Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mercredi 29 novembre 2006
Table des matières
-->Réunion du mercredi 29 novembre 2006
Institutions européennes
Les priorités de la présidence allemande de l'Union
Audition de Son Exc. M. Klaus Neubert,
Ambassadeur d'Allemagne en France1(*)
M. Hubert Haenel :
Je vous remercie vivement d'avoir accepté de venir au Palais du Luxembourg pour nous présenter les priorités de la présidence allemande de l'Union européenne qui va commencer le 1er janvier 2007.
Cette présidence suscite des attentes particulièrement fortes. Dans le climat de pessimisme qui a gagné les institutions européennes depuis les référendums en France et aux Pays-Bas, la présidence allemande apparaît en effet comme un facteur de relance et d'espoir. C'est pourquoi le Conseil européen de juin dernier lui a confié la mission de préparer un rapport faisant le point sur l'état des débats relatifs au traité constitutionnel et explorant les évolutions futures possibles. Ce rapport sera ensuite l'élément de base pour les décisions qui devront intervenir d'ici la fin de l'année 2008. De plus, la présidence allemande jouera un rôle majeur dans l'élaboration de la déclaration qui marquera, en mars prochain, le cinquantième anniversaire du traité de Rome.
En juin dernier, nous avons reçu notre Ambassadeur à Berlin qui nous a décrit l'état des relations franco-allemandes ainsi que l'état d'esprit du gouvernement allemand. Cinq mois plus tard, à un mois de la présidence allemande de l'Union européenne, vous comprendrez que nous sommes particulièrement impatients d'entendre vos propos.
M. Klaus Neubert :
Les attentes envers la présidence allemande de l'Union européenne paraissent particulièrement lourdes. Aujourd'hui même, notre gouvernement vient d'approuver les deux documents de base qui vont être la base de cette présidence. Pour la première fois, à notre initiative, et pour tenter de remédier aux inconvénients des présidences tournantes semestrielles, un programme commun à trois présidences consécutives (Allemagne, Portugal, Slovénie) sera présenté au Conseil des Affaires générales le 11 décembre 2006. Ce programme comprend naturellement notre propre programme. Par cette démarche, l'Allemagne veut assurer une continuité à moyen terme, par le rapprochement entre un grand pays fondateur et deux pays de l'Est et du Sud de l'Europe.
J'aborderai d'abord les priorités de cette « présidence à trois » jusqu'à la mi-2008 avant de détailler le rôle de l'Allemagne à compter du 1er janvier 2007. Cette présidence à trois va préparer le terrain de la présidence française qui aura lieu dans la seconde moitié de l'année 2008, à ce moment charnière de l'histoire de l'Europe qui sera celui du passage des premiers cinquante ans d'intégration européenne.
Nous ferons naturellement un rapport sur le suivi du processus constitutionnel. Mais, avant de transmettre ce dossier à la présidence française, il faudra d'abord achever l'élargissement en aidant la Roumanie et la Bulgarie, nouveaux membres à compter du 1er janvier 2007, à s'intégrer pleinement à l'Union Européenne. Il faudra aussi ouvrir dès que possible l'espace Schengen aux nouveaux membres en fonction de leurs capacités à appliquer les règles nécessaires. Il faudra enfin élargir la zone euro avec les candidats qui remplissent les conditions requises.
Notre programme à trois comporte également la mise en oeuvre de la stratégie de Lisbonne. Il faudra dans ce cadre parachever le marché intérieur : libéraliser le marché des services postaux, arrêter un cadre réglementaire européen pour les télécommunications, mettre sur pied un plan d'action pour harmoniser les services financiers, stimuler la compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie européenne par l'harmonisation du droit des entreprises, améliorer le système européen des brevets, engager une réforme de la standardisation technique, lutter contre la fraude fiscale et créer une assiette commune pour la taxation des entreprises afin d'éviter le dumping fiscal.
Pour favoriser la compétitivité externe des entreprises européennes, il convient de mettre en place une protection effective de la propriété intellectuelle, leur permettre un accès non discriminatoire au sein de l'Union aux marchés publics et leur garantir un libre accès aux marchés des pays tiers. Nous devons aussi veiller à encourager la croissance en Europe pour lui permettre de rattraper ses compétiteurs mondiaux par une application économiquement raisonnable du pacte de croissance et de stabilité afin de garantir une stabilité de long terme des budgets publics et une baisse de l'endettement des États.
Développer le modèle social européen et l'égalité des chances, c'est se préoccuper des conditions de solidarité dans nos pays, instaurer un contrôle des conséquences sociales de chaque mesure européenne, promouvoir le dialogue social et développer plus de standards sociaux minimum pour tenir compte des effets de l'élargissement et des risques de dumping social.
