Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mardi 8 juin 2004
Concurrence
Concurrence
Audition de M. Mario Monti, commissaire européen
chargé de la concurrence (*)
M. Mario Monti :
Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier de me donner l'opportunité de participer à vos réflexions et d'aborder avec vous aujourd'hui les enjeux et la place de la politique de concurrence dans le cadre de la construction européenne. Le moment me paraît, en effet, particulièrement approprié. Comme vous le savez, la Commission européenne vient d'adopter, le 20 avril dernier, deux communications importantes, l'une sur une « politique de concurrence proactive pour une Europe compétitive », l'autre sur « une politique industrielle pour l'Europe élargie ». Par ailleurs, je sais que le groupe de travail du Sénat sur les délocalisations devrait présenter prochainement son rapport.
L'importance de la politique de concurrence est rappelée régulièrement par le Conseil européen, mais il convient de noter que cette politique est parfois mal comprise dans certains États membres. On a pu constater ce phénomène récemment lors du traitement de certains dossiers plus particulièrement médiatisés. À cette occasion, certains ont reproché à la Commission une application trop juridique, ou trop « mécanique », des règles de concurrence, ne prenant pas en considération les réalités économiques et politiques. La Commission appliquerait des « règles », au lieu de poursuivre une véritable politique. Dans cette logique, certains ont considéré que la prise de contrôle d'entreprises communautaires par des entreprises de pays tiers illustrait une forme d'échec de la politique européenne de concurrence. De la même façon, dans le domaine des aides d'État, notre intervention a pu être perçue comme trop rigide, de nature à bloquer la restructuration de certaines entreprises ou à handicaper l'industrie européenne par rapport aux entreprises des pays tiers.
On peut néanmoins parler d'« incompréhension incompréhensible » à propos des réactions suscitées à l'égard de cette politique dans l'opinion française. Je rappellerai, en effet, que la France est l'un des pays qui a le plus bénéficié de l'existence d'une politique européenne de la concurrence. Je rappellerai également que la plupart des mesures prises par la Commission européenne dans ce domaine ne sont que la traduction des orientations politiques données par les chefs d'État et de gouvernement ou l'application des directives et règlements adoptés à l'unanimité par les représentants des États membres au sein du Conseil. En matière de concurrence, la Commission européenne n'agit donc pas de manière discrétionnaire, comme on le laisse entendre parfois dans l'opinion publique, notamment en France.
Au-delà de certaines réactions ponctuelles, se pose en fait la question plus générale du rôle et de la nature de la politique communautaire de concurrence. En d'autres termes, pourquoi avons-nous besoin d'une politique de concurrence ? Il est ensuite tout aussi fondamental d'identifier quelle politique de concurrence est nécessaire à la Communauté. La politique que nous menons, et qui est largement impulsée par les chefs d'État dans le cadre du Conseil européen, est-elle pertinente, ou doit-elle être amendée ? Je voudrais aborder successivement ces deux points.
1. Pourquoi avons nous besoin d'une politique de concurrence ?
Depuis ses origines, la Communauté est clairement fondée sur une économie ouverte, fonctionnant selon les règles du marché. Les « pères fondateurs » ont considéré qu'une économie concurrentielle est non seulement de nature à assurer la croissance et la compétitivité de notre industrie, mais permet également de créer le maximum de bénéfices pour les consommateurs et la société dans son ensemble. Je voudrais insister particulièrement sur ce dernier aspect : le but ultime de notre action ne doit pas être l'application de règles, fussent-elles parfaites, mais il s'agit bien de contribuer à la création de richesses pour l'ensemble de la société. Cet objectif politique n'a pas varié depuis 1957, et se retrouve dans les conclusions de nombreux Conseils européens. Par ailleurs, et c'est un point sur lequel j'insiste souvent, la politique européenne de la concurrence fait l'objet d'un large consensus qui transcende les clivages politiques. Imaginons, en effet, ce que serait une Europe sans politique de la concurrence. Ce serait une Europe des cartels, des monopoles. Et les plus démunis en seraient les premières victimes. Un environnement concurrentiel à l'intérieur de la communauté est nécessaire pour améliorer l'efficacité des entreprises communautaires, favoriser l'innovation, et constitue la meilleure préparation pour affronter la concurrence internationale. Une économie compétitive est la clef de la croissance et de la compétitivité de l'industrie européenne, et constitue un préalable à la création de richesses au profit des consommateurs et de la société dans son ensemble.
Une politique de concurrence n'a pas pour objet d'imposer des contraintes aux entreprises, mais vise au contraire à leur permettre d'intervenir sur des marchés ouverts, dont les modalités de fonctionnement ne sont pas entravées par des comportements anticoncurrentiels de la part d'autres entreprises ou de la part des États. Un travail important a été accompli au cours des dernières années pour libéraliser des secteurs économiques aussi fondamentaux que les télécommunications, l'énergie ou les transports. Cette libéralisation réalisée par le Conseil et le Parlement européen a produit des bénéfices importants pour tous les citoyens. A titre d'exemple, Otmar Issing, membre de la Banque centrale européenne, soulignait récemment qu'entre 2000 et 2003, la baisse des prix des services de télécommunication a eu un impact de 0,33 % sur le niveau général d'inflation en Europe. Comment la Communauté pourrait-elle accepter que tous ces efforts soient réduits à néant par des comportements anticoncurrentiels de la part de certaines entreprises ou de certains pouvoirs publics ? Seule une politique de concurrence stricte permet d'éviter ce type de dérives.
