Mardi 28 octobre 2014

- Présidence de M. Rémy Pointereau, vice-président -

Simplification de la vie des entreprises - Examen du rapport pour avis

La réunion est ouverte à 15 heures.

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Gérard Cornu sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises.

M. Rémy Pointereau, président. - Hervé Maurey, qui ne peut être présent à Paris cette semaine, vous prie de bien vouloir l'excuser.

EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

M. Gérard Cornu, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, adopté par l'Assemblée nationale le 22 juillet dernier, après engagement de la procédure accélérée.

Mon rapport ne concerne qu'une partie de ce texte : nous nous sommes saisis pour avis de trois articles et la commission des lois, compétente au fond, nous en a délégué trois autres pour examen au fond.

Vous serez peut-être surpris d'avoir à examiner un tel texte aujourd'hui, alors même que nous avons déjà eu à nous prononcer sur un texte de même nature, il y a quelques mois à peine, en janvier dernier.

Je crois que nous partageons tous, ici, l'objectif affiché de ce texte : décomplexifier le droit, simplifier un certain nombre de procédures administratives qui nuisent à la compétitivité de nos entreprises, souvent écrasées sous le poids de démarches trop lourdes, parfois redondantes ou peu rationnelles. Nous l'avons souvent évoqué ici : il est urgent de recréer un environnement favorable et attractif pour l'entrepreneuriat en France.

Ce diagnostic posé, il reste que les parlementaires que nous sommes sont fondés à s'interroger sur la méthode ici retenue. En tant qu'élus locaux, nous sommes en effet bien souvent plus en prise avec les difficultés rencontrées par les entreprises ou même les particuliers, sur le terrain, que les concepteurs des projets de loi, aussi compétents soient-ils.

Je voudrais m'arrêter un instant sur ce point, avant de vous exposer les articles dont nous sommes saisis.

Ce projet de loi est le septième texte de simplification soumis à l'examen du Parlement depuis 2003, et le deuxième, depuis septembre 2013, touchant à la vie des entreprises.

Comme c'était le cas pour le précédent, il vise à mettre en oeuvre, avant le 1er janvier 2015, une série de mesures issues des travaux du Comité interministériel de modernisation de l'action publique, et, plus spécifiquement pour ce texte, du Conseil de la simplification pour les entreprises, récemment créé.

Le constat est sans appel. L'empilement de procédures administratives et de lourdeurs nuit considérablement à la compétitivité de notre pays. Et c'est à quoi ce texte entend remédier.

J'ai souhaité procéder à un examen rigoureux des articles dont nous sommes saisis afin d'émettre un avis équilibré : s'il nous faut lever au plus vite les obstacles administratifs pesant sur les entreprises, nous ne devons pas pour autant nous déposséder de nos prérogatives et souscrire à un texte fourre-tout.

Car si l'ambition de simplification du droit n'est pas nouvelle, elle s'est accélérée en même temps qu'elle changeait de nature. D'instrument occasionnel de nettoyage des codes législatifs, la simplification, depuis quelques années, est devenue permanente. Elle constitue une politique publique à part entière.

Cette évolution doit nous rendre vigilants. Augmentation du rythme, faible cohérence thématique de textes qui, en dépit de leur titre, restent une collection de mesures disparates, recours croissant aux demandes d'habilitation à légiférer par ordonnance et à la procédure accélérée : tout cela ne saurait devenir un procédé systématique.

Il importe donc de réfléchir à une meilleure association du Parlement à la politique de simplification. Nous ne sommes là ni pour enregistrer des textes que nous n'avons pas même le temps d'anticiper, ni pour accorder des habilitations sans expertise. Or, je puis en témoigner, j'ai eu, encore une fois, des difficultés à obtenir les projets d'ordonnances pour lesquelles une habilitation est sollicitée. Et lequel d'entre nous peut dire qu'il a été associé, ou même informé de quoi que ce soit entre l'examen du projet de loi du mois de janvier et celui-ci ? Je regrette que la méthode de travail « collaborative », prônée par le secrétaire d'État Thierry Mandon, qui parle de « coproduction », de « cosuivi » et de « co-évaluation » des mesures de simplification, ne s'étende pas aux parlementaires !

Sans remettre en cause l'urgence à desserrer les contraintes pesant sur nos entreprises, voilà ce que je tenais, en préalable, à vous dire.

Compétente en droit de l'environnement et sur le secteur des transports, votre commission est donc appelée à se prononcer sur six articles : les articles 8, 11 et 11 bis dont l'examen au fond lui a été délégué ; l'article 5, le primo de l'article 7 et l'article 21, dont elle s'est saisie pour avis.

L'article 8 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer une autorisation unique en matière de projets de production d'énergie renouvelable en mer et pour les ouvrages de raccordement au réseau public de ces installations. L'objectif est de déterminer les conditions sous lesquelles une décision unique pourrait se substituer aux différentes procédures administratives actuellement requises au titre de différentes législations. Je vous proposerai d'adopter cet article, qui devrait permettre à notre pays, où la lourdeur des procédures freine le développement des énergies renouvelables, de rattraper son retard sur ses voisins.

L'article 11 vise à sécuriser les procédures d'instruction des demandes d'expérimentation en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et d'installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de la loi sur l'eau. Ces expérimentations ont été introduites par la précédente loi de simplification de la vie des entreprises. L'article 11 clarifie une incertitude juridique pour les porteurs de projet, en précisant le cadre juridique applicable et je vous proposerai de l'adopter.

L'article 11 bis, inséré par la commission spéciale à l'Assemblée nationale, permet à titre dérogatoire aux restaurateurs d'altitude de convoyer leur clientèle le soir par motoneige. L'enjeu est la compétitivité des stations de ski françaises, confrontées à la concurrence, notamment de la Suisse, de l'Italie ou de l'Autriche, où les stations offrent de telles prestations de convoyage. C'est là une mesure attendue par un secteur dont une part importante du chiffre d'affaires tient à ce type de prestations. Évidemment, il nous faudra, eu égard à l'impact environnemental d'une telle dérogation, des assurances quant à son encadrement. Le Gouvernement nous a indiqué que le décret en Conseil d'État y pourvoira et prévoira par exemple que les motoneiges ne pourront circuler, par mesure de sécurité, que sur les voies utilisées par les dameuses. Je vous proposerai d'adopter un amendement de coordination sur cet article.

J'en viens aux articles dont nous sommes saisis pour avis. L'article 5 sollicitait une habilitation pour fusionner les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics et les commissions départementales de la présence postale territoriale. Il a été supprimé à l'Assemblée nationale au motif qu'une telle mesure trouverait mieux sa place dans un texte relatif à la réforme de l'État. Je vous propose que nous nous déclarions favorables au maintien de cette suppression, dans la mesure où les fusions que prévoyait l'article n'étaient ni anticipées, ni à leur place dans un texte de simplification de la vie des entreprises, et alors même que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République n'a pas encore été examiné par le Sénat. Lorsque nous avons interrogé le Gouvernement pour davantage de précisions, il nous a été répondu qu'aucun texte n'était pour l'instant prévu et encore moins prêt.