Nous devons aussi veiller à réduire la bureaucratie à Bruxelles par une réduction de la législation européenne existante superflue, qui engendre des charges et des coûts importants, surtout pour les petites et moyennes entreprises. Chaque nouvelle mesure européenne doit s'accompagner d'une étude spéciale pour limiter les effets de la bureaucratie. Ce sera naturellement un choc culturel pour les fonctionnaires de la Commission européenne, qui ont souvent des difficultés à comprendre les conséquences concrètes de leurs décisions sur la vie réelle des gens.
Sous cette présidence à trois, il va falloir aussi se préoccuper de l'approvisionnement en énergie de l'Europe. Cet approvisionnement doit être sûr, durable et à un prix compétitif. C'est la raison pour laquelle nous allons engager un plan européen d'action sur l'énergie, qui sera soumis au Conseil européen de printemps, les 8 et 9 mars 2007. Il portera sur la libéralisation des marchés énergétiques, le développement des énergies renouvelables, la diversification, à la fois, des voies d'approvisionnement et de nos propres sources énergétiques.
En matière de recherche, de savoir et d'innovation, notre présidence commune verra l'entrée en vigueur du 7e programme-cadre pluriannuel de recherche et de développement (PCRD), ainsi que la mise en place de l'Institut européen de technologie et d'une politique européenne de l'espace. Il faut en effet que l'Europe encourage, y compris financièrement, la promotion de l'espace et, d'une manière générale, toutes les technologies de pointe.
En matière d'environnement, l'Europe a plutôt bien réussi jusqu'à présent. Mais il faut maintenant établir une position commune pour les négociations de l'« après Kyoto », dans le but de réduire, dès 2012, l'augmentation des températures. C'est pourquoi il faut développer un programme européen pour faire face au changement climatique avec la fixation de mesures par secteurs et la mise en place d'un mécanisme de commerce des émissions de CO2. Il faudra aussi s'appliquer à fixer des critères pour préserver la biodiversité dans les marchés agro-alimentaires. Il ne faudra pas non plus oublier de développer une politique intégrée de la sécurité maritime.
Le troisième grand volet de ce programme de dix-huit mois est le renforcement de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. En matière d'asile et d'immigration, il faut encore renforcer la coopération entre les autorités nationales d'asile ; il faut adopter une approche globale en matière d'immigration avec l'établissement d'un dialogue et de mesures de coopération entre pays d'origine, pays de transit et pays de destination, et la mise en oeuvre effective des accords de réadmission.
S'agissant du contrôle des frontières extérieures, il faut renforcer les moyens de l'agence européenne Frontex, mettre en oeuvre le système d'information Schengen SIS II du fait de l'élargissement de l'espace Schengen, appliquer les plans d'action « antiterrorisme ». Dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, il faut également renforcer Europol, progresser en matière de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, développer une politique européenne de protection civile, notamment au profit de certains pays méditerranéens, en respectant les compétences nationales, veiller à la cohérence entre les politiques d'immigration légale et d'intégration.
Le dernier grand volet de cette présidence de dix-huit mois concerne l'action extérieure de l'Union européenne. Dans ce domaine, il faut rendre plus claires les perspectives européennes pour les pays des Balkans grâce à des accords de stabilisation et d'association. Il faut ensuite améliorer la politique européenne de voisinage avec nos voisins de l'Est et du Sud. Il faut enfin promouvoir le processus de Barcelone, qui est au moins aussi important pour l'Allemagne que la politique de voisinage à l'Est. Le partenariat stratégique avec la Russie sera évoqué lors du Sommet Union européenne/Russie en mai 2007. Il conviendra en outre d'intensifier les relations de l'Europe avec l'Asie centrale, qui est une région importante en raison de ses ressources énergétiques, mais qui est aussi une région à risques du fait de l'islamisme, de la politique de certains de ses voisins comme l'Iran ou l'Irak, et du caractère rigide de certaines politiques intérieures.
En matière de politique européenne de sécurité et de défense, il faudra développer les capacités militaires et civiles et améliorer leur coordination, notamment pour faire face aux crises nombreuses, qui apparaissent en Afrique comme au Moyen-Orient, et aux attentes de nos partenaires, qui demandent plus de l'Europe compte tenu de la politique américaine. Il faudra en même temps renforcer les relations transatlantiques et les liens avec d'autres partenaires stratégiques comme le Japon, l'Inde, la Chine, l'ASEAN, car il est certain que l'Europe ne pourra pas seule régler tous les problèmes du monde. Il y aura ainsi un sommet avec les États-Unis en avril 2007, un mois avant le sommet avec la Russie, un sommet Union européenne/Afrique à l'automne 2007 sous la présidence portugaise, un sommet Union européenne/Amérique Latine et Caraïbes début 2008 sous présidence slovène, sommet qui devrait permettre une meilleure intégration des pays ACP dans l'économie mondiale et la conclusion d'accords de partenariat économique.
