Mercredi 10 avril 2019

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 45.

La 5G et les travaux récents de l'Arcep - Audition de M. Sébastien Soriano, président, et de Mme Joëlle Cottenye, membre du collège de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep)

Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, monsieur le président, je ne vous présente plus, car c'est la quatrième fois que notre commission vous auditionne depuis votre nomination en 2015. Nous vous remercions d'avoir répondu favorablement à notre invitation pour évoquer des sujets d'actualité qui concernent l'Autorité que vous présidez.

Le secteur des télécommunications évolue très rapidement. L'année 2019 devrait voir se dérouler les enchères pour l'attribution des fréquences retenues pour la 5G. Tous les acteurs s'accordent pour dire que la 5G est une technologie de rupture qui diffèrera pleinement des précédentes générations de réseaux mobiles, tant dans son fonctionnement que dans les usages qu'elle permet. Pouvez-vous revenir sur ce que nos concitoyens et nos entreprises doivent attendre de cette technologie ?

L'enjeu est me semble-t-il aujourd'hui de ne pas prendre le même retard que celui que nous tentons péniblement de rattraper en matière de 4G. Où en sommes-nous ? La feuille de route fixée en juillet dernier est-elle respectée ? Pensez-vous toujours, comme il y a un an, que l'attentisme des opérateurs pourrait nous faire prendre du retard sur cette technologie ?

S'agissant plus précisément des enchères, pensez-vous qu'elles pourront s'inscrire dans la ligne définie par le Gouvernement pour le « New Deal mobile », à savoir des obligations strictes de couverture mais des redevances raisonnables ?

S'agissant de la 5G, la commission sera bientôt saisie de la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles. Votre avis sur l'amendement initialement présenté au Sénat dans le cadre de la loi Pacte était assez mesuré. Estimez-vous que le texte est, en l'état, satisfaisant ? Ne risque-t-il pas de remettre en cause des investissements déjà réalisés ni de ralentir le rythme des déploiements du « New Deal mobile » ?

L'actualité législative vous concernant porte également sur le secteur de la presse. Suite au rapport Schwartz, le Gouvernement devrait proposer, dans le cadre d'un projet de loi de réforme de la loi Bichet qui devrait bientôt être examiné par le Parlement, de confier à votre autorité une nouvelle mission de régulation économique de la distribution de la presse. Êtes-vous demandeur de cette nouvelle compétence ? Ne faudrait-il pas alors faire évoluer le paysage des autorités administratives indépendantes compétentes sur des sujets proches mais différents ?

S'agissant plus largement de la question de la régulation du numérique, vous avez participé aux États généraux des nouvelles régulations numériques organisés par le Gouvernement. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) plaide depuis 2018 pour une régulation des terminaux mobiles afin de garantir leur neutralité. Ces propositions trouvent-elles un écho ? Ne devraient-elles pas être portées au niveau européen, pour prolonger le règlement sur l'internet ouvert ?

Monsieur le président, je vous cède désormais la parole, puis mes collègues vous poseront directement leurs questions, chacun pour un temps de parole de 2 minutes. Je vous remercie également d'accueillir notre collègue Patrick Chaize, qui n'est pas membre de notre commission, mais qui préside le groupe d'études sur le numérique qui était intéressé par cette audition.

M. Sébastien Soriano, président de l'Arcep. - C'est toujours un immense honneur de rendre compte de notre action devant le Parlement et tout particulièrement devant votre commission, en raison de son rôle éminent sur la régulation. Je crois à l'indépendance du régulateur dans son action. Pour autant, je crois que le régulateur doit être très à l'écoute des priorités de la Nation fixées par le politique et c'est pourquoi cette audition est très importante à nos yeux.

Je suis accompagné par Mme Joëlle Cottenye, membre du collège de surveillance de l'Arcep, qui a été désignée par le président Gérard Larcher l'année dernière. Aussi, après une introduction sur le marché des Télécoms, je lui cèderai la parole pour dresser un état des lieux de l'avancement des chantiers de la fibre et de la 4G, avant de conclure sur la 5G et la question des terminaux que vous avez évoquée.

Quel est l'état actuel du marché des Télécoms ? Il bénéficie d'une concurrence forte. Il comprend quatre grands opérateurs et, au plan local, des opérateurs régionaux, ainsi que virtuels. Cette diversité d'acteurs, pendant longtemps, a bénéficié aux Français par des prix bas. Il faut s'en féliciter, puisque l'accessibilité à la téléphonie mobile et à l'internet haut débit participe au maintien du pouvoir d'achat. Pour autant, la priorité de l'Arcep est de veiller à ce que cette concurrence se traduise également en investissements élevés. Les Télécoms ne sont pas qu'un service pour nos concitoyens : elles sont aussi une infrastructure essentielle au fonctionnement de l'économie et de la société. Notre action est tournée vers cette priorité à l'équipement du pays en fibre, en 4G aujourd'hui et demain en 5G.

Ces enjeux dépassent très largement le secteur des Télécoms et concernent les territoires et la compétitivité, s'agissant notamment de l'accès des PME à la fibre. Désormais, de nombreuses politiques publiques - comme la dématérialisation des procédures administratives ou la gestion de la dépendance - reposent sur la capacité d'accès de nos concitoyens au réseau internet.

Où en est-on au niveau des investissements ? L'Arcep n'a pas ménagé sa peine pour pousser les opérateurs à investir, avec un certain nombre d'instruments. Nous sommes aujourd'hui satisfaits du niveau de leurs investissements dans les infrastructures fixes et mobiles, lesquels sont passés d'une moyenne de 7 milliards d'euros annuels à 9,6 milliards d'euros en 2017 et devraient être stables en 2018. Sur trois ans, l'investissement dans les Télécoms a ainsi augmenté de 37 %. Il s'agit d'un réel effort d'investissement qui implique toute une chaîne allant des opérateurs à leurs sous-traitants. Nous souhaitons que cet effort ne soit pas une bulle, mais s'avère durable afin d'assurer la mise en oeuvre du « New Deal » pour poursuivre le déploiement de la fibre et demain, de la 5G.

