- Mercredi 24 juin 2015
- Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 - Audition de Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire, responsable des programmes 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » et 141 « Enseignement scolaire public du second degré » sur l'exécution des crédits du titre 2 et la gestion des recrutements dans l'éducation nationale
- Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 - Audition de M. Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires ») sur les refus d'apurement des dépenses agricoles par le budget de l'Union européenne
- Pouvoirs de sanction des régulateurs financiers - Communication
Mercredi 24 juin 2015
- Présidence de Mme Michèle André, présidente -La réunion est ouverte à 9 h 36.
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 - Audition de Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire, responsable des programmes 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » et 141 « Enseignement scolaire public du second degré » sur l'exécution des crédits du titre 2 et la gestion des recrutements dans l'éducation nationale
Mme Michèle André, présidente. - Je vous propose de poursuivre notre série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement en entendant la directrice générale de l'enseignement scolaire, Florence Robine, responsable des programmes 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » et 141 « Enseignement scolaire public du second degré » de la mission « Enseignement scolaire ». Comme précédemment, cette audition est ouverte à la presse.
Je salue également la présence parmi nous de Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la mission « Enseignement scolaire ».
Les dépenses de personnel se sont élevées à 120,8 milliards d'euros en 2014, soit 40 % des dépenses du budget général. Je rappelle que la mission « Enseignement scolaire » a représenté à elle seule plus de 40 % des effectifs de l'État et la moitié des dépenses de personnel.
La gestion de la masse salariale apparaît donc comme un important levier pour la maîtrise des dépenses publiques. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fixe d'ailleurs l'objectif d'une augmentation maîtrisée de la masse salariale qui devra évoluer moins vite que l'inflation. Elle dispose en outre que les créations d'emplois dans les secteurs prioritaires, dont l'éducation nationale, devront être compensées par des réductions d'effectifs dans les autres secteurs.
C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre afin que vous puissiez nous présenter l'exécution des crédits du titre 2 et la gestion des recrutements dans l'éducation nationale en 2014. Des questions ne manqueront certainement pas de vous être posées sur la mise en oeuvre des 54 000 recrutements dans l'éducation nationale sur la législature ou sur le pilotage de la gestion de ces crédits, dont on peut comprendre qu'il s'agit d'un exercice complexe compte tenu du nombre de paramètres à prendre en compte, tels que le glissement vieillesse technicité, le nombre de départs à la retraite, etc.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire ». - L'exécution 2014 des crédits de la mission « Enseignement scolaire » est satisfaisante, les taux d'exécution s'élevant respectivement à 100,19 % en AE et à 99,64 % en CP. Les prévisions ont donc été respectées. Les dépenses de personnel ont, quant à elles, atteint un montant de 60,3 milliards d'euros en AE comme en CP. Une sous-réalisation du schéma d'emplois peut toutefois être constatée dans le premier degré à hauteur de 1 077 équivalents temps plein (ETP) en moins, alors que le bilan des entrées et des sorties dans le second degré est, quant à lui, positif et s'établit à 973 ETP supplémentaires. Cela explique l'écart très faible aux prévisions au niveau global.
Mes observations tourneront toutes autour d'une question simple : peut-on à la fois faire du qualitatif et du quantitatif ?
Ma première question a trait à l'écart salarial qui peut être constaté par rapport aux autres pays de l'OCDE au détriment des enseignants français. Dans le premier degré, les salaires sont inférieurs de près de 14 % à la moyenne des pays de l'OCDE. Or, le primaire est un moment sensible, celui où doivent être acquis les fondamentaux, dont la lecture, chère à Jean-Claude Carle. Un article des Échos du 16 juin rappelait ainsi qu'en l'absence de revalorisation, le salaire des enseignants débutants serait prochainement rattrapé par le SMIC. Cela pose des questions en termes d'attractivité de la profession alors que ces personnels disposent désormais d'un diplôme de master. Un choix gouvernemental a été fait, celui d'une politique de recrutements massifs, qui est déjà en partie engagée et qui obère les marges de manoeuvre en matière salariale. Ma question est donc la suivante : une inflexion est elle-envisagée sur ce sujet ?
Par ailleurs, pour avoir été rapporteur spécial de cette mission pendant de nombreuses années, je dois reconnaître que si vos prédécesseurs avaient pour consigne de diminuer les effectifs, il leur était également demandé de compenser cette baisse par une augmentation du nombre d'heures supplémentaires. L'offre scolaire était donc in fine la même. Nous sommes dans une situation inverse aujourd'hui : on augmente les effectifs mais on diminue les heures supplémentaires. Cela a des conséquences sur la situation matérielle des enseignants qui tend à se dégrader. Je souhaiterais par conséquent savoir si la création de postes a bien été compensée par la baisse du nombre d'heures supplémentaires effectives. Pourriez-vous également nous indiquer le montant moyen d'une heure supplémentaire ?
S'agissant toujours de la question de l'attractivité du métier, avez-vous des informations sur le nombre de démissions, dans les premières années d'exercice de la profession notamment, comme cela existe pour les militaires de carrière. À l'inverse, avez-vous connaissance de personnes qui rejoindraient l'enseignement dans le cadre d'une seconde partie de carrière ?
Enfin, ma dernière question porte sur la productivité de la classe. Il me semble que les enseignants souffrent de la dégradation relative de leur productivité par rapport à d'autres métiers. Qu'il s'agisse de l'industrie, c'est une évidence, ou des services, c'est vérifié, la productivité a crû de manière tendancielle au cours de ces dernières décennies. Or, la productivité dans l'enseignement s'est dégradée en raison de l'augmentation du taux d'encadrement, pour des raisons que nous connaissons tous. La dégradation de la situation matérielle des enseignants résulte pour partie de cette baisse de la productivité de la classe. Des réflexions sont-elles en cours sur cette question ou bien estimez-vous qu'il existe une sorte de fatalité à cela ?
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Je ne reviendrai pas sur les questions d'exécution que vous avez parfaitement résumées.
Beaucoup de questions que vous m'avez posées concernent plutôt la direction des ressources humaines, que je ne représente pas ici mais à qui je transmettrai vos interrogations.
En ce qui concerne les écarts salariaux que vous avez rappelés, un effort est mené, en particulier dans le premier degré où l'écart est plus significatif, notamment en début de carrière. Cet écart est moins flagrant par la suite, les salaires des enseignants augmentant plus rapidement que dans les autres pays. En fin de carrière, les niveaux de rémunération se situent dans la moyenne de l'OCDE. Le ministère a mis en place une indemnité pour le premier degré, de l'ordre de 400 euros par an, qui devrait atteindre progressivement les montants du second degré.
S'agissant des heures supplémentaires, nous n'avons pas modifié leur taux ni diminué leur nombre depuis 2013. Les heures supplémentaires nous permettent de donner une certaine souplesse aux établissements, notamment au moment de la préparation de la rentrée. Cela permet aux enseignants d'effectuer l'intégralité de leur service dans un seul collège, par exemple, au lieu de devoir être présents dans plusieurs établissements. Pour répondre à votre question sur le montant moyen d'une heure supplémentaire, si je ne connais pas le chiffre exact, il me semble qu'il s'élève, pour une heure supplémentaire annuelle, à environ 1 370 euros en moyenne.
En ce qui concerne les démissions, je ne dispose pas de chiffres précis. Mais d'expérience, en tant que recteur dans des académies parfois difficiles, il n'y a pas de phénomène de démissions massives. Il arrive que certains stagiaires démissionnent avant leur titularisation, lorsque la réalité du métier ne correspond pas à leurs attentes, mais cela reste marginal. Je vais cependant demander des chiffres précis sur cette question que je vous transmettrai.
S'agissant de la dégradation de la productivité, il me semble que cette notion est difficile à mettre en oeuvre dans l'éducation. En ce qui me concerne, je préférerais parler d'efficacité ou d'efficience. Or, un facteur d'efficacité réside dans la qualité de la formation des enseignants. Nous avons travaillé à la reconstruction d'une formation de qualité pour permettre aux enseignants de prendre la mesure de leurs missions et de répondre aux objectifs que la Nation a fixés à l'école.
En ce qui concerne la dualité entre qualité et quantité, de mon point de vue, les deux doivent être poursuivies. On ne peut nier qu'il existe un besoin d'enseignants supplémentaires alors que la France, et nous pouvons nous en féliciter, connaît une très forte croissance démographique. Nous constatons ainsi, depuis quelques années, dans le second degré, une augmentation moyenne des effectifs d'élèves de près de 30 000 élèves par an. Nous avons donc besoin d'enseignants plus nombreux et de qualité, c'est-à-dire bien formés et accompagnés.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire ». - Je rejoins en partie les observations de Gérard Longuet, notamment sur l'exécution, qui est en effet conforme aux prévisions, même si je ne partage pas son analyse sur la baisse de la productivité des enseignants. Je fais mienne sa remarque sur la sous-réalisation du schéma d'emplois dans le premier degré public, qui est inférieure de 1 077 ETP aux prévisions, alors que le bilan des entrées et des sorties dans le second degré est positif. Je rappelle en outre que le plafond d'emplois a été sous-consommé cette année encore.
La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 prévoit le recrutement de 7 000 personnels destinés, notamment, au renforcement des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Pourriez-vous nous indiquer à combien se sont élevés les effectifs des RASED en 2014 ?
