifs. En premier lieu, il convient de souligner que l'Australie est une société du plein-emploi avec un taux de chômage qui se limite à 5 %. Cet excellent résultat est dû à une croissance soutenue de 3,6 % sur la période 1992-2007. Le problème de la sécheresse qu'a connu l'Australie en 2006 n'a que légèrement érodé son taux de croissance. Les hypothèses de croissance pour 2007-2008 se situent du reste au dessus de 3%.
La réussite économique de l'Australie s'exprime ainsi dans l'augmentation de 43 % du revenu réel par habitant en l'espace de quinze ans. Cette performance est d'autant plus exceptionnelle que le revenu par habitant des Etats-Unis n'a augmenté que de 35 % sur la même période. De fait, le consommateur australien dispose d'un pouvoir d'achat plus important ; ce qui le rend plus exigeant quant à la qualité des biens qu'il acquiert.
Le plein emploi présente toutefois quelques inconvénients puisque des pénuries de main d'oeuvre apparaissent dans tous les secteurs de l'activité. De même, des déficits dans les infrastructures conduisent à des goulets d'étranglement. Ils sont progressivement en voie d'être comblés tant par l'action des pouvoirs publics que par celle des opérateurs privés. Ainsi, ces nouvelles infrastructures devraient soutenir la croissance économique dans les prochaines années. La sécheresse qui affecte l'Australie a des incidences sur l'économie dans sa globalité. L'amélioration des infrastructures liées à l'eau devrait néanmoins permettre de résoudre ces difficultés.
Carole GAESSLER
Nous allons maintenant évoquer le deuxième pays auquel ce colloque est consacré. Peut-on également parler d'un âge d'or dans nos relations avec la Nouvelle-Zélande ?
Jean-Luc FAURE-TOURNAIRE
La relation avec la Nouvelle-Zélande est aujourd'hui excellente. Le contentieux lié à l'affaire du Rainbow Warriorest désormais apuré comme le soulignait Madame Helen Clark, Premier Ministre néo-zélandais, en novembre 2006. De même, les différends nés des essais nucléaires ou de l'évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie ont été réglés. Ces évolutions offrent de nouvelles bases pour les relations entre nos deux pays. Madame Helen Clark s'est ainsi rendue à Paris, en novembre 2006, effectuant à cette occasion, son troisième déplacement en France en trois ans. De même Madame Lagarde et Monsieur Baroin, alors Ministre de l'Outre-mer, se sont rendus récemment en Australie.
Toutefois, la distance subsiste. C'est à l'aune de cet éloignement géographique qu'il convient d'apprécier le fait que les échanges commerciaux restent limités. La France n'est ainsi que le dixième fournisseur de la Nouvelle-Zélande, qui, elle-même, n'est que le soixante-dixième fournisseur de la France.
La prise en considération de nos collectivités d'Outre-Mer tempère néanmoins ces données. La Nouvelle-Zélande est ainsi le deuxième fournisseur de la Polynésie française et le troisième fournisseur de la Nouvelle-Calédonie. Les relations bilatérales entre la France et la Nouvelle-Zélande ainsi qu'entre la France et l'Australie s'enrichissent du rôle joué par nos collectivités d'Outre-Mer. La France contribue ainsi à la stabilité de la région ; ce qui contribue à l'évolution de nos relations politiques avec ces deux pays.
François RAFFRAY
La Nouvelle-Zélande est un pays, certes beaucoup plus petit que l'Australie et plus éloigné géographiquement de la France, mais néanmoins beaucoup plus proche de notre pays par sa culture. En outre, Madame Helen Clark, Premier Ministre néo-zélandais, a exprimé à Madame Christine Lagarde, Ministre du Commerce Extérieur, son désir de voir s'intensifier les relations commerciales avec la France.
Le marché néo-zélandais est un petit marché prospère de quatre millions d'habitants. Pour l'instant, nos relations commerciales se limitent à l'agro-alimentaire. Or les opportunités commerciales existent dans de nouveaux secteurs, notamment dans les biotechnologies, l'environnement et l'énergie. Les Néo-zélandais sont en effet demandeurs de la présence française en raison de la qualité de notre savoir faire.
Le marché néo-zélandais est, en outre, facile à pénétrer. La seule contrainte existante est le respect des règles. Toutefois, cette contrainte est également un facteur de sécurité. Ainsi la Nouvelle-Zélande occupe le premier rang au classement, établi par la Banque mondiale, sur la pratique des affaires. Le marché néo-zélandais peut donc faire office de marché test dans la mesure où le risque y est minime. La société Alcatel, par exemple, a utilisé son partenariat avec Telecom New Zealand comme un test, avant de partir à l'assaut de la zone Asie-Pacifique.
L'environnement des affaires, un des plus attractifs au monde
Sont intervenus :
Garry DRAFFIN, Directeur général international, Invest Australia, Sydney
Henri GALLARD, Directeur Australie, Manitou, Sydney
Joël HAKIM, Conseiller du commerce extérieur de la France, Administrateur, Holding Nexans Australia, Sydney
Mathieu HANAUT, Conseiller du commerce extérieur de la France, Partner, Norman Waterhouse Lawyers, Sydney
Les débats étaient animés par Carole GAESSLER, journaliste.
Garry DRAFFIN
Je souhaiterais revenir sur la question de la distance, qui a été évoquée. Beaucoup d'économistes estiment qu'en 2015, 55 % du PNB mondial sera produit en Asie. La production asiatique excédera donc celle de l'Europe et des Etats-Unis réunis. Pour les entreprises françaises qui sont des acteurs mondiaux, ou qui veulent le devenir, l'Asie sera un marché incontournable. La distance ne compte donc pas, à moins de se retrouver exclu de la zone de croissance la plus rapide du monde.
L'Australie peut être un très bon partenaire dans cette partie du monde. C'est un pays de l'OCDE qui possède les mêmes standards en termes de droit, de gouvernance, de comptabilité ou de protection industrielle que les pays européens. Notre implication en Asie est, en revanche, unique. Certaines sociétés japonaises ont, du reste, basé leur direction asiatique en Australie. Toutes les langues asiatiques sont, en effet, pratiquées en Australie et le chinois est désormais la deuxième langue la plus parlée dans notre pays. Or le marché asiatique n'est pas homogène ; c'est donc un atout que d'avoir toutes les cultures asiatiques rassemblées dans un même pays.
Les opportunités d'investissement en Australie même sont également nombreuses. En outre le potentiel de croissance de la région garantit la croissance future de notre pays. 500 millions de nouveaux consommateurs, au sein de la région, souhaiteront acquérir des biens utilisant des matières premières australiennes. Cette croissance constitue une opportunité et un défi pour notre pays. Nous pensons que les entreprises françaises pourraient nous aider à relever ce défi. La confédération australienne de l'industrie a estimé que notre économie devrait investir 50 milliards d'euros dans les infrastructures pour répondre à la demande. La grande sécheresse, par exemple, représente un défi immense pour l'agriculture australienne. Ainsi, nos besoins d'approvisionnement et de traitement des eaux pourraient être résolus grâce à l'expertise des sociétés françaises.