Un tel résultat a également été obtenu grâce à un ensemble de contraintes et d'incitations que nous avons élaborés. D'abord, notre régulation de la fibre a permis de trouver un équilibre entre le fait de ne pas pénaliser le principal opérateur qui investit, Orange, tout en actant du fait que ce seul opérateur ne peut, à lui seul, relever le défi de la fibre. Si Orange représente la moitié des investissements des Télécoms en France, ne s'appuyer que sur lui revient à se priver de la moitié de la capacité d'investissement du secteur. Nous avons donc créé les conditions pour que l'ensemble des opérateurs soient impliqués dans le déploiement de la fibre. Ainsi, les opérateurs sont désormais présents dans les zones denses, en investissement privé, et pénètrent dans les territoires, via notamment les réseaux d'initiatives des territoires.

Nous avons également veillé, ces dernières années, à instaurer, pour le mobile, un équilibre entre la concurrence des opérateurs sur la couverture des zones denses et le partage des réseaux dans les zones très rurales. Cette démarche a ainsi motivé notre exigence envers l'opérateur Free dont l'utilisation du réseau d'Orange a été encadrée dans le temps.

Nous poussons à la régulation en nous fondant sur des données, et notamment sur des cartes qui permettent d'informer les consommateurs et les territoires sur l'avancée de la couverture assurée par les opérateurs. Bien évidemment, avec le Gouvernement, nous avons partagé cette démarche du « New Deal Mobile », saluée à travers le monde, comme l'initiative exemplaire d'un État qui a décidé de consacrer les revenus de ce secteur à la connexion de ses citoyens. Les opérateurs sont ainsi des grands acteurs économiques à la solidité avérée ; nous les accompagnons afin que leurs investissements soient soutenables.

Mme Joëlle Cottenye, membre du collège de l'ARCEP. - Mon premier point concernera la couverture mobile. L'initiative du « New Deal » part des besoins et des attentes de nos territoires dont nous avons eu connaissance. Nous constatons aujourd'hui l'accélération des déploiements depuis l'entrée en vigueur de ce « New Deal » en janvier 2018. Il s'agit d'un changement de paradigme : la logique d'aménagement du territoire s'est ainsi substituée à une logique financière pour l'attribution des fréquences. Extrêmement regardé depuis l'étranger, ce dispositif promeut également la mutualisation. Nous constatons que 65 % de la surface du territoire national sont couverts par la 4G par tous les opérateurs au 31 décembre 2018, contre 45 % un an plus tôt. L'accélération de la couverture et la mobilisation de l'ensemble des parties prenantes sont manifestes. Les projets sont en cours d'avancement, même si la construction de pylônes, dans le cadre des couvertures ciblées, prend un peu plus de temps. L'Arcep entend contrôler et suivre, en toute transparence, ces programmes, tout en pouvant être réactive, en cas de relâchement des efforts. Ce travail s'effectue avec les élus et les citoyens. L'avancement de la couverture fait l'objet d'un suivi régulier à l'aide de plusieurs outils, comme le tableau de bord trimestriel qui retrace les obligations des différents opérateurs liés au « New Deal » et le site monreseaumobile.fr, dont une nouvelle version enrichie devrait contenir davantage de mesures de terrains. En outre, d'autres outils permettent d'améliorer l'évaluation sur le terrain de la qualité de la couverture, comme le « kit du régulateur » destiné aux collectivités ou encore le premier code de conduite fixant un premier niveau d'exigence pour la réalisation de mesures basées sur le crowdsourcing, c'est-à-dire le fait de réaliser, avec son propre téléphone, des mesures de la couverture.

Parallèlement, nous veillons à faire un point sur les obligations des opérateurs et à suivre les pannes qui peuvent survenir sur les réseaux. Ces démarches connaissent un réel progrès, même si nous manquons, pour l'heure, d'informations précises. En outre, il n'existe pas encore d'offres simples de couverture indoor, c'est-à-dire à l'intérieur des bâtiments, destinées aux entreprises et aux bâtiments publics. L'Arcep entend ainsi demeurer ferme avec les opérateurs dont les engagements devront être assurés.

En matière de couverture fixe, le plan France Très haut débit, acté en février 2013, fixait l'objectif de couvrir l'intégralité du territoire en Très haut débit d'ici à 2022. Ce projet collectif chiffré à hauteur de 20 milliards d'euros répondait aux enjeux de compétitivité et d'attractivité, mais aussi d'égalité des territoires. Ainsi, en 2018, plus de 3,3 millions de locaux supplémentaires ont été rendus raccordables à la fibre, dont 700 000 dans les zones d'initiative publique.

La dynamique de déploiement se confirme. Si sa progression est bonne, il faut néanmoins l'accélérer, notamment en zone d'initiative privée. On constate également une forte mobilisation des réseaux d'initiative publique se traduisant par une accélération des déploiements dans leurs zones.

Les Appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL), créés dans le cadre du plan France Très haut débit, fournissent, depuis décembre 2017, un cadre propice au déploiement de la fibre optique, grâce à la mobilisation des opérateurs privés. Ces possibilités d'engagement sont formulées dans le cadre de l'article L33-13 du code des postes et des communications électroniques. Le Gouvernement peut donc, après avis de l'Arcep, accepter les engagements des opérateurs qui deviennent alors contraignants et opposables. Le rôle de l'Arcep consiste à se porter garant des AMEL qui sont des dispositifs proposés par les élus locaux et dont la mise en oeuvre demeure, en dernier ressort, soumise à l'accord du Gouvernement. Il y a quelques jours, l'Arcep a rendu deux avis positifs sur deux projets positifs en Côte d'Or et dans le Lot-et-Garonne ; d'autres dossiers étant, pour l'heure, en instruction.

