Mardi 7 janvier 2014
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Questions diverses - Composition de la commission
M. Philippe Marini, président. - En cette première séance de l'année, je renouvelle à chacune et à chacun d'entre vous tous mes voeux, en particulier à celles et à ceux qui sont soumis à la rude loi du suffrage.
Notre collègue Marc Massion ayant quitté son mandat de sénateur le 31 décembre 2013, il ne fait plus partie de notre commission. J'ai le grand regret de le voir partir, tant il est affable et soucieux du bien commun. Nous nous sommes encore longuement entretenus lors de notre récent déplacement à Vilnius, au mois d'octobre, pour la première conférence interparlementaire sur la gouvernance économique européenne. Dès son arrivée au Sénat en 1995, Marc Massion a été membre de notre commission. Il en a été secrétaire et vice-président et il a notamment rapporté les crédits de la mer, ceux du commerce extérieur, puis ceux de l'outre-mer et, depuis 2011, il était co-rapporteur spécial du prélèvement européen avec Jean Arthuis. Si vous n'y voyez pas d'objection, je lui adresserai en notre nom à tous un courrier pour lui exprimer notre amitié et notre reconnaissance pour le travail accompli au sein de notre commission pendant dix-huit ans.
Son siège au Sénat est désormais occupé par Didier Marie, mais c'est Jacques Chiron, sénateur de l'Isère, qui siégeait à la commission de la culture, qui a rejoint notre commission à la place de Marc Massion. Je suis heureux de lui souhaiter la bienvenue.
Financement des politiques culturelles - Audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication
La commission procède à l'audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur le financement des politiques culturelles.
M. Philippe Marini, président. - Votre audition, Madame la Ministre, avait été évoquée bien avant le cycle budgétaire, mais elle revêt une actualité toute particulière, puisqu'un rapport réalisé conjointement par votre ministère et par le ministère de l'économie et des finances, relatif au soutien public de l'État en faveur de la culture et au poids de ce secteur dans notre économie, vient d'être publié. D'après ce rapport, l'État dépense plus de 13 milliards d'euros en faveur de la culture. Il est vrai que le secteur regroupe des politiques publiques très diverses, notamment les aides à la presse qui ont fait l'objet de travaux récents de notre commission, appuyés sur ceux de la Cour des comptes, mais aussi la protection du patrimoine, le soutien au livre et aux industries culturelles, le financement de la création...
Ce soutien est d'autant plus important que la plupart des acteurs du monde culturel sont aujourd'hui confrontés à la révolution du numérique et à la concurrence déloyale exercée par un certain nombre de sociétés étrangères, surtout américaines. Des initiatives s'imposent donc pour garantir un partage équilibré de la valeur à l'heure d'Internet. Il faudra veiller au respect du droit des auteurs et au respect des données personnelles, autrement dit des libertés publiques.
Ce montant de 13 milliards d'euros peut paraître élevé dans le contexte budgétaire actuel. Lors de vos premières communications, vous annonciez vouloir réduire l'effort d'investissement directement à la charge de l'État et vous évoquiez la nécessaire rationalisation des dépenses fiscales au sein de votre ministère. Depuis 2009, notre commission a contribué à poser dans notre pays le problème de la fiscalité de l'économie numérique et le rapport de la mission conduite par Pierre Lescure pour un « Acte II de l'exception culturelle » à l'ère du numérique rejoint nos préoccupations. J'avais déposé une proposition de loi en ce sens, rapportée par Yvon Collin qui, avec sa subtilité toute radicale, avait souligné la qualité de l'initiative, tout en repoussant son adoption à des jours meilleurs.
Sans plus attendre, je vous cède la parole, Madame la Ministre, pour un propos liminaire à l'issue duquel nous vous demanderons de bien vouloir répondre à nos questions. Enfin, je précise que votre audition est ouverte à la presse.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. - Merci de m'avoir conviée à cet exercice qui n'a rien d'habituel. Je suis heureuse de pouvoir m'exprimer devant vous, tant les questions économiques et fiscales sont au coeur de mes préoccupations. Le récent rapport de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l'inspection générale des finances (IGF) intitulé L'apport de la culture à l'économie en France montre que notre pays peut compter sur les différents secteurs de la culture pour agir sur la croissance, l'emploi et l'attractivité du territoire.
En 2014, le budget de mon ministère s'élèvera à 7,26 milliards d'euros. Ce budget est conforme à la programmation triennale votée par le Parlement en 2012. Il diminue globalement de 2 % : le ministère de la culture participe au redressement des finances publiques, mais il n'y a pas eu d'accentuation de cet effort pour 2014. Néanmoins, dès ma prise de fonction, j'ai entrepris de restructurer ce budget, afin qu'il participe à l'effort général de redressement des comptes publics sans que ses missions fondamentales soient affectées. J'ai ainsi défini des priorités et cet exercice nous a permis de mettre un terme à l'accumulation de travaux parfois justifiés, mais parfois moins, et qui entraînaient des dépenses d'investissement, mais aussi de fonctionnement, extrêmement lourdes. C'est pourquoi certains projets ont été poursuivis mais d'autres rééchelonnés, recalibrés ou même arrêtés.
J'ai préservé les missions fondamentales du ministère en faveur des secteurs qui ont un impact sur nos territoires, sur l'économie et sur la vitalité de la création, dans le domaine du spectacle vivant, des arts visuels, de l'édition littéraire ou de la musique.
J'ai tenu à rééquilibrer le soutien apporté aux grands établissements, souvent parisiens, qui peuvent supporter une diminution des subventions en les compensant par une augmentation de leurs ressources propres, grâce au mécénat notamment. En revanche, les structures les plus fragiles et les crédits déconcentrés ont été préservés, voire augmentés. En outre, j'ai souhaité mieux soutenir l'éducation artistique et culturelle, conformément à la mission du ministère, afin de garantir l'égal accès des jeunes à la culture.
J'ai aussi soutenu les actions qui garantissent l'emploi et l'activité des entreprises qui oeuvrent dans le domaine des monuments historiques. Ces entreprises du secteur de la restauration, du bâtiment et des travaux publics génèrent des dizaines de milliers d'emplois et les effets récessifs de la suspension de certains chantiers seraient catastrophiques. En outre, quand on n'entretient pas de façon régulière les cathédrales, les travaux se révèlent, à terme, extrêmement coûteux. Il vaut donc mieux, du point de vue des finances publiques, permettre un entretien régulier de nos monuments.
Au total, ce budget marque une réduction sélective et réfléchie des dépenses et la fin d'une politique centrée sur les grands projets qui avait absorbé toutes les marges de manoeuvre du ministère, menaçant les moyens de fonctionnement de l'ensemble de ses structures et, en définitive, ses missions fondamentales. Vous avez consacré à cette question un certain nombre de travaux, comme le rapport de Yann Gaillard sur la Philharmonie de Paris.
Cette année encore, ces économies et ces redéploiements financeront mes priorités. Nous poursuivrons notre action en faveur de la jeunesse avec le projet national pour l'éducation artistique et culturelle que j'ai présenté en septembre, qui financera 1 000 projets supplémentaires par an dans tous les territoires ; nous conforterons les moyens de l'enseignement supérieur du ministère de la culture qui forme 35 000 étudiants par an, en architecture, dans les écoles d'art, de design, d'arts appliqués, de photographie, de théâtre.
En outre, nous maintiendrons l'effort national en faveur du patrimoine et nous préserverons les moyens d'intervention de l'État en région, surtout dans le domaine de la création, car l'emploi culturel dans le spectacle vivant ou les arts plastiques est extrêmement important.
Enfin, nous ferons entrer le ministère dans l'ère numérique. Le président Marini a évoqué la révolution du numérique qui perturbe considérablement l'économie de la culture. Nous devons mettre en place une régulation adaptée de l'offre des industries culturelles fondée sur la lutte contre la contrefaçon commerciale et le téléchargement illégal, le développement de l'offre légale et de nouveaux outils de financement de la création. Il s'agit ainsi d'élargir l'assiette de certains dispositifs pour faire entrer les nouveaux diffuseurs numériques dans le financement de l'exception culturelle.
Nous serons plus à l'écoute de la culture telle qu'elle se fait, avec ceux qui la font. Nous favoriserons l'émergence et nous accompagnerons la transition des secteurs économiques vers le numérique, tout en menant une action responsable. Avec les collectivités locales, nous mettrons en oeuvre ces priorités dans le cadre du plan d'éducation artistique.
Les professionnels de la culture et les autres ministères concourent bien évidemment à la politique culturelle, dont le périmètre dépasse largement mes seuls crédits budgétaires, comme le montre le rapport que vous avez évoqué. Il faut en effet y agréger le compte de concours financiers relatif aux avances à l'audiovisuel public, les taxes affectées - qui font l'objet de nombreux débats au sein de votre commission - et, enfin, les dépenses fiscales.
En 2014, nous vous proposerons des textes pour repenser l'action publique en matière culturelle : une loi sur la création intégrera les dispositions de l'acte II de l'exception culturelle issues des recommandations du rapport Lescure ; une loi sur les patrimoines revisitera les régulations de ce secteur capital des politiques culturelles, qui impacte le tourisme, le développement local, ou encore l'urbanisme.