Le 1° de l'article 7 vise, au vu de la longueur des procédures d'autorisation actuelles, à accélérer les projets de construction et d'aménagement, en modernisant les modalités de participation du public. Il s'agirait de remplacer, pour certains types de décisions, l'enquête publique environnementale par la procédure, plus légère, de mise à disposition du public. Si je souscris pleinement à l'objectif global d'accélération des autorisations d'urbanisme, je vous proposerai néanmoins d'adopter un amendement visant à supprimer l'habilitation et à inscrire directement dans le code de l'environnement une exemption à l'obligation d'enquête publique pour certains projets, qui seront désormais soumis à mise à disposition du public. Cette dernière procédure, moins longue et moins lourde administrativement pour les entreprises, n'en permet pas moins au public de s'exprimer, comme le veut l'article 7 de la Charte de l'environnement. La mise en oeuvre de ce dispositif ne s'appliquera pas aux demandes introduites avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Enfin, l'article 21 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires à la réorganisation du recouvrement des redevances de stationnement sur la voie publique, à la suite de la dépénalisation des infractions au stationnement payant, adoptée, à l'initiative de notre commission du développement durable, dans le cadre de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. L'ordonnance prise grâce à cette habilitation, de caractère technique, doit permettre de renforcer la fiabilité du nouveau système. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de donner un avis favorable à son adoption. Le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un amendement à cet article, pour étendre l'habilitation à la définition des règles de contestation devant la juridiction administrative spécialisée, dont la création a été prévue par la loi. Cet amendement répond au même objectif, je n'y serai donc probablement pas opposé.

Je pense que nous pouvons tous nous accorder pour émettre un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi, tout en n'accordant qu'avec discernement au gouvernement des habilitations à légiférer par ordonnance. D'où mon amendement à l'article 7.

M. Rémy Pointereau, président. - La simplification administrative et la réduction des normes sont des sujets qui nous préoccupent tous - entreprises, particuliers, élus. Pour prévenir les pesanteurs administratives, véritable fléau pour les entreprises, il serait bon que nous mettions l'accent sur l'impact des lois que nous votons, en les évaluant à l'aune des contraintes qu'elles sont susceptibles d'imposer aux entreprises.

M. Louis Nègre. - Ce rapport me convient parfaitement. Nous sommes tous conscients de la lourdeur de nos 400 000 normes, et favorables à la simplification des procédures administratives. Veillons cependant, ainsi que nous y engage notre rapporteur, à n'accorder d'habilitations à légiférer par ordonnances qu'avec discernement. Pour ce qui concerne l'article 8, relatif aux projets de production d'énergie renouvelable en mer, l'habilitation se justifie, pour éviter que ne se creuse notre retard sur d'autres pays.

Comme sénateur des Alpes-Maritimes, département qui compte de grandes stations de sports d'hiver, je ne saurai être hostile à l'article 11 bis, pour autant - et je souscris là encore aux propos du rapporteur - que le convoyage par motoneige qu'il prévoit d'autoriser se fasse dans un cadre respectueux de l'environnement.

Je ne puis qu'être favorable, de même, à une amélioration de la procédure de l'enquête publique, telle que prévue à l'article 7. La ministre de l'écologie elle-même a récemment déclaré qu'il faudrait trouver un système plus efficace de débat public. Pour avoir assisté, dans mon département, à plusieurs de ces débats, j'ai constaté que de toutes petites minorités parviennent parfois à imposer leurs vues par la force, voire à stopper le processus. Il faudra sans nul doute revenir sur cette question de la participation du public, pour éviter d'être pris en otages par des groupes ultra minoritaires. Il ne s'agit pas, bien évidemment, de supprimer le débat public, mais de trouver des procédures plus légères.

Je suis tout à fait d'accord, enfin, sur les dispositions relatives à la redevance de stationnement. Avec notre collègue Jean-Jacques Filleul, qui a porté le texte sous la précédente majorité, nous nous battons ici depuis plus de dix ans sur ce sujet. La mission interministérielle présidée par le préfet de région Bérard travaille bien, mais nous avons constaté, dès la première réunion, combien était technique le travail en amont nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions que nous avons adoptées. Nous ne pouvons qu'être favorables à cette simplification qui rendra effective la décentralisation et la dépénalisation du stationnement. C'est un sujet sur lequel il faudra revenir, pour informer pleinement nos nouveaux collègues.

M. Jean-Jacques Filleul. - Je remercie Gérard Cornu pour sa présentation, conforme à l'esprit du texte, et j'apprécie ses propositions. Ne nous plaignons pas, cependant, de voir arriver de tels textes de simplification à échéance régulière. Nous sommes tous demandeurs de simplification administrative, nous sommes tous en contact avec les entreprises, et nous votons ces textes, mais le vrai problème est que leurs effets tardent à se faire sentir. Il semble que les organisations professionnelles ne relaient pas aussi rapidement qu'il serait souhaitable les mesures que nous votons.

Gérard Cornu a rappelé que sept textes ont été votés depuis 2003 : cela va dans le bon sens. Les qualifier de textes fourre-tout n'est pas juste : c'est la vocation de ce genre de textes que de porter diverses dispositions. Le Conseil de la simplification pour les entreprises avait proposé cinquante mesures ; si seules certaines apparaissent ici, c'est que ce n'est pas un mince travail que de les mettre en musique.

Je me réjouis que le rapporteur préconise l'adoption des trois articles dont nous sommes saisis au fond. S'agissant de l'enquête publique, il est bon que l'on entreprenne de lever les blocages. C'est là une procédure très complexe dont on a bien souvent le sentiment qu'elle ne donne pas les bonnes réponses aux questions posées. Je serai favorable à l'amendement du rapporteur.

Je tiens beaucoup, à titre personnel, à l'article 21, relatif à la dépénalisation du stationnement. Le préfet Bérard, coordinateur du groupe de suivi, a fait un travail important, qui méritera d'être discuté un jour ici. L'administration se mobilise enfin, et c'est une bonne chose. La direction générale des finances publiques s'est attelée à la tâche pour que soient mises en oeuvre les dispositions que nous avons votées, et qui furent une petite révolution. Je suis pleinement favorable à cet article ainsi qu'à l'amendement qui devrait être déposé par le gouvernement.

Mme Odette Herviaux. - A mon tour de remercier Gérard Cornu pour la qualité de son exposé. L'article 8, nos collègues s'en souviendront, répond au voeu que nous avions émis, avec Jean Bizet, lors des débats sur la loi Littoral : les entreprises hésitent à s'engager dès lors que leur projet dépend d'un accord de dérogation à la loi. Il est bon, tout en veillant à éviter toute atteinte à l'environnement, de leur donner un cadre plus lisible.

M. Benoît Huré. - Je veux moi aussi féliciter notre rapporteur, mais je n'en estime pas moins que ce texte, qui n'apporte qu'un début de réponse au problème de la complexité des normes, n'est pas à la hauteur de l'urgence. Le pays va très mal. Je pense aux entreprises, mais aussi au climat d'insécurité juridique dans lequel vivent tous ceux qui entreprennent, les maires, les responsables d'associations, et qui paralyse l'initiative. Dans mon département, un jeune président d'une communauté de communes, en butte à un problème réglementaire alors qu'un investissement important était en jeu, l'a bien illustré en disant que les points de croissance dorment dans les parapheurs de l'administration française. On a besoin de croissance ; or, il existe des leviers qui ne coûtent rien et sont susceptibles de recréer un climat de confiance. C'est une vraie révolution culturelle qu'il faudrait engager.

Cependant, tandis que nous travaillons, année après année, à la simplification des normes, d'autres s'évertuent à en créer de nouvelles... Pourquoi ne pas faire nôtre un principe qui voudrait que le prescripteur de normes soit celui qui paye leur mise en oeuvre ? Voilà qui serait de nature à pousser à la sobriété.