En tant que rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », je me suis ému, avec d'autres collègues, à plusieurs reprises de ce que les emplois d'assistants d'éducation ne soient pas inclus dans le plafond d'emplois du ministère et soient rémunérés par des crédits d'intervention. Avez-vous envisagé de placer ces personnels, comme nous le souhaitions, sous plafond ministériel ou, le cas échéant, de créer un plafond d'emplois spécifique, ce qui permettrait au Parlement de bénéficier d'une vision plus exhaustive des effectifs de l'éducation nationale ?
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, je me suis prononcé en faveur de la mise en place d'un plan pluriannuel de recrutements par discipline qui permettrait aux étudiants désirant passer les concours de l'enseignement d'avoir une meilleure visibilité. Un tel projet pourrait-il être mis en place ?
Enfin, ma dernière question rejoint celle de Gérard Longuet et concerne le nombre de démissions. Vous y avez déjà répondu en partie en indiquant qu'un effort devait être fait dans l'accompagnement des enseignants, grâce, en particulier, à la reconstruction d'une formation initiale. Cela était demandé par l'ensemble des organisations syndicales que nous avions reçues ici même.
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Compte-tenu de la technicité de certaines de vos questions, je ne serai pas en mesure de répondre à l'ensemble d'entre elles. Vous avez parlé d'une sous-réalisation du schéma d'emplois dans le premier degré, cet écart a également été constaté par nos services qui ont été surpris par une augmentation non prévue des temps partiels des personnels enseignants du premier degré. Si ces phénomènes sont difficiles à anticiper, nous faisons en sorte que le service soit néanmoins assuré.
S'agissant des effectifs des RASED, cette question me semble rejoindre celle plus large de la difficulté scolaire. Or, l'aide à la difficulté scolaire peut revêtir de nombreux aspects et donc engager des réponses différentes, dont le recours à des personnels spécialisés. Sur ce dernier point, nous travaillons à la reconstitution des effectifs. Cela nécessite des formations longues ainsi que des engagements de personnels et prend donc du temps.
D'autres réponses ont en outre été apportées pour traiter la difficulté scolaire, je pense en particulier, dans le premier degré, au dispositif « plus de maîtres que de classes », auquel d'importants moyens sont consacrés. Ces difficultés étaient autrefois traitées à l'extérieur de la classe par des personnels spécialisés. D'expérience, je ne suis pas convaincue que cela convienne à l'ensemble des enfants. Il me semble préférable de disposer d'une aide au sein de la classe plutôt que de séparer l'élève de ses camarades et de lui demander de rattraper des heures de cours ensuite. À cet égard, le dispositif « plus de maîtres que de classes » me semble intéressant, il donne des résultats positifs, qui font d'ailleurs l'objet d'une évaluation actuellement.
Enfin, s'agissant des assistants d'éducation, j'entends votre préoccupation, qui est légitime, sur la nécessaire visibilité et transparence en matière d'effectifs. Je précise cependant que le nombre d'emplois d'assistants d'éducation figure dans les documents budgétaires, même si, dans la mesure où l'employeur n'est pas l'État mais les établissements publics locaux d'enseignement, ces personnels ne peuvent pas, en l'état actuel du droit, être rémunérés sur des crédits de titre 2.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - La commission des finances est attachée aux chiffres. J'ai posé délibérément la question de la productivité pour faire le lien entre notre contrainte majeure de maîtrise de la dépense publique et les résultats médiocres de l'éducation nationale dans les enquêtes internationales de type PISA (Program for international student assessment) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Notre système d'éducation repose sur la classe : ne faut-il pas faire évoluer son mode d'organisation ? Thierry Foucaud a soulevé implicitement cette question en évoquant les assistants d'éducation. Il y a déjà eu des évolutions sur le terrain, avec la disparition, au cours des vingt dernières années, des classes uniques dans l'enseignement primaire - ce qui est assurément un regret car cela nous a fait perdre de vue les effets positifs du tutorat des plus âgés sur les plus jeunes. Nos enseignants ont aujourd'hui un niveau de diplôme bac +5 - ce qui n'était pas le cas des hussards noirs de la République de Charles Péguy - et auraient certainement besoin d'être suppléés et soutenus. Le fonctionnement de la classe n'est certes pas un sujet dans le champ de compétence de la commission des finances mais, à partir du moment où nous avons des contraintes budgétaires, nous avons un devoir de productivité.
Nos compatriotes sont habitués à bénéficier d'un système de santé qui soigne, à des avions qui volent, à des moyens de communication performants et ils ont du mal à se faire à l'idée d'un système éducatif qui ne fonctionne pas. Il y a une part de responsabilité des parents, j'en suis convaincu, une part de responsabilité des élus locaux, mais nous devons aussi nous interroger sur la productivité - pardonnez-moi pour ce mot qui peut vous sembler grossier - d'un système qui ne tient plus suffisamment compte de la diversité.
S'agissant de la « pente » de recrutements, la Cour des comptes a indiqué qu'il faudrait recruter 34 000 enseignants en 2015 et en 2016 pour tenir l'engagement du Gouvernement de créer 54 000 emplois supplémentaires dans l'éducation nationale. Si l'on tient compte des effectifs déjà inscrits en loi de finances initiale pour 2015, qui prévoit 9 561 postes supplémentaires, plus de 24 400 postes devront être créés en 2016. Ces objectifs vous semblent-ils vraiment atteignables ? Doit-on s'attendre à un dépassement massif de l'enveloppe budgétaire en 2015 et à une explosion de la dépense en 2016 ?
L'ensemble des postes ouverts aux concours de recrutement 2014 n'ont pas été pourvus. Cette faiblesse des recrutements a été en partie compensée par un recours aux contractuels. Pourriez-vous nous indiquer précisément le nombre d'emplois de titulaires et de contractuels ouverts et ceux effectivement pourvus ?
Enfin, des annulations importantes sur les crédits de personnel sont intervenues en fin de gestion au titre de l'année 2014 sur la mission « Enseignement scolaire », 174 millions d'euros de crédits de titre 2 ont été annulés. Ces annulations faisaient suite à des ouvertures par décret d'avance, à hauteur de 327 millions d'euros. Comment expliquer de telles difficultés de calibrage des dépenses de personnel en fin de gestion ?
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Sur la question de la réalisation du schéma d'emplois, nous nous astreignons à tenir l'engagement politique, maintes fois réaffirmé, de réaliser 54 000 recrutements dans l'enseignement public. Cet objectif a été difficile à mettre en oeuvre au début, pour des raisons qui ont été très bien mises en évidence par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale. Lorsque l'on « ferme la vanne » de recrutements pendant plusieurs années, il est extrêmement difficile de « remettre la machine en route ». Depuis le début des années 1990, les à-coups successifs de la politique de recrutement, en particulier les annonces de suppressions de postes, ont entraîné un recul très important du nombre d'étudiants se préparant au métier d'enseignant. Un enseignant se « construit » dans la durée. Nous aurons beau rouvrir des postes, la reconstitution du « vivier » prend environ quatre à cinq années.
Toutefois, nous avons, à l'heure actuelle, des signes extrêmement positifs de « reprise » : il y a eu un double recrutement en 2014 et le concours exceptionnel organisé cette année dans l'académie de Créteil pour créer 500 postes supplémentaires a attiré 11 000 inscrits. Nous mettons en oeuvre tout ce qui est possible pour inciter les étudiants à s'engager dans la préparation au métier d'enseignant. De ce point de vue, la réforme de la formation est un point important pour permettre aux futurs enseignants de se sentir confiants.
Concernant les annulations de crédits en fin de gestion, elles ont porté très majoritairement sur des crédits de titre 2 du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et non sur des crédits de rémunération directe.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Ceci est-il lié au fait que certains enseignants ont prolongé leur carrière et différé leur départ à la retraite ?
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Ceci s'explique effectivement en partie par un nombre moins important que prévu de départs à la retraite, en particulier dans le second degré, mais aussi par la modification de l'équilibre entre titulaires et contractuels, ce qui a un effet sur le CAS « Pensions ».
Vous avez également évoqué le décret d'avance de début décembre 2014. Il y a eu, il est vrai, un léger « surcalibrage » de 70 millions d'euros. Mais ceci paraît marginal par rapport au budget global de l'enseignement scolaire, comme l'a d'ailleurs noté la Cour des comptes dans son analyse sur l'exécution du budget 2014.
Concernant la répartition entre emplois titulaires et contractuels, je précise que nous n'ouvrons pas de façon différenciée des emplois de titulaires ou de contractuels. Il s'agit ensuite d'une problématique de ressources humaines de définir quels emplois sont occupés par des titulaires ou par des contractuels, si nous n'avons pas réussi à recruter des titulaires.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Pourriez-vous nous indiquer la répartition entre titulaires et contractuels ?
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Je vous fournirai bien sûr des chiffres précis ultérieurement. Mais je peux déjà vous indiquer que la proportion de titulaires et de contractuels est très différente selon les académies, comme vous pouvez l'imaginer...
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Y a-t-il une distinction entre le nord et le sud de la Loire, où le nombre de contractuels serait moins important ?