J'en viens au résultat des travaux de l'IGAC et de l'IGF. Avec Pierre Moscovici, nous avons lancé cette étude, qui en complète d'autres, comme celle de la coalition France Créative, il y a près d'un an. Le rapport démontre que la culture, au sens étroit du terme, représente 670 000 emplois et 58 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit 3,2 % du PIB, l'équivalent de l'agriculture et des industries agro-alimentaires. En y ajoutant les secteurs qui bénéficient des retombées indirectes et induites de la culture, on arrive à 5,8 % du produit intérieur brut (PIB). En y intégrant la mode, le luxe et la gastronomie, les 10 % du PIB sont atteints, soit deux millions d'emplois. Cette étude nous donne des outils pour comprendre le poids respectif de l'État et des collectivités locales dans le financement des politiques culturelles : ces dernières, surtout les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), y participent à hauteur de 7 milliards d'euros. Le musée Guggenheim de Bilbao, mais aussi le Centre Pompidou de Metz ou le Louvre à Lens démontrent que les investissements des collectivités sont rentables, aussi bien en termes d'image que d'attractivité économique.
Un chapitre de ce rapport, qui est disponible sur le site de mon ministère, est consacré aux retombées économiques des différents festivals qui parsèment le territoire.
Je tiens à insister sur la cohérence de ma politique, au plus près des besoins de nos concitoyens les plus jeunes et des collectivités territoriales, afin que la France demeure un grand pays de culture, bénéficiant de l'effet de levier de ses investissements et de ses dépenses, à l'échelle nationale comme dans chacun de ses territoires.
M. François Marc, rapporteur général. - Je vous remercie de venir répondre à nos questions. La commission des finances est composée de femmes et d'hommes de culture. L'exception culturelle est régulièrement évoquée ici et le fait que nos débats budgétaires aient permis d'adapter les taux de TVA pour tenir compte de cette exception démontre notre engagement.
Nous avons bien noté votre volonté d'être vigilante sur les dépenses et de procéder à leur réduction sélective. Justement, en 2014, il sera question de réforme de la fiscalité et d'économies budgétaires : les dépenses fiscales seront regardées de près. Avez-vous commencé à passer au peigne fin l'ensemble de ces dépenses ?
S'agissant de la tutelle du ministère sur ses opérateurs, d'après vos réponses aux questionnaires budgétaires, seuls 23 des 81 opérateurs qui dépendent de votre ministère ont signé un contrat de performance et 16 documents stratégiques sont en cours de préparation, soit un taux de l'ordre de 30 %. Allez-vous accroître cette proportion ? Au-delà, quelles mesures prendrez-vous pour améliorer l'exercice de la tutelle ?
En outre, le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 18 décembre dernier a prévu le développement des ressources propres des établissements publics culturels de l'État. Cette intention est louable, et notre commission ne peut qu'encourager sa mise en oeuvre, mais quelles sont concrètement les pistes envisagées pour accroître ce type de ressources ? Les prix d'entrée vont-ils augmenter ? Le mécénat sera-t-il encouragé ? Des objectifs spécifiques seront-ils fixés ?
Enfin, le rapport Lescure propose la création d'une taxe sur les appareils connectés destinés à stocker ou à lire des contenus culturels, dont le produit serait affecté prioritairement au financement du développement numérique des industries culturelles. Ce projet de taxe n'a pas été retenu dans la loi de finances pour 2014. Qu'en sera-t-il pour 2015 ?
Mme Aurélie Filippetti. - Effectivement, la création d'une contribution sur les terminaux connectés (CTC) nécessite, au préalable, des expertises approfondies, en période de pause fiscale. Afin de ne pas alourdir la pression fiscale globale, cette contribution aurait vocation à se substituer progressivement à la baisse prévisible de rendement de la rémunération pour copie privée qui, à l'heure actuelle, ne diminue pas. Mais cela sera le cas dans les années à venir car les supports de la copie privée sont les outils de stockage des appareils électroniques. Or, aujourd'hui, on y recourt beaucoup moins, du fait de l'apparition de pratiques en ligne telles que le streaming.
Il n'y a donc pas urgence à créer la CTC, mais nous travaillons avec les services de Bercy afin d'élargir l'assiette de la fiscalité touchant les supports physiques de stockage à ces nouvelles pratiques de plus en plus répandues. Le rapport Lescure évalue à 86 millions d'euros le rendement de la CTC. La question reviendra sûrement à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2015 : je souhaite qu'on puisse défendre cette proposition qui va dans le sens de la neutralité technologique, principe souhaitable en matière fiscale : il n'y a pas de raison que l'on taxe les cassettes vidéos et les walkmans, d'ailleurs de moins en moins utilisés, et pas les supports modernes dont on se sert aujourd'hui.
Depuis dix ans, les ressources propres des opérateurs du ministère de la culture se sont accrues de 48 % grâce à dix années d'application de la loi du 1er août 2003 sur le mécénat. Mais l'inégalité reste grande entre les établissements parisiens qui peuvent attirer les mécènes et ne s'en privent pas, et les plus petits établissements ou ceux qui se trouvent en province. Je cherche donc à faire mieux connaître et à adapter le dispositif sur le mécénat, pour qu'il attire davantage les petites et moyennes entreprises (PME) implantées dans les régions. Quant à la billetterie, j'ai donné mon accord à la proposition du Louvre de mettre fin à la gratuité des dimanches d'été, où les files d'attente sont essentiellement constituées de touristes étrangers, auxquels certains aigrefins vendent même de faux billets.
De plus, j'ai fait évaluer les conséquences de la gratuité pour les 18-25 ans : cette mesure ayant des effets positifs, elle a été maintenue. Les établissements parisiens ont des taux de ressources propres très élevés : 45 % pour le Louvre, 80 % pour le Grand Palais. Quels que soient leurs efforts en la matière, il sera très difficile aux petits établissements d'en faire autant. Je les soutiendrai, mais ne nous attendons pas à des miracles : des subventions publiques demeureront nécessaires à leur équilibre économique.
Les « contrats de performance », appellation peu élégante à laquelle je préfère celle de « contrats d'objectifs », se généralisent à tous nos opérateurs. Nous avons mutualisé un certain nombre de services pour réduire les coûts que ceux-ci supportent.
Les dépenses fiscales représentent 1,26 milliard d'euros : pour 57 %, il s'agit des dégrèvements de redevance à l'audiovisuel public et de la récupération de TVA par les entreprises de l'audiovisuel. Pour le reste, il s'agit de crédits d'impôt, notamment en faveur du cinéma et des jeux vidéo. Tout crédit d'impôt fait l'objet d'une évaluation. Dans le cadre du budget 2013, l'assiette des crédits d'impôts cinéma national et international a été élargie et améliorée. En un an, les résultats sont là : il y a eu un tiers de moins de délocalisations de tournages de film français vers l'étranger. En outre, nous avons attiré des tournages étrangers. Ces mesures s'imposaient face aux tax shelters attractifs de la Belgique et du Luxembourg. La France a également d'autres atouts. Je vous fournirai, dans les mois qui viennent, une évaluation plus précise de ces deux crédits d'impôt.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - D'après les données dont j'ai pu disposer au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, le coût du chantier de la Philharmonie de Paris devrait s'élever au final à 396 millions d'euros. Ce montant est-il susceptible d'évoluer encore à la hausse ? Où en sont les discussions avec la ville de Paris et la région Ile-de-France sur la prise en charge des surcoûts ? L'on sait cette dernière très réservée sur la participation qui lui est demandée.
En outre, dans mon rapport d'octobre 2012, j'avais souligné les incertitudes sur le coût de fonctionnement du futur auditorium en régime de croisière. Je souhaitais obtenir des données fiables sur le budget et sur les prévisions de fréquentation de la nouvelle salle. Enfin, le rapport demandait des précisions sur les mutualisations entre la nouvelle salle et la Cité de la musique, mises en avant par l'association de préfiguration de la Philharmonie de Paris. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Par ailleurs, où en sont les scenarii de reconversion de la salle Pleyel qui étaient encore très vagues lors de la publication du rapport en 2012 ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Les élus locaux s'inquiètent souvent des recherches archéologiques préventives.
Quel premier bilan dressez-vous de la réforme de la redevance d'archéologie préventive (RAP) en 2012, qui devait permettre de renforcer le financement de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ? Cette année sera consacrée à l'élaboration d'un avenant au contrat d'objectifs de l'opérateur : pouvons-nous en connaître les grandes lignes ? La tutelle de l'Inrap sera-t-elle renforcée ?
Quand sera présenté le projet de loi sur les patrimoines ? S'agissant du Centre des monuments nationaux (CMN), ce texte prévoira-t-il la redéfinition de son périmètre ainsi que l'inscription, dans la loi, du principe de péréquation des ressources entre les monuments, susceptible de garantir à l'opérateur le bon fonctionnement du patrimoine monumental dont il a la responsabilité ?
Enfin, pardonnez cette question iconoclaste, mais certains pays de l'Union européenne n'ont pas de ministère des affaires culturelles...
M. Richard Yung. - Ils n'ont pas eu Malraux...
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Certes, depuis Malraux, nous en avons un, mais les différences entre pays sont-elles si importantes ?
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - À vous entendre, Madame la Ministre, tout va très bien... Je ne partage pas votre optimisme : certains titres de la presse périclitent. Avec la fin du moratoire, la presse spécialisée est en grand danger car l'essentiel du transport s'effectue par voie postale. Je suis très inquiet pour un certain nombre de titres de la presse générale, d'information, et sur certains titres de la presse spécialisée.
Vous avez à peine évoqué France Télévisions alors que 1 000 emplois vont disparaître, en grande partie à France 3, c'est-à-dire dans les régions. Mais rien n'est fait et la publicité n'est toujours pas autorisée le soir ! On ne bouge pas, on ne change rien...
Vous avez évoqué la révolution numérique. Quid du taux de TVA de 20 % pour la presse en ligne et de 2,1 % pour la presse écrite qui se porte très mal ? On ne vous entend guère sur le sujet...
