Mercredi 14 novembre 2012

- Présidence de MM. Jean-Pierre Sueur, président, Jean-Pierre Michel et Patrice Gélard, vice-présidents -

Nomination d'un rapporteur

M. Jean-Pierre Michel est nommé rapporteur du projet de loi n° 344 (2012-2013), ouvrant le mariage aux personnes du même sexe.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous informe de la réception et de la publication en ligne de l'étude de droit comparé que nous avions commandée sur le mariage des personnes de même sexe et les modalités d'accueil des enfants au sein de ces familles dans neuf Etats : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède, ainsi que le Québec.

Juridictions de proximité - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine ensuite le rapport de Mme Virginie Klès et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 72 (2012-2013), présentée par M. Jean-Pierre Sueur, relative aux juridictions de proximité.

EXAMEN DU RAPPORT

Mme Virginie Klès, rapporteure. - Cette proposition de loi émane de notre distingué président.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le texte est minimaliste...

Mme Virginie Klès, rapporteure. - Certaines lois ont la vie brève : les juridictions de proximité, créées en septembre 2002 puis modifiées en 2003 et en 2005, doivent être supprimées le 1er janvier 2013. Ce texte vise à prolonger leur existence de deux ans, ce en quoi le Sénat confirmera l'avis de notre commission sous une précédente majorité.

Les juges de proximité ont compétence sur les litiges jusqu'à 4 000 euros en matière civile et sur les contraventions des quatre premières classes en matière pénale. Ils ont pour particularité de pouvoir exercer une profession en plus de leurs missions judiciaires. Ce point, qui ne fait toujours pas consensus au sein de la profession, pourra être révisé si nous votons le report de leur abrogation.

Les auditions ont montré que les arguments contre les juges de proximité demeurent identiques depuis leur création. La complexité du système pour les justiciables, d'abord. Comment s'y retrouver entre juges d'instance et juges de proximité ? La précarité de ceux-ci, ensuite : ils sont recrutés pour sept ans et leurs missions sont sans cesse remodelées. En fin de compte, le recours à des personnes qui n'étaient pas des magistrats professionnels pour statuer en dernier ressort sur un contentieux de masse qui concerne le quotidien des Français.

Les juges de proximité ont cependant pris une place importante dans le traitement du contentieux de masse : ils tranchent 15 à 20% des affaires civiles. Les supprimer au 1er janvier 2013 signifierait augmenter d'autant la charge de travail des juges d'instance dont les responsabilités se sont déjà considérablement accrues avec la réforme des tutelles et la judiciarisation de notre société. Ou alors, il faudrait compenser leur disparition par la création de plus d'une soixantaine d'ETP, ce qui n'est pas envisagé. De plus, les juges de proximité, seraient reservés au sein des audiences collégiales des tribunaux de grande instance, qui traitent de questions techniques pour lesquelles ils n'ont pas de qualification particulière et devraient recevoir une formation supplémentaire. J'ajoute que leur nombre, en raison de leur situation très précaire, diminue : 420 à 430 aujourd'hui, contre 600 l'an dernier.

D'où la proposition de M. Jean-Sueur : se donner un délai, non pas forcément en vue d'obtenir de nouveaux postes, mais afin de réfléchir à la répartition des compétences entre les juridictions et à l'organisation de la justice. Cette réflexion, qui est engagée à la Chancellerie, l'est aussi au sein de notre commission : Mme Borvo Cohen-Seat et M. Détraigne ont rendu un excellent rapport sur la réforme de la carte judiciaire, que prolongera la mission d'information sur la justice de première instance, qui m'a été confiée avec M. Détraigne. On a beaucoup bousculé la justice ces dernières années ; donnons-nous le temps et les moyens de construire une justice de proximité plus efficace et mieux répartie entre les juridictions.

M. Jean-Pierre Michel. - Je remercie Virginie Klès pour son rapport et vous-même, Monsieur le Président, pour ce texte intéressant en dépit de son objet restreint. Si seulement la Chancellerie, durant ces deux ans, pouvait s'inspirer du rapport de M. Détraigne... La réforme de la carte judiciaire a été bâclée par une précédente garde des Sceaux.

Il aurait fallu intégrer à cette réforme la refonte des juridictions de première instance en créant, pourquoi pas, des sections : droit de la famille, droit des contrats... Régler la compétence juridictionnelle sur le montant des litiges n'a aucun sens : c'est compliquer la vie des justiciables au bénéfice des avocats. La remarque vaut pour le droit de la famille : le tribunal de grande instance connaît les affaires de divorce et d'autorité parentale, le tribunal d'instance celles de tutelle des mineurs. Quelle est la logique ? Bref, ce délai sera utile pour repenser l'organisation des juridictions puis réviser la carte judiciaire, même si cela n'est qu'à la marge, dans un sens favorable aux territoires et aux justiciables.

M. Patrice Gélard. - Un peu d'histoire... Les juges de proximité, dont notre ancien collègue Fauchon fut un ardent défenseur, ont reçu un accueil proprement scandaleux dans les tribunaux. Les magistrats ont découragé les candidats, dont les universitaires, en leur rendant la vie impossible : les nouveaux juges de proximité devaient travailler à 90 kilomètres de leur domicile sans être remboursés de leurs frais de déplacement, ils avaient accès au dossier uniquement sur place. Cette réforme sabotée reposait pourtant sur une idée solide : le juge de proximité devait apporter un peu de chaleur humaine, ce dont le juge d'instance qui traite 40 à 50 affaires en quelques heures, n'a pas le temps.