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Exactement, je vous confirme qu'au sud de la Loire, il y a relativement peu de contractuels, sauf dans des « poches » bien identifiées à l'intérieur de certaines académies. Il y a une hétérogénéité très forte. J'ai connu personnellement des académies - le sénateur Georges Patient s'en souvient certainement - où le taux de contractuels peut atteindre 30 %.
Mme Michèle André, présidente. - Pourrez-vous nous transmettre des informations plus détaillées par écrit ?
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Oui, bien entendu.
M. Jean-Claude Carle. - La France consacre environ 145 milliards d'euros à l'éducation, c'est-à-dire près de 6,5 % du produit intérieur brut (PIB) ce qui la situe dans la moyenne des pays de l'OCDE. Le budget scolaire représente quant à lui environ 64 milliards d'euros et a quasiment doublé depuis 1980. Or les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Notre pays a l'un des systèmes scolaires les plus inégalitaires et le déterminisme social y joue un très grand rôle : aujourd'hui, un fils d'ouvrier a dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu'un fils d'enseignant ou de cadre supérieur. 20 % à 30 % des jeunes qui entrent en classe de sixième ont des difficultés à maîtriser les fondamentaux. Sans parler des 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification.
À mon sens, ceci relève moins d'un problème de moyens que d'un problème d'affectation des ressources : l'enseignement primaire est « sous-financé » tandis que le secondaire concentre davantage de moyens. C'est d'ailleurs ce qui nous différencie des pays qui réussissent le mieux : ceux-ci ont porté leurs efforts sur le primaire car tout se joue vers l'âge de sept ans. Or, nous continuons à nier cette réalité. Cela se confirme d'ailleurs dans l'exécution du budget 2014 : le premier degré connaît une sous-réalisation de son schéma d'emplois d'environ 1 000 ETP tandis que le secondaire enregistre une sur-exécution de 973 ETP.
La deuxième distorsion caractérisant le système français concerne les salaires des enseignants. Si l'on se réfère aux comparaisons de l'OCDE, ils vont du simple au double entre la France et l'Allemagne, alors même que les enseignants du primaire français travaillent davantage d'heures qu'en Allemagne. Comment s'étonner, dans ce cas, du peu d'attractivité du métier d'enseignant et du peu de candidats aux concours ?
La troisième distorsion observée en France par rapport aux pays qui réussissent est le poids des personnels administratifs. Ils représentent 23 % de votre budget, Madame la directrice, contre 18 % en moyenne dans l'OCDE.
Le budget de l'enseignement scolaire pour 2016 tâchera-t-il de réduire ces distorsions ? Allons-nous en finir avec la logique de hausse continue des dépenses ? Va-t-on redéployer les moyens sur le premier degré ? Enfin, le poids des dépenses de personnels administratifs diminuera-t-il ?
M. Philippe Dallier. - Une audition en commission des finances sur un sujet tel que l'enseignement scolaire est nécessairement frustrante. Nous aurions tous envie de poser des questions sur l'efficacité des moyens ou la gestion des ressources humaines plutôt que sur des questions purement budgétaires.
Madame la directrice, vous avez évoqué l'académie de Créteil. Je vais vous parler plus précisément de la Seine-Saint-Denis, dont je suis l'élu. La pression démographique est forte et il existe des difficultés pour recruter. Ceci nous a amenés à ouvrir un deuxième concours, organisé après la première série de concours. J'ai lu l'argument selon lequel des recalés des autres concours régionaux pourraient venir se présenter dans l'académie de Créteil. Ce type d'arguments est difficile à accepter. Le fait même de décaler dans le temps ce concours par rapport aux autres amène à s'interroger. Pour ma part, cela me choque et je ne trouve pas cela normal. Ceci étant dit, des postes sont créés mais nous avons énormément de mal à les pourvoir, avec un taux de contractuels hors norme. Cela est encore plus compliqué de remplacer les enseignants absents. Les moyens permettant de pourvoir aux remplacements sont-ils isolés par académie ou par département ? Dispose-t-on des indicateurs de performance sur ce sujet ? Que faites-vous pour remédier à la situation actuelle ?
M. Vincent Delahaye. - Je suis surpris de ne pas trouver dans les documents budgétaires un tableau de synthèse récapitulant le nombre de classes, d'élèves et d'enseignants par niveau, et leur évolution sur plusieurs années. Est-il prévu d'inclure un tel tableau dans le prochain projet annuel de performances de la mission « Enseignement scolaire » ? Ensuite, je souhaiterais savoir quel a été, en 2014, le budget consacré à la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires, en comparaison du budget initialement prévu ?
M. Michel Bouvard. - J'ai bien entendu, Madame la directrice, que vous faites face à une augmentation des effectifs scolaires. Je me permets toutefois de rappeler qu'il y a encore trois ans, nous avions 12 % d'élèves en moins par classe par rapport à la moyenne de l'OCDE, ce qui laissait une certaine marge de manoeuvre. Ma première question concerne la « bivalence », c'est-à-dire l'enseignement de deux matières par professeur. Nous avons en effet à gérer le problème des options, tout en assurant la souplesse de gestion des enseignants. La bivalence est-elle enfin intégrée à la formation initiale des enseignants ?
Ma deuxième question concerne les indicateurs. Au moment de la loi de règlement, il est intéressant de regarder les indicateurs afin de nous renseigner sur les résultats du ministère. Je m'interroge sur le contenu de certains indicateurs et plus particulièrement deux d'entre eux : celui mesurant les absences remplacées et celui renseignant le taux d'occupation des enseignants remplacés. Il y a encore deux ans, cet indicateur prenait uniquement en compte les congés pour maladie ou maternité et excluait les absences pour motif personnel ou syndical. Surtout, il ne comptabilisait que les absences de plus de quinze jours dans le second degré, soit neuf dixièmes des absences mais seulement un tiers des journées d'absences. Enfin, le rapport de la Cour des comptes, intitulé « Gérer les enseignants autrement », indiquait que de nombreuses absences qui auraient dû être saisies ne l'étaient pas. Il y a donc un décalage entre l'indicateur donné au Parlement et la réalité des absences. Le contenu de cet indicateur a-t-il été modifié pour inclure la totalité des absences ?
M. Roger Karoutchi. - J'ai eu l'occasion, lorsqu'en 2010 je représentais la France auprès de l'OCDE, de défendre le système éducatif français pour le rapport PISA. Cela n'était pas facile. Très sincèrement, notre système dérape et dérive depuis trente ans. Il y a de plus en plus de charges et de centralisation. Le « mammouth » de l'éducation nationale a du mal à laisser plus d'autonomie aux enseignants. En 2010, on me faisait ainsi remarquer que le système éducatif de la Corée du Sud avait globalement 32 % de moins de charges administratives. Nous dépensons beaucoup mais mal ; en réalité notre système éducatif n'est pas performant. Dans les autres pays de l'OCDE, il y a un nombre d'élèves moyen par classe plus élevé avec de meilleurs résultats. L'obsession « pédagogiste » française qui considère qu'il ne faut pas plus de vingt élèves par classe est une aberration. Ne pensez-vous pas, Madame la directrice, qu'il faudrait aller vers un système laissant plus d'autonomie aux enseignants, avec moins d'enseignants mieux payés et moins d'options, qui alourdissent notre système ? Ne serait-il pas temps d'avoir un système plus décentralisé, plus attractif pour les professeurs et laissant davantage d'autonomie aux établissements ? En un mot, êtes-vous prête à faire la révolution ?
M. Serge Dassault. - Notre système éducatif actuel fabrique des chômeurs : environ 150 000 jeunes par an qui sortent du système sans aucun diplôme. Or, la seule chose qui est faite est la suppression de la sélection, des redoublements... Qu'envisagez-vous de faire ?
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Je voudrais d'abord rappeler que la priorité au premier degré est inscrite dans notre action. En effet, nous partageons l'idée selon laquelle beaucoup se joue dans le primaire. C'est pourquoi des moyens supplémentaires y sont consacrés mais aussi qu'un effort a été consenti en matière d'accompagnement et de formation.
Sur la question relative au remplacement, je rappellerai que, depuis que j'ai été nommée recteur en 2009, j'ai eu l'occasion d'administrer plusieurs régions, au moment des suppressions massives de postes notamment. Or, pour éviter de mettre en difficulté les familles et les établissements tout en respectant le schéma d'emplois, nous avons massivement supprimé des postes de remplaçants et de RASED, et plus généralement de personnels qui n'étaient pas devant la classe. Le potentiel de remplacement a été affaibli, nous le reconstruisons depuis. Il revient aux recteurs - car nous sommes un ministère déconcentré - de déterminer la part respective des postes devant élèves en classe et des postes de remplacement, d'accompagnement des élèves ayant des besoins spécifiques, je pense notamment aux élèves en situation de handicap. Des efforts ont été consentis, mais cela n'est pas encore suffisant.
Vous avez évoqué la question des indicateurs sur les taux de remplacement. Je vous confirme qu'un tel indicateur existe dans les documents budgétaires, même s'il ne prend en compte que les absences de plus de quinze jours. En effet, les absences de moins de quinze jours doivent être gérées en interne, conformément au protocole de remplacement de courte durée. Dans le second degré, cela permet par exemple de remplacer un cours de mathématiques par un cours de français, etc. Il n'est donc pas prévu de modification de cet indicateur.