Dans le domaine des concentrations, notre action ne vise pas à empêcher les évolutions normales du marché qui peuvent exiger certains regroupements. Comme vous le savez, il est d'ailleurs rare que la Commission interdise des opérations de concentration, même si ces interdictions sont généralement plus médiatisées que les nombreuses autorisations. Dans le cadre de l'analyse de ces opérations, nous devons nous assurer qu'elles ne provoqueront pas des positions dominantes telles que les chances des autres opérateurs économiques seront sérieusement handicapées. Ce qui nous préoccupe est la structure à long terme des marchés, et la préservation de possibilités réelles de concurrence. Ceci ne signifie pas que nous ne sommes pas conscients des conséquences à court terme, notamment sociales, des décisions qui peuvent être prises. Nous veillons toujours à trouver des solutions qui limitent ces difficultés sociales, mais le rôle de la Commission est de veiller à l'intérêt général à long terme de la Communauté, en assumant le risque d'impopularité à court terme. Contrairement à ce que nous entendons parfois, cette politique n'a pas pour conséquence d'interdire l'émergence de grands groupes européens. A titre d'exemples, des champions européens comme Total Fina Elf, Carrefour Promodès ou Framatone/Siemens sont apparus au cours du mandat de cette Commission. L'internationalisation des grandes entreprises signifie que les entreprises européennes peuvent acquérir des entreprises non communautaires, mais l'inverse est également vrai. Pourrions-nous envisager de bloquer une concentration au seul motif qu'une entreprise communautaire va passer sous le contrôle d'une entreprise d'un pays tiers ? Ceci me paraît impossible pour deux raisons. D'une part, dans une économie mondialisée et ouverte, il n'y a pas de raison de protéger certaines entreprises en portant atteinte au fonctionnement normal des marchés. D'autre part, pouvons-nous imaginer d'interdire à une société d'un pays tiers de prendre le contrôle d'une entreprise communautaire, sans nous exposer à la même politique de la part des autorités de ce pays tiers ? Les entreprises européennes auraient beaucoup plus à perdre qu'à gagner avec une telle politique.
Notre approche n'est pas différente dans le domaine des aides d'État. Le Conseil européen a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité d'une réduction du volume global des aides, ainsi que sur une réorientation vers des objectifs horizontaux d'intérêt commun. Les aides sectorielles et individuelles doivent être soumises à un contrôle strict de la part de la Commission. L'octroi de telles aides entraîne en effet des distorsions importantes de la concurrence, et ne doivent être autorisées qu'à titre exceptionnel. Il est fondamental que les entreprises bien gérées soient récompensées par le marché. Ceci ne veut pas dire que toute aide d'État soit interdite. L'approche de la Commission est généralement souple pour certaines aides d'État à vocation horizontale, comme par exemple en matière de protection de l'environnement ou en matière d'emplois. L'effet anticoncurrentiel de ces aides est généralement moins prononcé, et celles-ci ont des effets bénéfiques qui justifient de les autoriser.
Un domaine dans lequel le contrôle des aides d'État soulève généralement des tensions particulières est celui des aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises. Ces opérations ont des conséquences sociales qui expliquent bien sûr ces tensions. Pourquoi devons-nous agir en la matière ? Notre intervention ne vise pas à interdire les opérations de restructuration, mais à établir une certaine discipline, et assurer que les mesures adéquates de redressement à long terme sont effectivement prises par les États membres. Ces mesures peuvent nécessiter certaines fermetures d'établissements, ou la cession de certaines activités non rentables. Il faut être conscient du fait que ces aides au sauvetage ont des effets négatifs importants sur les autres entreprises qui survivent sans aides d'État. De telles aides peuvent sauver des emplois dans une entreprise, en mettant en péril les emplois dans une autre entreprise bien gérée. Une telle course à l'aide ne peut que conduire à des effets négatifs à long terme. Ici encore, le rôle de la Commission est de veiller à « l'intérêt général communautaire », en préservant le tissu économique de la Communauté. Je pense que la Commission doit assumer cette responsabilité politique, même si ceci implique une impopularité ponctuelle.