Je félicite M. Sueur d'avoir présenté un texte grâce auquel nous pourrons dessiner un avenir des tribunaux d'instance qui, en tout état de cause, devront être réformés pour être rapprochés du citoyen.

M. Yves Détraigne. - Tout a été dit : repousser la suppression des juges de proximité est la sagesse. Il serait malvenu de modifier une fois de plus l'organisation judiciaire alors que s'engage un travail sur la justice de première instance...

Mme Catherine Tasca. - ...et la réforme des cours d'appel. Nous sommes au milieu du gué, nous devrons pleinement utiliser ce délai pour repenser l'organisation de la justice et, en particulier, la carte judiciaire. Les juges de proximité ont un bilan très positif pour la raison donnée par M. Gélard : ils apportent de l'humanité dans un appareil plus craint que respecté. S'ils sont incorporés dans les tribunaux d'instance, il faudra ne pas l'oublier.

Profitons de ce texte pour interroger la Chancellerie sur le manque de greffiers : il se fera sentir quel que soit le nouveau partage des compétences envisagé, et le projet de loi de finances pour 2013 n'apporte pas de réponse satisfaisante à cet égard.

M. Michel Mercier. - Je ne suis pas hostile à un délai, reste à savoir qu'en faire. L'institution des juges de proximité souffre d'une ambiguïté originelle : sont-ils de nouveaux juges de paix ou des adjoints au juge d'instance ? Nous n'avons jamais tranché... L'idée de juridictions du premier et du second degrés pour les affaires civiles, portée par Mme Borvo Cohen-Seat et M. Détraigne et par la plupart des magistrats, a l'avantage de la clarté pour nos concitoyens sans imposer nécessairement des regroupements géographiques. Oui, les juges de proximité ont leur place dans notre justice.

Quant aux greffiers juridictionnels, la plupart d'entre eux sont titulaires d'un master alors que, de mon temps, ils avaient un DEUG de droit.

M. Patrice Gélard. - Eh oui !

M. Michel Mercier. - Confions-leur, comme l'ont fait de nombreux pays, des tâches plus adaptées à leur qualification, de la même manière qu'il faut revoir la répartition des compétences entre médecins et infirmiers. Très honnêtement, nous avons des magistrats en nombre suffisant à condition de leur laisser faire le travail qui est le leur : trancher. Le service public y gagnera.

M. Jacques Mézard. - L'initiative de M. Sueur est heureuse : j'y suis favorable à condition de restructurer la justice de première instance.

Des magistrats en nombre suffisant ? Non, c'est même précisément pour cela qu'on a créé les juges de proximité, parfois transformés en juges supplétifs. Au reste, savez-vous qu'il y a des juridictions de proximité sans juges de proximité ? Dans celles-ci, le président du tribunal d'instance préside aux audiences de proximité avant de siéger au tribunal d'instance. Quelle aberration ! Nous avons oublié que la juridiction d'instance est d'abord de conciliation. Les conciliateurs de justice sont très peu implantés. Le système de conciliation, incompréhensible et désuet, doit être repris à la base.

Une réforme sabotée par les magistrats ? Cela est exact, mais seulement en partie. Certains juges de proximité n'avaient jamais ouvert un code civil de leur vie, ce qui donnait lieu à des audiences hilarantes.

Quant aux greffiers, je rappellerai à M. Mercier, qui le sait très bien, cette fameuse affiche que l'on voit dans tous les tribunaux d'instance de France : « Il est interdit aux greffiers de donner des renseignements ».

M. Alain Richard. - Le compte à rebours est lancé : plus nous discutons, plus j'ai la conviction que la date du 1er janvier 2015 sera difficile à tenir. Si nous trouvons une forme d'inclusion des juges de proximité dans un système de première instance unifié, il faudra un véhicule législatif adapté. Le sujet intéresse de nombreux groupes d'intérêt. Qui plus est, ce texte, pour être applicable, devra être accompagné d'un paquet réglementaire. Sans parler des recours éventuels... Pour que nous soyons prêts à l'été 2014, il faudra présenter un texte fin octobre ou début novembre 2013. Cela suppose de fixer dès maintenant avec la Chancellerie, de manière concrète et effective, un calendrier législatif. Nous pouvons faire du bon travail, mais il n'y a pas de temps à perdre.

M. Christian Cointat. - J'approuve ce délai de réflexion. Le constat est double : les juridictions de proximité fonctionnent mal, elles sont néanmoins nécessaires. Pourquoi ? Les magistrats ont rejeté cette réforme parce qu'elle n'a pas été élaborée avec eux. Les juges d'instance, je l'avais constaté lors de la mission sur l'évolution des métiers de justice que nous avions menée pour la commission en 2002-2003, étaient très favorables à un système qui leur aurait donné autorité sur les juridictions et les juges de proximité. Les juges de grande instance, également. Souvenons-nous-en pour définir un schéma institutionnel qui fonctionne et réponde aux attentes de proximité, d'humanité et d'humanisme des justiciables.

M. Jean-Jacques Hyest. - A l'époque, notre commission avait préconisé l'institution des juges de proximité, mais jamais celle de juridictions de proximité, ce qui était tout à fait différent. Et puis, parce que le président de la République l'avait dit, nous avons fini par voter les deux.