Je rappelle en outre que grâce aux créations d'emplois, nous avons pu reconstruire les effectifs des zones de remplacement, même si je reconnais que dans certains territoires, considérés comme moins attractifs, la situation reste tendue. Au total, il me semble que les moyens sont là mais qu'il subsiste une difficulté pour attirer et conserver les enseignants.
La politique d'éducation prioritaire, qui sera généralisée à la rentrée 2015, améliorera de manière substantielle la condition de nombre d'établissements et d'enseignants. Des primes importantes seront ainsi accordées aux enseignants dans les réseaux d'éducation prioritaires renforcés (REP +), pour un montant d'environ 2 300 euros par an. Ces enseignants bénéficieront en outre d'allègements de services qui leur permettront de bénéficier de compléments de formation ou encore de prévoir des temps de rencontre avec les familles, dont on connaît l'importance. Enfin, des mesures seront prévues pour ces personnels en termes de promotion ou de mutation. Nous travaillons donc à la mise en place d'une véritable différenciation territoriale afin de stabiliser les équipes. C'est une question complexe dans la mesure où, dans certains territoires, notamment ruraux, également prioritaires, il n'y a aucun « turn-over », contrairement à la Seine-Saint-Denis. Les incitations ne doivent donc pas être les mêmes : dans ces territoires, il serait plus pertinent d'inciter les enseignants à changer d'établissement ou d'académie. Cette politique doit être une prérogative des recteurs afin qu'elle puisse être la plus adaptée possible à la réalité de chaque territoire.
Sur la question de Jean-Claude Carle sur le poids des personnels administratifs, il me semble que ce type de comparaisons doit se faire à périmètre identique. Or, la répartition des responsabilités entre les collectivités territoriales et l'État est différente d'un pays à l'autre. Une partie des responsabilités que nous assumons est exercée, dans d'autres pays, par les collectivités territoriales. L'accompagnement administratif à la charge de l'État dans le second degré ne dépasse pas 6 % à 7 % des personnels. D'expérience, il ne me semble pas que l'institution scolaire soit suradministrée. Au contraire, la charge qui pèse sur les personnels administratifs est énorme et je profite de cette audition pour leur rendre hommage. Je ne crois pas que l'éducation nationale soit un ministère surencadré compte tenu des responsabilités qui sont les nôtres. En cette période d'examen, on ne peut que se féliciter de pouvoir compter sur les personnels d'encadrement et administratifs pour faire face aux responsabilités qui nous sont assignées.
M. Michel Bouvard. - Je ne peux pas me satisfaire, comme parlementaire et comme citoyen, d'un indicateur qui exclut de facto 50 % des absences du périmètre permettant de calculer le taux d'absences remplacées dans le secondaire. Il s'agit d'une forme d'insincérité administrative. Je ne conteste pas l'existence d'une différence de gestion selon la durée de l'absence mais l'impossibilité de savoir si une absence aboutit ou non à un remplacement. Cette opacité nourrit une défiance chez le citoyen qui, lorsqu'il regarde ces indicateurs, peut s'étonner du décalage avec la réalité. En tant que parlementaires, nous recevons de nombreux courriers dans lesquels des parents d'élèves se plaignent d'absences non remplacées. Or, les indicateurs de performance indiquent des taux de remplacement très satisfaisants. Cela est vrai, mais pour la moitié du périmètre pris en compte seulement.
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Je m'interroge sur l'efficience d'un système qui nécessiterait des remontées heure par heure...
M. Michel Bouvard. - Entre quinze jours et une heure, il y a un écart...
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Cela est la même chose pour nous dans la mesure où nous ne disposons pas, dans nos systèmes d'information, de remontées permettant de suivre la présence des enseignants, celle-ci étant gérée selon un principe d'autonomie, de décentralisation et de non-surcharge des personnels administratifs localement, par le chef d'établissement qui est le premier responsable de la continuité des apprentissages.
M. Vincent Delahaye. - Vous n'avez pas répondu à mes questions sur l'établissement d'un tableau de bord et sur la dépense liée au fonds d'amorçage des rythmes scolaires.
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Nous ne faisons pas figurer ce type de tableaux dans les documents budgétaires dans la mesure où la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) produit une synthèse complète dans un document intitulé « Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche ». Je transmettrai néanmoins votre demande.
En ce qui concerne le fonds d'accompagnement des rythmes scolaires, celui-ci est doté de 400 millions d'euros pour 2015. Je n'ai pas le chiffre exact de la dépense en 2014, mais celle-ci devrait être un peu inférieure au montant de 2015 dans la mesure où on a assisté à une montée en puissance progressive de l'enseignement privé. Je vais demander que l'on vous transmette les chiffres exacts.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Il y a un malentendu, Michel Bouvard ne demande pas une gestion centralisée des remplacements mais une remontée de l'information. Nous savons parfaitement que pour une absence de moins de quinze jours, le remplacement est de la responsabilité du chef d'établissement. Nous ne lui refusons pas cette possibilité. L'information en revanche n'est pas inintéressante. Je parlais tout à l'heure de l'aviation, de la santé et du numérique, j'évoquerai à présent les chemins de fer. En effet, les usagers sont désormais informés des retards, y compris en région parisienne. On peut imaginer qu'un système numérisé pourrait permettre d'accéder à une information centralisée, même si la gestion du remplacement demeurerait quant à elle décentralisée.
Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Je vais me renseigner auprès de la direction des ressources humaines sur l'existence d'une enquête sur ce sujet. À ce stade, je ne peux que rappeler que nos systèmes d'information ne nous permettent pas, à l'heure actuelle, de disposer des informations que vous demandez.
Mme Michèle André, présidente. - Vous avez pu constater que nos collègues sont attentifs à de nombreux sujets et, en particulier, à la question des absences qui constitue un élément de la récente réforme du règlement du Sénat. Je vous remercie d'avoir accepté de vous livrer à cet exercice difficile pour une fonctionnaire. La loi de règlement s'y prête peut-être davantage puisqu'elle consiste à analyser l'exécution et non à juger des orientations politiques.
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 - Audition de M. Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires ») sur les refus d'apurement des dépenses agricoles par le budget de l'Union européenne
Mme Michèle André, présidente. - Nous poursuivons notre série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement en procédant à l'audition d'Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Vous êtes entendu ce matin car vous êtes l'adjoint de la responsable du programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Je salue la présence parmi nous ce matin de Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Nous avons choisi de faire porter cette audition, ouverte à la presse, sur les refus d'apurement des dépenses agricoles par le budget de l'Union européenne car les montants en jeu sont élevés. Pour la seule année 2014 ces refus d'apurement communautaires sont évalués à 429 millions d'euros et ils devraient représenter, pour les exercices 2015 à 2017, un minimum de 1,1 milliard d'euros, soit 360 millions d'euros par an. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget a d'ailleurs confirmé ces montants la semaine dernière lors de son audition par notre commission le mercredi 17 juin.
J'ajoute qu'il demeure, de plus, un risque que la Commission européenne nous oppose de nouveaux refus d'apurement au titre de la politique agricole commune (PAC) et il s'agira de savoir à quel niveau se situent les enjeux de ces refus d'apurement pour les exercices à venir.
Il faudra donc faire la lumière sur les causes de ces phénomènes en 2014 mais également aller au-delà du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour comprendre ces risques budgétaires futurs considérables.
Sans plus attendre, je donne la parole à Alain Houpert, rapporteur spécial, pour une première séquence de questions-réponses. Je poserai ensuite quelques questions au nom de notre collègue Yannick Botrel, lui-aussi rapporteur spécial, retenu ce matin.
M. Alain Houpert. - Pouvez-vous revenir sur les faits marquants de l'exécution 2014 ? J'ai relevé que l'exécution était nettement supérieure aux crédits inscrits en loi de finances initiale - 499 millions d'euros en engagement, soit 16,7 % et 421 millions d'euros en paiement soit 13,2 % - et m'interroge sur cet écart, qui proviendrait d'ailleurs très largement des refus d'apurement communautaire.
De même, j'observe que sur le titre 2, la mission n'a respecté ni le plafond d'emplois ni l'enveloppe ouverte en loi de finances initiale, quels commentaires pouvez-vous faire à ce sujet, étant entendu que ma question déborde le champ du programme 154 ?
M. Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. - Frédéric Lambert, en tant que chef du service gouvernance et gestion de la PAC du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, est plus à même de vous répondre.
M. Frédéric Lambert, chef du service gouvernance et gestion de la PAC du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. - L'exécution 2014 du programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » se caractérise par deux faits marquants.
Tout d'abord, les 429,3 millions d'euros de refus d'apurement communautaire, ont pu être couverts par l'ouverture de crédits par la dernière loi de finances rectificative pour 2014 ainsi que par la mobilisation de la réserve de précaution, mais pas par redéploiement. Ce montant fait suite à des échanges avec la Commission européenne et a nécessité des audits par les services de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère.
Ensuite, l'écart s'explique par une dotation de 120 millions d'euros du programme d'investissement d'avenir (PIA) au profit de projets dans les secteurs agricoles et agroalimentaires. La somme a été versée à FranceAgriMer (FAM), chargé de dépenser ces crédits.