2. La politique de concurrence, partie intégrante des politiques communautaires
S'il existe un large consensus sur la nécessité d'une politique de concurrence dynamique, il est parfois reproché à la Commission de conduire celle-ci de « façon aveugle », en oubliant les autres politiques. Je ne pense pas que tel soit le cas. J'entends bien sûr conduire une politique de concurrence dynamique, dont les grandes lignes ont été développées dans la communication récente de la Commission sur « une politique de concurrence proactive pour une Europe compétitive ». Cette politique de concurrence complète et renforce d'autres politiques communautaires visant à concrétiser la stratégie de Lisbonne. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, le même jour, la Commission a également adopté une communication sur la politique industrielle pour une Europe élargie. Contrairement aux critiques qui sont parfois exprimées, il n'existe aucun antagonisme entre ces différentes politiques. Certes, la politique de concurrence peut parfois être perçue comme proéminente, car d'autres aspects de la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance n'ont pas été développés suffisamment. Le récent rapport de la Commission au Conseil européen de printemps 2004 souligne notamment le manque de progrès réalisés sur la voie de la stratégie de Lisbonne, et note qu'un grand nombre de secteurs économiques européens restent fragmentés et se caractérisent par une faible concurrence et le maintien de prix élevés, préjudiciables à la fois aux entreprises et aux consommateurs.
Dans ses conclusions, le dernier Conseil européen s'est également déclaré préoccupé, à juste titre, par la faiblesse de l'investissement du secteur privé dans la recherche et le développement en Europe. Il s'agit d'un domaine dans lequel les États membres et les entreprises ont un rôle fondamental à jouer. Notre politique en matière d'aides d'État est de favoriser de tels investissements et les règles existantes permettent aux États membres d'octroyer des aides aux entreprises. La décision finale appartient bien sûr aux États membres et non à la Commission.
Un domaine important dans lequel la politique de concurrence renforce une autre politique est celui de la cohésion territoriale. Depuis longtemps la Communauté consacre des ressources financières importantes pour réduire les écarts de développement entre les régions européennes, et le bilan de cette politique est positif. Toutefois, cette politique ne peut réussir que si elle s'accompagne d'un contrôle des aides régionales que les États membres et les collectivités locales peuvent octroyer. Dans le cas contraire, il est clair que les régions les plus riches chercheront à attirer les entreprises en octroyant des aides importantes, ce qui annulera les effets bénéfiques de la politique de cohésion. De telles pratiques contribueraient également à accroître le phénomène de délocalisation qui est fréquemment dénoncé.
En matière de délocalisation, il convient toutefois de distinguer entre, d'une part, les déplacements d'entreprises provoqués par des aides non justifiées, et, d'autre part, les mouvements qui résultent du fonctionnement normal du marché. Le fait que les entreprises se déplacent dans la Communauté est la conséquence normale de la constitution d'un vaste espace économique européen, de la même façon qu'il apparaît normal qu'une entreprise du nord de la France décide de s'installer à Bordeaux ou à Montpellier. Il est important en la matière de ne pas examiner uniquement quelques délocalisations fortement médiatisées, mais de prendre en considération l'effet économique global de la réalisation du marché intérieur, qui s'avère largement positif pour de grands États membres comme la France.
Notre politique de concurrence prend également en considération le fait que l'intervention des autorités des États membres dans le domaine économique peut se révéler nécessaire pour corriger les défaillances du marché. Un aspect particulier qui est au centre du débat politique français, mais également communautaire, est la cohérence entre notre politique de concurrence et certains enjeux sociaux, notamment le fonctionnement des services publics.
En conclusion sur ces quelques remarques, je voudrais insister sur le fait qu'il ne s'agit pas de respecter les règles communautaires uniquement parce que ces règles existent. Il ne suffit pas de répéter que ces règles ont été édictées par les représentants des États membres. Ces règles doivent être respectées car elles contribuent à une politique qui est dans l'intérêt de la Communauté. Dans le cadre d'une Communauté qui compte vingt-cinq États membres, seule une politique de concurrence dynamique, conduite au niveau européen, permettra d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés de devenir une économie véritablement compétitive, en mesure de répondre aux défis qui nous sont posés, en particulier dans le domaine de l'emploi. Ceci ne signifie pas que les règles sont nécessairement immuables. Le contexte économique évolue, et nos règles doivent également évoluer. J'ai engagé à ce sujet un large programme de modernisation de nos règles en collaboration avec les États membres. Cette modernisation touche tous les domaines de notre action: les concentrations, le domaine antitrust, et les aides d'État. L'objectif est de disposer d'instruments juridiques et économiques efficaces prenant en considération la globalisation de nos économies, et le fait que nous venons de vivre le plus grand élargissement depuis la création de la Communauté. Dans le cadre de cet exercice, notre objectif est avant tout l'efficacité à long terme de notre politique. C'est la raison pour laquelle, dans le domaine antitrust, la Commission a pris l'initiative de confier une partie de ses pouvoirs aux États membres, car nous sommes persuadés qu'une telle approche est de nature à améliorer l'efficacité de notre action commune. Dans le domaine des aides d'État, nous estimons également que la Commission doit se concentrer sur les affaires dont l'impact sur la concurrence au niveau communautaire est significatif. Les réflexions en cours doivent permettre de mieux identifier ces affaires.