Henri GALLARD
L'Australie est un marché sur lequel nous sommes présents depuis plus de trente ans. Au cours de cette période, nous avons eu la possibilité de travailler avec différents importateurs dans le domaine minier, agricole et militaire. Les investissements que nous avons réalisés en Australie sont des investissements de long terme. En effet le marché du bassin pacifique est en train de s'unifier autour de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Nous avons ainsi souhaité fonder une agence en Australie pour ne plus dépendre de nos importateurs et consolider notre implantation sur le marché.
Carole GAESSLER
Des intervenants ont indiqué que les marchés australiens et néo-zélandais sont des marchés sûrs. Faut-il en conclure que les paiements et les relations commerciales sont excellents ?
Henri GALLARD
De petites difficultés de paiement peuvent exister, comme partout. Elles sont toutefois rares et se résolvent toujours rapidement. Les paiements sont réguliers et nos partenaires commerciaux nous informent toujours au préalable en cas de problème.
Carole GAESSLER
Le plein emploi induit une pénurie de main d'oeuvre. Comment assurez-vous le recrutement de votre personnel ?
Henri GALLARD
Notre agence australienne n'a que deux ans d'existence et emploie actuellement quinze personnes. Nous sommes aujourd'hui obligés de recourir à des cabinets de recrutement pour embaucher certains types de personnel. Toutefois, la création d'une société permet de bénéficier de visas pour employer des expatriés pendant trois ou quatre ans. Ainsi, des jeunes Français ou des jeunes Européens peuvent être tentés par cette expérience. Il faut ainsi savoir faire preuve d'imagination.
Joël HAKIM
Je ne connais pas vraiment d'exemples d'entreprises françaises qui n'ont pas réussi. Le fait de posséder une compétence particulière et de produits performants permet d'accéder au marché australien.
Par ailleurs, la distance a souvent été évoquée mais je tiens à souligner que l'Australie est située à huit heures d'avion des grands pays d'Asie et la Nouvelle-Zélande a onze heures. Or l'immersion dans les pays asiatiques, où nos entreprises vont facilement, exigent pourtant plus de huit ou dix heures, alors qu'elle est immédiate avec les deux pays que nous évoquons aujourd'hui.
Carole GAESSLER
Une entreprise française peut-elle être pénalisée sur le marché australien en raison de sa nationalité ?
Joël HAKIM
Il y a autant de stratégies de pénétration du marché australien qu'il y a de situations. Le fait d'être français n'est ni un atout ni un inconvénient. Ainsi, le rachat de National Mutual par AXA a eu lieu pendant la campagne d'essais nucléaires. Les Australiens et Néo-Zélandais sont, en effet, des gens pragmatiques pour qui les affaires priment sur toute autre considération.
Henri GALLARD
Les Australiens sont effectivement des gens de contact, extrêmement pragmatiques. Il faut aller au contact des gens pour pouvoir faire des affaires. Ainsi, nous n'avons pas hésité à quitter les grandes villes pour étendre notre clientèle.
Mathieu HANAUT
Mon expérience professionnelle en tant qu'avocat, depuis huit ans, en Australie m'a permis de participer à une centaine de créations de sociétés. L'environnement juridique est orienté vers l'entreprenariat. Il est ainsi possible de créer une société à responsabilité limitée, en vingt quatre heures, avec un dollar et un seul associé pour un coût de 1 000 euros. La flexibilité dans le droit des sociétés est associée à une convention fiscale nouvelle qui permet le rapatriement des dividendes.
En outre, la réglementation de l'emploi est extrêmement souple, notamment en ce qui concerne la durée des contrats. Les coûts de charges sociales sont de surcroît très limités, avec un financement du service de santé plafonné à 1,5 % du salaire et un système de retraite par capitalisation. Enfin, les investissements étrangers ne font l'objet d'aucune restriction. Thales a ainsi acquis une des plus importantes sociétés de défense nationale.
La seule précision que j'apporterai est que le système juridique australien est un système de common law . L'ordre public de protection du droit français est donc inexistant. La sécurité juridique doit donc être trouvée dans le contrat. Celui-ci est dès lors volumineux et complexe. L'erreur la plus commune consiste dès lors à vouloir transférer un contrat de droit français, notamment pour les employés, alors que le contrat de droit australien est plus favorable.
Joël HAKIM
L'un des atouts de l'Australie tient à la qualité de ses ressources humaines. Ainsi, Pechiney a utilisé beaucoup d'ingénieurs australiens pour assurer la promotion de ses technologies au Moyen-Orient ou en Afrique du Sud. La manière de travailler des Australiens diffère certes de la nôtre. Elle est toutefois assez efficace comme l'illustre leur approche des réunions de travail qui sont bien préparées et qui ne s'attardent pas.
François RAFFRAY
Je tiens à préciser qu'il est désormais possible d'ouvrir la succursale néo-zélandaise d'une agence australienne sans démarches supplémentaires pour les investissements étrangers.
Carole GAESSLER
Le gouvernement australien est très impliqué pour favoriser la création d'entreprises. N'est-ce pas Monsieur Draffin ?
Garry DRAFFIN
Je voudrais dire que l'un des avantages que peut offrir l'Australie, aux entreprises, tient aux accords multilatéraux et bilatéraux de libre-échange. Nous avons ainsi conclu un accord bilatéral avec les Etats-Unis en 2005 ainsi qu'avec Singapour et la Thaïlande. Nous sommes également en négociation avec la Chine, le Japon, la Malaise et la Corée.
Jean-François CURY, Directeur des Investissements Europe, Investment New Zealand
Il est aussi facile et rapide de créer une société en Nouvelle-Zélande qu'en Australie. Des incitations fiscales existent en Nouvelle-Zélande pour favoriser l'implantation d'entrepreneurs étrangers. Les revenus extérieurs aux activités en Nouvelle-Zélande sont ainsi exonérés d'imposition. De même, les fonds de capital investissement sont tout à fait enclins à financer les entreprises étrangères. Enfin, il est à noter qu'Auckland est l'une des villes où le coût de la vie est le moins cher, selon une étude réalisée par l'Union des Banques Suisses.
La Nouvelle-Zélande est un marché idéal pour tester les produits ainsi qu'une base arrière pour s'implanter sur le marché Pacifique. Ainsi Danone s'est développé en Chine à partir de la Nouvelle-Zélande.
Mathieu HANAUT
L'exonération des revenus de source étrangère pour les résidents temporaires, qui englobe également les plus-values, existe également en Australie depuis le 1 er juillet 2006.
De nombreux projets d'infrastructures, des marchés publics en évolution
Sont intervenus :
Jean-Louis LATOUR, Chef des Services économiques pour l'Océanie
Patrick BOREL, Directeur chargé de l'Asie, Safran
Michel GEORGIN, Président, Thales Opérations internationales
Michel ULRICH, Directeur Exploitation internationale, Degrémont
Les débats étaient animés par Carole GAESSLER, journaliste.