On parle beaucoup des exemples étrangers. Eh bien, en Angleterre, des citoyens très engagés jugent toutes les affaires de petite délinquance. Ce système a des résultats remarquables. En fait, nous aurions dû placer les juges de proximité sous l'autorité du président du tribunal d'instance, comme nous l'avons fait plus tard pour les délégués du procureur, qui relèvent des parquets. Cela aurait évité les scènes ridicules dont M. Mézard a parlé. J'ai rencontré récemment un commissaire-enquêteur complètement... hors sujet quoique désigné par le préfet.

M. Alain Richard. - Le commissaire enquêteur est nommé par le président du tribunal administratif, le préfet ne fait que proposer !

M. Jean-Jacques Hyest. - Certes ! En tout cas, ce texte soulève d'autres questions, comme celle des greffiers dont nous discutons depuis longtemps. Rendez-vous compte : auparavant, c'était le juge qui devait contrôler les comptes de tutelle ; heureusement, cela a changé. La ministre de la justice veut augmenter le nombre de magistrats, cela ne durera peut-être pas. Nous avons besoin du concours de ces juges de proximité dont certains avaient fait une belle carrière dans des métiers de justice. Je soutiens donc le texte tout en affirmant, avec M. Richard, qu'il sera compliqué de mener à bien une réforme complète de la justice de première instance.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Disons la vérité avec modestie. Certains d'entre nous s'étaient opposés à l'institution des juges de proximité pour la raison très évidente qu'il aurait été plus simple, M. Badinter l'avait démontré avec son éloquence coutumière, de créer des juges d'instance. Le gouvernement précédent a décidé subitement leur suppression, ce qui poserait difficulté dans de nombreuses juridictions. Les présidents des tribunaux d'instance nous l'ont dit clairement : ils ont pris l'habitude de travailler avec les juges de proximité. Ceux-ci traitent 40 à 50 dossiers par mois, rien n'est prévu pour les remplacer. En second lieu, cette réforme doit s'inscrire dans la réflexion plus globale sur l'organisation des juridictions de première instance, initiée par le rapport d'information de Mme Borvo Cohen-Seat et de M. Détraigne.

En troisième lieu, la garde des Sceaux a jugé le 1er octobre 2012 au Sénat que l'utilité des juges de proximité était indiscutable : « Je réfléchis d'ailleurs à la façon de les maintenir. Il faut savoir apprécier le travail qu'ils ont effectué et leur utilité dans nos juridictions ». Elle est décidée, monsieur Richard, à engager immédiatement le travail sur la justice de première instance. La mission confiée à Mme Klès et à M. Détraigne par notre commission, qui pourrait aboutir rapidement, nous aidera à y voir clair dans un an et à bâtir un système pérenne.

Mme Virginie Klès, rapporteure. - La qualité du travail rendu par les juges de proximité comme l'accueil que leur ont réservé les juges d'instance varient considérablement d'un endroit à l'autre. Ces petites frictions s'expliquent par des raisons très concrètes : l'humanité, les juges d'instance n'en ont pas le temps. La conciliation est évidemment importante, les juges de proximité pouvant s'y consacrer davantage. M. Détraigne et moi avions anticipé sur la conclusion du président, puisque nous nous réunissons dès aujourd'hui pour discuter du calendrier de notre mission. A entendre cet échange très riche, nous devrons procéder à de nombreuses auditions !

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

Mme Virginie Klès, rapporteure. - L'amendement n°COM-1 corrige une erreur de coordination.

L'amendement n° COM-1 est adopté.

L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel

M. Jacques Mézard. - Le but de mon amendement n° COM-2, ainsi que du n°COM-3, est d'attirer l'attention de la Chancellerie sur les difficultés de fonctionnement considérables des pôles de l'instruction sur le terrain. Mieux vaut les supprimer.

Mme Virginie Klès, rapporteure. - Je souscris aux arguments de M. Mézard, mais le moment est-il bien choisi ? Ce sujet mérite une large concertation, des auditions... Or il y a urgence à adopter la proposition de loi de M. Sueur. Il serait plus sage de retirer cet amendement et de le présenter en séance pour obtenir de la garde des Sceaux des indications sur la politique du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Michel. - Juste ! D'autant que la Chancellerie aura fort à faire en cinq ans : la justice de première instance ; la procédure pénale après la création des pôles de l'instruction, la suppression de la collégialité de l'instruction ou encore l'inévitable réforme du statut du parquet ; la justice des mineurs. Les dégâts de la période antérieure sont considérables, dans le domaine de la justice comme dans d'autres, le président de la République l'a dit hier. Un amendement en séance sera l'occasion d'interroger la ministre sur sa ligne de conduite. Elle aurait tout intérêt à s'appesantir sur le rapport que M. Lecerf et moi-même avions rendu sur une procédure pénale équilibrée.

M. François Zocchetto. - Cet amendement judicieux soulève un vrai problème : l'application de la réforme de 2007 est difficile. Au reste, certains départements sont dépourvus de pôle de l'instruction. Lorsqu'y surviennent des affaires criminelles, leur suivi laisse à désirer : le parquet met du temps à arriver, la direction de l'enquête s'en trouve compliquée. Voilà une nouvelle catégorie de parquets : dépourvus de pôles de l'instruction ils sont de moins en moins attractifs.