Le rôle de l'Arcep est d'abord d'émettre un avis et de s'assurer à la fois de la crédibilité des engagements et de la cohérence du modèle économique proposé par les opérateurs avec l'objectif de péréquation nationale mentionné par le plan France Très haut débit. Le contrôle de la réalisation des engagements des opérateurs et de leurs effets sur le réseau incombe également à l'Arcep, qui doit parfois endosser un rôle de gendarme et émettre des sanctions. Or, le recours à la seule répression ne saurait amener la fibre ; l'Arcep doit avant tout faire oeuvre de pédagogie et faciliter la réalisation des objectifs des AMEL, en assurant la bonne articulation de son contrôle réglementaire avec celui, contractuel cette fois, des collectivités. L'Arcep ne fait qu'émettre un avis sur les AMEL, dans une logique d'aménagement du territoire considéré dans sa globalité. Ces AMEL seront ainsi intégrés dans l'observatoire trimestriel du Très haut débit, ainsi que dans la carte des déploiements en fibre laquelle, depuis décembre 2018, permet de vérifier, immeuble par immeuble, la connexion des bâtiments.

L'Arcep veille donc à instaurer une synergie du public et du privé dans l'aménagement numérique des territoires. Les collectivités jouent d'ailleurs un rôle croissant pour améliorer cette connectivité. Dès lors, la régulation relève d'une co-construction entre les partenaires et d'un dialogue qui doit se faire dans la confiance et qui suppose l'engagement de toutes les parties prenantes. En effet, c'est bien cette notion d'engagement que nous entendons promouvoir en 2019, afin de réussir le désenclavement numérique et d'assurer la connectivité de nos territoires et de notre pays.

M. Sébastien Soriano.- La Corée du Sud, le Japon, la Chine et les États-Unis se positionnent sur la 5G. Le passage de la 4G à la 5G ne sera pas comme celui de la 3G à la 4G, en ce qu'il va provoquer une désaturation dans les zones denses où la 4G commence à être moins performante. La 5G est néanmoins vectrice d'un profond changement, du fait de l'internet des objets et de l'interpénétration qu'elle permet entre les technologies de la communication et de l'informatique. La 5G est ainsi l'infrastructure de base de la future ville intelligente, de l'agriculture connectée ou encore de la réalisation de l'e-santé et de la connexion des routes et des aéroports. Un pays qui raterait l'étape de la 5G créerait un handicap considérable pour l'ensemble de ses industries et de ses infrastructures. C'est évidemment un rendez-vous à ne pas manquer !

Allons-nous donc être en retard sur la 5G comme nous l'avons été sur la 4G ? La volonté de l'Arcep est d'assurer le rattrapage de la 4G tout en assurant le démarrage, dans les temps, de cette nouvelle technologie. Honorer cette double exigence est possible grâce au « New Deal Mobile » : le rattrapage de la 4G est demandé au secteur avec comme contrepartie une attribution, par l'État, à des niveaux financiers moins élevés. Les propositions que l'Arcep fera au Gouvernement s'inscriront dans cette philosophie.

S'agissant du relatif attentisme des opérateurs, j'ai craint, lors de nos discussions sur la 5G, que les opérateurs soient quelque peu en revers de la main. Je vois désormais les choses évoluer et constate des expérimentations et des partenariats avec les opérateurs, dans l'ensemble des secteurs d'infrastructures, comme dans les chemins de fer, l'aéronautique, et, d'une manière générale, les transports publics. Cette forme de mobilisation nous semble rassurante.

Avant d'arrêter les exigences vis-à-vis du secteur, nous attendons, de manière imminente, une première communication par le Gouvernement de ses attentes financières et relatives à la couverture du territoire. Les modalités de l'accès de tous les « verticaux » - acteurs de l'industrie et des infrastructures - soit directement aux fréquences soit aux services fournis par les opérateurs devront être précisées. Ces questions sont devant nous. Nous consultons actuellement les acteurs économiques, que sont notamment Engie, Airbus et la SNCF et recevrons prochainement, sur ce sujet, les principales associations d'élus.

Sur la sécurité numérique et la proposition de loi en cours de discussion, notre pays est mieux préparé et moins exposé que d'autres. Le Secrétariat général pour la défense nationale (SGDN) et l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'informations (Anssi), depuis une dizaine d'années, travaillent très régulièrement avec les opérateurs, les équipementiers des Télécoms et l'Arcep. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur la vigilance exprimée, sur cette question, par le Gouvernement. En tant qu'expert du secteur, je peux néanmoins souligner que sur cette question, la France s'avère moins exposée que d'autres États.

L'Arcep a vu ses responsabilités étendues à la Poste en 2005 et il est aujourd'hui question que notre régulation s'exerce sur la distribution de la presse. Un projet de loi visant à modifier l'actuelle loi Bichet devrait être présenté au Conseil des ministres, aujourd'hui même. Nous sommes extrêmement attentifs à la dimension territoriale de ce secteur qui mobilise non seulement les marchands de journaux, mais aussi l'ensemble des acteurs logistiques. L'objectif du Gouvernement est de rendre l'économie de ce secteur plus efficiente, afin de bénéficier aux éditeurs et de renforcer cette présence territoriale. Nous serons vigilants quant à la flexibilité nécessaire à une bonne régulation et nous veillerons à obtenir les outils de régulation nécessaires à l'exercice de notre mission d'Autorité de ce secteur.

Sur le numérique, nous considérons que la régulation des Télécoms est aujourd'hui incomplète. En effet, si notre régulation de l'ensemble des réseaux d'internet s'avère ambitieuse, nous estimons qu'un maillon - à savoir, les équipements terminaux qui se connectent sur internet, comme les smartphones et, demain, les assistants vocaux - lui échappe. Or, ces équipements prennent actuellement un pouvoir considérable, vis-à-vis des citoyens et des utilisateurs, ainsi que de toutes les entreprises. Ce n'est qu'un début : les secteurs, comme l'agroalimentaire ou la grande distribution, vont être bouleversés par les technologies comme celle de la commande vocale. Or, la régulation nous semble, pour l'heure, lacunaire sur ces questions. Néanmoins, l'Europe opère actuellement un mouvement important sur ce sujet à travers le règlement « Platform to business », qui va élargir le champ de la vigilance à certains éléments dans les terminaux à travers une régulation par la transparence. Nous sommes actuellement en discussion avec le Gouvernement quant à la transposition de certaines de ces dispositions en droit national.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - L'Arcep a ouvert un guichet pilote 5G pour la délivrance des autorisations d'utilisation des fréquences. L'idée est d'améliorer les performances des services amenés à évoluer grâce à la 5G. Le secteur de la télémédecine pourrait être amené à l'utiliser. Quelles vont être les conditions de délivrance des autorisations d'utilisation, ainsi que les perspectives d'évolution de l'utilisation de la 5G dans un secteur aussi sensible que celui de la médecine ?