Si l'Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet) était si mauvaise que vous l'avez dit, il aurait fallu la supprimer. Or, si ses crédits de fonctionnement ont diminué, elle perdure. Transférez cette compétence au CSA, qui n'y est pas préparé, si c'est ce que vous voulez ! Mais décidez-le ! Il ne semble pas dans vos intentions d'abandonner la taxe Smartphone qu'avait suggérée Pierre Lescure. Mais le président de la République ne parle-t-il pas d'alléger les impôts ? Tout cela n'est pas très cohérent.
Vous avez mis fin au projet de regroupement en Seine-et-Marne de l'INA. La jeune équipe entreprenante de cet établissement avait accumulé des moyens pendant des années, grâce aux recettes de commercialisation des archives publiques dont il a le monopole, pour opérer ce transfert : vous leur avez tout pris ! Cela n'encourage pas de telles initiatives.
Vous êtes le septième ministre devant lequel je rapporte ce budget. Catherine Tasca et Catherine Trautmann, pour ne citer qu'elles, sollicitaient l'avis des rapporteurs sur les sujets d'actualité. Vois ne l'avez pas fait jusqu'à présent. Je le dis dans un esprit constructif, dans cette période où il y a tant à faire, d'autant que je ne considère pas qu'un bon budget doit être forcément en hausse : il serait bon que vous suiviez leur exemple.
M. Philippe Marini, président. - Quelques considérations sur l'évolution du marché publicitaire : une société allemande de statistique, Statista, a publié récemment une étude selon laquelle aux États-Unis, sur les six premiers mois de 2012, l'activité de la société Google aurait engendré plus de 20 milliards de dollars de revenus publicitaires, soit plus que la totalité du chiffre d'affaires publicitaire de l'ensemble de la presse papier américaine ! En France, bien sûr, le marché est plus étroit, mais sur 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires publicitaire, Google s'en arroge à peu près la moitié. Quelle est votre analyse ?
Juste avant la trêve des confiseurs, le Parlement italien a adopté, le 20 décembre, une sorte de taxe Google, très proche de celle que j'avais suggérée, obligeant toute entreprise qui fait de la publicité en ligne ou du commerce électronique à passer par des agences ayant un foyer fiscal dans la péninsule, ce que nous appelons un représentant fiscal dans une proposition de loi. La Commission européenne a fait les gros yeux et le président du Conseil italien a décalé l'application de cette loi, mais cet évènement mérite d'être relevé.
Enfin, je me suis réjouis que vous n'assistiez pas à l'inauguration de cette chose extraordinaire que Google a livrée aux consommateurs français dans son site parisien de la « nouvelle Athènes ».
Mme Aurélie Filippetti. - Vous avez salué ma décision par un tweet et je vous en remercie.
La Philharmonie de Paris fait partie des grands projets d'investissement que j'ai évoqués : son coût sera de 386 millions d'euros. J'ai missionné un inspecteur pour établir la réalité des surcoûts qui nous ont été imputés du fait de la suspension des travaux en 2010 - 2011. Ce chantier doit aller à son terme et l'ouverture est prévue pour le 1er janvier 2015. Cette salle comptera 2 400 places et mettra Paris au même niveau que les grandes scènes internationales. Ce projet diversifiera les publics et renforcera l'éducation artistique. Ce n'est pas qu'une salle, mais tout un ensemble d'équipements qui va faire connaître la musique philharmonique à un public plus large. Le travail que j'ai confié à cet inspecteur permettra de réduire les coûts et de vérifier la tenue des délais : sa mission se déroule en plein accord avec la mairie de Paris, à parité de financement et de fonctionnement. La région Ile-de-France participera, mais à un degré moindre. À titre de comparaison, des salles du même type ont coûté 400 millions d'euros à Hambourg et 550 millions d'euros à Saint-Pétersbourg.
Conformément aux préconisations de la Cour des comptes, j'ai veillé à ce que l'on élargisse l'assiette de la RAP pour mettre un terme au sous-financement chronique de l'Inrap qui ne peut assumer ses missions. Pour 2015, notre objectif est d'attendre 122 millions d'euros, au lieu des 105 millions actuels. Nous sommes confrontés à une difficulté très technique liée au défaut d'un logiciel au ministère du logement, ce qui ne nous permet pas de percevoir la RAP ; nous mettons tout en oeuvre pour que ce problème soit rapidement résolu.
La liste des monuments nationaux relevant du CMN sera fixée par arrêté et ne figurera donc pas dans la loi relative aux patrimoines. Mais le principe de la péréquation entre monuments nationaux, auquel je suis très attachée, sera réaffirmé. Toute velléité d'aliénation devra recueillir l'avis positif de la commission nationale des monuments historiques avant validation par le ministre, afin d'éviter ce qui s'est passé pour le château du Haut-Koenigsbourg, dont les ressources manquent aujourd'hui au Centre des monuments nationaux (CMN).
Les taxes affectées sont justifiées lorsqu'elles ont un lien avec le domaine qu'elles financent ; la taxe sur les jeux en ligne n'en avait aucun avec le CMN : j'ai donc mis fin à cette affectation, qui a été compensée par une dotation budgétaire d'un montant inférieur.
La presse est dans une situation difficile en raison de la transition de son modèle économique vers le numérique. Les grands principes édictés par la Cour des comptes sont au coeur du rapport que j'ai demandé à Roch-Olivier Maistre, lequel préconise un fonds stratégique orienté vers la modernisation des outils et leur mutualisation, et non plus le financement d'outils obsolètes. La baisse des aides de 32 millions d'euros par an sur deux années, soit 64 millions d'euros, équivaut au coût du moratoire fiscal décidé à la suite des états généraux de la presse écrite, sans pour autant peser trop sur la presse d'information politique et générale (dite « IPG »), dont l'effort sera amoindri en 2014, de deux millions d'euros pris en charge par mon ministère et d'un million d'euros supporté par La Poste ; cet allègement sera de six millions d'euros en 2015, répartis à parts égales entre le ministère et la Poste. Au final, le surcoût de la fin du moratoire pour la presse d'IPG sera donc très faible. D'ailleurs, ses représentants se sont déclarés satisfaits par cet arbitrage rendu le 17 décembre par le Président de la République.
La presse spécialisée s'estime lésée par la définition de la presse d'information politique et générale qui l'exclut à cause de sa parution mensuelle ; je suis ouverte à la discussion sur ce sujet, comme sur les suppléments des quotidiens d'IPG qui se multiplient et ne méritent peut-être pas cette qualification. Une inspection sera menée sur ces thèmes.
Monsieur Belot, ce ne sont pas mille emplois, mais 351 emplois qui seront supprimés à France Télévisions, France 3 ne contribuant qu'à hauteur de quelques dizaines d'emplois. Toute entreprise publique doit participer à l'effort de réduction des dépenses publiques. L'effort de l'Etat en faveur de la télévision publique est considérable. Le rapport de l'IGAC et de l'IGF montre qu'une grande part des 13 milliards d'euros de l'État va à l'audiovisuel public, dont les 3,2 milliards d'euros de redevance. J'ai veillé l'année dernière à ce que celle-ci augmente de six euros, dont deux euros d'inflation, ce qui représentait un effort pour nos concitoyens dans une période difficile.
Il n'en reste pas moins que l'organisation de l'entreprise publique doit être rationalisée, comme le relèvent d'innombrables travaux, dont des rapports parlementaires. J'ai confié à Anne Brucy la mission de travailler sur l'avenir de l'offre régionale et locale de France 3. La suppression de la publicité a été décidée unilatéralement par le précédent président de la République, certains ayant promis qu'il n'y aurait pas d'augmentation de la redevance de leur vivant... Ces inconséquences dans la politique de l'audiovisuel public sont à la source de ses problèmes. Nous reprenons en main ce dossier. La réforme de la nomination des dirigeants en 2013 apportera certainement de la sérénité.
Le Gouvernement est favorable à l'alignement de la TVA appliquée à la presse en ligne sur celle de la presse papier, comme pour le livre numérique. Je rencontre Bernard Cazeneuve, le ministre délégué chargé du budget, la semaine prochaine sur ce sujet. La CTC ou « taxe Lescure » ne pourra être mise en place qu'à pression fiscale constante, lorsqu'une diminution du rendement de la redevance pour copie privée aura été constatée, ce qui n'est pas encore le cas.
Vous proclamez ne pas vouloir augmenter la pression fiscale, mais vous vous insurgez, dès qu'il est question de baisser les dépenses à France Télévisions : c'est incohérent ! De la même manière, l'INA - dont les missions sont très importantes - avait un fonds de roulement de 40 millions d'euros pour un budget de 90 millions d'euros...
M. Philippe Marini, président. - C'est beaucoup !
Mme Aurélie Filippetti. - En effet ! Ce fonds de roulement devait financer un projet immobilier sur lequel aucun accord définitif n'avait été signé et qui nécessitait de l'État un investissement complémentaire de 55 millions d'euros ! Je ne les ai pas, et si je les avais, ils n'iraient sans doute pas en priorité à ce projet.
De même, j'ai refusé le projet pharaonique à 200 ou 300 millions d'euros de construction de réserves pour le Louvre à Cergy-Pontoise. Avec la région Nord-pas de Calais, j'ai redéfini le projet pour le rapprocher du Louvre-Lens, ce qui coûtera beaucoup moins cher. J'ai prélevé 20 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'INA, soit la moitié seulement de ce fonds. Je doute que votre commission des finances m'en fasse grief.