La devise de cette présidence à trois est une devise emblématique pour une présidence qui souhaite « jouer collectif » : « Europa gelingt gemeinsam », ce qui veut dire : « Ensemble, nous réussirons l'Europe ».
S'agissant du rôle et des tâches spécifiques de la présidence allemande au premier semestre 2007, il faut considérer que nous serons alors à une époque charnière entre le passé et l'avenir de l'Europe. Depuis 1957, l'Europe a créé un espace de paix, de prospérité et de liberté. L'Europe a donné de bonnes réponses dans un contexte particulièrement difficile. Mais, aujourd'hui, le monde a profondément changé - et avec lui les défis de l'Europe. La tâche fondamentale pour le sommet informel de Berlin des 24 et 25 mars 2007 sera une déclaration solennelle qui devra nous donner une orientation sur les valeurs qui nous unissent et qui font la spécificité de l'Europe. Cette déclaration devra aussi définir les liens entre Européens et les fondements de leur présence dans l'Europe.
Poser ces questions - et y apporter une réponse consistante - est d'autant plus urgent que deux référendums ont été perdus dans deux des États fondateurs de l'Europe. Nous avons besoin des contributions de tous les Européens, mais surtout des Français et des Néerlandais. Notre Chancelière a dit quelque chose de très important au cours de son discours de politique étrangère devant le Bundestag le 11 mai 2006 : l'intégration européenne a pour but de nous mettre en mesure de préserver, de stabiliser et de sauver notre façon de vivre européenne.
Cela va bien au-delà des débats sur le modèle social européen, qui d'ailleurs n'existe pas, car il y a plusieurs modèles sociaux en Europe. Ce qui nous unit, ce n'est pas seulement la sécurité sociale ou le marché intérieur. Quel est le sens d'être européen ? C'est tout notre passé historique, bon ou mauvais, c'est notre culture, notre savoir-faire, notre intelligence. Pour pouvoir dire sans mentir à nos électeurs que les peuples d'Europe pourront encore choisir, dans cinquante ans, leur façon de vivre sans y être forcés par quiconque, il faut poser la question du traité constitutionnel maintenant. Joschka Fischer avait résumé ce défi d'une phrase : « Je ne veux pas que l'Europe soit forcée un jour de choisir entre le modèle social américain et le modèle social chinois ».
Les 24 et 25 mars seront des jours de fête à Berlin - avec une nuit blanche. Il faudra aussi que cette fête soit précédée d'un travail assidu de nous tous - responsables politiques et citoyens européens - pour refonder la base de notre identité européenne. Il faut faire l'Europe telle que nous l'aimons.
De ce point de vue, je me fais beaucoup plus de souci avec la Grande-Bretagne, car le débat en France a été vivant et on sent qu'on cherche à trouver une solution. Le défi de l'avenir du processus constitutionnel - qu'il ne faut pas confondre avec le traité lui-même - est redoutable. Pour l'Allemagne, le traité reste toujours dans sa substance le meilleur consensus possible. Il ne faut pas dissiper l'acquis qui résulte de la ratification du traité par dix-huit pays, même s'il ne faut pas non plus sous-estimer les problèmes politiques et constitutionnels qui se posent en France, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Pologne, en Slovaquie et en République tchèque. C'est pourquoi je vais peut-être vous décevoir en vous disant que la présidence allemande ne veut pas risquer un second échec sur le renforcement des institutions, échec qui serait alors une grande catastrophe, surtout si on songe aux réactions du reste du monde. Nous serons patients. Il y a plusieurs voies possibles ; nous recueillerons d'abord les opinions de nos partenaires pour comprendre les lignes rouges de chacun. La déclaration du 25 mars fournira alors des indications sur les moyens de poursuivre le processus constitutionnel.
L'Union européenne est une union politique. Elle a besoin d'un document définissant sa structure de manière claire et compréhensible. Le gouvernement fédéral va donc faire de son mieux pour satisfaire la demande du Conseil européen du mois de juin 2006 et trouver une voie permettant de poursuivre le processus constitutionnel. Cela nous donnera la chance d'une nouvelle dynamique du processus d'intégration de l'Union européenne. Dire que l'Europe est une union politique soulève une question fondamentale. La politique peut-elle encore façonner nos sociétés ? Sans elle, où les décisions seraient-elles prises ? La politique ne peut-elle plus désormais que panser les plaies ?