M. Jean-Paul Émorine :
Je voudrais vous remercier pour votre intervention sur les enjeux et la place de la politique européenne de la concurrence. Comme vous le savez, deux sujets sont particulièrement d'actualité dans notre pays. Il s'agit, d'une part, de la réforme du statut d'EDF et de GDF dans le cadre de la construction d'un grand marché européen unifié de l'électricité et du gaz et, d'autre part, de la politique européenne en matière d'aides d'État au regard du risque de délocalisations.
M. Hubert Haenel :
À quelques jours des élections européennes, je voudrais vous poser deux questions qui intéressent directement nos concitoyens.
Tout d'abord, l'avenir des services publics. Comme vous le savez, les Français manifestent un attachement particulier à la notion de service public. Or, des craintes s'expriment souvent à ce sujet. Certains se demandent si la politique européenne de la concurrence laisse une place suffisante aux services publics. Je crois qu'il serait très utile que vous puissiez rassurer nos compatriotes sur ce point.
Ma deuxième question porte sur l'émergence d'une véritable politique industrielle européenne. Alors que cela semblait jusqu'à présent un mot « tabou » à l'échelle européenne, la Commission européenne vient d'adopter, comme vous l'avez souligné, une communication intitulée « Une politique industrielle pour l'Europe élargie ». Je sais que vous êtes vous-même partisan depuis longtemps d'une véritable politique industrielle européenne, mais il me semble qu'on assiste à une conversion de certains États membres à cette idée. Je souhaiterais donc connaître votre sentiment et savoir, plus précisément, comment s'articule la réforme de la politique européenne de la concurrence que vous avez engagée, avec cette politique industrielle à l'échelle européenne.
M. Mario Monti :
En ce qui concerne les services publics, je pense que ce sujet est entouré d'un certain nombre de malentendus qu'il convient de dissiper. Ces services publics, ou services d'intérêt général selon la terminologie du traité, sont des services qui ne peuvent pas fonctionner selon les règles habituelles du marché, mais dont l'importance en terme de cohésion sociale ou régionale a été soulignée à de nombreuses reprises par la Commission. C'est la raison pour laquelle la Commission a toujours veillé à ce que les mesures de libéralisation proposées au niveau communautaire préservent la possibilité pour les États membres de maintenir des services publics efficaces. Il serait donc faux de prétendre que l'approche de la Commission européenne est ultralibérale.
On oublie trop souvent que, dans certains secteurs comme les télécommunications ou l'énergie, la Commission a proposé la mise en place du service universel, c'est-à-dire un service public communautaire obligatoire dans tous les États membres. Dans ces domaines, les consommateurs sont assurés de disposer d'un service minimum quelle que soit leur localisation, alors que la situation n'était pas nécessairement aussi favorable dans tous les États membres avant la libéralisation.
Dans les autres domaines, la Commission respecte pleinement les compétences des États membres pour mettre en place de tels services publics et pour assurer leur financement. Les États membres sont en particulier libres d'octroyer, aux entreprises en charge de services d'intérêt économique général, tous les soutiens financiers dont elles ont besoin. Nous demandons simplement que ces soutiens financiers soient proportionnés aux besoins, et soient effectivement utilisés pour le service public, et non pour intervenir sur d'autres marchés. Contrairement à ce que nous pouvons parfois entendre, les règles communautaires n'empêchent donc aucunement la mise en place de services publics efficaces. Il s'agit essentiellement de la compétence, et de la responsabilité, des États membres. Il appartient à chaque État membre de décider de la nature et de la qualité de ses services publics, en fonction de ses choix politiques et de des ressources qu'il entend y consacrer. J'ai d'ailleurs récemment proposé des textes qui permettent d'accroître la prévisibilité et la sécurité juridique en la matière. Ces projets sont actuellement en discussion et ont été transmis pour avis au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions. Ces projets seront finalisés dès que ces Institutions auront fait connaître leur position.
En ce qui concerne le cas d'EDF, évoqué par le président Jean-Paul Émorine, je voudrais rappeler que la Commission européenne a identifié une difficulté qui tient à l'existence d'une garantie illimitée liée au statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). La Commission européenne avait adopté, il y a quelques années, une communication sur les aides d'État accordées sous forme de garantie. Dans cette communication, elle avait estimé que n'étaient pas conformes aux règles européennes en matière d'aides d'État des conditions de crédits plus favorables obtenues par des entreprises dont le statut légal exclut la possibilité d'une procédure de faillite ou d'insolvabilité ou prévoit explicitement une garantie illimitée de l'État ou une couverture des pertes par l'État. Or, le statut légal actuel d'EDF prévoit une série de prérogatives, dont cette garantie illimitée. La décision prise par la Commission européenne en décembre dernier sur EDF ne fait que contester l'existence de cette garantie illimitée et non les autres prérogatives reconnues par le statut d'EDF. Il s'agit donc d'un problème lié uniquement à cette dérogation prévue aux procédures de redressement et de liquidation judiciaire et au rôle de l'État en qualité de garant en dernier ressort. C'est sur cette base que la Commission européenne a obtenu l'engagement du gouvernement français de renoncer à cette garantie illimitée avant la fin de l'année.