Si, pour aller plus vite et plus loin, il faut accorder des habilitations à légiférer par ordonnances, pourquoi pas ? Mais n'est-ce pas implicitement laisser place à l'idée reçue qui veut que le travail parlementaire allonge les procédures ? Or, nous savons tous que tel n'est pas le cas. Ce qui pose bien souvent problème, ce sont les délais dans lesquels sont pris, une fois que nous avons voté un texte, les décrets d'application, sans parler de leur rédaction, qui vient parfois contredire notre intention initiale de simplification.

Notre belle administration de jadis, conseillère et accompagnatrice, en même temps que dotée d'un pouvoir de contrôle et de sanction, a vécu. Elle est tout entière concentrée, de nos jours, sur ces deux dernières missions. L'idée prévaut même qu'elle ne doit pas conseiller celui qu'elle est appelée à contrôler.

Ne nous méprenons pas sur les responsabilités. La croissance dépend de la situation économique, mais aussi du contexte réglementaire. Il est temps que les maires, les responsables d'association, les chefs d'entreprise cessent d'être victimes d'une suspicion permanente.

M. Gérard Miquel. - Je partage un certain nombre des analyses de mes collègues. Un mot de l'amendement proposé par Gérard Cornu à l'article 7. Nous assistons, depuis dix à quinze ans, à une lente dégradation : tandis que les textes deviennent de plus en plus complexes et portent de plus en plus à interprétation, l'administration se consacre avec la plus grande rigueur au contrôle et à la sanction.

Il est également juste de dire que dans les enquêtes publiques, ce sont essentiellement ceux qui sont contre le projet qui viennent s'exprimer, face à qui la majorité consentante reste silencieuse. Moyennant quoi les projets peuvent traîner cinq ans - la durée d'un mandat ! - avec des surcoûts considérables.

J'ai siégé pendant trois ans à la Commission d'évaluation des normes. Nous avons un talent effarant pour compliquer les choses lorsque nous transposons les normes européennes. Nous avons un vrai travail devant nous, car nous n'avons plus les moyens de faire face aux dépenses supplémentaires que toutes ces complications entraînent. Je suis donc très favorable à l'amendement du rapporteur.

M. Benoît Huré. - Je fais partie de ceux qui ont voulu une harmonisation européenne des normes, mais il est vrai que bien souvent, les administrations centrales s'abritent derrière le paravent de Bruxelles. Depuis une vingtaine d'années, quand une norme européenne doit être transposée, alors que les pays européens du sud rédigent un document d'accompagnement de deux pages et ceux du nord de cinq pages en moyenne, la France se singularise en produisant un document de dix-neuf pages, parce que notre administration s'évertue, tout en transposant la norme nouvelle, à conserver les siennes propres. Et c'est ainsi que l'on arrive à l'inverse du but recherché.

Je puis citer une expérience vécue, celle de la carte des zones humides, que chaque pays a dû identifier sur son territoire, selon des critères très précis. J'ai été surpris de constater l'étendue des surfaces recensées en France. Comme président de conseil général, je me suis rendu un jour sur un chantier où avaient été dépêchés des experts de la DREAL (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement), parce qu'il était situé en zone humide. J'ai alors constaté qu'en fait de zone humide, ils étaient en train de se pencher sur un bourbier où prospéraient quelques joncs, et qui ne devait son existence qu'à l'obstruction d'un ancien réseau de drainage ! Il ne m'en a pas moins fallu agiter la menace d'un recours pour que l'administration reconnaisse enfin que la zone humide en question n'était rien d'autre qu'une zone inondée.

M. Gérard Cornu, rapporteur. - Je vous remercie de vos observations. Je rejoins Jean-Jacques Filleul quand il souligne qu'il est important, lorsqu'un texte de simplification est voté, d'en assurer le relai. D'accord avec Benoît Huré pour dire que la simplification doit aller plus loin et plus vite. C'est pourquoi il peut être utile, sur des sujets très techniques, d'accorder une habilitation à légiférer par ordonnance. Mais pas sur tous les sujets. D'accord également sur le retard des décrets d'application, qui nous pousse bien souvent à mettre dans la loi des précisions qui ne devraient pas y figurer, par manque de confiance dans l'administration centrale, que l'on voit trop souvent, en particulier quand une disposition de la loi est issue d'un amendement d'origine parlementaire, rechigner à prendre les décrets voire s'employer à dévoyer nos intentions à coup de subtilités de langage.

M. Gérard Miquel. - Alors que nous avions, auparavant, une administration déconcentrée composée de fonctionnaires très au fait, ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que les agents des DREAL manquent souvent d'une connaissance du terrain.

M. Rémy Pointereau, président. - Je souscris aux propos de Jean-Jacques Filleul, qui souligne que l'on ne voit pas venir les effets des textes de simplification que nous votons. Sans doute faudrait-il travailler davantage en amont, pour éviter d'avoir à remédier ex post au manque de lisibilité des textes.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 5

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5.

Article 7

M. Gérard Cornu, rapporteur. - L'amendement que je vous propose supprime la première habilitation prévue à l'article 7 et la remplace par l'inscription directe dans le code de l'environnement de la mesure visée. Il s'agit de créer une exemption à l'obligation d'enquête publique pour certains projets, qui seront désormais soumis à mise à disposition du public. Cette procédure, moins lourde administrativement et moins longue pour les entreprises, garantit que le public puisse s'exprimer en application de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Je vous proposerai de sécuriser la mise en oeuvre de cette mesure de simplification en excluant les demandes de permis introduites avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

La commission adopte l'amendement n° 1, et émet un avis favorable à l'article 7 ainsi amendé.

Article 8

La commission adopte l'amendement de clarification rédactionnelle n° 2 et l'article 8 ainsi amendé.

Article 11

La commission adopte l'amendement de précision n° 3 et l'article 11 ainsi amendé.

Article 11 bis

La commission adopte l'amendement de coordination n° 4.

Mme Chantal Jouanno.  - Je m'abstiendrai sur l'article, sur lequel j'ai une réserve de fond.

La commission adopte l'article 11 bis ainsi amendé.

Article 21

La commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Demande de saisine et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission désigne un rapporteur pour avis sur la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

M. Rémy Pointereau, président. - Cette proposition de loi a été envoyée au fond à la commission des finances, qui a désigné, la semaine dernière, son rapporteur, Jean-François Husson. Certes, ce texte comprend principalement une mesure d'ordre fiscal, mais son objectif relève pleinement de notre compétence. C'est pourquoi notre commission pourrait demander à s'en saisir pour avis. (Assentiment).

Ce texte reprend par ailleurs, en les modifiant, les éléments d'une proposition de loi des mêmes auteurs que nous avions examinée pour avis le 10 juin dernier, en en confiant le rapport à Odette Herviaux, qui pourra nous éclairer, de même, sur celui-ci.

Mme Odette Herviaux est nommée rapporteure pour avis sur la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

Mercredi 29 octobre 2014

- Présidence de M. Rémy Pointereau, vice-président, et de Mme Michèle André, présidente de la commission des Finances -

Péage de transit poids lourds et infrastructures de transport - Audition de M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède ensuite à l'audition de M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur le péage de transit poids lourds et les infrastructures de transport, conjointement avec la commission du développement durable.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. - Nous accueillons Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui s'est rendu disponible pour venir nous parler d'un sujet brûlant d'actualité : la suspension sine die de l'écotaxe et plus largement le financement des infrastructures de transport. L'écotaxe, devenue à l'occasion de la loi de finances rectificative de cet été le péage de transit poids lourds, devait financer l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Avec les membres de la commission du développement durable, nous avons souhaité vous entendre, afin de comprendre comment le Gouvernement entend assurer le financement des infrastructures en 2015 et les années suivantes. Les besoins sont considérables : projets de ligne à grande vitesse, canal Seine-Nord, ligne Lyon-Turin ou encore de multiples aménagements routiers dans nos territoires.