La réussite de l'Europe dans le passé était fondée sur l'interdépendance de la croissance économique et du progrès social. Quand l'entreprise marchait bien et pouvait vendre ses produits, elle embauchait des ouvriers et des employés, et cela à des conditions qui étaient aussi avantageuses pour l'employé. En Allemagne, nous avons appelé cela « l'économie sociale de marché ». L'Europe a été un miracle économique. Aujourd'hui, ce mécanisme ne fonctionne plus de manière systématique. Le grand défi pour nous, c'est dès lors de savoir comment redonner à nos concitoyens confiance dans l'avenir de notre modèle européen de production et de vie. Sinon on ne pourra plus rester - ou redevenir - fier d'être européen et être optimiste sur l'Europe. Comme Jacques Delors l'a dit : « personne ne tombe amoureux d'un marché intérieur ». Pourtant, sans marché intérieur, il manque le cadre pour l'épanouissement de notre créativité, de notre savoir-faire et de nos innovations. Nous avons besoin de concurrence ou - puisque ce terme n'est pas apprécié en France - d'émulation ! Et là où ce marché n'est pas encore achevé, il faut mettre les bouchées doubles : c'est particulièrement vrai pour les marchés des télécommunications, du transport et de l'énergie. Donc, une des priorités de la présidence allemande sera le parachèvement du marché intérieur.
Dans le même temps, nous comprenons que les compétences très limitées de l'Union européenne en matière de politique sociale - position allemande depuis des décennies, par crainte de devoir baisser notre niveau de protection national en cas d'ingérence européenne - deviennent un désavantage. Pendant des décennies, nous avons eu un niveau de protection sociale élevé et nous avons refusé toute harmonisation qui aurait fait baisser la protection sociale de nos électeurs. Mais, confrontés au dumping fiscal et social, il va bien falloir parvenir à interpréter de la même manière les règles applicables en matière sociale avec l'instauration de minima qui n'empêchent pas ceux qui veulent aller au-delà de le faire.
En matière de politique énergétique, la présidence allemande a l'intention de faire adopter au prochain Conseil européen de printemps un plan d'action européen sur l'énergie comportant quatre volets. D'abord, dans l'intérêt du consommateur, il convient de baisser les prix de l'électricité et du gaz en cassant les rentes de monopole des producteurs et des distributeurs. Par ailleurs, Bruxelles doit respecter les particularités des États membres, notamment sur la combinaison énergétique nationale par une diversification des sources d'énergie entre le nucléaire, les biocarburants, l'éolien, etc... Il faut en outre réduire nos besoins d'importation en énergies fossiles en augmentant l'efficacité énergétique et en développant le secteur des énergies renouvelables, avec un accent particulier sur les biocarburants. Le quatrième volet porte enfin sur la mise en place d'une véritable politique étrangère énergétique conduisant à des partenariats fiables avec les pays fournisseurs, les pays consommateurs et les pays de transit, notamment la Russie, les États-Unis et la Chine.
En matière de politique étrangère et de sécurité commune, la présidence allemande devra continuer de gérer au mieux les crises actuelles : Proche-Orient, Liban, Afghanistan, Soudan et Darfour. L'Europe devrait pouvoir être mieux entendue, maintenant, que les États-Unis. Après le règlement du statut du Kosovo, il faudra nous préparer à la plus grande mission civile de la politique européenne de sécurité et de défense à ce jour, notamment dans les domaines de la justice et de la police. Dans de nombreux domaines de la politique internationale (Iran, Proche-Orient, Kosovo), la Russie reste par ailleurs un partenaire incontournable pour l'Europe. C'est pourquoi la présidence allemande veillera à renforcer le partenariat stratégique de l'Union européenne avec la Russie, en particulier après le blocage par la Pologne des négociations Union européenne/Russie.
Une entité politique sans frontières n'est pas viable à long terme, mais il faut aussi éviter un nouveau « rideau de fer ». C'est pourquoi la présidence allemande veut mettre en place une politique de voisinage qui vise à créer un espace de prospérité et de stabilité et qui repose aussi sur des valeurs communes. Pour nos voisins du Sud, il existe déjà un premier cadre - même s'il est encore imparfait -, celui du processus de Barcelone (Euromed) et de ses volets politique, économique et culturel. Continuons à construire sur cette base, et surtout intensifions nos efforts envers nos voisins de l'Est - Ukraine, Moldavie, pays du Caucase du Sud.
Concernant la Turquie, tout dépendra de l'attitude turque au cours des prochains jours. Les défis pour la présidence allemande dépendront des résultats du sommet des 14 et 15 décembre sous présidence finlandaise. L'Allemagne soutient les efforts très courageux de la Finlande pour trouver un compromis afin d'éviter de lourdes conséquences pour la poursuite des négociations d'adhésion. En fonction des résultats de ce même Conseil de décembre, nous poursuivrons le processus d'élargissement dans le respect de la capacité d'intégration de l'Union européenne. Une perspective européenne pour les pays des Balkans reste indispensable afin de pouvoir stabiliser cette région, qui a connu la guerre encore récemment.