À cet égard, je voudrais rappeler que la France n'est pas le premier pays où la Commission européenne a appliqué ce principe. En effet, la Commission européenne a obtenu, il y a deux ans, et après de très dures négociations, que l'Allemagne renonce au système séculaire de garantie illimitée au profit des banques publiques, ce qui se traduit aujourd'hui par l'ouverture à la concurrence du secteur bancaire allemand. Il en a été de même avec le système bancaire autrichien. Je n'ai pas besoin de souligner dans cette enceinte que la demande de la Commission européenne portait exclusivement sur la suppression de la garantie illimitée de l'État et que la transformation du statut d'EDF, telle qu'elle est prévue par le projet de loi, va au-delà des exigences de la Commission européenne et qu'elle répond au libre choix du gouvernement français. Bien évidemment, la Commission européenne ne critique pas ce choix. Mais il faut être conscient qu'elle ne l'impose pas non plus.
M. Xavier de Villepin :
Peut-on parler d'une différence d'approche entre la politique européenne de la concurrence et la politique des autorités américaines chargées de la concurrence ? Le reproche selon lequel la Commission européenne ne prendrait pas suffisamment en compte les aspects économiques, la nature mondiale des marchés ou les impératifs de politique industrielle vous paraît-il réellement fondé ?
M. Mario Monti :
J'ai participé hier à une conférence à Bruxelles avec l'Assistant Attorney General for Antitrust du ministère américain de la Justice, Hewitt Pate, qui portait précisément sur les relations transatlantiques dans le domaine de la politique de concurrence. Lors de cette réunion, nous avons constaté la très grande convergence de vues qui se dessinait entre la politique européenne et la politique américaine en matière de concurrence. Certes, il subsiste quelques divergences en ce qui concerne l'application des règles de concurrence, comme l'illustre l'affaire Microsoft. Mais le reproche selon lequel l'approche européenne serait moins sensible à la nature mondiale des marchés ne me paraît pas fondé. Par exemple, en matière de contrôle de concentrations, les services de la Commission européenne et les services américains ont examiné ensemble avec succès plusieurs centaines de dossiers qui nécessitaient l'accord des deux parties, et nous n'avons pas eu de divergence sensible sur la notion de marché géographiquement pertinent. En matière de concentrations, nous avons eu une seule divergence, il y a trois ans, concernant la fusion General Electric et Honeywell, qui a donné lieu à une autorisation de la part du ministère de la Justice américain, mais à un refus de la part de la Commission, qui a empêché cette opération. Sur ce dossier, il y a eu une appréciation différente des risques, mais pas de divergence sur les principes.
M. Xavier de Villepin :
Êtes-vous favorable à l'émergence de véritables champions industriels européens capables de lutter à armes égales avec leurs concurrents américains ?
M. Mario Monti :
La réponse est oui, mais je voudrais profiter de votre question pour aborder le thème de la politique industrielle européenne, qui a été soulevé par le président Hubert Haenel. À cet égard, il me paraît important de distinguer trois questions pour éviter tout malentendu à ce sujet, comme il semble que ce soit souvent le cas dans l'opinion publique française :
· Le débat sur l'émergence de véritables champions industriels, nationaux ou européens se pose-t-il réellement dans ces termes à l'échelon européen ?
· Les règles européennes de la concurrence constituent-elles une entrave à l'émergence de ces champions industriels ?
· Est-il toujours dans l'intérêt national d'avoir des champions industriels nationaux ?
Sur le premier point, j'observerai que le débat sur les champions industriels se résume essentiellement à un débat qui se déroule dans deux États membres : la France et l'Allemagne. Dans les autres États membres, la question ne se pose pas de cette manière et le débat se teinte plutôt d'une connotation négative car il apparaît quelque peu artificiel.
Sur le second point, je considère que, non seulement les règles européennes de la concurrence n'entravent pas l'émergence de champions industriels, mais que, au contraire, elles facilitent cette émergence. Ceci pour deux raisons. D'une part, en raison de la taille du marché européen. D'autre part, en raison du « guichet unique » et de l'unité des règles de la concurrence au niveau européen. Ainsi, je rappellerai que, dans le domaine du contrôle des concentrations, qui est souvent perçu comme le principal obstacle à l'émergence de ces champions industriels, sur près de 2 200 opérations de concentrations qui ont été examinées depuis 1990 par les services de la Commission, seules dix-huit ont donné lieu à un refus. Ainsi, la Commission européenne a autorisé de multiples opérations qui ont donné naissance à ce qu'on peut appeler des « champions industriels nationaux ou européens ». Et cela a bénéficié en tout premier lieu à la France. Je citerai, en particulier, les cas de AXA-UAP, Carrefour-Promodès, Total Fina Elf, EADS, AREVA, ACELOR ou Air France-KLM. Je rappellerai aussi que la Commission européenne avait autorisé la fusion Vivendi Universal, ce qui montre d'ailleurs qu'une opération de concentration ne se traduit pas forcément par des gains de productivité.