M. Michel Mercier. - Ce n'est pas faux, mais le lien entre l'amendement et le texte est quelque peu distendu. Je vous propose une autre voie : supprimer les départements sans pôle de l'instruction...

M. Jacques Mézard. - Je déposerai donc mon amendement en séance. Nous ne pouvons pas rester durablement dans cette situation pour les pôles de l'instruction comme pour la justice des mineurs - la constitution de tribunaux pour mineurs pose un véritable problème technique. Nous devons obtenir des indications claires de la part du Gouvernement.

L'amendement n° COM-2 est retiré, ainsi que l'amendement n° COM-3.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme KLÈS, rapporteur

1

Correction d'une erreur de coordination

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article unique

M. MÉZARD

2

Suppression des pôles de l'instruction

Retiré

M. MÉZARD

3

Coordination

Retiré

Procédure de demande d'asile - Examen du rapport d'information

Puis la commission examine le rapport d'information de MM. Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte sur la procédure de demande d'asile.

M. Christophe-André Frassa, co-rapporteur. - Avec 56 250 demandes de protection déposées en 2011, la France est le premier pays sollicité d'Europe, le deuxième au monde. Notre procédure d'examen des demandes d'asile présente trois singularités. Si le taux d'acceptation de 25% se situe dans la moyenne européenne, cela est dû aux décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), plus que de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). La procédure dite prioritaire, qu'il faudrait plutôt qualifier d'accélérée, a été dévoyée de son objet : elle est utilisée pour instruire 26% des demandes. Or l'absence de recours suspensif devant la CNDA pourrait poser difficulté, surtout depuis l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 2 février dernier dans l'affaire « I.M. contre France ». Enfin, l'intervention de trois acteurs dans la procédure -préfectures, OFPRA, CNDA- ne garantit pas un traitement équitable des demandes dans un délai raisonnable.

Premier temps, l'accueil en préfecture : les délais entre la demande d'asile et le rendez-vous pour déposer les documents ne sont pas toujours acceptables. Nous nous sommes déplacés à Bobigny pour le vérifier. Le délai réglementaire est de quinze jours. Toutefois, faute d'effectifs, il atteint trois mois à Lille, cinq à Paris... Les associations critiquent un retard qui prive les demandeurs d'asile des droits attachés à cette qualité et les expose à une mesure d'éloignement.

L'examen de la demande par l'OFPRA est souvent déroutant pour le demandeur. Les dossiers doivent être rédigés en français et le récit personnalisé, qui constitue le coeur de la procédure, est loin d'être une simple biographie - peu de nos concitoyens parviendraient à l'écrire dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue, ni la culture, ni les usages administratifs. Le demandeur est reçu par l'un des 162 officiers de protection. 90 % des primo-demandeurs reçoivent une convocation et 80 % s'y rendent. L'entretien est confidentiel ; un interprète y participe. En revanche, nous nous sommes étonnés de constater que l'officier tape son rapport, au fur et à mesure, et n'entame donc pas de véritable dialogue avec le demandeur. Des difficultés de ventilation rendent par ailleurs l'atmosphère étouffante, ce qui ne concourt pas à la sérénité de l'entretien, pourtant décisif. L'officier rédige un avis, suivi dans 90% des cas. En dépit d'efforts significatifs, les délais de traitement demeurent élevés : 145 jours en 2010 et 174 en 2011, soit un peu moins de six mois.

L'OFPRA est moins généreux que ses équivalents européens quant à l'octroi de statuts de réfugié ou de protections subsidiaires. Au terme de nos auditions, nous sommes toutefois convaincus qu'en dépit de la tutelle du ministère de l'Intérieur, l'OFPRA n'est soumis à aucun quota d'admissions au statut de réfugié, comme certains le craignent parfois à tort. Néanmoins, les officiers de protection sont soumis aux exigences de productivité les plus élevées en Europe, soit deux décisions par jour. De l'avis des personnes entendues, une telle pression peut constituer une incitation à prendre des décisions de rejet.

En cas de décision de refus par l'OFPRA, le demandeur dispose d'un délai d'un mois pour saisir la CNDA, juridiction administrative spécialisée statuant en plein contentieux et seul tribunal français où siège, avec voix délibérative, un représentant d'une organisation internationale, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR). Les décisions de cette juridiction sont rendues par une centaine de formations de jugement. Le taux de recours est en effet élevé et constant - autour de 85%. Le délai de jugement prévisible a été ramené à 8 mois cette année contre 9 mois et 15 jours en 2011. Le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA, de 5% dans les années 1990, est monté à 22% en 2010 et il était de 17% en 2011. Il s'explique par la nature de plein contentieux des décisions, par l'intervention d'un avocat, par la diversité des membres des formations de jugement et leur connaissance plus ou moins fine des pays d'origine, ainsi que par des divergences d'appréciation avec l'OFPRA sur la situation de ces pays.

Juge de cassation, le Conseil d'Etat est peu sollicité : moins de 2% des décisions de la CNDA lui sont soumises. En outre, l'essentiel des pourvois sont irrecevables, parce qu'ils n'ont pas été introduits par un avocat au Conseil. Résultat, 6 arrêts en 2009, 15 en 2010 et 22 en 2011, l'OFPRA étant à l'origine du pourvoi dans les trois quarts des cas. Le Conseil d'Etat intervient toutefois en matière de conditions d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile et il limite les abus dans l'utilisation de la procédure prioritaire par certaines préfectures.