Voici donc les deux facteurs principaux de la surexécution constatée au cours de l'exercice 2014. J'indique aussi que les dispositifs obligatoires tels que les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), destinées aux zones de montagne en particulier, conduisent traditionnellement à des dégels en fin d'année, mais que l'évolution des cofinancements européens étant inconnue au moment de la préparation de la loi de finances initiale pour 2014, on a inscrit des montants supérieurs à ce qui était nécessaire.
M. Michel Bouvard. - Pour 20 millions d'euros !
M. Frédéric Lambert. - Oui, sur l'ICHN il s'agit bien de 20 millions d'euros. Mais je précise que l'intégralité des aides prévues au titre de l'ICHN a bien été versée en 2014.
M. Alain Houpert. - Pour en revenir plus précisément au sujet qui a motivé votre audition ce matin, les refus d'apurement des dépenses agricoles par le budget de l'Union européenne, sujet sur lequel j'effectue un contrôle avec nos collègues Yannick Botrel et François Marc, pouvez-vous nous dresser un portrait des masses en jeu depuis 2007 et pour les exercices à venir, en indiquant quelles en sont les causes principales.
M. Hervé Durand. - Il faut savoir que ces refus d'apurement concernent aussi d'autres États membres que la France. Ce montant de plus d'un milliard d'euros doit être rapproché des années concernées : 2008 à 2012, soit cinq ans.
Mme Michèle André, présidente. - Il était plus important au départ, non ?
M. Hervé Durand. - Oui, à l'origine c'était plus. Nous avons conduit un travail pour affiner la somme en question. Il faut noter que cette dernière ne représente que 2 % du total des aides reçues en France au titre de la PAC sur l'ensemble de la période : la question reste un sujet et une source de mobilisation mais il faut relativiser. Nous avons mis en place un plan d'action pour répondre aux observations de la Commission européenne. En 2014 et en 2015 la discussion avec celle-ci s'est faite en toute transparence.
Les corrections infligées font suite à plusieurs éléments soulignés par la Cour des comptes européenne et par la Commission européenne. Il s'agit d'abord des modalités de calcul des droits à paiement unique, mais cette question est maintenant derrière nous. Il s'agit ensuite de la mise en oeuvre des contrôles au titre de la conditionnalité, au sujet de laquelle nous avons eu un dialogue avec la Commission européenne. Enfin, la question des aides à la surface renvoie aux outils pratiques qui sont mis en oeuvre. Il s'agit à la fois des photographies aériennes ainsi que de leur traitement informatique. Il nous a été reproché l'ancienneté de ces photos - ce qui pose la question du registre parcellaire graphique - et notre travail de photo-interprétation, à savoir la façon de distinguer les éléments de paysage et donc d'identifier les surfaces admissibles.
Les sommes dues sont importantes mais nous avons engagé des plans d'action marqués par la préoccupation de réduire les difficultés. Les enjeux futurs se situent au niveau du déploiement actif de ces plans et de la progression des échanges avec la Commission européenne. En effet, nous rendons compte régulièrement à cette dernière du déploiement des plans et nous tenons compte de ce qui nous est dit en retour : nos plans doivent permettre de répondre pleinement aux critiques. Le ministère s'appuie sur les compétences de l'Institut géographique national (IGN) en particulier concernant l'actualisation des photos ainsi que sur son expertise en matière de photo-interprétation.
M. Alain Houpert. - Le satellite, toujours le satellite, je me souviens que c'est grâce à lui qu'on a sauvé l'IGN. Ma question porte sur la négociation entre le Gouvernement et la Commission européenne permettant de ramener le niveau de refus d'apurement de 4 milliards d'euros à un peu plus d'un milliard d'euros. Comment s'est-elle déroulée ?
M. Hervé Durand. - Voici la manière dont les choses se sont passées : au tout début du dialogue avec la Commission européenne, le ministère s'est mobilisé car les enjeux financiers nous paraissaient injustes et éloignés du niveau d'erreurs que nous estimions. Nous n'avons pas fait qu'écrire à la Commission européenne, nous nous sommes déplacés. Nous avons proposé de procéder à une analyse détaillée afin d'identifier le niveau réel d'erreurs. Un travail conséquent a été engagé par les services du ministère, qui ont été mobilisés dans tous les départements en s'appuyant sur des agents titulaires mais aussi sur des personnels contractuels. Nous avons pu établir nos propres chiffrages et communiquer ces informations à la Commission européenne, qui a apprécié cette démarche puisqu'elle a elle-même révisé le montant des corrections à la baisse.
M. Alain Houpert. - Lors d'un déplacement à Bruxelles, nous avons eu le sentiment que la négociation entre le Gouvernement et la Commission européenne avait été une discussion de marchands de tapis. À l'occasion de ce déplacement, il nous a été expliqué par la direction générale de l'agriculture (DG Agri) de la Commission européenne que la France avait fait le choix pour la PAC 2007-2013 de ne pas comptabiliser les « éléments paysagers » dans le calcul des aides à la surface. Dans un deuxième temps, une fois ces règles fixées, nous aurions versé des aides au mépris de la règle, qu'en est-il exactement ? Quel poids pèse ce type d'erreur dans le milliard d'euros de refus d'apurement ?
M. Hervé Durand. - Ce n'était pas une discussion de marchand de tapis : nous avons objectivé la situation réelle et concrète en nous appuyant sur un travail rigoureux.
Mme Michèle André, présidente. - C'était une négociation ?
M. Hervé Durand. - Oui c'était une négociation qui s'est déroulée selon une procédure contradictoire avec la DG Agri. Je suis fier du travail accompli par nos services. La PAC a toujours été un sujet d'importance pour nous. Dire qu'il s'agit d'une discussion de marchands de tapis serait méconnaître le travail engagé et la rigueur déployée dans la conduite de ces contrôles. La PAC est une politique d'ampleur. Or notre pays est très marqué par ses spécificités, en termes de territoires tout particulièrement. Il est difficile de prendre en compte ces spécificités surtout quand les dispositifs s'empilent et que l'éligibilité de tel ou tel élément paysager - rochers, haies etc. - est incertaine. Notre souci est de réduire les sources de griefs en retenant la définition des règles applicables au niveau national et en évitant les aménagements locaux. Nous sommes vigilants à ce sujet afin d'assurer un bon équilibre entre les règles nationales et les singularités des territoires locaux.
M. Alain Houpert. - En sus des 360 millions d'euros par an pour les exercices 2015 à 2017, on estime que les propositions de correction de la Commission européenne susceptibles d'avoir un impact sur 2015 ou sur les années suivantes se situent dans une fourchette de 200 à 300 millions d'euros. Allez-vous budgétiser dans les lois de finances pour 2016 et 2017 les sommes d'ores et déjà connues (360 millions d'euros) et même aller au-delà en intégrant une partie du risque futur de refus d'apurement ? Une telle budgétisation est réclamée chaque année, loi de finances après loi de finances, par notre commission et par la Cour des comptes...
M. Hervé Durand. - Par construction et par nature, il est difficile de prévoir ces refus d'apurement. Et surtout, répondre favorablement à cette demande, ce qui n'est pas notre position, conduirait à s'accommoder de ces corrections, ce qui constituerait un signal contreproductif. Nous devons réduire ces risques financiers et répondre point par point aux critiques de la Commission européenne. C'est pour cela que nous avons pris en compte les remarques de cette dernière et que nous avons travaillé à la réforme de la nouvelle PAC 2014-2020. Nous sommes aujourd'hui mobilisés pour éviter ces refus d'apurement, investis dans la mise en oeuvre de plans d'actions et préoccupés par le fait d'être compris des agriculteurs.
Mme Michèle André, présidente. - Yannick Botrel, qui est le second rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », m'a transmis quelques questions.
La première porte sur la répartition géographique des refus d'apurement. Je sais que les rapporteurs spéciaux ont interrogé le ministère sur ce point dans un questionnaire, et j'ai moi-même écrit au ministre de l'agriculture le 17 mars dernier pour obtenir des informations à ce sujet, après avoir entendu la directrice du budget à la Commission européenne à Bruxelles avec le rapporteur général, sur cette somme de quatre milliards d'euros renégociée à un milliard d'euros. Malheureusement, nous n'avons pas de réponse à ce jour. Il semblerait que ce travail soit difficile. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Pourriez-vous, en dépit de ces difficultés, nous fournir tout de même une note sur le niveau de ces refus d'apurement par département. Vous nous avez en effet indiqué avoir réalisé un travail très fin avec les directions régionales. C'est important pour nous.
La seconde question concerne les contrôles réalisés par l'administration nationale dans le versement des aides au titre de la PAC. Les difficultés rencontrées par la France en termes de refus d'apurement correspondent-elles à un problème de moyens mis en oeuvre dans les contrôles ? La responsabilité doit-elle être imputée au ministère de l'agriculture ou aux organismes payeurs dont il a la tutelle ? Quels moyens précis le ministère et les opérateurs payeurs mettent-ils en oeuvre pour améliorer leurs contrôles et leur interprétation du droit communautaire ?
La troisième question a trait aux plans d'action mis en place pour améliorer les contrôles du ministère de l'agriculture et des organismes payeurs dont il a la tutelle : ces plans d'action ne rendent-ils pas encore plus complexes le travail d'élaboration des déclarations pour les agriculteurs ? Nous avons bien noté que vous souhaitez une amélioration sur ces différents points.