Par ailleurs, je voudrais également préciser que, dans certains cas, des entreprises françaises ont pu bénéficier des interdictions de certaines opérations de concentration. Ainsi, Renault Véhicules Industriels, pour son opération avec Volvo, a été le principal bénéficiaire de l'interdiction de la fusion Volvo-Scania, à laquelle la Commission s'était auparavant opposée puisqu'elle aurait provoqué une situation de position dominante dans le secteur des poids lourds dans plusieurs pays nordiques.
En France, on met souvent en avant deux affaires qui expliquent pour une large part le sentiment d'incompréhension de l'opinion publique à l'égard de la politique européenne de la concurrence. Il s'agit, d'une part, de l'affaire Schneider-Legrand, et, d'autre part, de Pechiney. Je voudrais donc revenir brièvement sur ces deux affaires. En ce qui concerne la fusion Schneider-Legrand, comme vous le savez, la décision d'interdire cette opération, qui avait été prise par la Commission, a été ensuite annulée par le tribunal de première instance des Communautés européennes. Mais, je tiens à préciser que, si le Tribunal de première instance a annulé la décision de la Commission, il a fondé sa décision sur des problèmes essentiellement de procédure et il a confirmé l'analyse de fond faite par la Commission sur les deux points qui intéressent ce débat : le marché pertinent était bien le marché national français et, dans ce marché, la fusion aurait créé une position dominante. Sur Pechiney, le reproche selon lequel la décision prise par la Commission aurait favorisé le rachat de cette entreprise française par une entreprise canadienne ne me paraît pas fondé. En effet, en 2003, la situation n'était plus la même qu'en 1999 du point de vue des obstacles soulevés à l'égard des règles de concurrence, étant donné les concessions obtenues en matière de cessions d'actifs. Par ailleurs, peut-on réellement considérer que Pechiney serait restée une entreprise française si la Commission européenne avait autorisé la précédente opération ? Permettez-moi d'en douter. Quelle aurait été, en effet, en 1999, la configuration du capital de la nouvelle entité résultant de la fusion entre Pechiney, Alcan, et Alsuisse ? Alcan aurait eu un peu plus de 50 %, Pechiney 29 % et Alsuisse 20 %.
En réalité, la Commission européenne n'a jamais empêché la formation de champions industriels, sauf exception. Est-ce que la Commission européenne pourrait favoriser l'émergence de tels champions au nom d'une politique industrielle « volontariste et structurante », pour reprendre des adjectifs que vous connaissez bien, mais qui sont souvent intraduisibles ailleurs ? Je n'ai évidemment rien contre la formation de grands groupes industriels européens, comme le prouvent nos décisions. En même temps, si cela devait se faire en négligeant la nécessité de maintenir les marchés suffisamment concurrentiels, l'économie européenne dans son ensemble en souffrirait. Par ailleurs, très probablement, d'éventuels « champions européens en dérogation de la concurrence » ne parviendraient même pas à voir le jour. En vue de leur taille et de leur portée globale, leur naissance devrait être autorisée aussi par d'autres autorités de la concurrence. Il n'est pas probable que, par exemple, les autorités américaines chargées de la concurrence dérogeraient aux principes communs de la politique anti-trust juste pour favoriser des entreprises européennes.
Enfin, sur le troisième point, je ne suis pas persuadé, en tant que citoyen et économiste, qu'il soit toujours dans l'intérêt national d'avoir des champions industriels nationaux, s'ils devaient bénéficier lors de leur naissance (contrôle des concentrations) ou au cours de leur vie (contrôle des aides d'état) de soutiens artificiels. Au contraire, il me semble que, en tant que contribuable, consommateur ou salarié, je serais très préoccupé par le fait de savoir que l'on maintient artificiellement et par des subventions importantes certains champions industriels. Par ailleurs, je crois qu'il faut regarder l'exemple britannique. S'il y a bien une politique qui a été suivie avec constance par le Royaume-Uni en matière économique ces dernières années, c'est la politique de négligence à l'égard du « pavillon » des entreprises, qu'il s'agisse des entreprises manufacturières ou des services, y compris des services financiers. Or, je doute que la fierté britannique ait souffert de cette politique et je suis convaincu que l'emploi, lui, n'en a pas souffert. Je pense qu'il serait donc dangereux d'avoir en Europe une dichotomie entre les pays qui cherchent avant tout à favoriser, même artificiellement, la constitution de champions industriels et d'autres qui se spécialisent au contraire dans la capacité à créer des emplois. Entendons-nous bien, je ne suis pas contre l'émergence de champions industriels, mais je crois qu'il n'est pas toujours et nécessairement dans l'intérêt national d'avoir des champions industriels nationaux.