Les attentes vis-à-vis de la présidence allemande sont grandes. Elles correspondent aux défis auxquels nous sommes confrontés à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe. L'Allemagne agira avec modestie et réalisme. Beaucoup d'Européens ont oublié que, pour que l'Europe ait la force de survivre dans un milieu international qui se transforme rapidement, elle doit être unie.
M. Pierre Fauchon :
Sur les institutions, certains d'entre nous se demandent si la réforme des Länder, qui a été votée cet été et qui marque un renforcement de leurs pouvoirs, ne risque pas de se traduire par une réticence au regard de la construction européenne. J'en veux pour preuve la question de la « clause passerelle » qui a été évoquée accidentellement à l'occasion du vote d'un amendement au Parlement européen. Il semblerait que cette mise à l'écart de la « clause passerelle » ait résulté d'une pression des Länder allemands. Est-ce un simple accident parlementaire ou bien cela reflète-t-il plus profondément un renforcement du rôle des Länder dans la construction européenne ?
M. Didier Boulaud :
Ne pensez-vous pas que le décrochage budgétaire en Allemagne, dans le domaine de la défense, par rapport aux investissements réalisés en Grande-Bretagne ou en France constitue un réel handicap pour la mise en oeuvre d'une politique européenne de défense et de sécurité?
M. Robert Del Picchia :
Il me semble que ce n'est pas aux pays de la zone euro de faire un effort pour l'élargissement de la zone, mais que c'est plutôt aux pays candidats de faire les efforts nécessaires pour être qualifiés. Sur la fiscalité, il me semble, là encore, que les efforts à faire ne dépendent pas des pays de la zone euro, mais plutôt de la Grande-Bretagne. Enfin, pouvez-vous nous dire si les deux partis de la coalition gouvernementale en Allemagne sont parfaitement d'accord sur la manière de poursuivre la construction européenne ?
M. Robert Badinter :
Ma première question rejoint celle de mon collègue Pierre Fauchon : l'Allemagne a-t-elle l'intention de reprendre l'examen de la « clause passerelle » ? Ma seconde question porte sur le mandat d'arrêt européen. Après la position de la Cour de Karlsruhe, comment l'Allemagne compte-t-elle résoudre cette question ? Enfin, s'agissant du Kosovo, qui me semble un peu oublié, l'Allemagne a-t-elle l'intention de prendre une initiative pour traiter le problème pendant sa présidence ?
M. Klaus Neubert :
La relation entre les Länder et l'État fédéral doit être appréciée en fonction du fait que les Länder sont de véritables États, dont la constitution, en 1947, a précédé celle de la République fédérale, en 1949. Depuis cinquante ans, la Fédération et les Länder sont en conflit. Comme les décisions prises au niveau européen ont des répercussions sur la vie quotidienne des citoyens dans les Länder, ces derniers veulent naturellement participer à la prise des décisions européennes ; ils revendiquent même la moitié de la délégation au Conseil des ministres - ce que le gouvernement fédéral a toujours refusé. En outre, les ministres des Länder sont des personnages importants de la vie des partis en Allemagne et on ne peut pas facilement ignorer leurs revendications. Un accord historique avait été trouvé il y a une cinquantaine d'années pour fixer la répartition des compétences entre la Fédération et les Länder. Mais ce partage a été progressivement remis en question avec l'extension des compétences européennes et a été rééquilibré récemment.
La « clause passerelle » du troisième pilier pose un double problème. L'Allemagne ne veut pas donner l'impression qu'elle applique le traité constitutionnel par anticipation. Pour pouvoir mettre en oeuvre cette clause, il faudrait une loi votée par le Bundestag, ce qui risquerait de donner le sentiment que l'on reprend le processus de ratification pour n'appliquer que quelques articles d'un traité qui n'est pas encore en vigueur et dont on ignore encore le sort futur...
M. Pierre Fauchon et M. Robert Badinter :
Non, car la clause passerelle n'est que l'application du traité de Nice.
M. Klaus Neubert :
Nous risquerions une confusion au Parlement. Vous avez vos lignes rouges ; nous avons les nôtres. Notre Cour constitutionnelle a aussi un gros crayon rouge ! C'est la même chose pour le mandat d'arrêt européen, qui a été une vraie catastrophe pour notre gouvernement. Les juges, saisis par les avocats de personnes directement concernées, ont dit que le texte n'était pas bon parce qu'il violait la constitution allemande. La question est reprise en tentant de rester dans les limites fixées par notre Cour constitutionnelle.