Enfin, j'aurais une question plus personnelle sur la photo aérienne parcellaire et l'ancienneté des photos : à partir de quelle durée la Commission européenne considère-t-elle les photos comme caduques ?
Mme Michèle André, présidente. - Je suppose que ce délai complexifie encore la situation.
M. Hervé Durand. - Le délai de caducité des photos s'avère nécessairement coûteux et difficile, et nous sommes à cet égard très dépendants du travail de l'IGN. C'est pourquoi nous étions présents au Salon du Bourget la semaine dernière. En effet, nous réfléchissons à la possibilité de substituer, à terme, les images satellitaires aux photographies. Un accord de consortium a été signé. Disposer de données qui pourraient être régulièrement actualisées - par exemple tous les ans - constitue pour nous une réelle perspective de progrès, mais aucune décision n'est prise à ce stade.
Nous comprenons le point de vue de la Commission européenne qui impose la caducité des photos au bout de trois ans. En effet, comme vous pouvez tous le constater au quotidien, sur un tel laps de temps, la physionomie des territoires évolue significativement.
En ce qui concerne la ventilation de l'apurement par département, je vous répondrai que la France est une et indivisible par rapport à cette problématique. Nous parlons ici du déploiement de la PAC, soit des règles, des anomalies et des griefs qui sont intimement liés au processus mis en oeuvre globalement. Du coup, nous ne sommes pas en capacité de le faire et si nous l'étions je ne sais pas à quoi cela aboutirait. Tous ces éléments ne renvoient pas à des problématiques locales ou départementales, mais à un ensemble systémique par rapport à tout le dispositif. C'est pourquoi nous ne sommes pas en capacité d'identifier une répartition géographique par département des refus d'apurement.
En réponse à votre seconde question, je dirai que l'apurement n'est pas qu'un problème de contrôle. Pour qu'une règle soit bien appliquée, elle doit être claire. Dans la mise en oeuvre de la PAC, notre souci est donc de rester le plus fidèle possible au cadre communautaire, puis de mettre en place des règles au niveau national qui soient claires, comprises et surtout applicables. Bien sûr, une part de contrôles est nécessaire, et l'Union européenne nous y oblige d'ailleurs. Il s'agit de les conduire correctement, car les éléments qu'on peut en tirer permettent, également, d'objectiver concrètement auprès de la Commission européenne la façon dont la PAC est mise en oeuvre dans les exploitations.
Toutefois, lorsqu'on utilise dans l'outil une photo aérienne trop ancienne, il ne s'agit pas d'un problème de contrôle. C'est bien cela qu'il faut arriver à corriger. Les contrôles ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte.
En ce qui concerne le travail de déclaration des agriculteurs, je précise qu'on vient de sortir de la période de déclaration pour l'année 2015. À ce stade, nous pouvons en dresser un bilan positif du point de vue du recours à la télédéclaration, puisqu'elle a progressé. Ainsi, nonobstant le plan d'action et le déploiement de la réforme de la PAC, nous atteignons le chiffre de 90 % de télédéclarations, qui demeure malgré tout insuffisant. Je pense aussi que, dans la mise en oeuvre de la PAC, il nous faut promouvoir des services aux agriculteurs, en nous efforçant de mobiliser toutes les structures qui travaillent à leurs côtés pour rendre les processus déclaratoires beaucoup plus fluides, objectiver les problèmes quand on en rencontre, et faire en sorte d'installer des relations professionnelles et de confiance avec nos usagers.
Mme Michèle André, présidente. - Nous supposons que c'est déjà le cas.
M. Hervé Durand. - C'est déjà le cas mais il faut renforcer encore cette relation de confiance, car c'est aussi une manière de sécuriser l'ensemble du dispositif.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. - Permettez-moi d'excuser Jean-Jacques Lasserre retenu à la commission des affaires économiques, qui examine le projet de loi sur la biodiversité. Je voudrais revenir sur la question des télédéclarations. Aujourd'hui, ce sont les syndicats, les coopératives agricoles et les chambres d'agriculture qui aident les agriculteurs à rédiger leurs déclarations. Il est vrai que ces dernières sont de plus en plus compliquées. C'est pourquoi, les professionnels souhaiteraient que l'on puisse les simplifier. Vous avez parlé de spécificités et effectivement, s'il y avait moins de spécificités dans la PAC, ce serait déjà une bonne chose. En outre, si l'on pouvait simplifier les procédures de demandes d'aides au titre de la PAC, cela aiderait à les remplir correctement et cela contribuerait sans doute à éviter les refus d'apurement. Il me semble de ce point de vue que votre position à l'égard de la Commission européenne est excellente. Mais, sur ce sujet, il faudrait une harmonisation avec les vingt-huit pays de l'Union européenne. En effet, il ne faut pas que chaque pays ait sa propre politique en la matière ; au contraire, celle-ci doit être convergente et harmonieuse.
M. Francis Delattre. - Vous connaissez le problème des marges de nos entreprises françaises, bien que l'on constate actuellement un léger redressement. Dans le secteur agroalimentaire, avez-vous le sentiment que les marges de ces entreprises vont leur permettre de réinvestir ?
Ma deuxième question porte sur la concentration des centrales d'achat des grands groupes. Pensez-vous qu'il soit sain de n'avoir que trois ou quatre grandes centrales se partageant 90 % du marché. Quelle est votre analyse à cet égard ? Pouvez-vous intervenir ?
J'ai aussi une question sur le sujet de la cartographie. Je suis très surpris des difficultés que vous rencontrez pour analyser le territoire. En effet, il y a quinze ans déjà, les agriculteurs céréaliers connaissaient dès le début de l'année la teneur réelle de leurs futures récoltes grâce à des systèmes satellitaires. Certes, il peut y avoir un problème sur la cartographie en zone de montagne mais je ne vois pas la difficulté en plaine. Je pense que les difficultés sont arrivées au moment où l'on est passé au système des droits à produire. Il est en effet complexe de faire en sorte que le propriétaire du sol ne soit plus forcément le titulaire du droit à produire. Cela a posé beaucoup de difficultés et j'imagine que cela a complexifié la cartographie. J'ai du mal à croire qu'avec les systèmes satellitaires on ne puisse pas savoir ce qui se passe avec une très grande précision sur tel ou tel sol.
M. Serge Dassault. - Je souhaiterais savoir, s'agissant de l'activité photographique, si vous utilisez des satellites ou des drones.
En outre, en ce qui concerne la PAC, avez-vous d'ores et déjà des orientations pour 2015 et 2016 ? Cela va-t-il augmenter ou diminuer ? Quelles difficultés peut-on anticiper s'agissant de nos désaccords avec la Commission européenne ?
Ensuite, vous parlez d'apurement. Pouvez-vous nous en donner une définition ?
M. Hervé Durand. - Il s'agit d'un solde de tout compte en quelque sorte et les refus d'apurement sont des corrections financières.
M. Serge Dassault. - Mais à quoi doivent s'attendre nos agriculteurs en ce qui concerne le budget de la PAC pour les années 2015 et 2016 ?
M. François Marc. - L'audition de ce matin s'inscrit dans la préparation de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014, préoccupation budgétaire essentielle, qui est mise en oeuvre dans le cadre issu de la loi organique relative aux lois de finances, avec l'identification des objectifs, des missions, des programmes, des indicateurs de performance et des responsables. C'est sur ce dernier point que je souhaiterais bénéficier de votre éclairage. Pour nous expliquer les refus d'apurement, dont le niveau élevé justifie une information suffisante du Parlement, vous avez mis en avant jusqu'ici des facteurs essentiellement techniques, tenant à la caducité des photos et à leur interprétation.
Je souhaiterais éclaircir un point. En effet, lorsque nous nous sommes rendus à la direction générale de l'agriculture (DG Agri) à Bruxelles, il nous a été dit que si la France était aujourd'hui tenue de payer, c'est parce qu'elle avait eu une interprétation différente de celle d'autres pays en 2007 en matière de prise en compte des éléments paysagers. Par exemple, l'Allemagne, à situation équivalente, a défini les modalités d'attribution des droits de paiement sur une base différente. D'après la DG Agri, l'exigence de remboursement tient au fait que la France a choisi un mode d'attribution des droits qui n'a pas respecté in fine les termes prévus.
J'ai donc une question simple : que pouvez-vous nous dire de cette interprétation de la DG Agri sur la situation de la France ? A-t-on réellement pris en 2006-2007 une décision politique ou administrative inopportune et peu perspicace, qui explique la situation actuelle de refus d'apurement ? Cette décision n'explique-t-elle pas plus la situation que des explications techniques qui servent à habiller la chose ? Je voudrais que les choses soient claires sur ce point.
M. Hervé Durand. - Pour vous répondre sur les difficultés que l'on rencontre dans la gestion quotidienne de la PAC, je soulignerai deux problèmes particulièrement épineux pour nous. D'une part, un problème que l'on rencontre sur le terrain, celui des chevauchements entre parcelles, que l'on appelle des doublons, qui interviennent lorsque deux agriculteurs voisins revendiquent une portion de parcelle, et que l'on n'arrive pas à attribuer.