M. Jean-Yves Leconte, co-rapporteur. - Le droit d'asile est un droit fondamental. Il reconnait le droit de chaque être humain, citoyen du monde, à la protection de ce qu'il est, comme de ses opinions. Renforcer ce droit, c'est réaffirmer nos valeurs et les défendre.

Dans la pratique, la frontière n'est en revanche pas toujours évidente entre les demandeurs d'asile et des migrants potentiels. C'est la raison pour laquelle une procédure prioritaire vise à identifier en amont les personnes n'entrant pas dans la catégorie des demandeurs d'asile. Encore faut-il qu'elle soit adaptée à ses objectifs. Ceux qui y sont soumis se voient refuser certains droits et ne sont pas autorisés à séjourner sur le territoire, d'où la nécessité pour l'OFPRA de statuer très vite. Mieux vaudrait l'appeler procédure expéditive, car certains demandeurs, y voyant un moyen d'obtenir le droit d'asile plus rapidement, se liment les empreintes digitales pour en bénéficier.

En 2011, cette procédure représentait 15% des premières demandes d'asile hors rétention. La part des premières demandes est désormais de 63%, contre 34% en 2006. L'OFPRA a accordé une protection à 8,9% des demandeurs, proportion quasiment équivalente à celle du droit commun. La CNDA a annulé un peu plus de 14% des décisions de l'OFPRA, soit là aussi un taux proche de la moyenne. Si ce chiffre démontre que la procédure prioritaire n'empêche pas l'examen au fond de la demande, il signifie également que le partage entre les demandeurs n'est peut-être pas bien effectué ou alors que la procédure est trop sévère.

La liste des pays d'origine sûrs - qui est l'un des principaux critères de recours à cette procédure - devrait faire l'objet d'une harmonisation européenne. Comment définir une politique commune du droit d'asile, si la liste est établie par les autorités nationales ?

Enfin, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme au motif que les demandeurs soumis à la procédure prioritaire étaient susceptibles d'être expulsés avant la fin de la procédure.

M. Christophe-André Frassa, co-rapporteur. - La première série de nos 21 propositions vise à donner plus de cohérence à des dispositifs trop fragmentés. Il s'agit tout d'abord de libérer l'OFPRA de suspicions injustifiées en le plaçant sous la tutelle du ministère de la Justice, ou mieux, du Premier ministre.

La composition du conseil d'administration de l'OFPRA, chargé notamment d'arrêter la liste des pays d'origine sûrs, pourrait en outre être modifiée en augmentant le nombre de personnalités qualifiées, en privilégiant les magistrats issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation ou d'anciens présidents de section de la CNDA. Le nombre de parlementaires pourrait être doublé.

Afin d'encourager une plus grande implication de l'ensemble des administrations, en particulier du ministère des Affaires étrangères, un correspondant asile, le cas échéant le magistrat de liaison, pourrait être nommé dans les chancelleries politiques des postes diplomatiques français installés dans les principaux pays d'origine. Il serait tenu de répondre dans un délai précis qui pourrait être d'un mois.

Nous proposons aussi la création d'un centre de documentation et de formation autonome commun à l'OFPRA et à la CNDA. Il s'agirait, par cette mutualisation, de dépasser l'actuelle suspicion et d'améliorer la transparence des sources utilisées. Ce centre, qui pourrait avoir recours à l'expertise du HCR, organiserait des formations à l'intention des nouveaux officiers de protection de l'OFPRA, des rapporteurs et des formations de jugement de la CNDA. Un site internet donnerait en outre des informations dans les principales langues des demandeurs sur la procédure et sur la jurisprudence.

Il convient également de repenser l'aide juridique. Seulement 40% des demandeurs bénéficient d'un hébergement en CADA (centre d'accueil des demandeurs d'asile), les autres ont accès à des plateformes d'accueil. L'articulation avec l'aide juridictionnelle doit être revue de concert avec les barreaux.

Davantage qu'une proposition, une interrogation : faut-il confier l'ensemble des missions d'accueil et d'hébergement à une agence de l'asile compétente pour accorder les statuts de réfugié et les protections subsidiaires ?

Nous souhaitons en revanche dégager les moyens nécessaires à l'examen des demandes d'asile dans des délais raisonnables afin de limiter l'inévitable précarité des demandeurs, de mieux instruire les demandes et aussi de bien gérer les deniers publics. A cette fin, le gouvernement doit imposer aux préfectures de respecter le délai réglementaire de 15 jours entre la demande d'admission au séjour au titre de l'asile et son enregistrement effectif, quand bien même les demandeurs sont très inégalement répartis sur le territoire. Corrélativement, les délais effectifs d'enregistrement des demandes devraient être rendus publics.

Faut-il imposer aux demandeurs d'asile un délai maximal pour formuler leur demande à leur arrivée sur le territoire ? L'United Kingdom Border Agency (UKBA) britannique impose par exemple un délai de 72 heures, qui ne s'applique en fait qu'à 10% des dossiers, 50 % des demandes étant déposées directement, sans condition de délai, auprès de l'UKBA et 40% des demandes étant formulées à l'occasion d'une mesure d'éloignement. Si nous n'avons pas souhaité formuler une telle exigence, il serait en revanche possible d'exclure de la procédure prioritaire les demandes formulées dans les 8 jours suivant l'entrée sur le territoire. Il ne s'agit là que d'une piste de réflexion.