M. Serge Babary. - L'Arcep sera chargée de l'autorisation de l'utilisation des fréquences. Sommes-nous liés au niveau européen à la bande de fréquence s'étendant entre 3,4 et 3,8 mégahertz, avec une disponibilité de 400 mégahertz, dont une partie est détenue par certains opérateurs jusqu'en 2026 ? Reste-t-il suffisamment de fréquences pour l'application de la 5G dans les toutes prochaines années ou peut-on choisir une autre bande ?

M. Franck Menonville. - La Chine et le groupe Huawei sont régulièrement présentés comme incontournables pour le déploiement de la 5G. Est-ce réellement le cas ? Comment comptez-vous sécuriser les réseaux des entreprises ? Au niveau européen, sommes-nous en mesure de constituer un consortium nous permettant d'exister dans la compétition internationale ?

M. Pierre Louault. - Ceux qui ont besoin le plus de ces nouvelles technologies sont les territoires ruraux, c'est-à-dire ceux qui sont actuellement les plus mal desservis. Or, on constate encore qu'un opérateur peut dresser un pylône à côté de celui d'un autre opérateur pour la 4G, tandis que d'autres pays, comme l'Espagne, ont opté pour le nomadisme, c'est-à-dire l'optimisation des investissements pour obtenir une bonne desserte de leur territoire. Je pense que nous n'avons pas été très bons et qu'au minimum pour la 5G, une répartition des fréquences s'impose ! Nous sommes dans cette contradiction : alors qu'une partie du territoire est convenablement desservie par l'ensemble des opérateurs, d'autres ne le sont pas du tout ! L'Arcep doit faire des propositions et demander aux opérateurs une optimisation technologique, faute de laquelle la situation ne s'améliorera pas. Des opérateurs publics installent encore de la 3G, alors qu'ils pourraient faire l'effort d'installer de la 4G dans certains territoires ruraux qui n'ont rien au bout de leur fil !

M. Patrick Chaize. - Même si j'aurais bien d'autres choses à dire, notamment sur les AMEL, je concentrerai mon intervention sur la proposition de loi en cours de discussion. L'Anssi assure déjà des missions importantes dans le domaine de la sécurité. La proposition de loi génère des inquiétudes quant à la fluidité des avis de l'Anssi, à défaut de laquelle des retards pourraient être constatés sur les déploiements. Le champ d'application du dispositif apparaît également particulièrement large, ce qui renforce ces inquiétudes.

Le traitement des acteurs verticaux est également un réel sujet : pour que la sécurité soit assurée sur la 5G, encore faut-il qu'une chaîne logique entre l'architecture des réseaux et les matériels utilisés soit établie. Le fait d'accorder des droits à ces acteurs verticaux risque d'induire une faille dans la sécurité.

S'agissant de la mutualisation, la 5G devrait conduire à l'installation de nouveaux matériels, comme les « Small Cells » qui pourraient être installées dans chaque abris-bus. Ne pas favoriser la mutualisation pourrait alors conduire à la hausse le coût de l'investissement et retarder considérablement le déploiement de la 5G.

Enfin, Bruxelles est devenue, cette semaine, la première grande ville à interrompre le déploiement de la 5G en raison de ses effets sur la santé. Aussi, l'Arcep s'est-elle penchée sur les effets sanitaires du déploiement de la 5G ?

M. Alain Duran. - Je reviendrai sur la tarification des conditions d'accès au réseau fibre, et tout particulièrement sur le tarif de renouvellement des droits d'usage sur les réseaux d'initiative publique. Je souhaite vous alerter sur une demande de l'opérateur Free, qui pourrait d'ailleurs être formulée par les autres opérateurs. Le droit d'usage est actuellement de l'ordre de 513 euros, auquel s'ajoute un tarif récurrent de 5 euros mensuels par ligne. Aujourd'hui, l'opérateur met la pression sur le délégataire, et indirectement sur la collectivité délégante, pour obtenir un tarif de renouvellement de droit d'usage qu'il entend fixer à 4 euros pour les vingt prochaines années. C'est dire le gouffre financier qu'une telle hausse engendrerait pour les collectivités ! Aussi, dans le cadre des travaux que vous comptez engager pour compléter vos lignes directrices de 2015, allez-vous prendre en compte cette problématique et permettre aux autorités délégantes de rester dans la course ? Même s'il est difficile d'anticiper la valeur du réseau dans dix-neuf ans, une ligne représente environ un investissement de 1 900 euros à comparer à 513 euros dont s'acquittent aujourd'hui l'opérateur et qui pourraient être ramenés à 4 euros si la proposition était suivie. Une telle démarche n'est-elle pas contraire, en définitive, à l'impératif qui est le nôtre de pérenniser notre réseau et de réussir ensemble la couverture du territoire ?

M. Laurent Duplomb. - Je reviendrai sur la problématique de la 5G qui pourrait susciter, à l'avenir, les mêmes remontées de la population que le compteur Linky. Vous êtes-vous préparés à cette éventualité ? Vous avez évoqué le désastre pour l'économie de ne pas se doter de la 5G. Disposez-vous d'un plan de communication si certaines instances sanitaires venaient à considérer cette technologie comme probablement cancérigène, en vertu du principe de précaution ? Comment prévenir, dans un tel cas, les errements que nous avons pu connaître sur les OGM et sur le compteur Linky ? Comment comptez-vous, en cas de problème, rassurer la population dans notre société qui abhorre toute forme de risque ?