Jean-Louis LATOUR
Les besoins en matière d'infrastructures sont énormes. Ainsi le chiffre de 50 milliards d'euros avancé par Monsieur Draffin est basé sur l'addition des différents projets dans les territoires australiens. Toutefois les besoins sont particulièrement concentrés sur Western Australia et le Queensland. Les groupes français sont impliqués dans la gestion des équipements publics mais sont absents des opérations de construction. La forte concentration des opérateurs du secteur, qui s'apparente à de la cartellisation, en est la cause. Toutefois les besoins en termes d'infrastructures sont tellement forts que les entreprises présentes sur le marché ne peuvent répondre à la demande. Les gouvernements des Etats fédérés sont donc inquiets de cette situation et souhaiteraient que les entreprises françaises participent à ces travaux. Le moment est donc venu pour nos sociétés de venir en Australie pour y conquérir des parts de marché.
Carole GAESSLER
Il est, dès lors, intéressant de se tourner vers les acteurs qui connaissent déjà les marchés publics australiens. C'est notamment le cas de Safran, représenté par Patrick Borel, qui travaille sur l'équivalent australien de la carte vitale.
Patrick BOREL
Dans les marchés publics, les Australiens sont très pragmatiques. Ils recherchent le meilleur produit avec le meilleur service après vente.
Carole GAESSLER
Pouvez-nous nous décrire les procédures de passation des marchés publics ?
Patrick BOREL
Les marchés publics australiens sont caractérisés par leur transparence ainsi que par l'abondance et le sérieux des spécifications requises. Ainsi, les règles du jeu sont connues de tous et la sélection se fait sur des critères objectifs de performance.
Carole GAESSLER
Faut-il s'allier à des sociétés australiennes pour remporter les marchés ?
Patrick BOREL
Il n'est pas nécessaire de s'allier avec des entreprises australiennes pour décrocher des marchés. En revanche, une implantation locale est nécessaire pour assurer la maintenance. Il est logique que les Australiens soient soucieux de ce point dans la mesure où ils ne peuvent attendre que les pièces viennent de France. Ils achètent en effet du matériel pour pouvoir l'utiliser.
Carole GAESSLER
L'Australie passe pour être la tête de pont des Etats-Unis dans la région, comme l'illustre leur engagement en Irak. Comment a fait Thales pour devenir le premier industriel dans le secteur de la défense en Australie ?
Michel GEORGIN
Nous nous sommes donné le temps d'avoir l'image d'une entreprise australienne. Nous nous sommes ainsi attachés à montrer à nos partenaires australiens que nous comprenons leurs problématiques. Thomson Sintra Pacific a commencé à s'implanter dans la région, en 1983, en équipant en sonars les sous-marins de la classe Collins. En 1993, Thomson a fondé une filiale spécialisée dans les radars et a remporté le marché de l' air traffic control . Ainsi, nous avons démontré en deux étapes que nous étions capables de servir le marché australien. De fait, nous avons pu bénéficier du soutien du gouvernement australien pour pénétrer le marché chinois du contrôle aérien. L'Australie est ainsi une base arrière pour la conquête des marchés asiatiques.
Le deuxième temps de notre implantation s'est articulé autour du rachat d'ADI, entreprise nationale de défense. Le gouvernement australien voulait redonner une impulsion à cette entreprise en évitant qu'elle ne soit trop dépendante du budget de l'armée. Thales a ainsi été autorisé, en 2000, à prendre 50 % de cette compagnie, en association avec un investisseur australien. ADI a conservé son autonomie, notamment sur les sujets sensibles pour lesquels l'Australie ne veut pas être dépendante des Etats-Unis. Le fait d'avoir donné des gages au gouvernement australien nous a permis d'obtenir 100 % d'ADI en octobre 2006. Pendant ces six années, nous avons fait la preuve de notre capacité à respecter les exigences des Etats-Unis. Ces derniers avaient, en effet, un droit de veto sur cette prise de contrôle d'ADI. Ce résultat démontre la pertinence de notre stratégie d'immersion. Ainsi nous n'avons que 15 ou 20 expatriés sur 3 700 employés. De même, il n'y a qu'un Français sur les douze membres du conseil de direction.
En ce qui nous concerne, la distance est un atout. Elle permet, en effet, de nous prémunir de tout interventionnisme alors même que l'Australie représente notre quatrième pôle d'implantation dans le monde. Il est important que les Australiens disposent de leur propre autonomie même si nous supervisons les sujets importants.
Carole GAESSLER
L'implantation de Thales en Australie a donc été le fruit d'un long travail. Est-ce que ce travail a été également nécessaire à la société Degrémont ?
Michel ULRICH
Nos activités sont un peu particulières. Elles s'inscrivent dans le cadre des partenariats public/privé qui échappent aux contraintes des marchés publics. Nous avons pénétré le marché australien en remportant un appel d'offres international pour le traitement des eaux. Cet appel d'offres, remporté il y a quinze ans, concernait la production d'eau potable pour l'agglomération de Sydney soit 420 millions de mètres cubes annuels. Nous sommes ainsi positionnés sur ce marché au moment où les problèmes liés à l'eau sont très importants.
Carole GAESSLER
Vous venez également de décrocher le marché pour une usine de désalinisation d'eau de mer à Perth. Avez-vous eu besoin de vous associer à une entreprise australienne ?
Michel ULRICH
Dans le cas de cette usine, le périmètre est différent. Nous assurons la conception et la construction de l'usine ainsi que son exploitation et sa maintenance pour une durée de vingt ans. Cela fait deux ans que nous avons été sélectionnés dans le cadre d'un appel d'offres international. Nous avons dû nous associer dans la mesure où nous ne conduisons pas d'opérations de génie civil.
Carole GAESSLER
Le représentant de Safran nous indiquait que les règles de passation des marchés publics sont transparentes en Australie. Est-ce que vous partagez cette opinion ?
Michel ULRICH
Les conditions de sélection, dans notre métier, sont remarquables pour l'attribution des marchés publics. Toutefois les Australiens n'ont pas l'approche clé en main des marchés publics qui est dominante en Europe. En effet, l'offre soumise est appréciée, en Europe, par rapport au prix et aux spécifications requises ; sans que les détails soient analysés. En revanche, les Australiens vont analyser l'ensemble des détails. De fait, la procédure d'attribution des marchés publics se déroule en deux étapes. Une présélection s'opère à l'issue de laquelle deux compétiteurs restent en lice. Au cours des deux ou trois mois suivant cette première étape, les entreprises encore en lice, doivent détailler l'intégralité du contenu de leur offre. Le prix sera ainsi déterminant à moins que les différences technologiques soient vraiment importantes.
Carole GAESSLER
Les procédures sont-elles similaires en Nouvelle-Zélande ?
Patrick BOREL
Nous ne sommes malheureusement pas implantés en Nouvelle-Zélande. Nous avons toutefois remporté des marchés publics pour du matériel de défense comme des missiles anti-aériens ou des hélicoptères. Les procédures décrites pour les marchés publics australiens s'appliquent également en Nouvelle-Zélande.
Michel GEORGIN
Nous avons décidé cette année de créer une filiale en Nouvelle-Zélande, sous la responsabilité de notre entité australienne. Nous espérons nous développer sur ce marché qui est similaire à celui de l'Australie. En outre, la Nouvelle-Zélande a également une zone d'influence dans la région ; dont il est intéressant de bénéficier. A titre d'exemple, nous avons emporté le marché du système de sécurité des réunions de l'APEC. Nous espérons utiliser ce marché pour assurer la promotion de notre société auprès des pays membres.