M. Francis Delattre. - Nous connaissons le terrain aussi bien que vous.
M. Hervé Durand. - Deuxième sujet, la mesure de la surface admissible, qui nécessite un niveau de précision extrêmement élevé. Concrètement, quand un agriculteur présente ses parcelles et son exploitation à la PAC, il faut que l'on arrive à faire le décompte de ce qui est admissible au titre des règles de la PAC. Cela implique d'enlever les écarts entre voisins, les limites parcellaires, de ne pas mordre sur le chemin, de ne pas mordre sur le fossé, autant de sujets très complexes, qui rendent le processus difficile.
En outre, actuellement, quand on mesure l'écart entre photo et satellite, le niveau de précision des images satellite qui peuvent être mises à disposition dans un processus comme le nôtre se situe à 1,5 m. Or, le niveau d'exigence de la Commission européenne est de 0,5 m. C'est cette complexité que je souhaite expliquer et traduire devant vous. Il ne s'agit pas de dire que je connais mieux le terrain que vous. Cette complexité explique d'ailleurs que, dans tous les États membres, on trouve forcément, à un moment ou à un autre, matière à redressement.
Certaines portions de territoires sont plus faciles à traiter que d'autres. C'est le cas de la Marne par rapport au Lot ou à l'Ardèche par exemple, où existent des problématiques très particulières d'espaces agricoles que l'on veut maintenir. Dans de telles situations, il faut que l'on arrive à décomposer ces surfaces pour en déterminer la part d'admissibilité, en respectant les règles européennes. Ce n'est pas toujours simple, alors que chacun revendique une spécificité pour intégrer le cadre de règle et bénéficier des aides de la PAC.
S'agissant des propos tenus par les collègues de la DG Agri, nous avons rencontré certaines difficultés d'application entre 2008 et 2013, que l'on s'emploie à surmonter. Je pense que c'est bien l'essentiel. L'une de ces difficultés concernait la problématique des normes locales, qui renvoie à une difficulté de politique publique, la question étant de déterminer quel est le bon équilibre entre le niveau national et le niveau local. Nous avons tranché en faveur du niveau national et nous nous sommes efforcés de redresser un peu les choses.
À cet égard, un sujet nous a beaucoup occupés cette année : la question de l'admissibilité des haies. Ces dernières sont admissibles depuis 2010 mais l'on a renforcé leur admissibilité. La haie fait donc partie de la surface comptabilisée au titre de l'admissibilité des surfaces. Là encore, sur le terrain, on se heurte à des réalités très diverses, les haies n'ayant pas toutes la même longueur ou la même largeur. Nous nous efforçons d'encadrer les choses au maximum et de rassurer régulièrement la DG agriculture, qui dispose, de notre part, de toutes l'information sur la manière dont on a déployé la réforme de la PAC et sur la mise en oeuvre du nouveau plan d'action pour la mise en oeuvre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) 2014-2020.
M. François Marc. - L'Allemagne n'avait pas adopté la même règle que la France concernant la prise en compte des éléments paysagers, ce qui l'aurait protégée de corrections au titre des surfaces éligibles. Est-ce vrai ou pas ? L'Allemagne subirait-elle de moindres refus d'apurement parce qu'elle se serait montrée plus souple ?
M. Hervé Durand. - Tout ce que dit la Commission européenne est vrai mais faisons attention aux approximations. La manière dont l'Allemagne met en oeuvre la PAC est très différente de la nôtre. Chez nos voisins, les länder ont la maîtrise des conditions d'application de la PAC et cette spécificité constitutionnelle conduit l'Allemagne à connaître des règles d'éligibilité différentes. Je précise également que le registre parcellaire graphique n'est pas une spécificité française mais une obligation pour tous les États membres. Nous devons donc renforcer nos photos et leur interprétation. Je répète que nos difficultés résultent largement des normes locales d'application de la PAC. Entre 2007 et 2013, nous avons offert des latitudes aux départements, ces écarts d'application ont été relevés par la Commission européenne qui les a durement critiqués. Nous les avons donc supprimés. Nos photos et nos éléments topographiques manquaient de cohérence mais nous avons progressé. Par exemple, nous disposons désormais d'un dictionnaire de photo-interprétation.
M. Frédéric Lambert, chef du service gouvernance et gestion de la PAC du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. - L'Allemagne a rendu éligibles les éléments paysagers mais dans le respect d'une règle de maintien individuel à l'identique de chacun des éléments. Notre pays a utilisé un pourcentage d'éléments topographiques de 3 % ou 4 % mais sans obliger au maintien individuel des éléments. Nous n'avons donc pas vérifié ce maintien, qui n'a fait l'objet d'aucun traçage ni de numérisation.
M. Hervé Durand. - L'IGN est justement en train de numériser ces éléments non agricoles, les mares, les bosquets, les rochers, etc. Nous disposons déjà d'un inventaire de 200 millions d'objets. Or ces éléments paysagers conduiront à inclure 40 millions d'objets supplémentaires.
M. Bernard Lalande. - J'ai eu l'occasion de tester la télé-procédure de déclaration. C'est tout de même compliqué. Il faut déterminer la parcelle et s'assurer que la déclaration soit réaliste par rapport à la surface. En fin d'opération, on utilise une nomenclature qui ne fait pas suffisamment l'objet d'explication. Au total, chaque agriculteur agit comme un auto-contrôleur qui « fait coller pour que ça colle » : il fait sa déclaration en veillant à ce que cette dernière rentre dans un cadre prédéfini. J'estime qu'on demande aux agriculteurs des choses que l'on ne demanderait pas aux autres professions.
M. Hervé Durand. - Je suis d'accord avec vous. C'est vrai qu'il faut un investissement mais je note que 90 % des usagers recourent à la procédure. Nous devons continuer à avancer. Cette procédure de télédéclaration traduit également la complexité de certaines exploitations agricoles : quand on a cent parcelles, c'est plus compliqué. Il est intéressant d'interroger les agriculteurs sur le temps passé à cette déclaration. Ce temps est variable mais il n'est pas si long que cela : deux à trois heures, une fois par an.
M. Bernard Lalande. - Ce n'est pas une question de temps. Je prends le cas d'un vignoble dont la surface est connue de par la déclaration aux services des douanes : votre terrain fait 1,127 hectare et il vous incombe de retrouver cette surface avec la souris de votre ordinateur pendant la télédéclaration. Votre travail ne peut pas être exact et vous faites donc coller votre déclaration avec la surface connue. Personnellement, j'y ai passé trois heures.
M. Maurice Vincent. - Je m'interroge sur la raison de ces normes locales. Correspondent-elles à une demande des agriculteurs ou des responsables publics locaux ? Sont-elles abandonnées ?
M. Hervé Durand. - Les normes locales, c'est bien fini et sur leur origine, il existe plusieurs raisons de divers ordres. En réponse à Serge Dassault, je précise que l'IGN utilise quatre avions abrités dans la base de Creil et que nous n'avons pas recours à des drones. Concernant l'avenir de la PAC et ses enjeux budgétaires pour les agriculteurs, nous en sommes à la première année de mise en oeuvre de la réforme du cadre 2014-2020 mais il faut anticiper les futures échéances et commencer à formuler nos attentes. Il faut avoir en tête que nous ne sommes qu'un État membre parmi vingt-huit, nous devons donc sensibiliser nos partenaires et dialoguer avec la Commission européenne.
Pouvoirs de sanction des régulateurs financiers - Communication
Enfin, la commission entend une communication de MM. Albéric de Montgolfier et Claude Raynal, rapporteurs, sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers.
M. Claude Raynal, rapporteur. - Je devais présenter cette communication avec Albéric de Montgolfier qui a malheureusement été retenu dans son département ; je vais vous exposer l'état de nos réflexions à la suite des travaux que nous avons conduits sur les pouvoirs de sanction des régulateurs financiers, à savoir l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Notre mission a pris la suite de celle initiée par Philippe Marini et Corinne Bouchoux, qui nous avait présenté leurs conclusions provisoires le 28 janvier dernier.
La question qui sous-tend ce travail est celle de savoir si notre système répressif est correctement armé pour assurer une protection efficace des épargnants, des investisseurs et un bon fonctionnement des marchés.
Cette question se pose aussi bien dans le champ de la régulation bancaire et assurantielle, qui concerne l'ACPR, que celui de la régulation des marchés financiers, qui concerne l'AMF, mais également dans certains cas, l'autorité judiciaire.
Sur ce dernier point, les abus de marchés (délit d'initié, manipulation de cours, fausse information) constituent en effet à la fois des manquements administratifs pouvant être poursuivis par l'AMF et des infractions pouvant être poursuivies par le Parquet national financier devant le juge pénal.
De fait, même si nous avons également des propositions pour l'ACPR, c'est bien cette question de la répression des infractions boursières qui s'est posée avec le plus d'acuité.
En effet, le Conseil constitutionnel a rendu, le 18 mars dernier, une décision majeure dans l'affaire dite EADS, qui nous oblige à réformer notre architecture répressive en matière boursière.
Cette décision porte sur l'application du principe du non bis in idem, qui interdit qu'un même fait soit sanctionné deux fois.