M. Daniel Gremillet. - La Région Grand-Est a fait le choix de développer la fibre à l'habitant. Deux problèmes se sont alors posés : d'une part, il a fallu déployer 550 km de ligne dans le domaine forestier géré par l'Office national des forêts (ONF) pour un coût exorbitant de 60 millions d'euros sur dix ans. D'autre part, nous avons expliqué à nos administrés qu'ils seraient tous connectés par la fibre, y compris dans les zones les plus reculées. Les travaux ont été lancés depuis un an, mais on s'aperçoit que le coût du déploiement de la fibre jusqu'à l'habitant est lui aussi exorbitant. D'où le recours éventuel au satellite que la France, à l'inverse d'autres pays, a fait le choix d'écarter. Le satellite peut-il être considéré comme un recours nécessaire pour garantir l'accès au cyberespace aux habitats les plus reculés ?

M. Marc Daunis. - Quels sont, selon vous, les éventuels problèmes posés par le choix de Monaco du Groupe Huawei pour le déploiement de la 5G ? Aujourd'hui, une rupture technologique est en cours avec la 5G qui permet la transmission de données entre machines et non plus entre humains. Quelles sont les conséquences sur les libertés publiques et individuelles de ce changement de paradigme ? Enfin, je partage les interrogations de nos collègues Laurent Duplomb et Patrick Chaize : on ne peut passer sous silence les alertes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Il est impossible de soutenir le progrès technologique si des réactions analogues à celles suscitées lors du déploiement du compteur Linky, sur une échelle bien plus modeste, se font jour. Alors que des cancers se développent chez de très jeunes enfants, une hypersensibilité va se déployer dans la société. Comment comptez-vous anticiper ce type de réaction ?

Mme Catherine Procaccia. - L'Arcep s'est-elle déjà penchée sur les constellations de mini-satellites en cours de développement ? Sur la 5G, vous avez évoqué l'attentisme des opérateurs. N'est-ce pas plutôt celui du Gouvernement ? Les délais prévus par la loi ne sont absolument pas précisés et le Premier Ministre se voit conférer tous les pouvoirs, notamment en matière d'équipement. Les opérateurs ne redoutent-ils pas, en définitive, les décisions à venir de l'Anssi qui pourraient obérer les équipements et leur déploiement ? Enfin, durant les auditions conduites par notre collègue Patrick Chaize dans le cadre du groupe sur le numérique, il nous a été à plusieurs reprises indiqué qu'un retard de déploiement de la 5G pourrait induire des retards supplémentaires dans les déploiements de la 4G.

Mme Noëlle Rauscent. - Pouvez-vous évoquer les normes de rayonnement et de radioprotection de la 5G ? Comment rassurer la population et ne pas connaître des difficultés analogues à celles du déploiement du compteur Linky ?

M. Franck Montaugé- Le développement de l'offre satellitaire ne remet-il pas en question le modèle de développement en réseau qui demeure fortement capitalistique ? Comment comptez-vous assurer la complémentarité de cette offre, fût-elle relayée par le Wifi ? Par ailleurs, l'Arcep s'intéresse-t-elle à la souveraineté numérique sur laquelle une commission d'enquête sénatoriale débute prochainement ses travaux ? Pensez-vous qu'une meilleure protection de notre pays passe par une modification de la législation ? Cette question de la souveraineté numérique concerne, en effet, le citoyen, l'entreprise et la défense nationale.

Mme Françoise Férat. - Mes inquiétudes rejoignent le questionnement de mon collègue Daniel Grémillet, élu, comme moi, du Grand-Est. En décembre 2018, vous déclariez dans le magazine Maire-Info, que l'Arcep allait s'ouvrir aux mesures réalisées par les territoires eux-mêmes pour recenser les zones mal couvertes, en leur confiant des outils de mesure appropriés. In fine, ces données collectées pourraient être agglomérées sur la plateforme monreseaumobile.fr. Votre base de données est-elle opérationnelle ? Avez-vous proposé des mesures spécifiques pour les zones ignorées par le déploiement ? En effet, la 5G, dans certains territoires, paraît lointaine.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je rappellerai que notre commission a commis un rapport, il y a dix-huit mois, portant notamment sur l'option satellitaire. Si le programme Konnect d'Eutelsat est en cours, les modalités de commercialisation de ces offres satellitaires ne sont pas encore précisées. J'aurai deux questions sur la 5G : d'une part, l'arrivée de la 5G va relancer le débat sur la consolidation des opérateurs, à l'instar de ce qui se déroule aux États-Unis où l'on est passé de 4 à 3 opérateurs. Estimez-vous que la 5G nécessitera des investissements qui rendraient inévitable une consolidation du secteur ? À ce stade, que vous disent les acteurs que l'on appelle « verticaux » quant à leur implication dans la 5G ? Leur plan d'affaires sera-t-il de déployer et d'exploiter leur réseau ou de déléguer ces tâches aux opérateurs Télécoms, à l'instar de ce qui se produit outre-Rhin ? Enfin, sur la situation du marché fixe à destination des entreprises, l'objectif de l'Arcep est de développer un marché de masse en fibre optique pour les PME. Cette démarche est absolument nécessaire dans notre pays qui fait partie de ceux où le taux d'insatisfaction en matière de connectivité des entreprises est le plus élevé d'Europe. Cela plaide-t-il, selon vous, en faveur d'une meilleure régulation du marché et implique-t-il, le cas échéant, des sanctions plus dissuasives pour les contrevenants, à l'image de ce qu'évoquait mon collègue pour la téléphonie mobile ?

M. Bernard Buis. - Sur nos territoires hyper-ruraux, où l'on était souvent en zone blanche, les pylônes commencent à se poser. Ce qui est plutôt un bon signe ! En revanche, lorsqu'ils sont posés, il faut encore attendre six mois pour qu'ils soient raccordés ! Pourquoi ces pylônes ne peuvent-ils pas être installés directement en 4G, et non en 3G ?

Ma seconde question portera sur les réparations suite, notamment, aux orages qui sont fréquents sur mon territoire et génèrent des problèmes de téléphonie et d'internet. Si les réparations de la ligne téléphonique ne sont généralement réalisées qu'au terme de trois semaines, la 3G n'est rétablie que bien des mois après ! De tels délais sont la source de réelles difficultés pour les habitants et les communes, qui sont alors privées de leur unique moyen de communication avec les trésoreries ! Enfin, s'agissant de l'installation de la 4G, voire de la 5G, sera-t-il encore utile d'avoir la fibre à l'abonné ? Ne risque-t-on pas alors de faire double emploi ?