M. Francis Grignon :
Ma question porte sur l'articulation entre la politique européenne de la concurrence et la politique de cohésion. Ce sujet est, en effet, directement lié au phénomène des délocalisations, même si ce phénomène est complexe et s'il connaît bien d'autres causes. Lors des auditions de notre groupe de travail, plusieurs industriels ont critiqué les propositions de la Commission européenne de réforme des règles d'attribution des fonds structurels en estimant que cette réforme risquait d'affaiblir les capacités productives de notre pays de deux manières. D'une part, en rendant impossible certains projets de restructuration faute d'un financement suffisant. D'autre part, en permettant une concurrence jugée déloyale de la part de certains pays d'Europe centrale et orientale dès lors que les soutiens communautaires importants dont ils bénéficieraient leur permettraient de conserver plus longtemps leurs avantages comparatifs, en particulier en matière salariale et fiscale. Il me semble, en effet, que la situation des dix nouveaux pays adhérents est différente de celle que nous avons connue avec l'Irlande. Par ailleurs, les citoyens européens ne comprendraient pas que l'intégration des dix nouveaux pays adhérents, qui se traduit par un soutien financier important, ait pour effet de retarder l'harmonisation fiscale au niveau européen, qui apparaît indispensable pour prévenir les délocalisations.
M. Christian Gaudin :
Je pense que tout le monde s'accorde ici sur la nécessité d'une véritable politique industrielle au niveau européen. Je constate, d'ailleurs, avec satisfaction, une certaine évolution sur cette question de la part de la Commission européenne dans sa communication sur ce sujet. Dans le même temps, la communication sur la politique européenne de la concurrence adoptée le même jour semble traduire une tonalité qui reste très libérale. Je reste donc perplexe sur les intentions réelles de la Commission européenne en matière de politique industrielle et sur l'articulation entre cette politique industrielle et la politique de la concurrence.
M. Mario Monti :
Avant toute chose, je voudrais dire que la Commission européenne prendra connaissance avec un grand intérêt de votre rapport, qui apportera certainement des éléments très utiles.
J'ai beaucoup travaillé avec Michel Barnier sur l'articulation entre la politique régionale et la politique de la concurrence, en particulier en matière d'aides d'État. Dans le troisième rapport sur la politique de cohésion, nous avons présenté des orientations communes sur cette question. Étant donné que l'Union européenne consacre des ressources financières importantes pour réduire les écarts de développement entre les différentes régions européennes, il est important, en effet, en particulier avec l'élargissement, de prévoir une articulation entre la politique en matière d'aides d'État et la politique de cohésion. Cela pour éviter que les régions les plus riches attirent toutes les entreprises. À cet égard, je peux vous assurer que Michel Barnier était demandeur d'une approche cohérente et plutôt stricte de la Commission en matière d'aides d'État pour éviter une situation préjudiciable à la politique de cohésion.
En ce qui concerne la fiscalité, qui est un sujet essentiel mais qui ne relève pas de ma compétence, je ne sais pas si la démarche franco-allemande en faveur d'une plus grande harmonisation fiscale en Europe sera couronnée de succès. Je trouve cependant qu'il y a des raisons qui sont fondées pour demander une meilleure articulation entre la politique régionale et l'harmonisation fiscale pour éviter toute concurrence déloyale.
En ce qui concerne la situation des pays adhérents, je voudrais rappeler cependant que la Commission européenne a obtenu, lors des négociations d'adhésion, des concessions très importantes de la part de ces pays en matière d'aides d'État. Le chapitre de la concurrence, et les aides d'État en particulier, ont constitué un point dur des négociations d'adhésion. La Commission européenne a ainsi réussi à obtenir la suppression de plusieurs zones économiques spéciales, d'avantages fiscaux spécifiques ou d'aides d'État à certains secteurs comme la sidérurgie ou les banques. L'approche de la Commission a été équilibrée. Nous nous sommes montrés très exigeants, tant avec les pays adhérents qu'avec certaines zones frontalières, en Allemagne et en Autriche notamment, qui vont bénéficier sur le long terme de l'élargissement. Nous avons voulu éviter, en effet, toute course aux aides d'État.
M. Michel Teston :
Si l'on s'accorde généralement sur la nécessité de favoriser la constitution de champions industriels au niveau européen, je voudrais toutefois souligner qu'il y a des secteurs où il me semble difficile d'aller dans ce sens, comme le secteur ferroviaire ou de l'énergie, tant en raison de la nature du marché qui est déjà très concentré, qu'en raison du risque d'une entrée en force sur le marché européen des entreprises américaines ou japonaises. Je crois donc que la création nécessaire de champions industriels européens ne peut se faire que dans certains secteurs.
Mme Odette Terrade :
Je voudrais vous poser deux questions.
Ma première question concerne la prise en compte des intérêts des consommateurs dans la politique de la concurrence. Comme vous l'avez rappelé, la Commission a adopté, au mois d'avril dernier, une communication sur la politique de concurrence, d'où il ressort que vous souhaitez favoriser une approche plus économique de la concurrence. Cette orientation est-elle de nature à permettre une prise en compte accrue de l'intérêt du consommateur, notamment dans le cadre du contrôle des concentrations ?