Je vous remercie de votre présence, qui ne suffira pas à épuiser les sujets d'intérêts communs entre nos deux commissions. J'espère que nous pourrons tenir prochainement une audition conjointe sur la transition énergétique et la fiscalité écologique.

M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission du développement durable. - Je vous prie d'excuser l'absence du président de la commission du développement durable, Hervé Maurey. Nous sommes heureux de vous accueillir devant la commission des finances et la commission du développement durable réunies : au Sénat, nous ne dissocions pas les problématiques de transport et d'aménagement du territoire des considérations financières.

C'est pourquoi nous sommes perplexes depuis l'annonce par la ministre de l'écologie, Mme Ségolène Royal, de la suspension sine die du péage de transit poids lourds, qui devait succéder à l'écotaxe et sur laquelle nous regrettons vivement que la ministre ne soit pas venue s'expliquer elle-même.

Cette suspension soulève en effet de nombreuses interrogations. Elle intervient trois mois à peine après l'adoption par le Parlement de ce dispositif. Or les travaux menés au Sénat comme à l'Assemblée nationale avant l'été concluaient clairement qu'il était possible et nécessaire qu'un tel dispositif entre rapidement en vigueur.

Nos rapporteurs, M. Jean-Yves Roux - pour les transports routiers - et M. Louis Nègre - pour les transports ferroviaires et collectifs -, vous interrogeront sur les conséquences de cette décision. Je souhaite pour ma part insister sur la question, cruciale, du financement des infrastructures de transport, sur laquelle nous avons de vraies inquiétudes. Le Gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre le scénario 2 de la Commission Duron. Comment le pourra-t-il ? Un récent rapport de la Cour des Comptes souligne la faible rentabilité des lignes à grande vitesse, mais il faut prendre en compte les problématiques d'aménagement du territoire. Merci d'avance des réponses précises que vous nous apporterez.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche. - Merci de m'avoir convié à cette réunion conjointe de vos deux commissions, dont je suis heureux de rencontrer les nouveaux membres.

Le Gouvernement a décidé de suspendre sine die l'écotaxe au terme d'un long processus au cours duquel les difficultés techniques rencontrées et l'incompréhension qu'elle suscitait ont conduit plusieurs d'entre vous à se faire l'écho du sentiment d'injustice qu'elle faisait naître. Dès le mois de juin, le Gouvernement a tenté d'améliorer cette situation en limitant le périmètre de la taxe à 4 000 kilomètres de routes non concédées. Les difficultés persistant, le Gouvernement, en concertation avec les transporteurs et les chargeurs, a décidé la suspension sine die.

Nous devrons tous réfléchir aux raisons de l'échec de l'écotaxe et du péage de transit poids lourds. Je pense que le système retenu ne pouvait qu'engendrer des difficultés dès lors que la loi garantissait la répercussion de la taxe des transporteurs sur les chargeurs. Par cette innovation singulière, le législateur s'immisçait dans les rapports contractuels ! Les dérapages qui ont suivi étaient d'autant plus regrettables que les transporteurs n'ont jamais vraiment remis en cause le principe de leur participation au financement des infrastructures qu'ils utilisent. Ce sont les modalités qui ont été contestées, et parfois violemment - ce qui a donné lieu à des troubles à l'ordre public, perturbants pour toute une profession si essentielle à notre économie. Le principe pollueur-payeur a été transformé par le dispositif retenu, qui faisait peser la taxe sur toute la chaîne de production, jusqu'à devenir méconnaissable - et inapplicable.

Cet échec est aussi dû, selon moi, à la méthode retenue. Le contrat liant l'État à la société Ecomouv' imposait des charges de fonctionnement très importantes. Il aurait sans doute fallu réfléchir à deux fois avant de confier le prélèvement d'une taxe à une entreprise privée - encore une première en France. Nous procédons actuellement à une expertise juridique de ce contrat, sur laquelle nous nous fonderons pour prendre nos décisions dans quelques jours. Nous serons particulièrement attentifs à la situation des douaniers, comme l'a déjà indiqué Christian Eckert, ainsi qu'à celle des salariés d'Ecomouv', dont les représentants seront reçus cette semaine par Ségolène Royal et moi-même.

La suspension a été décidée au terme de nombreux échanges, notamment avec les responsables des fédérations professionnelles du transport routier. Le Gouvernement n'entend pas renoncer au principe pollueur-payeur dans le financement des infrastructures. Tous s'accordent à trouver naturel que les transporteurs participent au financement de l'entretien des infrastructures du pays. Un groupe de travail a été créé à la suite de l'annonce de la suspension, pour chercher avec les transporteurs des recettes de substitution. Je le préside, il s'est réuni pour la première fois le 16 octobre dernier. L'étude d'une solution alternative à moyen terme, susceptible d'être mise en oeuvre le 1er janvier 2016, constitue un premier axe de travail. Les transporteurs étrangers devront être mis à contribution.

Pour répondre aux besoins de financement des infrastructures en 2015, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances une hausse de quatre centimes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les poids lourds, qui sera fléchée comme recette de l'AFITF. Cette disposition a été adoptée par l'Assemblée nationale mardi dernier, et j'espère que le Sénat confirmera ce choix. Ainsi, le budget de l'AFITF pour 2015 sera équivalent à celui de 2014 : environ 1,9 milliard d'euros. Aux 800 millions d'euros de recettes résultant de l'augmentation de deux centimes pour les véhicules légers, s'ajouteront les 350 millions d'euros issus de l'augmentation de quatre centimes pour les poids lourds, celle-ci se décomposant en une hausse de deux centimes similaire à celle imposée aux véhicules légers et une hausse de deux centimes remettant en cause l'exonération, pour les transporteurs, de la part de TICPE appelée « contribution climat - énergie », qui avait été octroyée du fait de la mise en place du péage de transit poids lourds.

Les négociations que nous conduisons avec les transporteurs devront déterminer une recette pérenne pour l'AFITF. Les poids lourds contribueront au même titre que tous les autres véhicules à l'effort de financement des infrastructures. Une nouvelle réunion du groupe de travail aura lieu en décembre, en vue de laquelle les fédérations de transporteurs sont invitées à présenter leurs propositions alternatives.

Le financement des infrastructures, qui sont un moteur de croissance et d'emploi, et contribuent à une meilleure desserte des territoires et donc à une plus grande égalité, doit être assuré. Une redevance d'usage, prélevée par la création d'une vignette, a été proposée par une organisation de transporteurs et certains chargeurs. Les poids lourds qui utilisent une ressource publique comme le réseau routier non concédé doivent contribuer à son entretien et à sa modernisation ; ils le reconnaissent d'ailleurs volontiers. Une autre solution serait de s'adresser aux sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), à la suite de l'avis rendu par l'Autorité de la concurrence. Le Premier Ministre a engagé une concertation avec elles.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - Pourquoi avoir parlé de report sine die et non, ce qui aurait été plus honnête, de suppression de l'écotaxe ? Si celle-ci est supprimée, il faut modifier le code des douanes et les collectivités territoriales, qui comptaient sur une part non négligeable de cette recette - en particulier les conseils généraux - doivent en prendre leur parti. Le secrétaire d'État chargé du budget ayant annoncé la réaffectation des personnels, il est clair que le dispositif est enterré.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances. - L'écotaxe a été adoptée, et modifiée, par le Parlement, à une majorité très large, tant à droite qu'à gauche. Il s'agissait de créer une véritable taxe écologique, en application du Grenelle de l'environnement. La ministre de l'écologie, en annonçant autoritairement sa suspension sine die, fait preuve d'un profond mépris pour le Parlement. La suspension sine die, d'ailleurs, cela n'existe pas ! Pourquoi ne pas parler d'abandon ? La mission du Gouvernement est d'exécuter les décisions votées par le Parlement, ou de revenir vers celui-ci s'il estime qu'une autre politique doit être menée. Nous ne sommes pas dans ce cas de figure. La ministre de l'écologie considère que l'on peut se passer du Parlement : ce n'est pas une bonne manière et ce n'est, en tout cas, pas notre conception de la démocratie.