Michel ULRICH
Nous sommes présents en Nouvelle-Zélande depuis une dizaine d'années. Nous avons remporté en effet deux appels d'offres pour la construction et l'exploitation d'usines, notamment pour le traitement des eaux résiduaires d'Auckland. Nous opérons au travers New Zealand Water Services, une filiale d'Australian Water Services. Les deux marchés sont très complémentaires dans la mesure où le traitement de l'eau dépend dans ces pays des ingénieurs conseils
Carole GAESSLER
Quels sont spécifiquement les domaines dans lesquels il existe des parts de marché à conquérir dans le cadre de l'attribution des marchés publics ?
François RAFFRAY
En termes d'infrastructures, un budget de 10 millions d'euros est prévu pour améliorer les infrastructures en vue d'accueillir la coupe du monde de rugby. En outre, l'environnement est considéré comme une priorité gouvernementale. Ainsi le recyclage des déchets ménagers et le traitement des eaux sont deux secteurs porteurs. Il en va de même pour le secteur de l'énergie puisqu'une loi récente impose 3,4 % de biocarburants en 2012.
Jean-Louis LATOUR
Le problème des entreprises françaises a été abordé par Monsieur Ulrich. Nos compagnies sont en effet absentes du secteur du génie civil, où se trouvent les plus importantes opportunités. Toutefois ce secteur est caractérisé par la concentration des acteurs. Il est donc nécessaire qu'une entreprise française prenne le contrôle d'une société australienne pour pouvoir concourir aux appels d'offres.
Patrick BOREL
Le marché des infrastructures de transport urbain, notamment la rénovation de la signalisation, est également très porteur. Nous concourons avec Alcatel pour les appels d'offre de Sydney et de Melbourne. La présence d'entreprises françaises de BTP nous serait d'une grande aide pour remporter ces marchés.
Michel ULRICH
Nous sommes à la recherche de partenaires pour remporter des marchés concernant de gros travaux. Or nous sommes gênés par le fait que le marché est occupé par trois ou quatre acteurs, qui seront ramenés à deux par le biais des procédures de sélection. Nous aimerions pouvoir nous associer avec une entreprise française. Toutefois, celle-ci ne pourra s'établir qu'en rachetant des entreprises australiennes.
François DESCOUEYTE
Il faut préciser que beaucoup de secteurs en Australie reposent sur une structure de duopole. Un entrant ne peut donc espérer s'implanter sur le marché que s'il s'associe avec l'un des deux acteurs déjà présents. Nous essayons ainsi de convaincre Bouygues et Vinci de venir s'implanter en Australie en prenant le contrôle d'une entreprise australienne.
Jean-Louis LATOUR
Je voudrais ajouter que l'Australie est un pays de clubs. Il faut donc acquérir les codes de comportement pour y faire des affaires. Un entrant peut ainsi accéder au marché s'il est perçu comme un membre du club.
Montée en puissance des biens de consommation et enjeux de la distribution
Sont intervenus :
Michel-Henri CARRIOL, Conseiller du commerce extérieur de la France, Président, Trimex, Sydney
Jean-Louis LATOUR, Chef des Services économiques pour l'Océanie
Jean-Pierre RIVERY, PDG, SPF Diana
Les débats étaient animés par Carole GAESSLER, journaliste.
Carole GAESSLER
L'Australie est le huitième marché du monde pour les produits de luxe. Monsieur Carriol vous êtes présents en Australie depuis quarante ans et à ce titre vous connaissez bien les consommateurs australiens. Quelles sont les évolutions que vous avez constatées ?
Michel-Henri CARRIOL
Lorsque je suis arrivé dans ce pays, Londres était encore la métropole. Toutefois les modes de consommation en Australie ont évolué et sont désormais très proches de ceux des Américains. La situation a en revanche peu évolué en Nouvelle-Zélande où l'influence britannique reste très forte. De même, l'influence britannique est encore très sensible en Australie à l'intérieur des terres.
Carole GAESSLER
Quels sont les secteurs porteurs dans le domaine des biens de consommation, outre les cosmétiques ?
Jean-Louis LATOUR
Je voudrais indiquer que les biens de consommation ont progressé de 22 % l'année dernière et représentent 25 % des exportations françaises dans cette région.
Michel-Henri CARRIOL
Les Australiens et les Néo-Zélandais sont avant tout des consommateurs dans la mesure où leur production nationale ne couvre pas tous les besoins. Or le marché australien oscille entre la huitième et la onzième position mondiale, dans le secteur du luxe, en fonction des marques. Je connais bien la société Clarins pour avoir contribué à son implantation en Australie dans les années 1970. Or Clarins est aujourd'hui l'un des acteurs importants du marché du luxe en Australie.
Carole GAESSLER
Quelles sont les priorités d'achat des Australiens ? Peut-on identifier des segments plus porteurs que d'autres ?
Michel-Henri CARRIOL
Les produits intermédiaires en termes de prix et de qualité, proposés par les entreprises européennes, ne sont pas exportables en Australie. Les entreprises européennes doivent ainsi se positionner sur le haut de gamme ou sur le bas de gamme. En effet, la gamme intermédiaire est pourvue par la production asiatique, notamment dans les cosmétiques ou dans le textile.
Carole GAESSLER
En ce qui concerne les réseaux de distribution, de nombreux intervenants ont évoqué la structure en duopole. Est-ce que cela explique que les grandes enseignes de la distribution française ne soient pas présentes en Australie ?
Jean-Louis LATOUR
La structuration du marché en duopole est historique ; il n'y a donc pas la place pour un troisième distributeur. L'implantation dans le secteur de la grande distribution requiert d'immenses immobilisations financières. Or il n'est pas certain que des groupes comme Carrefour souhaitent s'implanter dans un pays où la rentabilisation de l'investissement est lente. Ils préfèrent aller dans les pays émergents où les profits sont plus importants.
Carole GAESSLER
Comment peut-on trouver un réseau de distribution sur les marchés australien et néo-zélandais en ce cas ?
Michel-Henri CARRIOL
La structure en duopole ne ferme pas complètement le marché australien. Ainsi, le private equity participe au rachat de détaillants dans ce pays. Les banques peuvent jouer un rôle important pour financer l'implantation des groupes européens sur ces marchés. Les private equities américains sont particulièrement actifs en ce moment et rachètent des grands groupes australiens. Ainsi le grand magasin Myer a récemment été racheté par une société de capital risque américaine. De même, la chaîne de supermarchés Coles est sur le point d'être rachetée par un private equity américain. Il serait intéressant que des groupes européens similaires mènent la même démarche.
Je souhaiterais également aborder la question de l'Australie comme marché pilote. De plus en plus de sociétés qui veulent pénétrer le marché américain utilisent l'Australie comme zone test. En effet, l'investissement est limité et les modes de consommation sont très proches.
En outre, l'Australie est également utilisée comme un porte-avion. En effet, la base australienne peut être utilisée pour toucher la Nouvelle-Zélande ainsi que les îles du Pacifique. Ainsi, les territoires français d'Outre-mer tels que la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française ou Wallis et Futuna peuvent être desservis depuis l'Australie. En termes logistiques, les containers peuvent ainsi arriver d'Europe et être entreposés sous douane. Ils peuvent, dès lors, être réexpédiés, en petites quantités vers ces territoires.