Autre proposition : imposer à l'OFPRA et à la CNDA un délai maximal de six mois chacun pour se prononcer sur toute demande d'asile examinée selon la procédure normale. Elle apporterait à tout demandeur la garantie que son dossier serait traité dans les mêmes délais que les autres et contraindrait ces deux instances à justifier les absences de réponses dans le délai imparti.

M. Jean-Yves Leconte, co-rapporteur. - Parmi les principaux enjeux figurent la rapidité et la qualité des procédures. Tout d'abord, il suffit de comparer le coût d'un mois de procédure (15 millions d'euros de prestations) à celui d'un officier de protection, soit 70 000 euros par an. Voilà pourquoi nous nous sommes interrogés sur la création d'une grande agence de l'asile qui, au-delà de la gestion des procédures, aurait une vision complète des coûts. De plus, si le taux de protection est identique en France et chez ses voisins, cela tient pour une grande part aux décisions de la CNDA, d'où des délais plus longs, alors que pendant toute la période d'instruction, les demandeurs n'ont pas le droit de travailler. Le délai maximal de six mois serait plus difficile à imposer à la CNDA, instance juridictionnelle, qu'à l'OFPRA. Lorsque le dépassement du délai n'est pas le fait du demandeur, pourquoi ne pas lui accorder, comme c'est le cas en Pologne, le droit de travailler ? Le rapport ne le précise pas, faute d'accord entre nous sur ce point.

Pour renverser les taux, nous proposons de renforcer les conditions dans lesquelles se déroule l'entretien. A cette fin, nous proposons qu'un tiers habilité puisse assister à l'entretien. De même, la présence d'un dactylographe aux côtés de l'officier de protection permettrait à celui-ci de se concentrer sur l'entretien. L'interprète serait systématique lorsque le demandeur n'est pas francophone. Réfléchissons aussi à des entretiens plus ouverts, et moins concentrés sur le point de savoir si le demandeur est un menteur. La douzième proposition est que, si nécessaire, l'entretien puisse être mené par une personne du même sexe que le demandeur.

Nous souhaiterions aussi que les membres des formations de jugement de la CNDA aient une meilleure connaissance de l'OFPRA.

La revalorisation de l'aide juridictionnelle, indispensable pour permettre l'amélioration des délais, doit se poursuivre - le projet de loi de finances pour 2013 comporte une mesure bienvenue de ce point de vue. La spécialisation des avocats devant la CNDA provoque des difficultés pratiques : douze d'entre eux se partageant 40% des recours, ils sont dans l'impossibilité physique de traiter tous les dossiers que la Cour souhaiterait inscrire à son rôle.

Il est malheureux que l'OFPRA ne tienne pas assez compte de la jurisprudence de la CNDA. Afin d'y remédier, nous proposons que l'Office soit systématiquement représenté aux audiences. Simultanément, la proposition n° 16 porte sur l'amélioration de la formation des juges de la CNDA.

Si nous souhaitons que la CNDA conserve sa compétence de plein contentieux, les ordonnances - 13% des décisions de la CNDA ne donnent pas lieu à une audience collégiale - ne sauraient devenir une autre forme de procédure prioritaire.

Si nous ne suggérons pas la suppression de la liste de pays d'origine sûrs, la proposition n° 18 est que celle-ci soit commune aux différents pays européens. En attendant une telle liste, nous proposons des pistes pour redonner un sens à cette notion.

Il conviendrait de redéfinir la notion de demande dilatoire, frauduleuse ou abusive à partir de critères objectifs et non équivoques (proposition n° 19), ainsi que d'autoriser le demandeur d'asile en procédure prioritaire à se maintenir sur le territoire jusqu'à ce que la CNDA se soit prononcée sur son recours (proposition n° 20), c'est-à-dire de conférer un caractère suspensif à tous les recours introduits devant la CNDA. Dans ce cas, il appartiendrait à la Cour de se prononcer rapidement (proposition n° 21).

M. René Vandierendonck. - Ancien membre du Haut conseil de l'intégration, et préoccupé par les logements d'accueil dans ma ville, je n'ai pas eu une seconde l'occasion de me désintéresser du sujet. Même si l'expérience des autres est un peigne pour chauve, j'ai besoin d'être convaincu sur la suppression de la tutelle sur l'OFPRA par le ministère de l'Intérieur. Ce dernier ne doit-il pas assurer une unicité de pilotage de l'entrée et du séjour des étrangers ?

Parmi les questions identifiées par les rapporteurs sur les garanties procédurales et la réalité du suivi des demandes, il en est une en particulier qui ne doit pas être écartée : quand la demande d'asile doit-elle être formulée ? Devons-nous, à l'instar de nos voisins anglais, l'enserrer dans un délai ? Nous sommes l'un des États européens où elle peut être formulée à tout moment. Des critères d'identification des demandes dilatoires ou abusives donnent des garanties aux personnes. Or la France n'a, sans doute par générosité, pas suffisamment encadré cette procédure.