La décision de supprimer l'écotaxe, prise à la hâte, est un désastre financier. Avez-vous suffisamment pris en compte l'existence du contrat qui lie l'État à la société Ecomouv' ? Que la perte de recettes soit compensée par la hausse des taxes sur le diesel, voilà une belle avancée ! C'est 1,2 milliard d'euros qui seront payés par des Français, quand quelques 30 % de l'écotaxe étaient supportés par les transporteurs étrangers. Ségolène Royal voulait taxer ceux-ci, avant de s'apercevoir qu'une directive européenne s'y oppose. Le résultat actuel est le pire possible : la facture sera acquittée par les véhicules légers ou les poids lourds français. Aberrant !

Pour recouvrer l'écotaxe, l'État a signé un contrat avec la société Ecomouv'. Celle-ci a rempli ses engagements : le système qu'elle a mis en place fonctionne. L'État l'a d'ailleurs reconnu cet été en signant un protocole additionnel. Il se trouve donc engagé à la fois par le contrat initial et par l'avenant de cet été. La suspension de l'écotaxe n'a pas de conséquence sur le contrat qui, lui, se poursuit. La commission d'enquête du Sénat, que j'ai présidée, a passé le contrat au crible, quand celle de l'Assemblée nationale se préoccupait surtout des solutions alternatives. Nous n'avons rien trouvé ! La société Ecomouv' était bien la moins chère. Si le contrat ne peut être exécuté du fait d'une décision unilatérale du Gouvernement, celui-ci devra indemniser son partenaire privé, tout en mettant à la casse un système technologique hautement performant. Beau résultat !

Dans le cadre d'une procédure à l'amiable, l'indemnité devrait atteindre 830 millions d'euros, si du moins la décision est prise avant le 31 octobre. Notre audition se situe donc à un moment clef. Après, le coût devrait augmenter d'au moins 100 millions d'euros. Le Gouvernement peut aussi emprunter la voie contentieuse. Dans ce cas, l'indemnité pourrait s'élever jusqu'à 1,5 milliard d'euros : Ecomouv' pourra, très légitimement, demander des dommages et intérêts. Le Gouvernement va-t-il faire le choix de la responsabilité budgétaire en procédant à la résiliation du contrat d'ici vendredi ?

Le budget des transports est-il sincère ? Vous nous avez brillamment montré comment le budget de l'AFITF sera maintenu aux alentours de 2 milliards d'euros. Mais quid de l'indemnisation d'Ecomouv' ? Celle-ci doit figurer dans les comptes de l'AFITF, et représente, au mieux, une somme d'environ 830 millions d'euros à verser en 2015.

Ma dernière question porte sur une information lue dans la presse. Avez-vous demandé à Corinne Lepage d'examiner la constitutionnalité du contrat ? S'agit-il d'une plaisanterie ? Sinon, combien coûte cette expertise ? Le choix de Corinne Lepage a-t-il résulté d'une mise en concurrence de plusieurs candidats ? Notre commission d'enquête a conclu que le contrat qui liait l'État à la société Ecomouv' est conforme à la Constitution. Y serait-il contraire, vous savez bien, pour avoir été avocat dans une vie antérieure, que nul - pas même l'État - ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! Il est faux de dire, comme vous l'avez fait, que l'État a confié le recouvrement d'une taxe à une entreprise privée. C'est, à tout le moins, un raccourci. Bref, cette décision aboutit à un véritable gâchis d'argent public et ce, à des fins purement politiciennes.

M. Louis Nègre, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Je prends acte du fait que l'écotaxe est morte et enterrée : il est vrai que le dispositif avait déjà été détricoté cinq fois, et qu'il n'en restait plus grand-chose.

Il est vrai que les transporteurs s'en plaignaient. Mais comment l'exécutif peut-il suspendre une décision du Parlement ? Si j'ai bien compris, la hausse de quatre centimes par litre de diesel ne compensera nullement la perte de recettes, de l'ordre de six centimes.

L'augmentation de deux centimes est une mesure d'urgence : il fallait garantir le budget de l'AFITF, dont la pérennité préoccupait tous les utilisateurs des infrastructures. Cependant, vous le savez, Bercy est toujours à l'affût et, quelle que soit la couleur du Gouvernement, cherche toujours à combler les déficits d'autres secteurs que celui des transports. L'affectation de cette ressource nouvelle doit donc être durablement garantie.

Où en sommes-nous du troisième appel à projets ? Quelques 80 collectivités territoriales ont présenté 120 projets. L'appel à candidature date de septembre 2013. Les réponses ont été rendues en décembre 2013. Nous approchons de décembre 2014, aucune décision n'est encore prise... Serez-vous, dans ce dossier, le père Noël ?

Le Gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre le scénario 2 élaboré par la commission Mobilité 21. Celui-ci coûtera quelque 30 milliards d'euros. Sera-t-il vraiment appliqué ?

J'ai voté contre la réforme ferroviaire parce que votre Gouvernement ne s'était pas préoccupé du traitement de la dette, qui dépasse 42 milliards d'euros et devrait gonfler jusqu'à 60, voire 80 milliards d'euros. Les rapports de l'école polytechnique de Lausanne comme ceux de la Cour des Comptes confirment que les travaux de renouvellement nécessaires n'ont pas été effectués. Une telle dette n'y aidera pas ! L'ouverture à la concurrence fera baisser les coûts d'exploitation d'environ 20 % : voilà une poire pour la soif ! La réforme ferroviaire ne s'attaquait pas non plus à la fraude, qui coûte plus de 500 millions d'euros par an. Comment notre pays peut-il accepter une telle situation ? Il l'encourage même : non seulement les contrôleurs ont parfois du mal à identifier les contrevenants, mais ceux-ci peuvent se trouver en contravention jusqu'à dix fois par an avant que la contravention ne se transforme en délit ! Et ce droit de tirage est renouvelé chaque année le 1er janvier.

Le plan de charge de l'industrie ferroviaire pour les années 2016 et 2017 est catastrophique. Je vous ai alerté plusieurs fois sur ce point. Dans l'industrie lourde, lorsqu'une usine ferme, il est bien difficile de l'ouvrir à nouveau. Nos constructeurs - Alstom, Bombardier, Thales - sont parmi les meilleurs dans le monde. Ils annoncent qu'ils fermeront peut-être certaines usines. Qu'allez-vous faire, face à cette urgence, pour rétablir la situation de l'industrie ferroviaire ?

Le Président de la République s'était engagé à faire le TGV du futur. M. Montebourg avait annoncé sa sortie en 2018. Où en sommes-nous ?

Vous avez débloqué environ 450 millions d'euros pour acheter 36 rames de TET : très bien, mais c'est insuffisant. Quand on prend le train Corail, on a l'impression de voyager non pas en France mais dans un pays en voie de développement...