Carole GAESSLER
Quel rôle est alors dévolu à la Nouvelle-Zélande dans cette organisation ?
Michel-Henri CARRIOL
La Nouvelle-Zélande représente un marché moins structuré, en l'absence de structure duopolistique. C'est donc un marché plus ouvert où les marges bénéficiaires sont plus importantes. En outre, beaucoup de touristes sont présents sur ce marché. De fait, les ventes en travel retail sont très importantes.
Carole GAESSLER
Les industries de transformation agro-alimentaires ne sont pas très développées dans ces pays alors même que l'Australie est une grande puissance agricole. Quelles sont les entreprises françaises présentes aujourd'hui ?
Jean-Louis LATOUR
Beaucoup d'entreprises françaises sont présentes par le biais de leurs importateurs. Il existe toutefois quelques groupes directement implantés sur place. Ainsi le groupe Pernod-Ricard est sans doute l'un des premiers exploitants et exportateurs de vins australiens et néo-zélandais.
Jean-Pierre RIVERY
Nous sommes venus en Australie, en tant que société spécialisée dans les aliments pour animaux, pour la qualité des matières premières. Le contrôle sanitaire des denrées alimentaires, opéré par les autorités publiques, est de grande qualité. Il est ainsi possible d'exporter des produits dans des pays, tel que le Japon, qui sont très réticents à voir entrer des produits alimentaires européens. En effet, les crises sanitaires à l'exemple de la grippe aviaire ont créé une suspicion sur la qualité des produits européens. Or nos clients exportent 60 % de leur production vers le Japon, la Thaïlande et la Chine. De même, nos clients en Nouvelle-Zélande réexportent 70% de leurs produits vers l'Asie.
Carole GAESSLER
Vous avez donc dû conclure des partenariats.
Jean-Pierre RIVERY
Nous sommes associés, en effet, avec le co-leader de la production avicole en Australie. Il faut un partenariat avec les acteurs locaux. Du reste, j'invite les entreprises qui souhaitent s'installer dans ce pays à aller à la rencontre des Australiens puisque c'est la meilleure façon de conclure des affaires.
Bruno MASCART, PDG Altios International
Altios est une spécialisée dans le conseil et l'accompagnement des petites et moyennes entreprises françaises dans leur implantation à l'étranger. L'Australie est un pays particulier pour cette société puisque la première agence y a été créée.
Je souhaiterais revenir sur les grands fondamentaux déjà abordés pour apporter quelques précisions. L'Australie est l'équivalent de la Suède, du Danemark et de la Norvège réunis, par sa population et par son PNB. Ce pays est, en outre, très fortement urbanisé. Ainsi 60 % du marché se concentre sur cinq villes : Sydney, Melbourne, Perth, Adélaïde et Brisbane. De surcroît, un tiers du marché se limite aux villes de Sydney et Melbourne. En dépit de la taille de son territoire, l'Australie est donc un marché très facile à prospecter. Il existe ainsi de nombreuses liaisons aériennes pour desservir ce territoire depuis la France.
Le revenu par habitant des Australiens est très élevé puisqu'il dépasse, en moyenne, de 15 à 20 % le revenu par habitant français. Les habitudes de vie et de consommation sont donc différentes. La plupart des Australiens résident dans des maisons individuelles ; ce qui en fait des grands consommateurs des arts de la table notamment.
En ce qui concerne la notion de distance, je tiens à souligner que l'Australie est aussi loin pour les concurrents. Nous avons accompagné 300 petites et moyennes entreprises dans leur implantation en Australie, depuis la création d'Altios. Or la plupart de ces sociétés ont réalisé que leurs concurrents étaient absents de ce marché. Ainsi une société qui exporte déjà de 20 à 30 % de sa production en Australie, est assurée de réussir son implantation.
Je tiens également à insister sur la francophilie des Australiens. Dans les produits alimentaires, nous avons notamment pu exporter les compétences des maîtres fromagers français pour créer le bleu de King Island.
Jean-Pierre RIVERY
Je pense en effet qu'il est important de contacter les importateurs en préalable pour leur indiquer que l'on souhaite produire directement en Australie. Il est ainsi très facile de conclure des affaires, y compris avec des grands groupes, en raison de l'éloignement géographique qui assure une grande autonomie.
Jean-Louis LATOUR
Je voudrais ajouter que l'assurance prospection va changer de visage en Australie, dans quelques mois. Nous allons en effet étendre un nouveau dispositif qui n'était jusqu'ici expérimenté que dans un pays d'Amérique latine. L'assurance prospection sera désormais individuelle ce qui permettra à des sociétés en création de bénéficier de cette assistance qui était, jusqu'ici, réservée aux groupes déjà existants.
Le secteur des services, moteur de l'économie
Sont intervenus :
Corinne BOT, Conseiller du commerce extérieur de la France, PDG, the Polyglot Group, Sydney
Christophe HOAREAU, Ernst and Young Australia, Sydney
François CRISTOFARI
, Conseiller du commerce extérieur de la France, CEO, BNP Paribas Australie Nouvelle-Zélande, Sydney
Garry DRAFFIN, Directeur général international, Invest Australia, Sydney
Les débats étaient animés par Carole GAESSLER, journaliste.
Carole GAESSLER
Vous avez réussi, Madame Bot, à créer une entreprise dans le domaine des services, en Australie, alors que vous êtes française. Comment avez-vous fait ?
Corinne BOT
Je me suis implantée en Australie, il y a maintenant dix-huit ans de cela. La création d'une société est facile dans ce pays, comme cela a déjà été indiqué. L'implantation est encore plus simple dans le secteur des services puisque l'investissement initial est limité. Il est donc assez aisé de fonder une petite société et de la faire progresser. Il est toutefois important d'offrir un service de qualité pour assurer la croissance.
Je tiens ainsi à souligner que les petites entreprises peuvent réussir en Australie. Les différents intervenants, qui se sont succédé, ont surtout évoqué les grands groupes. Or l'économie australienne peut accueillir les petites et moyennes entreprises à un coût moindre que la France. Les risques sont réduits et l'Australie constitue un excellent tremplin pour se développer dans la zone Asie-Pacifique. En outre, les paiements sont sûrs et rapides ; ce qui permet d'avoir rapidement un bilan positif.
Carole GAESSLER
Votre entreprise est une agence de recrutement ; vous connaissez donc bien les secteurs d'activités en Australie. Quels sont les secteurs qui recrutent dans le domaine des services ?
Corinne BOT
Notre société ne fait pas que du recrutement ; elle offre des solutions en ressources humaines. Nous avons ainsi étendu la gamme de nos activités. De fait, nous avons récemment contribué à la création d'un incubateur pour les PME-PMI australiennes.
La demande de services est très forte en Australie, qu'il s'agisse des services pour les sociétés ou pour les personnes. Aussi, une idée originale reposant sur une prestation bien organisée permet de remporter des marchés.
Carole GAESSLER
Le service à la personne est déjà très important en Australie. Quelle est, dès lors, la valeur ajoutée qu'une société française peut apporter ?