Quant aux dépenses militaires, ce sont nos amis anglo-saxons qui nous accusent de ne pas faire suffisamment. Notre armée était équipée pour faire face à une agression en provenance de l'Est. Notre armée est maintenant suréquipée en matériels inutiles que nous ne devons pas vendre à n'importe qui. Nous allons vers une armée de projection de forces en dehors des limites de l'OTAN. Des progrès importants ont été faits depuis la Bosnie en 1995 : notre armée intervient maintenant sur de nombreux théâtres extérieurs, mais il est encore trop tôt pour envisager la transformation de notre armée en force d'intervention extérieure mise au service d'une politique de défense et de sécurité commune. L'opinion publique et le Bundestag évoluent, mais il faut encore compter avec un Parlement qui reste très sourcilleux sur les dépenses militaires. J'ajoute que les statistiques ne sont pas toujours comparables entre nos pays et qu'il faut aussi en tenir compte. La Chancelière a été très claire avec le Secrétaire général de l'OTAN, en lui montrant que la critique continuelle de l'Allemagne par la presse anglo-saxonne produit des effets négatifs au Bundestag. Plus l'Allemagne est critiquée, plus les députés allemands se cabrent.
Sur les questions européennes, l'entente entre les deux partis de la coalition est totale. De plus, après l'accord intervenu entre la Fédération et les Länder, ces derniers participent dorénavant aux prises de décisions. Il y a certes des questions qui suscitent débat, comme l'adhésion de la Turquie, mais le débat se poursuit. L'Allemagne fait partie du groupe de réflexion sur le Kosovo. La situation intérieure serbe ne facilite malheureusement pas actuellement la recherche d'une solution.
M. Aymeri de Montesquiou :
L'Allemagne a pris une décision qui va à l'encontre d'une politique énergétique commune par la construction d'un gazoduc passant par la Baltique. On peut le regretter car l'addition de politiques nationales ne crée pas une politique commune. Sur le nucléaire, l'Allemagne a-t-elle l'intention de faire évoluer sa politique ou bien va-t-elle persister dans le renoncement à l'énergie nucléaire ? Vous avez dit que le gaz et l'électricité était trop chers en Europe, mais il ne semble pas que ces deux énergies soient moins chères en dehors de l'Union européenne et, de toute manière, une énergie payée à son juste prix engendre des économies d'énergie, ce qui devrait être bien perçu par l'opinion publique allemande plutôt acquise à l'écologie. L'Allemagne soutient fortement l'OTAN ; comment éviter que ce soutien ne soit ressenti, sinon comme une menace, du moins comme une forme d'agressivité par la Russie ? Enfin, s'agissant de l'Ouzbékistan, qui est un État sous embargo, je m'explique mal la présence dans ce pays en juin dernier du ministre allemand de la défense.
Mme Catherine Tasca :
Vous avez évoqué ce que la Chancelière appelle « la façon de vivre européenne ». Un des signes distinctifs de cette façon de vivre en Europe est l'existence, sous des formes diverses, d'un secteur public. Quelle est la position de votre pays sur l'idée d'une directive-cadre pour les services publics en Europe ? Par ailleurs, l'Allemagne a une forte tradition universitaire, comme la France. Quelles sont les orientations que la présidence allemande pourrait définir dans ce domaine ?
M. Charles Josselin :
Votre présentation des priorités arrêtées par votre gouvernement est d'autant plus impressionnante que cette présidence ne dure que six mois. L'important est moins de pouvoir boucler tous ces dossiers dans ce délai que de bien les engager.
La question du traité constitutionnel renvoie à une question plus fondamentale : celle de l'adhésion des citoyens à l'idée européenne. Si cette adhésion n'est toujours pas présente au prochain rendez-vous, alors il n'y aura plus de processus constitutionnel. Nos concitoyens attendent de l'Europe qu'elle leur apporte plus de sécurité. Si c'est l'Allemagne qui fait avancer les choses dans ce domaine, alors la répercussion pourrait être très importante en France. La question du dumping social doit surtout être posée sous l'angle de la manière de la traiter : soit aider les autres à rejoindre nos standards, soit faire baisser notre niveau de protection sociale. Il est probable que le fait de disposer d'un budget trop faible contribue à rendre plus difficile la solution à cette question.
Pensez-vous par ailleurs qu'on puisse arriver à une position commune dans le domaine commercial par rapport aux pays émergents, comme la Chine, pour y faire progresser les droits économiques, sociaux et environnementaux ? Enfin, pensez-vous que la France et l'Allemagne peuvent se mettre d'accord pour éviter la dérive de l'OTAN dans son élargissement jusqu'à l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Japon, qui n'ont qu'une faible relation avec l'atlantisme ?
Mme Michèle André :
À côté de la Bulgarie et de la Roumanie se pose la question de l'adhésion de la Croatie. Nous serions rassurés si nous entendions l'ambassadeur d'Allemagne évoquer dans des termes concrets et positifs la candidature de ce pays.