M. Jean-Jacques Filleul. - Vous exagérez !

M. Louis Nègre, rapporteur pour avis. - Nullement. Le financement de la mobilité en France n'est pas stabilisé ni pérennisé. Il s'agit d'une des composantes fortes de l'attractivité de notre territoire. Je vous propose donc de tenir un Grenelle 3 consacré au financement de la mobilité.

M. Jean-Yves Roux, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Avez-vous entamé la procédure de résiliation du contrat liant l'État à la société Ecomouv' ? Combien coûtera-t-elle ? Avez-vous envisagé d'indemniser les sociétés de télépéage ? Quel avenir pour les salariés de la société Ecomouv', qui se retrouveront subitement sans emploi ? Qu'avez-vous prévu pour les fonctionnaires des douanes ? Que deviendront les portiques ? La compensation du manque à gagner par une hausse de la fiscalité suffira-t-elle ? Le Gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre le scénario 2 défini par la commission Mobilité 21. Pourra-t-il financer cet engagement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Pourquoi avons-nous annoncé la suspension du contrat et non sa résiliation ? Parce que la résiliation produit des effets immédiats, que vous avez bien rappelés. Certes, l'État pourrait assumer les conséquences financières de cette décision. Mais nous avons estimé qu'une analyse juridique approfondie du contrat s'imposait pour déceler d'éventuels problèmes. Ancien ministre des relations avec le Parlement, j'ai le plus grand respect pour les travaux du Sénat, mais l'État a le devoir de conduire toutes les diligences nécessaires. La constitutionnalité du contrat a été mise en cause par un professeur lors des auditions de la commission d'enquête, qui se référait à une décision du Conseil constitutionnel de 2003. Nous avons la responsabilité des deniers publics et donc nous avons le devoir d'aller au bout de cette démarche. Si la résiliation doit être prononcée, il y aura une discussion avec la société soit de nature transactionnelle, soit de nature contentieuse. Dans tous les cas, nous avons évidemment bien en tête la date du 31 octobre.

Suspendre l'exécution d'un contrat relève bien de la responsabilité du pouvoir exécutif, sans préjudice des pouvoirs du Parlement. De surcroît, la mise en oeuvre du péage de transit poids lourds allait jusqu'au 31 décembre 2015.

C'est vrai, cet échec est invraisemblable. Cette mesure avait été adoptée à l'unanimité. Les transporteurs eux-mêmes étaient d'accord. S'ils acceptaient le principe consistant à les faire payer, ils n'allaient tout de même pas jusqu'à féliciter le Parlement ! Au cours des débats, l'idée apparemment géniale est apparue de faire payer les chargeurs. Mais le chargeur, c'est l'agriculteur du coin, c'est le petit producteur de légumes, qui a découvert que les politiques avaient décidé d'augmenter la facture de l'expédition de leurs produits de 7 % à 10 %. Ce n'était pas très habile... En recherchant des solutions alternatives, je m'efforce d'éviter de reproduire cette erreur. Le marché s'était trouvé perturbé : plus personne ne sachant quels seraient les prix, les transactions s'étaient interrompues.

Nous avons constaté qu'une partie du corps social ne pouvait pas accepter cette loi, n'en déplaise au Parlement. Du reste, certains parlementaires soutenaient localement la contestation...

La modification fiscale que je vous ai présentée est valable pour 2015. Il n'est pas impossible qu'elle soit pérennisée, car certains transporteurs lui trouvent plusieurs avantages. Cependant, un système de vignettes permettrait de faire payer les poids lourds étrangers. À vrai dire, nous ne savons pas dans quelle mesure ceux-ci font leurs pleins en France. L'inconvénient de la vignette est que le paiement n'est pas proportionnel au nombre de kilomètres parcourus. Nous devons aussi garder à l'esprit que le prix du pétrole peut augmenter à nouveau. Dans ce cas, une action sur la fiscalité sera sans doute nécessaire. Le calendrier des groupes de travail est établi. Ils devront parvenir à leurs conclusions avant le mois de juin 2015, afin qu'un nouveau système puisse entrer en application le 1er janvier 2016.

Sur le troisième appel à projets, nous avons procédé après les élections municipales à des vérifications auprès des nouveaux élus. Ce travail est fini, et nous donnerons nos réponses courant décembre. Le scénario choisi après les travaux de la commission Mobilité 21 n'est aucunement remis en cause.

L'ouverture à la concurrence des systèmes de transport est prévue par le volet politique du quatrième paquet ferroviaire et par la loi ferroviaire elle-même. Les pays européens ne débattent plus que de la date à retenir. Nous devons prendre des précautions. L'ouverture à la concurrence posera la question de l'aménagement du territoire ; il est peu probable qu'elle améliore la situation des lignes pour lesquelles vous m'écrivez régulièrement.

C'est l'une des principales critiques que l'on peut faire au récent rapport de la Cour des comptes : sa vision ne peut être tout à la fois statique et comptable. Un débat sur l'aménagement du territoire et sur son financement s'impose : il ne trouvera pas sa réponse dans l'ouverture à la concurrence. Il est de notre responsabilité de les mener de front.

Le bilan des trains d'équilibre des territoires (TET) n'est satisfaisant ni pour la SNCF, ni pour l'État. Le service rendu n'est pas à la hauteur de l'idée de « trains d'aménagement du territoire ». J'ai donc décidé de renouveler pour un an la convention qui venait à échéance et de mettre en place en attendant une mission du même type que « Mobilité 21 ». Personne ne peut réfléchir aux questions soulevées par les TET et les trains express régionaux (TER) sans prendre conscience de la mutation que préparent vos débats sur les compétences des régions : les chantiers qui leur échappent aujourd'hui relèveront peut-être demain de leur gestion interne. Comme le note la Cour des comptes, il ne s'agit pas d'abandonner les TGV au profit des TER, mais d'assurer un niveau d'excellence sur les trains du quotidien. Telle est la réflexion qu'aura à conduire cette nouvelle mission.

L'état du réseau ferroviaire n'est pas satisfaisant. Des choix ont été faits ces dernières années à la demande pressante des grands élus. Lorsqu'a été lancée l'idée de quatre TGV en même temps, les gestionnaires du réseau se sont adaptés tant bien que mal. La réalité de Brétigny est passée par là. Notre priorité est désormais la maintenance du réseau. Nous avons perdu cette culture de la maintenance, avec les conséquences que nous observons sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Il est vrai qu'il est plus facile de décider de rénover une ligne, avec des résultats visibles et positifs, que d'assurer la maintenance au quotidien : cela ne se voit pas, mais c'est pour moi indispensable. Il s'agit désormais de rattraper vingt ou vingt-cinq ans de défaut de maintenance.

Louis Nègre avait également raison de m'interroger sur les fraudes. Près de 500 millions d'euros de fraude, ce n'est pas acceptable. La conclusion s'impose que notre système de contrôle n'est pas opérationnel et appelle une réorganisation.

Je réponds à Jean-Yves Roux d'une phrase : nous recevrons les salariés d'Ecomouv'. Christian Eckert a rassuré les douaniers, notamment sur la localisation de leur activité. Quant aux portiques, si nous en devenons propriétaires, les collectivités territoriales pourront en avoir l'usage.

M. Michel Bouvard. - J'ai avec Thierry Carcenac la charge du rapport spécial sur les douanes. Que vont devenir leurs 130 agents recrutés et affectés à Metz ? Les douanes peuvent-elles gérer le redéploiement de 130 personnes vers d'autres fonctions ? Quelles dépenses ont été engagées par l'État en plus de celles du recrutement ?