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Les rumeurs, colportées par voie de presse, selon lesquelles SFR pourrait être racheté par Bouygues ou Free sont-elles fondées ? L'Arcep est-elle en mesure de contrôler une telle situation ? L'attribution prochaine des fréquences 5G ne risque-t-elle pas de précipiter le retour à trois opérateurs ?

S'agissant de son réseau de téléphonie fixe, vous avez mis en demeure Orange de continuer à assurer l'obligation de qualité de service de ligne fixe en tant qu'opérateur du service universel de téléphone. Or, le téléphone fixe est encore largement utilisé par nos aînés. Orange est-il désormais en capacité d'assumer ses obligations en la matière ?

M. Jean-Claude Tissot. - Sur la qualité à l'accès de l'Internet fixe, l'UFC-Que Choisir a relevé que, dans les communes de moins de mille habitants, près d'un tiers de la population est privée d'accès au réseau internet d'un débit de plus de 3 mégabits, quand ce taux atteint seulement 0,8 % des personnes situés dans les villes de plus de 100 000 habitants. Au rythme actuel des investissements, la sécurisation des accès pourrait être assurée en 2029 sur l'ensemble du territoire. Désormais, puisque la dématérialisation des déclarations fiscales est une obligation, nos concitoyens qui n'y parviendront pas devront acquitter une amende de 15 euros ; cette sanction étant laissée à la bienveillance des trésoriers principaux. Nous allons ainsi renforcer une fracture numérique déjà présente !

M. Joël Labbé. - On assiste à une recrudescence des maladies dites environnementales qui sont dues aux molécules chimiques et aux diverses ondes. Disposons-nous d'une étude approfondie sur ces sujets ? C'est le sens du progrès certes, mais que faire des personnes qui souffrent d'hypersensibilité aux ondes ? C'est une question d'égalité entre nos concitoyens.

M. Sébastien Soriano. - Mes réponses concerneront tout d'abord la 5G. La télémédecine est un cas d'usage attendu de cette technologie qui permet d'obtenir une qualité de service accrue en termes de latence et de fiabilité de la communication. L'usage de la 5G dans ce cadre permet de rester dans le secteur des Télécoms et de bénéficier ainsi du secret des correspondances, contrairement à l'informatique.

C'est bien dans la bande 3,4 à 3,8 mégahertz que doit se développer principalement la 5G. Si d'autres bandes seront progressivement utilisées - la 5G est déjà disponible en bande basse, c'est-à-dire sur la bande des 700 mégahertz et sur les bandes millimétriques, à savoir la bande des 26 mégahertz -, le service de base de la 5G, qui devrait apporter une fiabilité et des capacités fortes, ne sera permis que par la bande de 400 mégahertz, sur laquelle nous devrions disposer d'environ 300 mégahertz, en fonction des occupations existantes. Cette bande de fréquence nous situe dans la fourchette haute de ce qui se passe en Europe. Pour preuve, l'attribution des bandes fréquences, à l'issue d'enchères très élevées, en Italie portait sur 200 mégahertz. Notre situation est donc plutôt favorable en termes de spectre disponible.

L'Arcep n'a pas vocation à s'exprimer sur l'éventuel caractère incontournable de Huawei comme fournisseur de la 5G. Pour autant, chaque année, je me rends au salon mondial du mobile qui se tient à Barcelone pour rencontrer l'ensemble des équipementiers, notamment européens. Demain, Samsung, qui se concentre actuellement sur les terminaux, devrait travailler sur les équipements de réseau. Les lignes évoluent. Les États-Unis, qui ont beaucoup d'ambitions sur la 5G, semblent pouvoir accéder aux équipementiers dont ils ont besoin. La capacité industrielle d'obtenir des équipements de bonne qualité n'est pas en cause.

Il me paraît nécessaire de disposer d'un cadre législatif suffisamment large pour que l'Anssi puisse contrôler les éléments dont elle a besoin. Il serait potentiellement contreproductif dans la loi de préciser de manière trop fine son champ d'action. Il faut ainsi faire confiance aux acteurs. L'Anssi dépendant du Premier ministre et le Gouvernement étant très impliqué dans la 5G, elle aura à coeur de ne pas retarder les déploiements et de trouver un modus operandi avec les opérateurs pour assurer la fluidité des opérations - comme pour les mises à jour des logiciels s'effectuant sur une base quasi-hebdomadaire - et garantir la sécurité des réseaux.

Tel est mon message principal sur la sécurité : nous ne partons pas de zéro, puisque les acteurs se connaissent et les procédures sont bien établies. Nous sommes ainsi dans une logique de complémentarité et de renforcement des dispositifs existants.

Sur les petites cellules (« Small Cells ») et la mutualisation, l'essentiel des déploiements 5G vont consister, dans un premier temps, en une mise à jour du réseau existant et se concentrer dans les zones urbaines pour dé-saturer les réseaux. Effectivement, des besoins d'installations complémentaires devraient se faire jour, soit en zones urbaines, avec des « Small Cells », soit dans le cadre d'applications de « verticaux », c'est-à-dire d'infrastructures et d'usines connectées. La mutualisation représente un sujet important pour l'Arcep : ni en termes d'acceptabilité des habitants, écologiques ou économiques, il n'aura de sens de multiplier par quatre l'installation des « Small Cells ». Nous travaillons actuellement sur les modalités d'inscription, dans les attributions, d'incitations voire d'obligation de mutualiser ce type de déploiement.