L'Hadopi, à qui j'ai demandé des efforts, continue à remplir ses missions - riposte graduée sans coupure de l'accès à Internet et évaluation de l'offre légale. J'ai demandé un rapport sur la contrefaçon commerciale à Mireille Imbert-Quarretta. La loi sur la création transfèrera ses compétences au CSA, ce qui constituera une rationalisation bienvenue de l'organisation administrative.
Nous ne devons pas alourdir la fiscalité qui pèse sur les entreprises de la communication, notamment les PME ; mais je cherche tous les moyens pour étendre la fiscalité aux entreprises de type Google. Vous le savez, un accord entre cette entreprise et les éditeurs de presse a mis en place un fonds de 60 millions d'euros qui financera 19 projets de modernisation de la presse aujourd'hui validés sur les 36 présentés. Le choix du Gouvernement d'un accord à l'amiable se justifie lorsqu'on le compare avec le choix allemand d'une loi : un an après, les éditeurs de presse allemands, sous la pression, ont tous choisi d'être référencés par Google, ce qui les exclut ipso facto du champ d'application de la loi. Intellectuellement satisfaisant, le choix de la loi a provoqué un blocage, alors que notre fonds fonctionne.
M. Albéric de Montgolfier. - Ne craignez-vous pas que, face à la baisse de leurs dotations, les collectivités territoriales n'aient la tentation de se désengager de l'action culturelle ? Quelles garanties pouvez-vous nous donner sur le régime fiscal du mécénat, qui a fait ses preuves depuis la loi Aillagon, et qui est devenu indispensable aux grands opérateurs tels que Versailles et le Louvre, dont vous dites qu'ils doivent augmenter leurs ressources propres ?
M. Gérard Miquel. - L'attractivité de la France doit beaucoup à la richesse de son patrimoine, notamment architectural, dont la rénovation et l'entretien entraînent activité économique et emplois, tout en préservant les savoir-faire. La gestion des crédits de l'État en matière de patrimoine est souvent lourde et décourageante ; l'un de vos prédécesseurs avait - par appel à projets - proposé de la déléguer à des départements ; mon département, seul à aller au bout de la négociation, s'en est chargé pendant de longues années, ajoutant aux crédits nationaux des crédits du conseil général et du conseil régional, ce qui a entraîné des résultats positifs en permettant la réalisation de nombreux travaux de rénovation de notre patrimoine. Dans le cadre d'une décentralisation avancée, envisagez-vous de généraliser cette option, qui fluidifierait l'action publique, augmenterait la réactivité et donnerait du travail aux entreprises, tout en permettant d'améliorer l'état de notre patrimoine ?
Par ailleurs, la presse quotidienne est soutenue en raison de ses difficultés, que ne connaissent pas les magazines ; pourquoi ne pas imposer à ces derniers une éco-contribution, redistribuée aux collectivités, pour financer dans de bonnes conditions le recyclage du papier qu'ils génèrent ? Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens, ce qui est plus difficile depuis deux ans, dans la mesure où nous n'examinons plus la deuxième partie de la loi de finances. Nous ferions oeuvre utile. Gala, Closer, Auto plus ou le Figaro magazine ne me paraissent pas en grande difficulté ; mais le papier qu'ils représentent pèse lourd dans nos poubelles et coûte cher aux collectivités.
M. Philippe Marini, président. - C'est un long combat de notre collègue ; je rends hommage à votre constance.
M. Jean Arthuis. - La presse papier bénéficie d'un taux de TVA de 2,1 %, alors que la presse en ligne est soumise à un taux de 20 %. J'ai bien noté que vous y mettrez bon ordre en alignant les taux, même s'il y aura peut-être quelques problèmes au niveau européen. Mais, concernant les contentieux, les organes ayant appliqué de bonne foi un taux réduit bénéficieront-ils d'un sursis à statuer ?
M. Philippe Marini, président. - Merci pour cette question, un peu malicieuse, mais très concrète.
M. Richard Yung. - Le réseau de l'action culturelle française à l'étranger est un outil diplomatique d'influence. Depuis plusieurs années, il connait des difficultés budgétaires considérables : sa dotation diminue de 5 % à 8 % par an et le nombre de ses « équivalents temps plein », selon le jargon en vigueur, encore plus. Ce n'est pas un secteur protégé : peu de gens sont prêts à s'enchaîner aux grilles de l'Élysée pour sauver un centre culturel ou une salle de cinéma français à Ouagadougou !
M. Philippe Marini, président. - À part les sénateurs représentant les Français de l'étranger... !
M. Richard Yung. - Ce secteur relève de la tutelle du ministère des affaires étrangères, certes, mais ne peut-on pas imaginer une coopération plus forte avec votre ministère pour limiter cette casse ? Vous conditionneriez sans doute le partage du financement au partage de la tutelle...
M. Jean Germain. - Je suis de ceux qui considèrent qu'il faut un ministère de la culture. Lorsqu'ils l'ont créé en 1959, avec une pérennité de dix ans, le général de Gaulle et André Malraux avaient une certaine idée de la culture, de la France et de sa présence dans le monde. N'en a-t-on plus besoin aujourd'hui ? Rappelons le combat pour l'exception culturelle, pour une culture qui ne soit pas une marchandise comme les autres ; rappelons la longévité de Jack Lang rue de Valois, que nous vous souhaitons : il faut de la durée pour agir dans ce ministère ! De 1969 à 1981, il y eut onze ministres, dont nous serions bien en peine de citer les noms !
Le rapport des deux inspections indique la contribution de la culture à l'économie et relève la nécessité de traiter la question des plates-formes numériques. Dans sa conclusion, il évoque une corrélation plausible entre implantation culturelle et dynamisme local, au-delà du fait que la culture emploie 670 000 personnes, et que les deux secteurs les plus productifs sont le spectacle vivant et le patrimoine, en y incluant les musées. Or, pour la première fois depuis 1959, la circulaire du Premier ministre aux préfets de région sur la préparation des nouveaux contrats de projets Etat-région (CPER) ne parle pas de culture. C'est une erreur ou un oubli qui me semble devoir être réparé.
Mme Aurélie Filippetti. - Merci pour votre soutien ! Je ne puis qu'acquiescer. La culture est un secteur structurant ; ce n'est pas la cerise sur le gâteau. Elle est au coeur de notre histoire, de la citoyenneté française : André Malraux, voire Jean Zay avant lui, ont considéré que la culture faisait partie du projet national. L'action de ce ministère, qu'on dit souvent très parisien, se déploie en réalité dans tous les territoires, où s'épanouit la vitalité du tissu créatif : spectacles vivants, arts visuels contribuent à la dynamique économique, et pas seulement par les festivals. J'ai fait remarquer l'oubli de la circulaire que vous évoquez : il m'a été répondu que la culture était transversale et, bien entendu, présente dans tous les esprits. Un rappel des parlementaires serait malgré tout bienvenu...
On constate malheureusement aujourd'hui qu'un certain nombre de collectivités territoriales diminuent leur budget culturel. Il ne faudrait pas que cela engendre un effet boule de neige et que chacun soit amené à faire des économies sur la dépense culturelle, au risque de créer un effet récessif très négatif. C'est pourquoi je travaille avec la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, afin de faire prendre conscience à tous les élus responsables, hors du cercle des spécialistes, des externalités positives de la culture. Des possibilités de délégation de compétence - et non de transfert - sont prévues dans la loi ; mais je veux préserver le rôle moteur des directions régionales des affaires culturelles (Drac). Malgré des équipes peu nombreuses, leur expertise scientifique et technique est indispensable, notamment pour accompagner les petites communes.
M. Jean Arthuis. - Les conseils généraux ont en charge les archives départementales. La nomination de leurs directeurs pourrait-elle résulter d'une codécision entre le représentant de l'État, en liaison avec votre ministère, et le président du Conseil général ?
Mme Aurélie Filippetti. - Je vois bien à quoi vous faites allusion. La situation s'arrange, n'est-ce pas ?
M. Jean Arthuis. - En effet...
Mme Aurélie Filippetti. - Vous vous référez à un cas exceptionnel : je n'ai jamais eu de demandes de ce type. Le réseau d'archives nationales et départementales fonctionne très bien : on en aura encore une preuve cette année avec le projet de numérisation du registre matricule des huit millions de soldats de la guerre de 1914, comme avec la grande collecte, qui a amené plus de 15 000 personnes aux archives cet automne pour déposer des documents sur cette guerre.
Vous vous souvenez du débat de l'an dernier sur le mécénat, au cours duquel j'ai obtenu un arbitrage en faveur du maintien des principes de la loi Aillagon, parmi les plus attractifs en Europe, sinon dans le monde, et qui ont porté leurs fruits, en quintuplant les sommes versées au mécénat. Ce débat est clos, je l'espère, pour le quinquennat.
La presse est exemptée de l'écotaxe papier ; mais en contrepartie, elle a signé une convention de partenariat avec Ecofolio qui peut diffuser gratuitement de la publicité pour le recyclage. Je suis favorable aux économies de papier, mais aussi attentive, compte tenu des difficultés actuelles de la presse dans sa transition vers le numérique, à ne pas alourdir les charges du secteur.
Si le Gouvernement n'a pas aligné les taux de TVA de la presse en ligne sur la presse papier, alors qu'il y est favorable, c'est que nous sommes en tension avec Bruxelles sur le livre numérique et que nous ne voulions pas ouvrir un nouveau front. Aujourd'hui, la nouvelle coalition allemande est de notre côté ; c'est un allié de poids. Enfin, il n'y a pas d'intervention du ministre du budget dans les contentieux fiscaux, ni dans un sens ni dans l'autre : l'administration fait son travail objectivement.