M. Jean Bizet :
Sur l'Europe de l'énergie, l'Allemagne est-elle prête à évoluer sur la filière nucléaire après la grande panne électrique de ces dernières semaines ? D'autres pays l'ont fait, notamment dans le cadre du projet ITER de fusion contrôlée. Il est certain que nos pays ne peuvent plus s'en remettre uniquement aux énergies fossiles ou non renouvelables pour leur consommation future. Êtes-vous par ailleurs satisfait de l'architecture et du fonctionnement de la Banque centrale européenne ? L'Allemagne, en tant que grand pays exportateur, peut-elle s'en remettre à la seule mission de stabilité des prix qui est celle de la BCE ? Or, depuis maintenant un certain nombre d'années, on constate un important différentiel de croissance entre les pays de la zone euro et les autres grandes économies mondiales, notamment les États-Unis. L'Allemagne se satisfait-elle de cette situation ? Peut-on d'autre part, selon vous, évoluer sur le processus de prise de décisions en matière de taxe à la valeur ajoutée (TVA) pour pouvoir prendre plus facilement les décisions à la majorité, ne serait-ce que pour respecter le principe de subsidiarité ? Enfin, sur le budget européen, et compte tenu des grands objectifs de l'Union européenne, ne pensez-vous pas qu'il conviendrait d'en relever le niveau ?
M. Hubert Haenel :
L'entente entre la France et l'Allemagne reste-t-elle centrale, selon vous, pour la construction européenne ? Est-ce toujours l'opinion de votre Chancelière et des principaux partis politiques allemands ?
M. Yves Pozzo di Borgo :
L'Europe a été construite par les Rhénans. L'arrivée des Allemands de l'Est et des nouveaux pays d'Europe centrale et orientale a remis en question cette forme de construction rhénane de l'Europe. Selon le chef des sociaux-démocrates allemands, le lien franco-allemand ne serait plus aussi indispensable aujourd'hui. Selon vous, ce lien existe-t-il toujours après cette double évolution ?
M. Klaus Neubert :
Pour le gazoduc avec la Russie, l'Allemagne avait autrefois consulté les Polonais pour les associer au projet. Devant leur refus, nos industriels ont dû penser à une solution. C'est la solution du passage par la mer Baltique qui a été finalement retenue. Il est impossible d'attendre encore pendant des années le règlement des différends entre les Polonais et les Russes pour pouvoir engager la construction du gazoduc.
Le débat sur le nucléaire est engagé. La CDU serait plutôt favorable à la prolongation de la durée de vie des centrales existantes, ce qui est techniquement envisageable. La seule difficulté tient aux conditions de stockage à long terme des déchets nucléaires en Basse-Saxe ou en Bavière, faute de décisions politiques dans ces deux Länder. La collaboration avec Areva pour la maintenance et la construction de la centrale finlandaise est bien engagée.
Quant au prix de l'énergie, la question se pose de façon très âpre entre les producteurs, les distributeurs et les consommateurs, notamment parce qu'il y a toujours en Allemagne des industries qui sont grandes consommatrices d'énergie, comme la métallurgie, la chimie, le papier, le verre ou le ciment. Des prix trop élevés pourraient conduire à la fermeture d'usines importantes, conduisant au chômage des dizaines de milliers d'ouvriers. Il faut donc trouver un équilibre entre les besoins des grandes industries et les exigences en matière d'économie d'énergie, de sauvegarde du climat ou d'énergies alternatives.
Le rôle stratégique de la Russie comme facteur de stabilité dans la région est décisif. La question de l'énergie et du renouvellement des équipements de ce pays est également très importante. L'élargissement du rôle de l'OTAN ne rencontre aucune sympathie en Allemagne. Le gouvernement en reste aux conditions limitatives d'emploi des forces militaires telles qu'elles sont inscrites dans le traité. L'Ouzbékistan est un cas particulier, en raison de l'accord passé par l'Allemagne pour le ravitaillement de nos troupes en Afghanistan par voie ferroviaire et pour le stationnement de nos avions de transport dans ce pays.
Le service public fédéral en Allemagne est très limité : service diplomatique, administrations centrales, police des frontières et forces armées. L'essentiel du service public relève donc des Länder et n'est pas centralisé. La privatisation des postes, des chemins de fer et des producteurs d'énergie n'a pas soulevé de grosse opposition de la part des syndicats. Le SPD est ouvert à l'adoption d'une directive sur les services publics contenant des minima, mais qui n'obligerait pas à un système unique. La CDU est plus réservée.
L'Allemagne est sur la voie d'une amélioration de son système universitaire. Il y a, dans les universités allemandes, beaucoup trop d'étudiants qui ne terminent pas leurs études et qui quittent l'université sans diplôme. En Allemagne, la plupart des instituts de recherche sont rattachés aux universités. En Europe, il conviendrait d'améliorer les conditions d'accès et la qualité des formations dispensées par les universités plutôt que de vouloir harmoniser depuis Bruxelles leurs conditions de fonctionnement.