Sur les incidences sur la santé, ce sujet a bien été anticipé par le Gouvernement dans le cadre de la feuille de route adoptée l'année dernière. Nous sommes, sur ce sujet, dans l'anticipation puisque dans toutes les actuelles expérimentations accordées par l'Arcep, il est demandé aux acteurs de faire des évaluations sur l'exposition particulière aux ondes de la 5G. Ce retour d'expérience va ainsi permettre, sous l'égide de l'Agence nationale des fréquences, de mettre à jour les normes de mesure d'exposition aux ondes. La 5G réduit l'exposition aux ondes : en effet, aujourd'hui dans un réseau Télécom, l'antenne envoie les ondes de manière indifférenciée, à l'inverse de la 5G dont les émissions sont davantage concentrées vers les récepteurs. Ainsi, les utilisateurs de la 5G sont potentiellement les plus exposés. On va ainsi davantage vers une exposition choisie ; cette réalité me paraissant un élément plutôt en faveur de la 5G. Néanmoins, la mesure de l'exposition à ses ondes doit être différemment conduite. C'est ce sur quoi l'Agence nationale des fréquences travaille, afin d'instaurer la confiance et de définir un protocole qui soit partagé. En outre, sans être un spécialiste de la question, je peux toutefois vous indiquer que le Gouvernement a officiellement saisi l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour conduire des évaluations sur ce sujet qui a déjà fait l'objet d'un nombre conséquent de travaux internationaux. Il incombe à cette autorité de donner ses indications. Il me semble que l'impact sur la santé n'a pas de raison d'être différent au Japon, en Corée, aux États-Unis et en France. J'espère que la communauté internationale saura suivre une approche aussi harmonisée que possible en la matière.

Le risque Linky a fait prendre conscience au Gouvernement de l'enjeu pédagogique et de la nécessaire création de l'acceptabilité du déploiement de la 5G.

Je ne dispose pas d'information sur l'installation à Monaco de la 5G par le Groupe Huawei.

Sur les incidences de la proposition de loi sur la sécurité numérique sur le déploiement de la 5G, nous invitons le Gouvernement à éclairer les opérateurs, dans les meilleurs délais, sur la règle du jeu. Le texte législatif, une fois adopté, va arrêter le cadre. Il reviendra à l'administration de préciser aux différents opérateurs ce qu'il sera possible de faire dans ce cadre. Ces éléments d'explication doivent être apportés très vite afin de ne pas freiner les déploiements. L'Arcep sera vigilante sur ce point, qu'elle estime critique pour la mise en oeuvre de la feuille de route sur la 5G. Je rappelle que notre ambition est d'ouvrir commercialement la 5G en France dès 2020.

Concernant les risques de consolidation induits par la 5G du fait de l'ampleur des investissements requis, je tiens à être rassurant. Grâce au « New Deal » et au déploiement de la fibre, nous allons disposer en France d'une infrastructure mobile - de sites et de réseaux de collectes pour relier ces sites avec la fibre - qui sera extrêmement avancée. La 5G représente d'abord un effort de remplacement des équipements électroniques qui se trouvent sur les sites. Il ne s'agit donc pas de construire de nouveaux sites ; ce qui, en termes d'investissement, n'induit pas les mêmes conséquences. Cette démarche est ainsi plus aisée pour les opérateurs qui vont remplacer la 4G par la 5G. Pour autant, ces investissements demeurent significatifs. La capacité du secteur à investir dépendra du niveau des redevances attendu par l'État. La réflexion ayant conduit au schéma acté pour le « New Deal », consistant à renouveler les attributions de fréquences en s'abstenant de faire une enchère élevée, devra également avoir lieu sur la 5G, bien que la question se pose en des termes différents puisqu'il s'agit de nouvelles fréquences impliquant de nouvelles redevances, sur le niveau desquels le Gouvernement devra donc s'exprimer. Ce sont des éléments sur lesquels nous sommes en attente de cadrage : plus les opérateurs consacreront d'argent au paiement des redevances, moins ceux-ci pourront investir dans le réseau.

Sur la place des verticaux et le modèle allemand, la situation française est différente pour deux raisons. D'une part, nous avons en France moins de spectre, avec 300 mégahertz contre 400 mégahertz. En revanche, nous disposons de quatre opérateurs, tandis que les Allemands en ont trois. Il est ainsi plus aisé aux Allemands de faire de la place aux opérateurs et aux verticaux. D'autre part, en Allemagne, les acteurs de l'industrie se positionnent, notamment Bosch et Siemens, ainsi que les usines de construction automobile. En France, ce sont plutôt les acteurs d'infrastructures qui se positionnent sur la 5G. Ils peuvent davantage bénéficier d'une couverture nationale assurée par les opérateurs plutôt que de réaliser la couverture par eux-mêmes, en local, dans leurs usines. Nous allons donc sans doute vers un équilibre différent. Quoi qu'il en soit, si les fréquences devaient être détenues exclusivement par les opérateurs, nous nous attacherions à ce que les verticaux aient bien accès à un service pertinent. En cas de carence des opérateurs, on pourrait même veiller à ce que les verticaux puissent utiliser la fréquence inutilisée. C'est une question qui pourra se poser.

Sur l'aménagement du territoire, j'ai bien noté les différents exemples évoqués d'équipement des pylônes en 3G. Je le regrette ; de tels aménagements représentent des fins de programmes précédents. Désormais, les équipements en 3G et 4G arrivent sur les territoires et nous avons travaillé avec les opérateurs pour doter immédiatement ces équipements de la 4G.

Nous travaillons également sur les problèmes de duplication de poteaux. Dans le cadre du « New Deal », des accords devraient être prochainement conclus entre opérateurs pour renforcer la mutualisation.

Concernant la fibre et le renouvellement des droits d'usage, nous avons réglé un différend entre Orange et Free. La règle issue de ce différend nous semble avoir vocation à se généraliser à l'ensemble des territoires. Le co-investissement souscrit par les opérateurs a ainsi vocation à être renouvelé au moins pour vingt ans, si le premier investissement a été initialement octroyé durant cette même période. Le co-investissement implique la solidarité entre les acteurs qui ont conjointement pris un risque dans le déploiement du réseau dont ils espèrent la pérennisation.

Nous accueillons très favorablement les solutions satellitaires qui seront indispensables au raccordement des zones les plus éloignées. Le Gouvernement leur a d'ailleurs consacré un volet spécifique d'accompagnement. En revanche, le satellite dispose d'une capacité structurellement limitée et ne pourra répondre aux besoins que d'une fraction limitée de la population française. Il n'y a pas de réponse à cette limite capacitaire. Les satellites représentent donc une solution utile et complémentaire, mais non structurante pour l'ensemble du territoire. En ce sens, la Direction générale des entreprises et l'Arcep conduisent actuellement une étude commune sur l'évaluation des coûts des différentes technologies, dont le recours à la 5G pour assurer cette couverture, y compris dans certains territoires très ruraux.