M. Jean Arthuis. - Des médias vivent donc peut-être aujourd'hui dans l'illégalité fiscale ?
Mme Aurélie Filippetti. - C'est à l'administration fiscale de le dire.
M. Philippe Marini, président. - C'est pourtant une perte de recettes dommageable : un alignement des taux de TVA par le haut n'était-il pas préférable ?
Mme Aurélie Filippetti. - L'application de la TVA à 2,1 % pour la presse en ligne entraînerait une perte de 5 millions d'euros à terme ; mais au départ, moins d'un million d'euros, peut-être 500 000 euros seulement.
Quant à notre réseau culturel à l'étranger, j'ai été sensible au cas de l'institut français de Berlin, avec son histoire, mais le ministère de la culture n'est pas en charge de cette question, qui relève du ministère des affaires étrangères. Nos grands établissements ont un tel rayonnement qu'ils mènent leur propre politique de relations internationales, que nous nous efforçons de coordonner. J'ai été très engagée sur la question du Louvre Abu-Dhabi, afin qu'il puisse ouvrir ses portes, comme prévu, fin 2015, dans le respect de la parole de la France.
M. Philippe Marini, président. - L'année dernière, nous n'avons pu procéder à beaucoup d'auditions ministérielles. Vous venez de confirmer l'intérêt de cet exercice, qui devrait se répéter à un rythme raisonnable cette année. Nous vous en remercions.
M. François Marc, rapporteur général. - Je vous remercie à mon tour, Madame la Ministre. Vous avez démontré que vous avez une volonté et une stratégie pour la culture. Nous reviendrons sur la dépense fiscale. Je vous présente tous mes encouragements et comme Jean Germain, vous souhaite une belle longévité dans vos fonctions.
Recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat - Communication
La commission entend ensuite une communication de M. Philippe Marini, président, sur la recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat.
M. Philippe Marini, président. - Plus de six ans après la mise en application par le Sénat du contrôle systématique et a priori de la recevabilité financière des initiatives formulées par les sénateurs et cinq ans après le premier rapport d'information de Jean Arthuis sur ce sujet, j'ai souhaité, comme je vous l'avais annoncé lors de notre séminaire d'Avignon au mois de mai 2013, faire le point sur la jurisprudence de la commission des finances en la matière.
Comme le montrent régulièrement certaines interventions en séance publique, la limitation du droit d'amendement qui résulte de l'application de l'article 40 de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) suscite, parfois, des incompréhensions. Le président de la commission des finances, quand il fait office de « juge », si l'on peut dire, de la recevabilité financière, se doit de respecter des contraintes strictes, qui résultent directement de la volonté du constituant et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ce rapport a comme ambition de servir de guide aux sénateurs sur le cadre dans lequel les différentes instances sénatoriales se prononcent sur la recevabilité des propositions de loi ou des amendements parlementaires et sur la jurisprudence dégagée, au fil du temps, par la commission des finances. J'ai tâché de faire un point précis sur les solutions retenues face à certaines questions ayant émergé au cours de ces dernières années. En effet, si la règle est intangible - l'article 40 n'ayant pas été modifié depuis le 4 octobre 1958 - l'univers des finances publiques est singulièrement évolutif, ce qui justifie parfois un changement de jurisprudence.
Ce rapport ne se veut pas un simple « catalogue » de décisions. Il tente d'expliquer les raisonnements juridiques qui les ont sous-tendues pour faire apparaître la cohérence des analyses et lutter contre le sentiment d'arbitraire. Afin d'apporter une assistance pratique aux rédacteurs d'amendements, j'ai souhaité réunir dans deux annexes les jurisprudences relatives à deux domaines féconds en amendements : les collectivités territoriales et le secteur social. Ce rapport expose la manière dont la commission des finances exerce son office, dans le souci constant de faire vivre l'initiative parlementaire autant que le permet la Constitution.
Un schéma qui vous a été distribué illustre le contrôle de la recevabilité financière des amendements. Les auteurs d'amendements doivent se poser, successivement, quelques questions simples : l'initiative crée-t-elle ou aggrave-t-elle une charge publique ? Si oui, elle est irrecevable. Diminue-t-elle les ressources publiques ? Si oui, elle doit être gagée. La recevabilité des amendements est également examinée au regard des dispositions de la LOLF : les amendements aux projets de loi de finances doivent entrer dans le domaine des lois de finances et respecter le principe de la bipartition ; les amendements aux projets de loi ordinaires ne peuvent empiéter sur le domaine exclusif des lois de finances.
Venons-en à des amendements illustrant quelques aspects de notre jurisprudence. Déposé dans le cadre de la dernière loi de programmation militaire, un premier amendement prévoit qu'à défaut de livraisons à l'exportation de Rafale en nombre suffisant, les cadences de commandes de l'Etat seraient augmentées, au travers des crédits de la mission « Défense ». L'intention de l'auteur est clairement coûteuse ; pourtant, l'amendement a été déclaré recevable, dans la mesure où il portait sur le rapport annexé à une loi de programmation et qu'il n'avait, par conséquent, pas de valeur normative. C'est ce que j'ai appelé, dans le rapport, un « voeu pieux ».
Un deuxième amendement prévoyant la création d'un fonds national des élus locaux, financé par des contributions des collectivités territoriales, a été déclaré irrecevable puisqu'il aurait créé une charge pour ces collectivités. En effet, l'article 40 s'applique non seulement à l'Etat, mais également aux collectivités territoriales et aux autres personnes publiques ; en outre, la compensation de l'aggravation d'une charge publique par un surcroît de recettes est interdite.
Un troisième amendement prévoyant un transfert de compétence du département vers une métropole est également irrecevable : tout transfert de compétence s'analyse comme une création de charge pour la personne destinataire. Toutefois, afin de favoriser l'initiative parlementaire, une pratique ancienne des commissions des finances des deux assemblées consiste à raisonner en termes de « blocs » de collectivités : le « bloc communal » - qui regroupe communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) -, le « bloc départemental » et le « bloc régional ».
Un quatrième amendement affecte une partie du produit d'une taxe à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). La jurisprudence de la commission des finances assimile une telle affectation à une augmentation de dotation budgétaire pour les opérateurs dont les dépenses sont essentiellement discrétionnaires. Comme l'avait indiqué mon prédécesseur Jean Arthuis, dans certains cas, une augmentation des recettes constitue une incitation à dépenser. Cet amendement a donc été déclaré irrecevable.
Un cinquième amendement propose de créer au sein de l'établissement public Voies navigables de France un conseil de service aux usagers. Dans la mesure où cet établissement pouvait assurer cette nouvelle mission à moyens constants, j'ai considéré que cette initiative n'entraînait qu'une charge de gestion, en quelque sorte marginale, et était donc recevable - conformément à une pratique ancienne des deux assemblées, validée par le Conseil constitutionnel en 1999.
Un sixième amendement donne l'occasion de préciser le champ d'application de l'article 40. Il propose d'alourdir les charges de service public de l'électricité qui incombent à certaines entreprises du secteur. Néanmoins, ces charges sont intégralement compensées par une imposition - dénommée contribution au service public de l'électricité (CSPE) - acquittée par tous les consommateurs d'électricité. J'ai estimé qu'il convenait de considérer ces charges comme des charges publiques au sens de l'article 40, ce qui rendait cet amendement irrecevable. Depuis lors, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que cette compensation par la CSPE constitue une intervention au moyen de ressources d'Etat, ce qui va dans le sens de mon interprétation, d'ailleurs contraire à la jurisprudence de l'Assemblée nationale.
Un septième amendement permet de présenter la jurisprudence relative aux sanctions. Il proposait de transformer les amendes pour stationnement irrégulier en redevance de post-stationnement. Bien qu'il puisse entraîner une diminution des ressources de l'Etat et de certaines collectivités, cet amendement a été considéré comme recevable sans gage. En effet, les sanctions financières n'ont pas pour objet d'apporter des recettes mais de sanctionner un comportement. Leur produit serait, idéalement, nul si tous nos concitoyens faisaient preuve d'un civisme parfait.
J'ajoute que cet exercice est souvent mené dans la hâte, du fait d'un délai d'examen généralement très bref. Des scories peuvent donc se glisser dans les décisions rendues. Le secrétariat de notre commission, qui compte une cellule permanente « article 40 », est à la disposition des auteurs d'amendements qui peuvent bénéficier de ses conseils, pour éviter une rédaction irrecevable : transformer en voeu une disposition normative ou trouver un autre moyen d'évoquer un sujet en séance. Lorsqu'un collègue conteste ma décision, je lui réponds par une lettre argumentée. Cela représente beaucoup de travail, mais c'est dissuasif : la proportion des amendements irrecevables, très variable selon les textes est en définitive très faible - environ 4 %, en moyenne.
M. François Marc, rapporteur général. - Merci de votre exposé fort utile, car nos collègues expriment beaucoup d'interrogations, parfois du courroux. Dans sa dimension magistrale comme dans sa dimension « travaux pratiques », il donne des éléments précis sur le bien-fondé des décisions prises. Ce que vous nous dites sur les « voeux pieux » réjouira nos collègues : toutes ces ambitions, volontés, stratégies ou tactiques pourront ainsi être défendues en séance.
M. Albéric de Montgolfier. - Lorsque l'Assemblée nationale a une jurisprudence différente de la nôtre et qu'elle n'a pas soulevé l'article 40, intégrant, de ce fait, une disposition qui aurait pu être déclarée irrecevable au Sénat, il ne nous est plus possible de soulever une telle irrecevabilité. Par ailleurs, le juge d'appel qu'est le Conseil constitutionnel ne peut pas non plus s'exprimer sur la question.