Corinne BOT
Je crois que les Français ont une approche très professionnelle, qui repose sur une véritable expertise. En outre, la relation client est généralement excellente car les engagements souscrits se traduisent toujours par des actes.
Carole GAESSLER
La situation est-elle similaire en Nouvelle-Zélande ?
Corinne BOT
Pour l'instant, nous travaillons surtout en Nouvelle-Zélande depuis l'Australie. Nous envisageons une implantation en Nouvelle-Zélande car le marché est similaire au marché australien qui est de surcroît proche géographiquement.
Christophe HOAREAU
Ernst & Young est présent en Australie depuis de très nombreuses années. En revanche, nous avons créé, depuis dix-huit mois, un French business centre dédié aux clients français implantés en Australie. Cette création s'inscrit dans une logique, impulsée par l'agence de Paris, de déploiement de centres dédiés aux entrepreneurs français dans le monde entier. Nous dénombrons actuellement une vingtaine de bureaux français. Nous avons ainsi tissé un réseau à l'échelle mondiale employant une centaine de collaborateurs français. Le bureau australien regroupe une quinzaine de Français, associés à différentes nationalités représentatives du melting-pot australien. L'ancrage local nous semble vraiment important. Il est facilité par une culture du travail qui est partagée entre Français et Australiens.
En revanche, la communauté des affaires en Australie est très petite. Les décideurs économiques ont fréquenté les mêmes universités et se connaissent tous. Il est donc indispensable de pénétrer ce milieu pour conquérir des parts de marché. Ainsi, la quinzaine de collaborateurs australiens que notre société emploie disposent des points d'entrée dans cet univers des décideurs. En revanche, les collaborateurs français bénéficient de leur ancrage dans la communauté des affaires française. La combinaison des deux permet d'obtenir des résultats très positifs. Ainsi, Jean-Louis Latour a pu entrer en contact avec les responsables du Queensland pour aborder les problèmes d'infrastructures, par l'entremise de l'un de nos collaborateurs australiens.
Carole GAESSLER
Il faut donc entrer dans une logique de cooptation si je vous comprends bien ?
Christophe HOAREAU
Il est certain que les contacts personnels jouent un rôle important. Toutefois, les appels d'offres et les marchés publics sont extrêmement transparents.
Carole GAESSLER
Je souhaiterais savoir si les expatriés français sont solidaires. Existe-il des réseaux entre Français par delà les structures institutionnelles publiques ?
Corinne BOT
Tout à fait, la solidarité existe entre les Français ainsi qu'entre les femmes d'ailleurs. En effet, les PME-PMI sont, pour les deux tiers, dirigées par des femmes en Australie. Les CCE ou les missions économiques jouent certes un rôle ; il me semble toutefois que rien ne vaut la pratique du terrain pour aider les PME-PMI. Je crois que c'est le conseil de proximité qui est décisif pour les petites entreprises. Elles apprécient en effet d'être appuyées par des acteurs qui connaissent le terrain.
Carole GAESSLER
Je crois que BNP PARIBAS est la banque étrangère la plus ancienne en Australie.
François CRISTOFARI
En effet, la BNP s'est implantée en 1881 en Australie. A l'époque, 90 % des achats de laine en Australie étaient réalisés par des opérateurs français.
Carole GAESSLER
Vous m'avez indiqué que votre banque n'offrait pas de prêts aux PME.
François CRISTOFARI
Nous avons en effet abandonné la banque de détail pour nous spécialiser sur les crédits aux très grandes entreprises. Nous pouvons, en revanche, conseiller les PME qui souhaitent s'implanter en Australie et les adresser à des banques locales pour qu'elles trouvent des financements.
Carole GAESSLER
Nous aimerions que vous nous présentiez la place qu'occupent l'Australie et la Nouvelle-Zélande dans le marché financier.
François CRISTOFARI
Le secteur bancaire et financier est le troisième dans le domaine des services. Vous avez déjà indiqué que les services représentent 70 % du PIB australien. Dans les vingt dernières années, le secteur bancaire et financier a connu une croissance de 4,9 % par an alors que l'économie australienne progressait de 3,6 % par an. L'expansion de ce secteur est ainsi remarquable. De fait, l'Australie est désormais le quatrième marché mondial pour les fonds sous gestion, ce qui est peu connu du grand public. Elle n'est devancée que par les Etats-Unis, le Luxembourg et la France. L'importance de l'Australie résulte d'une loi qui impose à tous les employeurs de déposer 9% des salaires versés dans des fonds de pension. Nous pensons ainsi que l'Australie devrait, sous quinze ans, devenir la deuxième place mondiale pour les fonds sous gestion.
En outre, la capitalisation boursière de Sydney est deux fois plus importante que celles des marchés boursiers de Hong-Kong et de Singapour réunis. L'Australie a de surcroît dépassé le Japon, au cours des trois premiers trimestres de l'année 2006, pour les opérations de fusion acquisition dans la zone Asie-Pacifique.
Je voudrais toutefois revenir sur la spécificité de BNP Paribas Australie. Notre vocation est d'être une banque d'investissement et, à ce titre, nous finançons les grands projets, notamment dans le domaine des infrastructures ou dans le secteur minier. Toutefois, nous nous situons derrière les quatre banques locales. Le secteur bancaire fait ainsi exception à la règle du duopole puisque quatre banques très puissantes dominent le marché : ANZ, NAB, Westcap et CBA. Ces banques n'ont pas le droit de fusionner en raison d'un décret gouvernemental. En effet, l'Australie redoute la constitution de monopole. Ainsi, l'autorité en charge du respect de la concurrence, l'ACCC, est extrêmement puissante.
Je souhaiterais, par ailleurs, ajouter quelques commentaires plus personnels sur l'Australie. Je pense ainsi que la distance, si souvent évoquée, peut être abolie. Nous avons ainsi remporté un mandat récemment, avec un fund manager de Sydney. Ce dernier souhaitait disposer d'un reporting à six heures du matin à Sydney. La seule manière de répondre à cette demande consistait à utiliser notre agence de Wellington. En effet les employés de l'agence de Wellington, qui arrivent à sept heures dans leur bureau, sont en mesure d'adresser un reporting dès huit heures du matin. Or le décalage horaire est de deux heures entre ces deux pays. Ainsi, notre client de Sydney peut disposer de ces comptes-rendus à l'heure convenue. On peut donc tirer parti de la distance et des différences entre les fuseaux horaires. L'Australie compte ainsi des fuseaux horaires d'avance par rapport au Japon, à Singapour et à Hong-Kong. Il me semble que cette précision permet de mieux apprécier le positionnement géographique de l'Australie dans la région.
Je voudrais également ajouter des éléments aux contributions précédentes. Ainsi, la société australienne est certes très anglaise mais il ne faut pas négliger les apports latins résultant de l'immigration italienne et grecque opérée après guerre. La société australienne est ainsi riche de ses différences. Le caractère multiculturel de cette société a été amplifié par l'immigration en provenance du Moyen-Orient et de l'Asie au cours de ses dernières années. Il est dès lors possible de tirer profit de cette diversité.
En outre, je tiens à souligner que les clients australiens sont très fidèles si vous leur démontrez la qualité de votre service. Ainsi nos clients australiens ne nous perçoivent pas comme une banque étrangère. Ils nous considèrent, au contraire, comme une banque domestique. Cette loyauté n'a pas d'équivalent en Europe ou aux Etats-Unis.