Sur la consolidation, nous n'avons écho d'aucune discussion entre les opérateurs.

Sur le service universel, l'Arcep est d'une extrême vigilance. Nous avons constaté à la fois une dégradation inacceptable de la qualité de service et un certain déni de l'opérateur historique. Au-delà des procédures juridiques, l'Arcep a veillé à faire prendre conscience à cet opérateur de la nécessité de s'organiser pour gérer deux réseaux : la fibre et le cuivre. Nous n'allons pas abandonner le cuivre parce qu'il y a la fibre ! S'il est prématuré de faire le point sur cette procédure, nous devrions, à partir du mois de mai prochain, conduire un état des lieux. Nous constatons cependant sur cette question une évolution de la part des grands dirigeants d'Orange, qui doit maintenant être suivie d'effets sur le terrain.

Conscients des disparités en matière d'accès au débit internet, sur lesquelles a porté l'étude conduite par l'UFC-Que Choisir, nous soutenons l'ambition du Gouvernement de proposer 8 mégabits pour tous d'ici la fin 2020. Nous y contribuons à travers le « New Deal » qui va apporter des solutions en 4G fixe aux problèmes des territoires.

L'usage de la fibre dans les entreprises a une valeur stratégique pour l'Arcep. La concurrence n'est pas assez développée sur le marché des entreprises. Cependant, les lignes bougent et les grands acteurs considèrent ce marché comme un relai de croissance important. Ainsi, Bouygues Telecom conduit actuellement sur ce marché de la fibre pour les entreprises un certain nombre d'acquisitions. Free se positionne également. En discussion permanente avec l'Autorité de la concurrence, nous sommes très vigilants pour qu'Orange ne profite pas de sa position acquise. Pour l'instant, nous n'avons pas de motif d'inquiétude à partager sur cette question.

Pendant des années, l'Arcep a considéré que le territoire était couvert à hauteur de 99 %, à l'inverse de ce que constataient les élus, et notamment les membres de votre commission lors de ma nomination. Nous avons établi des cartes, certes imparfaites, destinées à alimenter le débat. Nous contrôlons ces cartes et faisons payer aux opérateurs des audits que nous conduisons, à travers le choix des auditeurs et des lieux de contrôle. Ces tests s'élèvent chaque année à plusieurs centaines de milliers d'euros ! Ce contrôle est bien réel et les millions de points où il s'opère sont publiés en open data. Désormais, il est possible de contredire ou de compléter ces cartes. Pour y parvenir, deux modalités existent : la première, plus onéreuse, consiste à suivre le même protocole que celui de l'Arcep en utilisant des véhicules dédiés, conformément aux instructions et au cahier des charges du « kit du régulateur » que nous avons rendu public. La seconde, plus agile et moins coûteuse, consiste à faire du crowdsourcing, en sollicitant directement vos administrés, vos agents municipaux, ou vos partenaires habituels, comme les représentants des services publics, pour qu'ils conduisent des tests avec leur téléphone. Cette démarche, déjà été mise en oeuvre dans certains territoires, connaît des problèmes de fiabilité. C'est pourquoi, l'Arcep prépare un code de conduite destiné aux acteurs du crowdsourcing. Dans plusieurs semaines, nous serons donc en mesure de vérifier et de labelliser leur pratique.

La redevance de l'ONF nous est connue. Le cadre légal n'est pas nécessairement le plus favorable. Pour autant, nous espérons travailler sur ces redevances qui sont effectivement très élevées.

S'agissant des délais de réparation, nous faisons des progrès en agissant sur la transparence de l'information. Dans le cadre du « New Deal », les opérateurs ont l'obligation d'informer les collectivités lorsqu'un service est indisponible et de dire quel type de service est affecté (2G, 3G ou 4G). C'est là une première étape. L'Arcep commence ainsi à normaliser les éléments transmis par les opérateurs afin d'assurer leur comparaison et leur transmission rapide. Sur la base de ces constats, vous pourrez davantage dialoguer avec les opérateurs sur les rétablissements de service.

Mon mot de conclusion portera sur la souveraineté numérique à laquelle nous sommes très attachés. Aujourd'hui, le numérique n'est pas seulement perçu comme un secteur économique, mais plutôt comme la source même de la mutation de toute l'économie. La question de la souveraineté est cruciale. Un premier enjeu concerne le contrôle et la sécurité ; thématiques dont l'Arcep n'est pas spécialiste. De mon point de vue, un autre enjeu de la souveraineté numérique concerne notre capacité à être nous-mêmes des acteurs du numérique. La régulation peut ainsi être une réponse pour donner des outils à tous les entrepreneurs et les citoyens qui souhaitent se saisir du numérique. Il me semble qu'il nous faut inventer des formes de régulation autres qu'horizontales, c'est-à-dire s'appliquant uniformément à tous les acteurs, comme le règlement européen n? 2016/679, dit règlement général sur la protection des données (RGPD). Je milite personnellement pour des régulations qui soient ciblées sur les acteurs les plus puissants et les contraignent d'une manière qui ouvre la porte à tous les autres. Tel est le sens de ce que nous proposons pour réguler les terminaux, à savoir aujourd'hui Apple ou Androïd et, demain, Amazon avec Alexa, de manière à ce que les entrepreneurs qui souhaitent être référencés sur les magasins d'application, et demain sur les assistants vocaux, puissent avoir un réel droit d'accès non discriminatoire à ces plateformes. Cet enjeu de régulation me semble extraordinairement important.

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci, Madame, Monsieur, pour vos présentations et la qualité de vos réponses franches et prospectives. Nous aurons l'occasion peut-être de vous réinviter dans le cadre des travaux de la future commission d'enquête sur la souveraineté numérique devant laquelle vous pourrez exposer ces enjeux, qui ne sont pas seulement ceux de la défense.

La réunion est levée à 12h22.