M. Philippe Marini, président. - Chaque assemblée est indépendante. Généralement, nous raisonnons de la même façon, mais il arrive qu'il y ait des écarts. Il appartient alors au Conseil constitutionnel de dire le droit. Le problème est que nous ne pouvons pas le consulter ex ante en lui demandant un rescrit. Nous nous sommes réunis avec la commission des lois, dont une délégation, tous groupes représentés, est venue exprimer son souhait de débattre de l'application de l'article 40. In fine, nous nous sommes plutôt bien accordés. La commission des lois s'estime à raison gardienne des dispositions de la Constitution portant sur les libertés individuelles ; nous sommes chargés de faire appliquer l'article 40. Or des cas de contradiction ont été évoqués : le respect des libertés individuelles peut conduire à considérer comme inéluctables ou souhaitables certaines dépenses publiques. Il serait utile d'être guidé a priori sur la manière de traiter ces cas. Nous nous en sommes ouverts au Conseil constitutionnel, auquel nous avons adressé une lettre cosignée par les présidents de chaque commission. Il nous a répondu que notre contribution alimenterait sa réflexion sur l'application de l'article 40. Pour autant, il dit le droit une fois que le Parlement a terminé son travail, et n'engage pas un dialogue avec les parlementaires. Ce n'est pas forcément très satisfaisant, mais c'est ainsi. Le Conseil constitutionnel est dans son rôle ; ses décisions ne sont pas susceptibles d'appel.
Pour revenir à la remarque d'Albéric de Montgolfier, il est vrai qu'il n'examine la conformité à l'article 40 que si l'irrecevabilité a été soulevée devant la première assemblée saisie de l'initiative litigieuse.
M. Albéric de Montgolfier. - Eh oui !
À l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à M. Philippe Marini, président, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Mercredi 8 janvier 2014
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. François Marc rapporteur de la proposition de résolution européenne n° 259 (2013-2014) de M. Dominique Bailly, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire.
Ville et cohésion urbaine - Examen du rapport pour avis
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Germain, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 178 (2013-2014) de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dans le texte n° 251 (2013-2014) adopté par la commission des affaires économiques le 18 décembre 2013.
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. - Ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, que nous examinons en procédure accélérée, propose un nouveau cadre pour l'intervention en faveur des quartiers en difficulté et défavorisés.
Ces dernières années, les lacunes et les échecs de la politique de la ville ont été mis en évidence par de nombreux rapports, en particulier celui de l'Observatoire national de la politique de la ville (ONZUS) et celui de la Cour des comptes de juillet 2012 sur une décennie de réformes de la politique de la ville. Si des résultats sont constatés dans certains secteurs et si la rénovation urbaine a progressé, les inégalités persistent dans ces quartiers, notamment en matière d'emploi, de réussite scolaire ou encore d'accès aux soins.
La nouvelle étape de la politique de la ville a fait l'objet d'une concertation nationale - sous l'appellation « Quartiers, engageons le changement » - entre octobre 2012 et janvier 2013. Le Comité interministériel des villes du 19 février 2013 en a fixé les principaux axes. Ce projet de loi, qui en résulte, a été examiné par l'Assemblée nationale les 22 et 27 novembre derniers. La commission des affaires économiques du Sénat a, quant à elle, adopté son texte le 18 décembre.
Ce projet apporte un nouveau souffle à la politique de la ville, en renouvelant son cadre d'intervention, en définissant des objectifs structurants et des outils adaptés, tout en prévoyant la participation de l'ensemble des acteurs et l'association des habitants.
Il substitue ainsi une nouvelle géographie prioritaire, « recentrée et unique », aux différents zonages accumulés depuis des années, pour plus de ciblage et d'efficacité, mais aussi pour une meilleure lisibilité de l'action publique - et pour mettre un terme au « saupoudrage » tant critiqué depuis longtemps.
De nouveaux contrats de ville remplaceront les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) à compter de 2015 ; ils seront conclus au niveau intercommunal, le plus adéquat pour piloter les actions menées dans le cadre de la politique de la ville. Ils pourront être cosignés par un plus grand nombre d'acteurs.
Enfin, parmi les outils proposés par ce texte, figurent un nouveau programme national de renouvellement urbain (PNRU) pour la période 2014-2024 et le remplacement de la dotation de développement urbain (DDU) par une nouvelle « dotation politique de la ville » (DPV).
Notre commission s'est saisie de neuf articles - 1er, 1er bis A (anciennement 3), 2, 4, 5, 8, 9 et, par coordination, les articles 17 et 18 - tels qu'issus des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat.
L'article 1er définit la politique de la ville, en fixe les objectifs, en identifie les acteurs et propose d'en améliorer l'évaluation, avec l'instauration d'un « observatoire national de la politique de la ville » ; du point de vue financier, il réaffirme le principe selon lequel les politiques publiques de droit commun doivent être prioritairement mobilisées, avant les instruments spécifiques de la politique de la ville qui ne doivent ainsi être mis en oeuvre que « lorsque la nature des difficultés le nécessite ».
Déjà affirmé à plusieurs reprises, ce principe n'est qu'insuffisamment appliqué. La mobilisation des crédits de droit commun est pourtant essentielle. Les crédits spécifiques de la politique de la ville ne sauraient répondre seuls aux besoins des quartiers et ne devraient intervenir qu'en complément des crédits de droit commun, ce qui est loin d'être toujours le cas aujourd'hui. À cet effet, onze conventions ont été signées par le ministre délégué à la ville avec d'autres ministres chargés de politiques de droit commun et Pôle emploi, afin de prévoir un ensemble d'actions concrètes à destination des quartiers prioritaires.
Ensuite, l'évaluation des crédits consacrés par l'État à la politique de la ville s'avère particulièrement insuffisante, ce que l'on constate chaque année à la lecture du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances ; le ministère délégué à la ville nous a indiqué vouloir améliorer la qualité et la fiabilité de ce document. Ce travail me paraît indispensable et je souhaite qu'il soit réalisé dans les meilleurs délais.
Les collectivités territoriales doivent également participer à la mobilisation des politiques publiques de droit commun, alors que les crédits qu'elles consacrent à la politique de la ville s'avèrent aujourd'hui difficilement identifiables. L'article 8 de ce texte dispose que les EPCI et les communes signataires de contrats de ville devront présenter, chaque année, une annexe à leur budget relative aux moyens mis en oeuvre en faveur de la politique de la ville, quelle que soit leur origine. Sur cet article, pour lever toute ambiguïté, je vous propose un amendement précisant que ce nouveau document de suivi de la politique de la ville n'est pas un budget annexe, mais bien une simple annexe au budget.
La nouvelle géographie prioritaire, prévue à l'article 4, met fin aux divers zonages actuels : les « quartiers prioritaires de la politique de la ville » se substitueront aux zones urbaines sensibles (ZUS), aux zones de revitalisation urbaine (ZRU) et aux quartiers concernés par les CUCS. Outre un seuil minimal d'habitants, ces quartiers seront identifiés par leur « écart de développement économique et social », apprécié par un critère désormais unique : le revenu des habitants, par rapport à la moyenne nationale mais également par rapport au revenu moyen de l'unité urbaine dans laquelle ces quartiers se situent ; 1 300 quartiers prioritaires devraient ainsi être identifiés, contre près de 2 500 quartiers ciblés en CUCS aujourd'hui.
Je me félicite que le texte prévoie une actualisation de la liste des quartiers concernés, ce qui n'a pas été fait pour les zonages actuels.
Je me suis principalement intéressé dans mon rapport à l'impact financier de ce changement de zonage : les crédits spécifiques de la politique de la ville seraient désormais déployés sur les nouveaux quartiers prioritaires et l'essentiel des avantages liés aux ZUS devraient également être transférés vers ces quartiers, même si certaines modalités restent à définir - je pense en particulier à l'avenir de l'abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux en ZUS, qui a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2014 par la loi de finances pour 2014.
S'agissant de la péréquation, seule la dotation de solidarité urbaine (DSU) fait intervenir, mais de façon marginale, la géographie prioritaire de la politique de la ville. Ainsi, les communes nouvellement éligibles à la DSU pourraient être concernées par le changement de zonage ; le Gouvernement m'a indiqué qu'il préciserait ce point lors du prochain budget.
L'article 2 du projet de loi prolonge l'actuel PNRU pour deux ans, jusqu'en 2015, et prévoit le lancement d'un nouveau PNRU pour 2014-2024, qui bénéficiera en priorité aux quartiers présentant les « dysfonctionnements urbains les plus importants ». Ce nouveau programme bénéficierait d'un financement de 5 milliards d'euros, pour un investissement total estimé à 20 milliards d'euros, avec la participation des autres investisseurs.
Je me félicite du lancement de ce nouveau programme, mais il nous faudra rester vigilant sur son financement, en gardant à l'esprit ce qui s'est passé pour l'ANRU ces dernières années. Le Gouvernement prévoit de mobiliser le fonds de péréquation prévu à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, la dotation annuelle de 30 millions de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et, pour la partie la plus importante, la contribution de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) - Action logement.
Cependant, la contribution d'Action logement devrait diminuer ces prochaines années et être négociée dans le cadre de sa nouvelle convention sur la participation des employeurs à l'effort de construction à compter de 2015, selon le dispositif prévu dans la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), en cours de débat. D'après les informations qui m'ont été fournies, cette contribution pourrait passer d'environ 1,05 milliard d'euros en 2015, à 500 millions annuels après une période de transition entre 2016 et 2018.