L'Europe a obtenu un certain succès dans le domaine de la sécurité intérieure. À part les deux attentats de Londres et de Madrid, l'Europe a été plutôt préservée, ce qui a permis de lever un certain nombre d'obstacles psychologiques et juridiques dans le domaine de la coopération judiciaire et policière. Il ne s'agit pas de défaire par ailleurs les systèmes de protection sociale existants dans nos pays. Quant aux pays émergents, il est difficile de leur imposer des règles en matière de droits économiques, sociaux et environnementaux. En revanche, il est possible de fixer des limites à l'aide à la reconstruction apportée par l'Europe après des crises internationales renouvelées. L'Allemagne est en outre hostile au rêve américain d'élargissement des missions de l'OTAN, alors même que, en raison de l'érosion prévisible du rôle américain dans le monde, les pays risquent de plus en plus de se tourner vers l'Europe pour des missions de stabilisation et de pacification. Au lieu de se heurter aux nouvelles puissances émergentes, il conviendrait plutôt de rassembler leurs forces avec les nôtres pour traiter les grandes crises internationales.
La Croatie est en retard par rapport à la Slovénie, essentiellement pour des raisons de politique intérieure. Elle a fait des progrès sensibles ces dernières années et une réponse positive est certainement possible dans un futur proche, lorsque seront apaisées les craintes des derniers élargissements.
L'Allemagne est un des principaux contributeurs au projet ITER. Quant à la panne électrique, le gouvernement allemand a demandé des explications à la société Eon. En dehors du dysfonctionnement constaté, la panne s'est produite à un moment où nos voisins étaient fortement demandeurs d'électricité. L'Allemagne est plus réactive avec ses centrales à gaz que la France, où ses centrales nucléaires sont plus lentes à monter en puissance. Il est certain qu'on constate maintenant que les producteurs n'ont pas assez investi ces dernières années et que de nombreux équipements, comme les pylônes électriques, doivent être remplacés.
Le fonctionnement de la Banque centrale européenne s'inscrit bien dans la conception libérale du marché qui a caractérisé l'ère Erhard, le volet social et de solidarité contrebalançant le fonctionnement du marché. Le rôle de la banque centrale n'a en définitive pas été aussi discuté qu'il eût été nécessaire de le faire parce que, en Allemagne, l'opinion reste marquée par la grande inflation. Mais, déjà, le gouvernement du chancelier Schröder avait réfléchi à une politique industrielle plus active. Un débat commence à s'instaurer en Allemagne pour tenir mieux compte de la situation économique actuelle. Il faudra d'abord que les faits s'imposent avant que ne s'engage une réflexion dans le corps électoral et finalement au Bundestag. Il faudra du temps pour que la position de l'Allemagne sur la BCE évolue.
S'agissant de la TVA, certains pays ne veulent pas remettre en cause leur liberté nationale afin de pouvoir bénéficier du dumping fiscal. Il faudra d'abord avoir un accord sur l'assiette fiscale avant d'aller plus loin en matière de taux et d'impôt européen. C'est un objectif pour les futures perspectives financières qui ne seront sur la table des négociations qu'à partir de 2008. Toutefois, mêler le débat sur les questions institutionnelles et celui sur la réforme du cadre financier de l'Union serait extrêmement risqué. On ouvrirait alors plusieurs boîtes de Pandore qui seraient capables d'asphyxier tout le monde. On ne pourra pas s'atteler aux débats sur les politiques communes tant que la question institutionnelle n'aura pas été réglée. Il en va de même pour l'augmentation du budget communautaire, compte tenu des contraintes budgétaires nationales. Avant de songer à relever le niveau du budget européen, il faut d'abord redéfinir les politiques européennes, en particulier dans certains domaines spécifiques comme la recherche ou la formation.
Enfin, pour moi, le bon fonctionnement des relations franco-allemandes reste une condition absolument nécessaire. Nos deux pays sont les principales économies du continent et, du fait de l'histoire, disposent de la plus grande diversité de traditions juridiques, universitaires et culturelles. L'Europe est bloquée chaque fois que nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord. En revanche, l'Europe progresse chaque fois que nous trouvons un chemin ensemble. Tout le problème de la Grande-Bretagne tient au fait qu'elle ne sait toujours pas où elle se situe. Chaque fois que l'Allemagne a cherché à privilégier la relation anglo-saxonne, celle-ci n'a jamais pu s'établir dans la durée. Je reste cependant confiant car, même si beaucoup d'hommes politiques britanniques sont toujours sur une ligne extrêmement eurosceptique, ils comprennent néanmoins la nécessité de rester ancrés dans l'Europe.
* Cette réunion était ouverte à tous les sénateurs.