Mme Hélène Lipietz. - Ce rapport le met en évidence, tous les demandeurs d'asile ne sont pas des fraudeurs potentiels. Il y a par ailleurs des demandeurs de bonne foi qui ne peuvent bénéficier du droit d'asile. La définition actuelle repose en effet sur la convention de Genève vieille de 60 ans, qui énonce limitativement les motifs de persécution - n'est-ce pas la raison pour laquelle il a fallu inventer la protection subsidiaire ?

J'ai fait partie des avocats spécialisés dans ce domaine il y a plusieurs années, la multiplication des dossiers étant, compte tenu de leur faible rémunération (à l'époque, six unités de valeur), une condition de l'équilibre économique de notre activité. J'avais été profondément choquée d'apprendre dans un rapport de France Terre d'Asile, que, selon que vous étiez ou non hébergé en CADA, vos chances de voir votre demande aboutir variaient de 50 % à moins de 25%. Ces structures offrent une prise en charge particulièrement utile pour des personnes traumatisées. Pendant les six à sept mois de l'instruction du dossier, la personne peut se reconstruire. J'ai le souvenir de cette femme qui n'avait réussi à témoigner de son viol qu'au moment du recours, alors que le dossier écrit indiquait « les messieurs venaient et faisaient pipi à côté de moi ». Je suis favorable à ce que les demandeurs d'asile soient entendus par des officiers de protection du même sexe, notamment en cas de viol dans les pays où cela est indicible.

Beaucoup de demandeurs, trompés par le terme « officier de protection », arrivent persuadés de la crédibilité de leur récit ; ils pensent que l'officier de protection est là pour les aider à mieux formuler leur demande. Je partage votre proposition d'assistance des demandeurs lors des entretiens à l'office.

Autre problème, lorsque la CNDA se prononçait sur des ressortissants de pays instables politiquement, elle mettait un certain temps à enrôler le dossier, comme si elle attendait l'issue du conflit. Des demandes ont été refusées car, dans l'intervalle, les persécuteurs du demandeur avaient perdu le pouvoir. Or, dans une guerre civile, il faut du temps avant de savoir qui a gagné.

S'il faut conserver à la CNDA sa compétence de plein contentieux, elle rend toutefois très difficiles les demandes de réexamen de dossiers. C'est le cas par exemple lorsqu'un demandeur d'asile indique qu'il a été condamné par la justice de son pays et qu'il lui faut du temps pour en apporter la preuve officielle.

Enfin, accorder la protection subsidiaire aux deux parents - et non plus à un seul - de petites filles menacées d'excision désengorgerait tribunaux et préfectures.

M. Christophe Béchu. - Si notre système doit être amélioré, la France est, contrairement à ce que l'on entend parfois, le premier pays d'Europe et le deuxième du monde en matière de droit d'asile effectif.

La réforme doit d'abord porter sur l'accélération du traitement des réponses, positives ou négatives. Des réponses positives tardives créent de légitimes ressentiments liés à une trop longue attente, sans droit de travailler. A l'inverse, une décision négative finit par être vidée de tout sens lorsqu'elle intervient après deux ans de vie en France et que les enfants sont scolarisés. Certes, le demandeur n'est peut-être plus en situation de danger, mais humainement, comment ne pas reconnaître que sa vie sociale a été modifiée ? Je souscris à tout ce qui va dans le sens d'une accélération des procédures, y compris la fixation d'un délai maximum de dépôt des demandes d'asile. Ce n'est pas six mois ou un an après être arrivé en France que l'on doit déclarer être en danger dans son pays ! 72 heures, c'est certainement trop court, mais 8 jours me semble être un bon délai, surtout avec un site internet les informant de la procédure.

L'objectif n'est pas d'accueillir plus de demandeurs d'asile mais de le faire de façon plus équitable. Je me méfie des statistiques car la réalité d'une partie de l'asile est celle des filières.

Je comprends l'intention de la proposition n° 12, mais je la trouve hypocrite et inadmissible. Hypocrite, parce que le problème n'est pas la nationalité : avouer un viol est-il plus facile pour un Français ou une personne résidant déjà dans notre pays ? Inadmissible parce qu'elle revient à appliquer un droit différent  à ces demandeurs et à des nationaux, voire à des étrangers en situation régulière et ayant la même réalité culturelle. En outre, il faut combiner cette proposition avec les propositions n°s 9 et 10 : faudrait-il mettre en place des pools sexués ? Voilà l'exemple même de la fausse bonne idée.

Les délais de procédure posent aussi un problème de place. Sur mon territoire, les dispositifs d'hébergement d'urgence sont en train d'être embolisés, d'où un accueil de moins en moins digne, une multiplication des squats, des oppositions entre SDF et demandeurs d'asile, des bagarres dans les lieux d'hébergement, et, dans certains cas, des réactions de rejet de la part des habitants.

Compte tenu de la localisation des bornes Eurodac et des points d'entrée administratifs, les départements sièges du chef-lieu de région concentrent un nombre de demandeurs d'asile sans rapport avec leur population. En matière d'accueil des demandeurs d'asile, les disparités sont extrêmes, ainsi entre Rennes et le reste de la Bretagne. Il importe de mieux répartir les places d'accueil. Angers accueille 40 % des demandeurs d'asile de la région, alors que nous ne représentons que 20 % de la population. La tradition d'accueil des habitants fait désormais place à des signes d'exaspération.