S'agissant de la soutenabilité financière de l'ANRU et des décaissements attendus au cours des prochaines années, les éléments qui m'ont été transmis pour les années 2013 à 2015 indiquent que les besoins devraient être couverts, mais que la trésorerie de l'agence devrait être sollicitée : elle passerait de 472 millions d'euros fin 2012 à environ 140 millions d'euros fin 2015. Cette prévision ne tient toutefois pas compte de l'éventuelle affectation du fonds de péréquation. Pour les années suivantes, les décaissements de l'ANRU devraient considérablement se réduire à compter de 2016.
L'étude d'impact explique que cette « compatibilité temporelle » entre l'achèvement du premier PNRU et la montée en charge du nouveau PNRU assurerait la soutenabilité de nouveau programme pour l'ANRU et ses financeurs. J'espère que ces hypothèses se confirmeront et que le nouveau PNRU ne connaîtra pas de difficultés de mise en oeuvre en raison de problèmes de financement. Il est, par ailleurs, indispensable que l'ANRU dispose d'une trésorerie toujours suffisante pour ne pas retarder les opérations.
J'appelle votre attention sur le fait que le financement de l'ANRU pourrait être affecté par celui de la garantie universelle des loyers (GUL) prévue à l'article 8 du projet de loi ALUR. En effet, il est envisagé de solliciter Action logement pour financer en partie ce nouveau dispositif, le Gouvernement souhaitant que les 160 millions d'euros annuels qu'Action logement verse à la garantie des risques locatifs (GRL) soient transférés à la GUL. Mais rien ne garantit que cette solution soit finalement retenue. Pour autant, tout « dérapage » pour le financement de la GUL pourrait entraîner une demande de contribution complémentaire à Action logement.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je considère que le financement de l'ANRU demeure très tendu et qu'il conviendra de rester très vigilant quant aux ressources octroyées, en particulier à compter de 2016.
L'article 2 confie également deux nouvelles compétences à l'ANRU.
L'agence, d'abord, pourrait désormais prendre des participations dans des sociétés exclusivement dédiées au renouvellement urbain des quartiers, pour inciter les autres investisseurs, notamment privés, à s'engager dans certains projets à caractère économique. Cette nouvelle compétence serait exercée uniquement dans le cadre du nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA2). L'action « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain » du programme 414 « Ville et territoires durables » confie à l'ANRU la gestion d'une enveloppe de 250 millions d'euros de fonds propres destinés à la « diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » - l'agence a été choisie pour sa connaissance des quartiers en politique de la ville et son réseau territorial. Le Gouvernement m'a indiqué que la dotation de 5 milliards d'euros du nouveau PNRU ne pourrait pas être utilisée pour financer cette nouvelle compétence et que l'ANRU n'agirait qu'en qualité de gestionnaire de fonds du Trésor, pour le compte de l'État.
Il faudra rester très vigilant, car l'agence doit garder son coeur d'activité : la mise en oeuvre du PNRU - et il ne lui appartient pas, à mon sens, de supporter des risques économiques en tant qu'investisseur, risques dont elle paraît toutefois prémunie du fait qu'elle agirait pour le compte de l'État.
N'oublions pas, enfin, que la Caisse des dépôts et consignations et l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) investissent déjà pour la rénovation urbaine des quartiers.
Deuxième compétence nouvellement confiée à l'ANRU, par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et à l'initiative du Gouvernement : la possibilité d'« entreprendre des actions concourant à promouvoir l'expertise française à l'international en matière de renouvellement urbain », ce pour quoi elle est déjà sollicitée - une convention a d'ailleurs déjà été signée avec l'agence de rénovation urbaine tunisienne. L'agence pourrait ainsi participer à l'élaboration et la mise en oeuvre d'accords de coopération internationale et réaliser des prestations de services rémunérées, par exemple d'ingénierie urbaine.
Je suis circonspect sur cette seconde compétence, plus encore que sur la première : il ne faudrait pas que cette action internationale se traduise par des coûts supplémentaires pour l'agence, ce qui en impose, me semble-t-il, un usage ponctuel, ciblé et mesuré.
L'article 1er bis A prévoit la mise en place, à compter de 2015, d'une « dotation politique de la ville » (DPV), en remplacement de la dotation de développement urbain (DDU), mise en place en 2009 pour compléter la dotation de solidarité urbaine (DSU), laquelle était critiquée pour son « saupoudrage ». Or, la DDU a été à son tour critiquée en raison de son faible taux d'exécution qui montre que des projets sont subventionnés alors qu'ils ne sont pas assez avancés, de ses conditions de « pré-éligibilité », qui excluent des communes pourtant concernées par la politique de la ville mais qui bénéficient de la dotation de solidarité rurale (DSR), de son coût de gestion et, selon le Gouvernement, de sa faible transparence.
Le présent projet de loi ne définit pas précisément la future DPV. Il en pose le principe - dans la continuité des travaux de la mission « péréquation et politique de la ville » conduite par notre collègue député François Pupponi - et prévoit un rapport au Parlement, déposé avant le 1er septembre 2014, qui servira de base à la création de cette dotation dans la loi de finances pour 2015.
Selon les informations que j'ai recueillies, la future DPV devrait se rapprocher davantage d'un fonds de soutien au bénéfice des territoires les plus en difficulté de la politique de la ville, qui ont structurellement moins de ressources et plus de charges. Elle devrait, surtout, s'inscrire dans le contrat de ville au sein duquel elle serait relativement libre d'emploi : son octroi ne serait plus soumis à des appels à projet, mais répondrait aux objectifs définis par les acteurs locaux et serait encadré par des objectifs nationaux.
Le rapport prévu examinera notamment les critères d'éligibilité et de répartition de cette dotation, ses conditions d'utilisation ainsi que les dispositions spécifiques applicables aux départements et collectivités d'outre-mer.
Aussi cet article 1er bis A, en définissant le contenu du rapport, se contente-t-il d'identifier les principales interrogations à lever en vue de la création de cette nouvelle dotation. Mais elles devront être tranchées et il importe que le Parlement soit étroitement associé à cette réflexion.
Sur le contenu de ce rapport, je vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.
Enfin, il convient de noter que le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale prévoyait la suppression de la DDU, sans créer concomitamment la DPV. Je me réjouis que la commission des affaires économiques du Sénat ait maintenu la DDU, afin que sa suppression n'intervienne pas avant la loi de finances pour 2015, en même temps que la création de la DPV.
L'article 8 confie à l'échelon intercommunal le pilotage stratégique des contrats de ville et leur mise en oeuvre de proximité aux communes. Par conséquent, l'exercice de cette compétence est généralisé à chaque catégorie d'EPCI.
Outre ce pilotage intercommunal de la politique de la ville, une réelle solidarité financière au sein des EPCI devra être garantie. En effet, seul un quart des communautés de communes et deux-tiers des communautés d'agglomération ont instauré une dotation de solidarité communautaire (DSC). Deux tiers des communautés de communes et près d'un tiers des communautés d'agglomération concernés par la politique de la ville n'ont pas de DSC.
Dès lors, l'article 9 vise à promouvoir la solidarité interne à ces EPCI. La rédaction initiale rendait obligatoire l'institution d'une DSC pour tous les EPCI signataires d'un contrat de ville ; nos collègues députés ont préféré rendre obligatoire, dans un délai d'un an, la conclusion d'un « pacte financier et fiscal de solidarité » pour réduire les disparités de charges et de recettes entre les communes membres. Ils ont prévu qu'en l'absence d'un tel pacte dans la première année de mise en oeuvre du contrat de ville, serait alors obligatoire une DSC « dont au moins 50 % du montant doit être réparti en fonction de critères de péréquation concourant à la réduction des disparités de potentiels financiers entre les communes ».
Enfin, à l'article 5 consacré aux nouveaux contrats de ville, l'Assemblée nationale a mis en place, à compter de 2016, un « malus » de 5 euros par habitant, sanctionnant les EPCI qui refuseraient de s'engager dans la politique de la ville. Ce « malus » me semble stigmatisant, peu utile et fragile constitutionnellement. Je me réjouis donc que la commission des affaires économiques du Sénat ait supprimé cette disposition.
Je vous propose en conséquence un avis favorable aux articles dont nous nous sommes saisis, sous réserve des deux amendements que je vous présente.
M. Philippe Marini, président. - Merci pour ce rapport très éclairant.
Monsieur le rapporteur pour avis, savez-vous quand nous connaîtrons la nouvelle « géographie prioritaire » ?
M. Philippe Dallier. - Pas avant les élections municipales...
M. Philippe Marini, président. - Certes, mais la liste sera-t-elle publiée cette année, de façon à ce que les élus sachent sur quoi tabler pour 2015 ?
La nouvelle DPV, ensuite, sera-t-elle dans l'enveloppe normée ?
Je souscris parfaitement à votre appel à la prudence sur les deux nouvelles compétences confiées à l'ANRU. Nous devons éviter à cette agence de prendre des risques inconsidérés : vous nous dîtes qu'elle pourrait prendre des participations mais que ce serait l'État, et seulement lui, qui encourrait les risques. Il faudrait en être certain, ce qui, du reste, pourrait motiver un contrôle de notre part...
M. Philippe Dallier. - Je partage la quasi-totalité des propos de notre rapporteur. Ce texte soulève peu de controverse, car les aspects les plus sensibles, comme la liste des quartiers de la géographie prioritaire, ont été reportés à plus tard, après les élections municipales ; le Sénat réclame depuis suffisamment longtemps la fin du « saupoudrage » des crédits et une nouvelle géographie prioritaire, pour que nous ne regardions pas avec espoir celle que nous annonce ce texte ; cependant, nous verrons ce qu'il en sera dans les faits - et si nos espoirs se concrétisent ou pas.