Garry DRAFFIN
Je n'ai que quelques précisions à apporter. Le secteur des services est très développé en Australie, à l'instar des pays de l'OCDE, et représente 77 % du PNB. Notre pays ne se réduit donc pas au tourisme, au secteur minier ou à l'agriculture. Le secteur financier est l'activité la plus dynamique dans les services. Les fonds sous gestion australiens atteignent la somme de 1 000 milliards de dollars. Or ces fonds sont investis à travers le monde, y compris en France. C'est également un marché important au regard de la situation en Asie.
Toutes les grandes banques européennes ont désormais des fonctions régionales et mondiales en Australie. Je pense notamment à Deutsche Bank ou à ABN-Amro. Ainsi les effectifs du secteur bancaire et financier dépassent ceux de Hong-Kong, de Singapour et du Japon réunis. Les opportunités d'affaires sont donc énormes dans ce secteur et je suis persuadé que la croissance sera encore au rendez-vous à l'avenir.
Christophe HOAREAU
L'absence de chômage en Australie conduit à des difficultés de recrutement, notamment pour la fourniture des prestations nécessaires aux entreprises.
Carole GAESSLER
Nous avons, en effet, abordé cette question sans toutefois l'approfondir. Il est ainsi nécessaire de cibler le profil de la personne requise. Les risques de voir un salarié se faire débaucher par une autre entreprise sont très importants.
Corinne BOT
Le chômage est limité à 1,9 % dans la région de Sydney et il ne dépasse 4,7 % sur le territoire australien.
Carole GAESSLER
Il faut offrir des rémunérations importantes en ce cas.
Corinne BOT
La rémunération est l'un des critères pris en considération par les nouvelles générations. Elles sont également très attentives à la qualité des conditions de travail. Toutefois, je tiens à préciser que l'on peut trouver du personnel sans débaucher des salariés au sein des entreprises présentes sur le territoire. Ainsi, l'Australie a initié une politique d'immigration choisie qui consiste à délivrer des visas aux personnes porteuses de compétences dont le pays a besoin. Ainsi l'Office de l'immigration accorde des visas d'immigration aux entreprises. Celles-ci les utilisent pour attirer les individus qui peuvent suppléer aux carences de certaines compétences sur le territoire national. De fait les bénéficiaires de ce dispositif sont titulaires d'un visa pour une durée de trois ou quatre ans.
Cette politique constitue une inflexion majeure par rapport aux dispositifs antérieurs. En effet, l'octroi des visas était auparavant complexe et long. Il est aujourd'hui plus facile de venir s'installer en Australie pour y travailler si l'on est porteur d'une compétence spécifique. En outre, les avantages fiscaux consentis sont également importants ; ce qui permet d'offrir des salaires raisonnables. De fait, le recours aux visas est une solution qui est à la disposition des petites et moyennes entreprises.
Cécile DELETTRE, Chef de Service Marketing direct, Promotion des Ventes, Ubifrance
Je souhaiterais savoir s'il existe des possibilités de développement dans le secteur de la distribution pour des petites et moyennes entreprises. Faut-il recourir au système des franchises pour pénétrer ce marché ?
Jean-Louis LATOUR, Chef des services économiques pour l'Océanie
La franchise est un secteur extrêmement développé en Australie. Ce pays est en effet très vaste et éclaté en dépit de la forte urbanisation évoquée précédemment. De nombreux points de vente subsistent ainsi dans les villages. Les modes de distribution anciens, à l'image du colportage ou de la vente par correspondance, peuvent être employés en Australie. Toutefois, ils ne sont pas à privilégier en raison de la forte urbanisation du pays.
En ce qui concerne l'accès des PME au marché australien, il me semble indiqué de recourir aux services d'un importateur. L'appui d'un importateur distributeur ou d'un importateur relayé par des distributeurs est en effet la meilleure façon d'établir une présence en Australie. Les distributeurs ont ainsi des contacts avec les détaillants qui pourront amener le produit auprès des consommateurs australiens. Il est ainsi plus facile d'implanter une petite ou une moyenne entreprise en Australie qu'en Inde. La prospection des pays émergents est généralement très longue et éprouvante.
Christophe HOAREAU
L'Australie est un pays dans lequel la ponctualité est particulièrement prisée. J'ai ainsi appris à mes dépens qu'une arrivée différée de cinq minutes seulement est très mal perçue. J'engage désormais tous les Français que je rencontre à se montrer ponctuels aux rendez-vous. La ponctualité est en effet valorisée comme une marque de courtoisie.
Conclusion
Sarah DENNIS
Ambassadeur de Nouvelle-Zélande en France
J'aimerais remercier le Président du Sénat et Ubifrance d'avoir organisé ce colloque. Les intervenants ont plus longuement parlé de l'Australie que de la Nouvelle-Zélande. Je me propose donc de vous présenter les opportunités commerciales qui existent dans mon pays.
L'un des plus grands défis pour la Nouvelle-Zélande consiste à briser les stéréotypes qui la caractérisent. La Nouvelle-Zélande est un pays moderne et novateur comme l'illustre son succès dans l'America's Cup. Cette victoire a reposé sur un mélange de talents individuels et de technologies de pointe qui est également à l'oeuvre dans l'économie néo-zélandaise. Ainsi, un institut néo-zélandais a développé, dans le domaine des nano technologies, un programme de micro fluide qui pourrait révolutionner les moyens d'administrer les médicaments.
Je souhaiterais continuer à m'appuyer sur l'exemple de l'America's Cup. Les bateaux néo-zélandais ont, en effet, bâti leur victoire en utilisant des techniques et des tactiques originales ainsi qu'en s'appuyant sur des équipes multinationales. Ces caractéristiques sont également partagées par les entreprises qui choisissent de venir en Nouvelle-Zélande. Ces entreprises mettent ainsi en avant la capacité d'innovation et la présence d'équipes internationales pour expliquer leur choix d'implantation. Electronic Data Systems a choisi d'implanter une de ses divisions mondiales dans notre pays en raison de la réactivité des équipes néo-zélandaises, qui assurent un service en continu. De fait, le nombre des entreprises internationales qui choisissent de s'implanter en Nouvelle-Zélande pour assurer leur expansion en Asie n'a de cesse de croître.
L'intensification des implantations en Nouvelle-Zélande tient à la fiabilité des infrastructures de transport et de communication, qui permettent de desservir l'ensemble de la zone Asie-Pacifique depuis les principales villes. L'existence de ressources naturelles uniques et protégées est également un facteur explicatif. Enfin il convient de mentionner la crédibilité et l'expérience internationales de nos chercheurs.