Ma deuxième question est plus spécifique puisqu'elle porte sur la réorganisation interne que vous avez engagée des services chargés de la concurrence au sein de la Commission.
M. Gérard César :
Nous avons effectué récemment un déplacement en Bulgarie et en Roumanie, où les salaires restent très bas par rapport à la moyenne communautaire. Comment se présentent les négociations d'adhésion avec ces pays dans le chapitre concurrence et pensez-vous que ces pays seront en mesure d'adhérer à l'Union européenne en 2007 ?
M. Mario Monti :
En ce qui concerne les négociations d'adhésion avec les deux pays que vous avez cités, je peux vous assurer, en tout cas en matière de concurrence ou d'aides d'État, qu'il n'y aura aucun changement par rapport à l'approche suivie pour les dix pays adhérents. À cet égard, on a pu constater qu'il y avait parfois un double langage de la part des dirigeants de certains États membres, sur la rapidité du processus, selon qu'ils interviennent à Bruxelles ou dans les capitales des pays adhérents.
Votre question sur la prise en compte des intérêts des consommateurs est une question importante. La politique de la concurrence est faite pour les consommateurs, même si ceux-ci l'ignorent souvent, car l'appréciation ne peut généralement être effectuée qu'à long terme. L'attention vis-à-vis des consommateurs peut bien sûr varier selon les États membres. Par ailleurs, les modalités de prise en compte des intérêts des consommateurs peuvent susciter des interrogations, voire des craintes de la part des entreprises. Notre conviction profonde, à la Commission européenne, est que les consommateurs ont besoin de certains instruments spécifiques pour défendre leurs droits, comme le droit à la santé par exemple. Nous sommes également persuadés qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre la protection des intérêts des consommateurs et les intérêts des entreprises.
Sur la réforme de la Direction générale de la concurrence que j'ai engagé, je n'évoquerai ici qu'un seul aspect de cette réforme. J'ai créé un poste de fonctionnaire chargé des relations avec les organisations de consommateurs.
M. Jean-Paul Émin :
Je voudrais vous poser une question, qui n'est pas directement liée à la politique de la concurrence puisqu'elle porte sur l'articulation entre la politique industrielle et la politique monétaire.
M. Mario Monti :
Je crois que, d'une manière générale, nous devons rechercher une meilleure coordination entre les différentes politiques menées au niveau européen. Le débat sur la gouvernance économique, auquel la France participe très activement, en offre l'illustration. Toutefois, je considère que l'objectif essentiel de la politique monétaire doit viser la stabilité des prix.
M. Claude Saunier :
J'ai rédigé récemment un rapport sur l'industrie agro-alimentaire, et plusieurs personnalités que j'ai rencontrées à cette occasion ont attiré mon attention sur le risque d'une concurrence déloyale de la part de certains pays d'Europe centrale et orientale dans ce secteur, et des risques en matière de santé publique pour les consommateurs. Par ailleurs, des inquiétudes se sont exprimées concernant la libre circulation des produits agro-alimentaires qui ne satisferaient pas aux normes de l'Union européenne. Enfin, la porosité des nouvelles frontières de l'Union européenne élargie suscite des inquiétudes.
M. Mario Monti :
Les sujets que vous évoquez ne relèvent pas directement des secteurs dont je suis chargé, mais il est vrai que, si certains problèmes ne sont pas traités à la source, ils peuvent ensuite se traduire par une situation de concurrence déloyale. Je suis convaincu qu'il était nécessaire de faire l'élargissement, car il ne faut pas sous-estimer les risques d'instabilité politique qu'aurait pu engendrer une mise à l'écart durable de ces pays.
M. Francis Grignon :
Je voudrais vous exprimer mon inquiétude à propos des fonds européens consacrés au soutien de la recherche privée, en particulier au sein des grandes entreprises.
M. Mario Monti :
La recherche est l'un des domaines qui a été jugé prioritaire, tant pour les prochaines perspectives financières que dans les orientations pour la politique de cohésion. Dans le même temps, la Commission européenne a estimé qu'il était nécessaire de concentrer ses efforts dans certains domaines-clés pour éviter la dispersion de moyens, surtout dans une Europe à vingt-cinq États membres. La Commission européenne est donc favorable à une meilleure valorisation de la recherche et de l'innovation. Toutefois, comme vous le savez, six États membres, dont la France, ont adressé une lettre à la Commission européenne en décembre dernier dans laquelle ils demandent de ne pas dépasser le plafond de 1 % du PNB pour le budget de l'Union. Par ailleurs, il faut aussi tenir compte de la volonté de certains États de ne pas toucher à la politique agricole commune. Dans ce contexte, je crois qu'il est nécessaire de faire preuve d'une plus grande cohérence.
* Cette réunion s'est tenue en commun avec la commission des Affaires économiques et du Plan.