Je suis inquiet de voir la trésorerie de l'ANRU descendre à 140 millions d'euros : comment les délais de paiement, aujourd'hui déjà beaucoup trop longs, pourraient-ils ne pas s'aggraver, au-delà du raisonnable ? Comment imaginer que le passage d'un PNRU à l'autre pourrait se faire dans de bonnes conditions ? Je le sais comme maire qui termine une opération de rénovation importante, mais également comme ancien rapporteur spécial des crédits de la ville, à qui bien des élus ont dit les nombreuses difficultés liées au manque de financement de l'ANRU. L'administration a commencé par avancer des difficultés d'ordre technique, par exemple celle des logiciels comptables de l'agence, qu'il fallait adapter ; mais les logiciels ont été adaptés et les difficultés sont restées : on ne compte plus les allers-retours nécessaires pour qu'un dossier réputé financé, soit effectivement payé ! Pire, les services de l'État en sont à « gratter » une partie des enveloppes prévues, en refusant dans les avenants une fongibilité pourtant admise au départ. Un responsable de l'ANRU m'a d'ailleurs confié recourir à ce procédé pour redistribuer de l'argent entre territoires, faute de pouvoir honorer tous les engagements de l'agence...
Vous nous dites que le prochain PNRU aurait un effet de levier de quatre, puisque ses 5 milliards d'euros devraient entraîner un investissement global de 20 milliards d'euros : pour le programme actuel, on a constaté un effet de levier de trois. D'où viendra l'argent ? Cela m'inquiète...
Vous évoquez la possibilité qu'Action logement contribue à la GUL : aux dernières nouvelles, nous en étions restés au mécanisme annoncé par Cécile Duflot d'une participation de l'État, assise sur les économies résultant de la mise en extinction d'anciennes dépenses de type « Robien ». En réalité, le financement de la GUL est loin d'être fixé. Le Gouvernement devrait se garder de susciter de faux espoirs en ces temps de rigueur budgétaire aux nombreux maires qui présenteront leurs dossiers dans le cadre du nouveau PNRU.
La fusion de l'ONZUS et du comité d'évaluation et de suivi (CES) de l'ANRU me paraît, elle, une très bonne chose : la dispersion des moyens n'est plus de mise !
Le pilotage de la politique de la ville est confié à l'échelon intercommunal : il faudra adapter ce principe à la nature des territoires ! Comment, par exemple, sera-t-il appliqué en Île-de-France ? Quel sera le périmètre au sein du Grand Paris ? Faudra-t-il se caler sur les conseils de territoire ? Le texte n'en dit rien, pour contourner l'obstacle... En Seine-Saint-Denis, les quatre ou cinq conseils de territoires représenteraient des ensembles bien trop vastes pour le pilotage concret des projets et mieux vaudrait, de loin, confier la gestion aux communes, surtout celles qui ont de l'expérience en la matière...
Je suis moi aussi sceptique s'agissant des nouvelles missions de l'ANRU. Elle pourra exporter son savoir-faire : ce serait une bonne chose, à condition que ce type d'action soit rentable. Il faut être prudent, car les quatre-vingts salariés de l'agence ont bien d'autres choses à faire, vu l'ampleur des projets ; on me dit que le texte ne fera que régulariser une pratique actuelle : cela n'enlève rien à l'obligation de prudence...
Seconde compétence nouvellement confiée à l'agence, la faculté d'investir pour le compte de l'État : la Caisse des dépôts et l'EPARECA le font déjà, faut-il le prévoir pour l'ANRU ? Je ne sais pas très bien où l'on veut aller.
Enfin, il y a la controverse née de la volonté d'acteurs associatifs de « co-élaborer » et de cogérer, avec les élus locaux, les actions de la politique de la ville ; ce texte ne s'avance pas sur ce terrain aussi loin que certains l'auraient souhaité et c'est une bonne chose - car nous vivons dans une démocratie représentative et il me semble sain que les élus décident des questions aussi importantes et complexes que celles posées par la politique de la ville.
En conclusion, c'est un texte qui me semble aller dans le bon sens, mais pour en dire plus, il faudra attendre de connaître le détail des choses.
M. Philippe Marini, président. - Merci, Monsieur le shadow rapporteur pour avis, votre analyse conforte celle de Jean Germain...
M. François Marc, rapporteur général. - Je m'associe à l'appel à la vigilance sur « l'action internationale » de l'ANRU ; cependant, s'il ne s'agit que de sécuriser une pratique actuelle, je n'y vois pas d'inconvénient.
Quant à la faculté ouverte à l'agence d'intervenir en étant co-investisseur, sur laquelle je me suis interrogé, la garantie me paraît provenir du fait que les 5 milliards d'euros du PNRU ne pourront pas être utilisés à cette fin : les fonds visés sont uniquement ceux du PIA, il y a une étanchéité avec ceux du renouvellement urbain ; et dans cette compétence nouvelle, l'agence agit pour le compte de l'État, sous l'oeil notamment de la Caisse des dépôts et consignations et du Commissariat général à l'investissement : c'est rassurant. Le ministère de la ville dit que l'investissement dans les quartiers pourrait être plus vigoureux et que l'ANRU est la mieux placée pour soutenir le mouvement, qu'elle est un peu le chaînon manquant : pourquoi s'interdire son investissement, en complément des autres investisseurs publics ?
Enfin, je partage votre interrogation sur la subite amélioration de l'effet levier de l'investissement d'un PNRU à l'autre : on passerait de trois à quatre, sans bien savoir pourquoi...
M. Philippe Dallier. - C'est Noël !
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. - Quand la liste des quartiers prioritaires sera-t-elle publiée ? Après les élections municipales, effectivement, mais probablement avant l'été, pour que les équipes fraîchement élues puissent avancer concrètement. Du reste, les agences locales d'urbanisme peuvent déjà esquisser la carte car la technique est connue : c'est celle du carroyage, consistant à découper des carreaux de territoire de 200 mètres de côté et à appliquer le critère de concentration des populations à bas revenus, c'est-à-dire dont les ressources sont inférieures à 60 % du revenu fiscal médian.
La DPV fera-t-elle partie de l'enveloppe normée ? La question n'est pas réglée ; le ministère de la ville voudrait un rattachement de ces crédits à son programme. S'agissant du montant, j'ai cru comprendre que l'on s'engageait dans des années de sobriété...
La trésorerie de l'ANRU est un vrai sujet de préoccupation pour tous ceux qui portent des projets. La pression est forte, c'est certain. Action logement a été sollicitée pour financer l'ANRU. Cet organisme a connu des difficultés financières et a su, à la suite du contrôle de la Cour des comptes, se réorganiser. Tout en prenant de nouveaux engagements pour la construction neuve, le niveau de participation d'Action logement doit être maintenu à un niveau de 500 millions d'euros à compter de 2018 pour que le financement des deux PNRU soit assuré. Or, la participation d'Action logement à la GUL ne sera peut-être pas sans incidence. Les choses ne sont pas encore fixées : l'obstacle n'est pas dirimant, mais il faut régler ce problème. J'ajoute que notre commission a demandé un contrôle de la Cour des comptes sur la gestion de l'ANRU, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ; la Cour devrait rendre son rapport en juin prochain, nous y verrons alors un peu plus clair.
Je vous concède bien volontiers que l'Île-de-France est un cas à part pour la DSC - alors que l'organisation métropolitaine permet de régler les choses à Lyon et à Marseille, et que dans les autres villes et métropoles, la DSC paraît de bon sens. Il faudra donc, effectivement, articuler cette nouvelle dotation avec le Grand Paris.
Je partage votre avis sur l'importance de la démocratie représentative : les élus sont responsables, c'est à eux que la décision doit revenir, et non à des personnalités dont on ne sait jamais précisément ce qu'elles représentent.
Enfin, je suis également favorable à la plus grande prudence sur les deux compétences confiées à l'ANRU : elle ne doit pas se disperser à l'international, quand il y a tant à faire sur le territoire national - et il faut également minimiser les risques de tension avec un acteur aussi déterminant que la Caisse des dépôts, c'est une certitude.
M. Philippe Marini, président. - Nous passons à l'examen des amendements.
Article 1er bis A
L'amendement rédactionnel n° 1 est adopté
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. - Avec l'amendement n° 2, je souhaite préciser que le nouveau document de suivi de la politique de la ville prévu à cet article n'est pas un budget annexe, mais bien une annexe au budget.
M. Philippe Dallier. - Les communes ont obligation de présenter un rapport sur la DSU devant leur assemblée délibérante : cet exercice est tout à fait formel, ne peut-on en supprimer l'obligation ? Ne pourrait-on supprimer cette obligation au profit de l'annexe prévue à l'article 8 ?
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. - Le texte prévoyait un rapport DSU, un rapport « Politique de la ville » et l'annexe au budget dont nous discutons. Mais les deux premiers rapports ont été fusionnés par la commission des affaires économiques.
M. Philippe Marini, président. - L'obligation subsistera donc ?
M. Jean Germain, rapporteur pour avis. - Il y aura bien une annexe au budget, mais les deux rapports seront fusionnés.
M. Philippe Marini, président. - C'est déjà un résultat de la Haute Assemblée... où l'on voit, une fois encore et s'il en était besoin, que le cumul des mandats n'a pas que des défauts !
M. Yann Gaillard. - Je m'abstiens sur ce texte, parce que même ses défenseurs ne m'en paraissent pas convaincus...
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie, tels que modifiés par ses amendements.