Prenant la suite de la Cour européenne des droits de l'homme qui, dans un arrêt Grande Stevens du 4 mars 2014, a condamné l'Italie en raison du cumul des sanctions en matière boursière, le Conseil constitutionnel a jugé que le manquement d'initié devant l'AMF et le délit d'initié devant le juge pénal n'étaient pas suffisamment différenciés pour que soit respecté le principe du non bis in idem. Le Conseil donne au législateur jusqu'au 1er septembre 2016 pour adapter notre procédure, qui permet actuellement qu'un même fait soit sanctionné deux fois, la première fois en tant que manquement au règlement général de l'AMF devant la commission des sanctions de l'AMF selon une procédure administrative, la deuxième fois en tant que délit devant le juge pénal selon une procédure judiciaire. D'ici à l'adaptation de notre législation, la première sanction prononcée éteindra la possibilité de poursuite devant l'autre autorité.
Il est donc nécessaire de mettre sur pied une nouvelle architecture répressive qui permette d'assurer une répartition dissuasive et efficace des affaires entre l'AMF et le juge pénal.
Nous avons réalisé une série d'auditions avec les différentes parties prenantes : l'AMF et l'ACPR, le parquet national financier, le président du tribunal de grande instance de Paris, l'Autorité européenne des marchés financiers, des avocats spécialisés, l'association des actionnaires minoritaires, etc. Sur la base de ces auditions et de nos échanges avec les différents ministères concernés, nous sommes parvenus à deux principaux constats.
Le premier est qu'il est nécessaire que les faits les plus graves soient réprimés par le juge pénal, et qu'ils le soient avec plus de sévérité qu'aujourd'hui. En effet, le juge répressif n'a jamais prononcé de peine de prison ferme et inflige des amendes d'un montant très inférieur à celles prononcées par l'AMF. Entre 2004 et 2014, le juge pénal a prononcé des amendes d'un montant moyen de 140 000 euros, quand les pénalités infligées par l'AMF atteignent en moyenne un million d'euros, avec une tendance à la hausse.
Le second constat, c'est que l'AMF constitue, pour des raisons évidentes de compétence et de moyens techniques, à la fois le principal outil de détection des opérations d'initiés ou manipulation de cours, et le vecteur des sanctions les plus rapides. Pour ne pas remettre en cause cette compétence et cette efficacité, il nous semble nécessaire que l'essentiel des affaires continue d'être poursuivi et sanctionné par l'AMF.
Le parquet national financier est déterminé à améliorer l'efficacité de la justice pénale en matière boursière. Il faut lui donner la possibilité de poursuivre cet objectif. Dans le même temps, il ne faut pas affaiblir un outil qui remplit correctement sa mission, c'est-à-dire l'AMF.
Je rappelle que, si en moyenne le délai pour obtenir une décision du juge pénal atteint trois ans contre deux ans et demi pour l'AMF, alors même que le juge intervient le plus souvent après les investigations de l'AMF, de nombreux dossiers, dont les plus médiatiques, ont été jugés plus de dix ans après les faits.
Ces deux constats nous ont conduits à estimer que la nouvelle architecture ne devait pas donner l'exclusivité à l'une ou l'autre des voies de répression, mais plutôt permettre d'améliorer leur complémentarité et organiser un aiguillage des affaires.
Il reste à déterminer les critères et la forme de cet aiguillage.
Notre idée, et les textes européens vont également en ce sens, est que les faits les plus graves devront nécessairement être poursuivis par le PNF et jugées par le juge pénal - la gravité s'appréciant à la fois en raison de l'intentionnalité des faits, du montant du profit réalisé mais aussi de la qualité des personnes en cause. En revanche, le gros des affaires devra être poursuivi par l'AMF.
L'AMF souhaite que cette répartition se fasse sur la base de critères objectifs, en particulier le montant du gain réalisé. Cependant, non seulement certaines affaires ne présentent pas de gain immédiatement quantifiable, mais la gravité n'est pas nécessairement question de montant : ainsi, un arbitrage au cas par cas, sur la base de principes clairs, nous semble préférable.
Dans la grande majorité des cas, les principes généraux que je viens d'énoncer, à savoir la gravité et l'intentionnalité, devraient permettre un aiguillage évident dans le cadre d'une concertation entre l'AMF et le PNF, qui bien sûr existe déjà. Cet aiguillage serait effectué de façon systématique à l'issue de l'enquête, avant l'ouverture des poursuites.
Mais comment faire en cas de divergence d'appréciation entre le parquet et l'AMF ?
Le Parquet national financier propose que le procureur puisse à tout moment et, en tout état de cause, avant l'ouverture de poursuites par l'AMF, « évoquer » une affaire pour engager les poursuites au pénal, quitte à sous-traiter les aspects les plus techniques à l'AMF, qui ne serait alors plus qu'une sorte de prestataire pour le compte de la justice.
Cette solution nous semble présenter le risque d'une démotivation des équipes de l'AMF, qui ont par ailleurs fait la preuve de leur efficacité.
Il nous semble qu'il serait plus équilibré, pour les quelques cas, que nous pensons rares, où il y aurait désaccord sur la voie à suivre, qu'une commission indépendante, composée de magistrats, issus par exemple de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes, prenne une décision d'aiguillage non susceptible de recours. L'idée est bien sûr que la perspective de devoir réunir une telle instance pour régler leurs différends pousse le PNF et l'AMF à s'entendre en amont sur le type de poursuite à exercer ou, pourquoi pas, sur un accord transactionnel qui serait proposé à l'auteur de l'infraction.
À notre sens, ce système d'aiguillage nécessite d'ailleurs d'améliorer la coopération et la coordination entre le parquet et l'AMF au stade de l'enquête.
Cette nouvelle architecture permettra de concilier les soucis d'efficacité et d'impartialité avec celui de la pénalisation des faits les plus graves.
Elle devra s'accompagner de plusieurs autres modifications de notre droit pour garantir une répression efficace des manquements financiers.
La première et la plus importante de ces modifications concerne le quantum des sanctions. La question du montant des sanctions prononcées, tant par l'AMF que par le juge pénal, était d'ailleurs au coeur de la mission lorsqu'elle a été lancée. Il convient, nous semble-t-il, de relever significativement les peines prévues au pénal, qu'il s'agisse des peines privatives de liberté ou des sanctions pécuniaires, pour que les peines encourues devant le juge pénal soient au moins aussi dissuasives que celles encourues devant l'AMF. Faut-il aligner les peines pénales sur celles prévues à l'AMF, ou prévoir un niveau intermédiaire ? Cette question reste, à ce stade de nos réflexions, ouverte.
Nous pensons également qu'il faut compléter les sanctions pécuniaires devant les régulateurs financiers, en prévoyant, pour les personnes morales, un plafond de sanction en pourcentage du chiffre d'affaires. Ce nouveau plafond, par exemple de 10 % du chiffre d'affaires, permettra au juge, administratif ou pénal, de prononcer des sanctions très dissuasives à l'encontre des grandes sociétés pour lesquelles le plafond de 100 millions d'euros semble parfois insuffisant.
Par ailleurs, nous étudions plusieurs pistes de travail complémentaires. Nous réfléchissons en particulier à un élargissement de la procédure transactionnelle de composition administrative, qui a fait la preuve de son efficacité et de sa rapidité ; elle est aujourd'hui réservée aux manquements professionnels des intermédiaires financiers, et nous pourrions l'étendre aux abus de marché et aux infrastructures de marché.
Nous souhaitons également une amélioration des conditions d'indemnisation des lanceurs d'alerte, au titre du préjudice qu'ils subissent souvent en dénonçant des faits délictueux, par un fonds dont les ressources seraient issues d'un pourcentage des amendes perçues. Nous avons cependant écarté l'idée de rémunérer ces lanceurs d'alerte comme cela peut se faire au Royaume-Uni ou aux États-Unis.
Au total, l'objectif est double : une AMF confortée comme régulateur et garant du bon fonctionnement des marchés financiers ; une juridiction pénale renforcée et crédibilisée par des procédures plus rapides et des sanctions plus sévères, réajustées au niveau de celles de l'AMF.
Ces propositions sont communes à Albéric de Montgolfier et à moi-même. Nous continuons de travailler afin de donner une traduction législative à ces orientations, y compris par des échanges réguliers avec le Gouvernement qui travaille maintenant sur ces mêmes sujets, compte tenu de l'échéance devenue incontournable du 1er septembre 2016.
M. Daniel Raoul. - Je crois que le principal objectif qui doit nous guider en la matière est la rapidité et l'efficacité des procédures. La répartition des affaires entre le pénal et l'administratif doit respecter cet objectif, et c'est la voie que vous semblez suivre. Je suis donc en plein accord avec vous.
M. Maurice Vincent. - Je voudrais insister sur la prévention, au regard des déboires que nous avons connus, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou des particuliers. Je pense à la diffusion de produits complexes et risqués, avec certaines affaires qui sont encore devant les tribunaux. Il est important que l'on insiste sur la prévention auprès de nos régulateurs financiers pour que ces problèmes ne se répètent pas.
M. Claude Raynal, rapporteur. - En effet, je crois qu'il est important d'avoir un contrôle en amont et une mise en cause rapide pour éviter la propagation de ce type de produits ; en outre, je crois qu'une sanction forte peut avoir un effet dissuasif pour faire réfléchir les établissements avant de se lancer dans ce type de produits.
La commission donne acte à MM. Albéric de Montgolfier et Claude Raynal de leur communication.
La réunion est levée à 12 h 15.