La Nouvelle-Zélande offre d'autres avantages, mis en avant par les enquêtes menées par les organisations internationales. La Banque mondiale considère que la Nouvelle-Zélande est, avec Singapour, le premier pays au monde pour la création et le développement d'entreprises. De même, la Nouvelle-Zélande est le deuxième pays au monde sur la liste des pays les moins corrompus. L'environnement macroéconomique est, de surcroît, particulièrement sain. La Nouvelle-Zélande partage avec l'Australie et la Suède le privilège d'être l'un des rares pays de l'OCDE à avoir supprimé la dette publique en présentant un excédent budgétaire. En outre, la Nouvelle-Zélande mène une politique active d'intensification des accords de libre-échange. Des accords, conclus de très longue date, avec l'Australie permettent le développement de relations économiques profondes. De même, des accords ont été conclus, au cours de ces dernières années, avec Singapour, le Sultanat du Brunei et le Chili. Ils illustrent le potentiel de collaboration d'économies très diverses. Nous avons également conclu un accord de libre-échange avec la Thaïlande et nous sommes en négociations avec la Malaisie. Nous négocions également, conjointement avec l'Australie, des accords avec les dix pays membres de l'ASEAN. Enfin, nous menons actuellement des négociations avec la Chine. A travers cette politique nous ambitionnons de renforcer notre intégration dans la région et de consolider notre prospérité.
L'attractivité internationale de la Nouvelle-Zélande est particulièrement forte dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Elle est également importante dans le domaine des biotechnologies. L'entreprise Roche et la société de capital-risque Alta Partners, par exemple, ont investi dans des entreprises néo-zélandaises. La construction de super yachts illustre la capacité d'exportation des entreprises néo-zélandaises dans le secteur des produits manufacturés. L'agro-alimentaire est également un domaine d'excellence pour la Nouvelle-Zélande. Ainsi, les secteurs pionniers de l'agriculture et de l'horticulture ont réussi à enregistrer d'importants gains de productivité. Le secteur viticole, bénéficiant du savoir faire des investisseurs français, est également très performant. Enfin, Nestlé a investi dans plusieurs entreprises spécialisées dans les alicaments et les nutraceutiques.
La progression des investissements étrangers résulte de la combinaison de quatre avantages majeurs. La Nouvelle-Zélande peut offrir la pureté et la protection de son sol et de ses fonds marins. Elle dispose également d'espèces uniques, liées au sol et au climat. Elle peut également créer de nouvelles espèces grâce à la qualité de ses équipes. Enfin elle a su développer un savoir-faire reconnu dans l'extraction des produits assurant le lien entre la santé et la nourriture. Ainsi, l'entreprise Vital Food a pu extraire des omégas 3 et des omégas 6 à partir de grains de kiwi.
Helen Clark, Premier Ministre néo-zélandais, a récemment déclaré au sujet de la Nouvelle-Zélande que nous devions nous réinventer en permanence pour garder une longueur d'avance. Nous sommes ainsi, en permanence, tournés vers l'innovation.
Penelope WENSLEY
Ambassadeur d'Australie en France
Je suis très honorée d'avoir l'opportunité de clore ce colloque. Je voudrais, en préalable, remercier Ubifrance, les missions économiques et le Sénat d'avoir organiser cette rencontre.
J'espère que les différentes tables rondes auront permis de présenter la spécificité du marché australien ainsi que les opportunités dont il recèle pour les entreprises françaises. J'espère également que les entreprises françaises déjà présentes sur le marché australien auront été rassurées sur la pertinence de leur choix d'implantation. Les commentaires étaient particulièrement variés et d'une qualité exceptionnelle aujourd'hui.
Je me contenterai dès lors de souligner quelques-uns des points déjà abordés au cours de la matinée. Je souhaiterais, ensuite, offrir quelques commentaires et réflexions. En premier lieu, je tiens à insister sur l'attitude positive envers la France. Nous avons connu des périodes difficiles dans nos relations bilatérales avec les essais nucléaires, le statut des territoires d'Outre-mer et l'affaire du Rainbow Warrior . Je puis vous assurer que ce temps est révolu.
Je souhaiterais également aborder notre politique de libre-échange avec les pays asiatiques. Des accords ont été conclus avec les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, Singapour et la Thaïlande. Nous sommes également en négociation avec les pays de l'ASEAN, le Chili, la Malaise, la Chine, les pays membres du Conseil de coopération du Golfe, le Japon et la république de Corée. De fait, nous renforçons la position de tremplin régional qu'occupe l'Australie.
Monsieur Mascart a déclaré que les concurrents des entreprises françaises ne sont pas présents en Australie. Il me semble qu'il faut nuancer ce propos. En effet, beaucoup d'entreprises s'intéressent à notre région et la concurrence va s'intensifier à l'avenir. En outre, la France devance certes l'Italie dans son implantation en Australie mais elle est en retard par rapport à l'Allemagne ou au Royaume-Uni. J'invite ainsi les entrepreneurs français à se demander s'ils peuvent s'autoriser le luxe de ne pas être présents sur ce marché.
Je souhaiterais également aborder la question des habitudes culturelles en Australie. La notion de ponctualité est effectivement très importante. De même, les décisions sont extrêmement rapides en Australie par rapport à la France. En outre, les Australiens sont beaucoup moins formels et peuvent être rebutés par une trop grande distance avec leur interlocuteur. Le fait de tutoyer et d'appeler les gens par leurs prénoms est considéré comme normal lorsque l'on nourrit des contacts suivis avec des partenaires.
Par ailleurs, je souhaiterais assurer la promotion de deux nouveaux clubs. D'une part, Madame Lagarde et moi-même avons créé le Chairmen's club qui regroupent les entreprises australiennes et françaises les plus impliquées dans nos deux pays. Nous sommes convenues de renforcer ce premier réseau en s'appuyant sur l'association Australian Business in Europe afin d'étendre les échanges aux décideurs politiques. Le deuxième club s'inspirerait du Business networking club, créé en Australie pendant les Jeux Olympiques. Il s'agirait de favoriser les contacts entre les entrepreneurs passionnés de sport à l'occasion de la coupe du monde de rugby organisée en France.
Je souhaiterais exprimer quelques commentaires par rapport au colloque tenu aujourd'hui. J'ai eu l'impression que nous prêchions des convertis. J'aurais aimé avoir un éventail d'hommes et de femmes d'affaires français qui ne sont pas encore présents dans nos pays. En ce qui concerne la distance entre la France et l'Australie, il me semble que le problème réside plutôt dans l'esprit des Français. Ainsi, beaucoup d'autres nationalités ne sont pas entravées par cette distance. Nous avons réussi à faire changer les mentalités des hommes d'affaires australiens, qui avaient une forte propension à privilégier le Royaume-Uni. Je ne doute pas qu'il soit possible de faire évoluer la mentalité des entrepreneurs français.
Aussi, il me semble important de chercher les moyens de faire évoluer les perceptions. Il convient, tout d'abord, de sortir des clichés en apportant une information de qualité. Il me semble également que nous avons besoin d'un soutien politique plus visible. La France reçoit des personnalités politiques de premier plan alors que l'Australie n'accueille que des représentants des ministères techniques. Nous n'avons pas reçu de Président de la République, de Premier Ministre ou de Ministre des Affaires étrangères français depuis plus d'une décennie.
La situation est similaire en ce qui concerne les représentants des organisations économiques. Nous aimerions voir des délégations du MEDEF en Australie et en Nouvelle-Zélande. Enfin, nous avons besoin de délégations très spécialisées sur un secteur précis au lieu de délégations trop généralistes. De cette manière, il devient possible d'obtenir des retombées concrètes en termes de prise de commandes et de contrats.