Vous l'avez dit de manière courtoise, monsieur le ministre : les parlementaires qui avaient voté le texte ont fait bon marché de leur responsabilité collective. Il ne s'est plus trouvé personne pour défendre la mesure lorsque nous avons été confrontés aux difficultés du système. Cette réforme connait ainsi le même sort que celle de la révision des bases d'imposition, votée dans un beau consensus parlementaire et qui n'a jamais vu le jour. Nous avons pourtant depuis des années un problème de financement des transports. Le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), destiné à apporter un financement durable aux infrastructures de transport, a été sacrifié par un gouvernement de la même majorité que celui d'aujourd'hui. On bute toujours, quinze ans plus tard, sur les difficultés de financement de l'AFITF. Nous avons renoncé à un dispositif qui existe pourtant dans d'autres pays européens et qui avait le mérite d'autoriser une déclinaison française. Je m'interroge dès lors sur le projet, dans lequel nous avons déjà investi un milliard d'euros, de nouvelle infrastructure ferroviaire sous les Alpes. Le Premier ministre a rappelé qu'il s'agissait d'une priorité du Gouvernement et du Président de la République. Nous allons devoir répondre à un appel à projet européen dans lequel nous serons interrogés précisément sur son financement. Or le système Ecomouv' aurait pu être appliqué au transit alpin, que ce soit par les tunnels routiers au Nord ou par le passage littoral au Sud, où le flux des poids lourds est considérable. Il s'agit bien, là aussi, de taxer du transit international et de le faire contribuer à la réalisation d'infrastructures indispensables tant pour des raisons environnementales que d'arrimage de l'Italie du Nord à l'économie de notre pays. Quelle sera demain notre crédibilité pour justifier de nouvelles mesures financières ? Où trouverons-nous les ressources nécessaires ?

En 1995, je rapportais le budget des transports terrestres : j'avais déjà soulevé alors les problèmes de l'absence de pouvoir de police des contrôleurs et du coût de gestion des amendes, plus élevé que leur montant. Il est donc urgent que nous trouvions le courage de faire quelques réformes, notamment en donnant des pouvoirs de police aux contrôleurs.

M. Jean-Jacques Filleul. - Je partage, monsieur le ministre, votre avis sur l'échec de l'écotaxe. La commission d'enquête du Sénat a examiné longuement le dossier. Alors que l'écotaxe avait été votée avec la loi de finances pour 2009, aucun décret d'application n'est sorti avant mai 2012. Il est vrai qu'Ecomouv' non plus n'était pas prêt.

Je me réjouis que le gouvernement ait réglé le problème du financement de l'Afitf pour 2015, même si nous sommes d'accord pour souhaiter des solutions pérennes.

La commission du développement durable a reçu mercredi dernier Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence et l'a entendu au sujet de la privatisation des autoroutes en 2006 et des contrats avec les sociétés concessionnaires. Nous en voyons aujourd'hui les conséquences : hausses de tarifs injustifiées aux yeux de la Cour des comptes elle-même ; autorisation accordée aux SCA de déduire de leurs résultats les intérêts de leurs emprunts, pour un avantage cumulé de trois milliards d'euros à ce jour ; financement par l'État, à hauteur de 405 millions, de la mise en place du télépéage à trente kilomètres à l'heure, ce qui n'a pas empêché les SCA d'intégrer cet investissement dans le calcul de l'augmentation des péages.

La taxe à l'essieu a été ramenée au minimum par le gouvernement de l'époque avant même que l'écotaxe ait été mise en oeuvre. Peut-être y a-t-il là une marge de manoeuvre lors de vos discussions avec les transporteurs routiers... Avez-vous abordé ce sujet lors des tables rondes auxquelles vous avez participé avec eux ?

M. Éric Doligé. - Je suis choqué de voir l'État tenter de se soustraire à un contrat qu'il avait signé. Vous n'avez pas répondu à la question d'Albéric de Montgolfier : les collectivités territoriales attendent depuis des années le produit de cette taxe. Elles investissent, financent et entretiennent les infrastructures sans disposer des recettes correspondantes. Les avez-vous elles aussi passé par pertes et profits ?

M. François Aubey. - Pourrions-nous aborder le transport aérien ?

Mme Michèle André, présidente. - Ce sujet n'entre pas tout à fait dans le champ de l'audition d'aujourd'hui, tel que nous l'avions arrêté en accord avec le ministre. Je vous informe que la commission des finances vient d'admettre le principe de reconstituer le groupe d'études sur l'aviation civile.

Mme Marie-France Beaufils. - Nous avions émis de fortes réserves au sujet d'Écomouv' et le choix du PPP n'avait pas eu notre accord. Des taxes ayant depuis longtemps été instaurées dans d'autres pays européens, les transporteurs ont dévié leurs trajets vers la France, tout en continuant à faire le plein dans leur pays d'origine. Cela confirme la nécessité d'un outil propre à contraindre les transporteurs à contribuer à l'entretien de notre réseau routier.

Envisagez-vous d'aborder la possibilité de la participation des sociétés concessionnaires d'autoroutes au financement de l'AFITF ? Nous ne verrions d'ailleurs pas d'un mauvais oeil la renationalisation des autoroutes, dont les ressources viendraient alimenter l'AFITF. Cette idée fait d'ailleurs son chemin dans la presse spécialisée.

Je partage entièrement votre avis sur la taxation des poids lourds : il faut tenir compte de la façon dont les transporteurs la répercutent sur les chargeurs, dont l'activité est souvent fragile. Raison de plus pour suivre la piste des sociétés autoroutières.

La question des infrastructures ferroviaires et du matériel est, comme l'a souligné Louis Nègre, très préoccupante. L'étude de l'école de Lausanne avait démontré l'ampleur des dégradations, et l'accident de Brétigny l'a, hélas, confirmée.

Deux pays nous apportent la preuve que les financements publics sont indispensables à régler ce problème : l'Angleterre et l'Allemagne, toutes deux contraintes de réinvestir par le budget de l'État dans le redressement des infrastructures. La commission met beaucoup d'espoir dans l'ouverture à la concurrence : on voit ce qu'il en a été dans ces deux pays.

Le rapport de la Cour des comptes n'intègre pas, comme il le devrait, son étude du TGV dans le schéma national de transport, sa vision en est trop partielle et son analyse trop étroite.

Mme Évelyne Didier. - Le découpage par mode de transport et par type d'activité ne permet pas d'équilibrer l'aménagement du territoire : il s'agit de financer les infrastructures peu rentables par celles qui le sont davantage.

Étant lorraine, des environs de Metz, je sais que la rupture du contrat avec Ecomouv' n'affecte pas seulement des douaniers, mais aussi des personnels qui ont été formés sur place et ont commencé à y travailler. On leur a promis beaucoup. Il n'est pas étonnant qu'ils soient en difficulté et s'inquiètent de leur avenir. Les 130 emplois d'Ecomouv' méritent toute notre attention.

Voilà trente ans que le réseau ferroviaire est négligé. C'est une responsabilité collective qui appelle la mise en oeuvre d'une politique volontariste et des engagements budgétaires réguliers.

Le transport routier doit, vous l'avez dit, participer au financement des infrastructures. Si les transporteurs en ont accepté le principe, nous attendons qu'ils fassent effectivement preuve de bonne volonté. Le transport ferroviaire contribue, par la location des sillons, au financement de l'infrastructure ferroviaire. Il y a donc distorsion de concurrence, de ce point de vue, entre les deux modes de transport.

Quant aux contrôleurs, n'oublions pas qu'ils constituent tout le personnel de bord des trains, dans lesquels ils ne sont souvent que deux, voire seuls. Or leurs fonctions débordent largement celle du contrôle.

M. Maurice Vincent. - J'assume mes interventions auprès de vous pour suspendre la taxe sur les poids lourds dans la région stéphanoise ; tous les parlementaires s'accordaient à dire qu'elle était dangereuse. Le Gouvernement a pris une bonne décision sans laquelle la France aurait été bloquée trois semaines.

Tirons les leçons de cet échec et mettons en place un système simple et pratique pour financer les infrastructures. La vignette pourrait être une bonne solution. Faisons simple, concret. Je suis heureux que le scénario 2 ait été retenu pour l'autoroute à péage A 45 entre Lyon et Saint-Etienne.

M. Jérôme Bignon. - Le défaut d'entretien des voies met en danger la sécurité des passagers, mais aussi l'aménagement du territoire : les voies mal entretenues finissent par être déclassées. C'est une manière détournée d'abandonner des lignes secondaires qui revêtent pourtant un intérêt nouveau, à la lumière de notre souci du développement durable. J'ai été l'un des premiers à signer, il y a 30 ans, une convention entre la région Picardie et la SNCF : ceux qui riaient alors seraient assez ridicules maintenant que les TER ont pris l'importance que l'on sait.

Je prends le train quatre fois par semaine entre la Somme et Paris : j'ai pu constater que le contrôle demande de la détermination et du courage ; cela dépasse parfois le métier de contrôleur et s'apparente à une opération de police. Vous ne montez pas dans un avion ou un bateau sans avoir été contrôlé. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les trains ? C'est une invitation à monter sans payer, puisqu'il n'y a pas de contrôle dans trois trains sur quatre. Quelqu'un d'un peu marginal serait fou de payer dans ces conditions. D'ailleurs, le contrôle est préalable dans certains trains : cela ne scandalise personne !

Le premier ministre a dit que le canal Seine-Nord se ferait mais qu'il fallait de l'argent. L'Union européenne est prête à en donner, comme sur le Lyon-Turin. Ce serait dommage de ne pas en profiter, notamment à la veille d'un rapprochement très étroit entre Picardie et Nord-Pas de Calais...

M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission du développement durable. - Je m'interroge sur la hausse de quatre centimes sur le gazole, qui pénalisera globalement les consommateurs et non les acteurs que l'on veut cibler : les transporteurs étrangers utilisent de plus en plus souvent des réservoirs de grande capacité ; ceux qui transitent entre l'Espagne et la Belgique ou l'Allemagne feront le plein dans un pays où le carburant est moins cher. Nos transporteurs, submergés notamment par des coûts de main d'oeuvre bien plus élevés - sans parler des horaires - que leurs concurrents, risquent d'en souffrir. Il faut certes financer l'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Mais cela suffira-t-il ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Les quatre centimes devraient produire 1,15 milliard d'euros.

M. Rémy Pointereau, vice-président de la commission du développement durable. - Donc, si l'on enlève les 800 millions qu'il faudra verser à Ecomouv', il ne reste rien, puisque l'AFITF est en retard de paiement de 500 millions d'euros sur les lignes actuellement en travaux.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Les recettes consacrées au financement des infrastructures sont non seulement fléchées, mais sécurisées pour l'année 2015. Quoi qu'il arrive, ce n'est pas sur ce budget là que l'on viendra ponctionner les sommes nécessaires au paiement d'une indemnité. Notez bien que je ne dis pas que l'État devra faire face à une telle somme. Mais, pour répondre à votre question et à l'hypothèse dans laquelle vous vous placez, je peux vous rassurer : on ne va pas diminuer les ressources disponibles pour les infrastructures au motif qu'il y aurait une indemnité à payer. Pour ma part, je ne dis pas qu'il y aura une indemnité à payer.

Le Lyon-Turin est un enjeu important non seulement pour le million de camions qui circulent sur cet axe, mais aussi pour l'équilibre territorial autour de l'arc alpin : sans cette infrastructure, le trafic en provenance d'Italie se réorienterait vers la Suisse et l'Allemagne. Il serait irresponsable de ne pas être au rendez-vous de l'Union européenne, qui propose d'en financer 40 % : c'est considérable ! Il faudra aller vite, puisque le dossier doit être déposé avant le 26 février. Comment le financer ? Il faut examiner si la directive Eurovignette peut être mise en oeuvre sur ce tronçon : le financement de cette infrastructure par une vignette spécifique ou une majoration de vignette me semble justifié. Vous avez élargi l'assiette de cette vignette éventuelle au transit alpin au sens large : c'est sans doute cela qui fera débat. Est-ce la bonne solution ? Le Premier ministre désignera deux parlementaires en mission pour répondre à cette question.

La privatisation des autoroutes fait partie du débat. Le Premier ministre a engagé le débat avec les sociétés d'autoroute ; parallèlement, l'Assemblée nationale a créé une mission d'information sur ce sujet ; je sais que des initiatives comparables sont en préparation au Sénat. Le Gouvernement n'est pas resté l'arme au pied sur ces questions : il a augmenté de 50 % les redevances domaniales, produisant 100 millions d'euros en 2013 ; mais soyons honnêtes : cette recette nouvelle pour l'État ne réduit pas les bénéfices des sociétés, puisqu'elle peut être répercutée sur les péages.

La taxe à l'essieu présente un inconvénient de taille : elle ne concerne que les camions français. Nous devons l'écarter. Je n'ai pas de statistiques sur le carburant ; on croit généralement qu'il est moins cher ailleurs. En fait, ce problème se pose moins qu'avant, compte tenu de l'évolution des prix dans les pays voisins, y compris avec quatre centimes supplémentaires. Le gazole est moins cher en France qu'en Espagne ou en Italie ; son prix est sans doute comparable en Allemagne et en Grande-Bretagne. Vérifiez !

Neuf collectivités attendaient une recette particulière de l'écotaxe pour un montant de 20 millions d'euros. Il faut être honnêtes : si le contrat s'arrête, elles n'en bénéficieront pas.

Vous parlez de l'exemple anglais : prenons en compte le coût pour l'usager. Dans des capitales comme Londres, le métro ou le train est considérablement plus cher qu'à Paris. Des pays ont fait le choix d'un système ou le déplacement n'est pas considéré comme un service public, et devient, sinon un luxe, du moins une dépense comparable aux loyers. Nos concitoyens arbitreront, mais ils doivent le savoir.

Je ne raconterai pas d'histoires sur l'A 45 : nous attendons le résultat de la recherche compliquée d'un équilibre financier avec la participation des collectivités locales. Nous assumerons ensuite publiquement le débat. Le canal Seine-Nord présente un enjeu considérable : il ne faut pas se borner à faire un tuyau qui offrirait à Anvers un accès plus rapide à Paris ! Ce canal peut donner l'occasion de réaliser une grande opération d'aménagement desservant aussi Dunkerque et le Havre. Une mission a été confiée à Rémi Pauvros ; je réunirai des élus à la demande du Premier ministre pour avancer sur le terrain.

Les formes alternatives de contrôle existent ; c'est par exemple remplacer le contrôle systématique par un seul contrôleur, impossible dans un train bondé, par un contrôle régulier et aléatoire par des équipes. C'est ce qui est vécu au quotidien par de nombreux usagers, notamment dans le Transilien. La question sur un contrôle préalable dans les trains mérite réflexion. L'accès direct est un des avantages comparatifs du train, mais les nouvelles technologies n'effaceraient-elles pas les inconvénients d'un contrôle préalable ?

Mme Michèle André, présidente. - Je vous remercie pour la qualité de votre écoute et la précision de vos réponses.

La réunion est levée à 16 h 55.