M. Philippe Bas. - Ce rapport honore le Sénat. Je partage la prudence de nos rapporteurs quant à une agence de l'asile. Un regroupement des missions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), de l'OFPRA et des préfectures n'améliorera pas, par lui-même, le fonctionnement du système. Au cours des dernières années, le nombre de places d'hébergement a augmenté de manière substantielle, le taux d'occupation a été amélioré ainsi que le taux de sortie pour éviter l'embolie évoquée par notre collègue. Il faut continuer dans ce sens. L'accompagnement social, enfin, est plutôt de bonne qualité.

La rapidité est un objectif essentiel pour tout le monde, et la proposition n° 7 est sensée, à condition de mobiliser les moyens nécessaires à son application. A cet égard, la tutelle du ministère de l'Intérieur a porté ses fruits : il a intérêt à ce que les décisions soient prises rapidement pour pouvoir mettre en oeuvre sa mission. Je soutiens les propositions qui, comme la n°13, la n°16, ou la n°17, ont pour objet d'éviter la création d'un fossé entre les approches de l'OFPRA et celles de la CNDA. En particulier, l'amélioration de la formation des magistrats sur la réalité de la demande d'asile serait précieuse. La proposition n° 12, en revanche, m'inspire les plus vives réticences. Ce serait un précédent dangereux qui pourrait justifier d'autres demandes et favoriser le développement de revendications communautaristes.

M. André Reichardt. - Les enjeux de qualité et de rapidité retenus par les rapporteurs sont les bons. Il est utile en effet d'intervenir le plus en amont possible : correspondant dédié dans les postes diplomatiques, information par internet dans les langues idoines. Et il est absolument nécessaire de limiter le délai dans lequel la demande peut être formulée : vous avez dit qu'au Royaume-Uni, 40% des demandes interviennent lors de mesures d'éloignement, c'est troublant ! Une personne qui demande l'asile sait pourquoi elle le fait, partant, elle peut déposer sa demande dès qu'elle passe la frontière.

La question des moyens doit être posée. La France n'a pas à rougir de son action, même si on peut toujours faire mieux : mais a-t-on les moyens d'améliorer nos résultats ? La proposition n° 9, par exemple, me hérisse, de même que la proposition n° 12.

M. Alain Richard. - Ce rapport sera rendu public.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est sur sa publication que nous allons nous prononcer. L'usage de la commission est de publier les rapports en y incluant le compte rendu de la réunion au cours de laquelle ils ont été présentés.

M. Alain Richard. - Je perçois dans ce rapport une dimension accusatoire : s'il y a plus de vingt propositions à faire, est-ce à dire que rien ne fonctionne ? Pourtant, au sein de l'Union européenne, qui est un espace d'accueil pour les réfugiés et les persécutés, c'est vers la France que la plupart des demandeurs d'asile se tournent : ils savent que les garanties et la qualité d'accueil y sont les meilleures. Après examen, plus des deux tiers de ces demandes sont reconnues dépourvues de fondement - ce sont des migrants économiques, prêts à utiliser toutes les procédures dilatoires à leur disposition. Il est donc logique que des précautions soient prises, et il conviendrait que le rapport reconnaisse la qualité du travail qui est fait à ce titre par des agents qui font leur métier avec conviction. Ce ne sont pas des garde-chiourmes mais des défenseurs professionnels des droits de l'homme. Et ils sont parfaitement capables de discuter de manière humaine tout en prenant des notes. Enfin, le président de la République a annoncé la nécessité de baisser de quelque cinquante milliards d'euros les dépenses publiques : des propositions coûteuses n'ont guère de chance d'aboutir avant plusieurs décennies...

M. Jean-René Lecerf. - Notre système de demande d'asile est l'un des plus performants d'Europe, ce qui n'empêche pas d'essayer de l'améliorer. Pourquoi ne pas revenir à une tutelle par le ministère des Affaires étrangères ? Le conseil d'administration de l'OFPRA, où j'ai siégé, devrait comporter davantage de personnalités qualifiées, et tous ses membres devraient pouvoir participer aux votes, faute de quoi la liste des pays d'origine sûrs est fixée, en réalité, par le gouvernement, dont les représentants ont une confortable majorité : si le vote d'au moins une personnalité qualifiée lui était nécessaire, la liste en serait modifiée et n'aurait pas à être remise en cause régulièrement par le Conseil d'État. Imposer un délai maximal n'aura guère d'effet s'il n'y a pas de sanction - c'est comme l'inscription obligatoire sur les listes électorales.

Je m'inquiète de la divergence entre les jurisprudences, si l'on peut dire, de l'OFPRA et de la CNDA. Le Conseil d'État pourrait-il, de par son rôle de juge de cassation, travailler à les harmoniser ? La CNDA ne connaît que des décisions de refus d'asile, alors que la loi lui permettrait d'intervenir également lorsque l'asile a été octroyé.

Est-il de bonne politique que les demandeurs d'asile ne puissent travailler ? Les y autoriser, après un certain délai mais avant la décision, semblerait plus logique. Les déboutés, en revanche, ne devraient plus occuper les CADA.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je veux souligner l'importance de ce qu'a dit Alain Richard. Il a souhaité qu'il soit dit dans le rapport que la France est le premier pays d'accueil en Europe - je le dis moi-même -, et qu'on y souligne la qualité du travail accompli par les fonctionnaires et les services publics chargés de ces sujets. Ils accomplissent en effet un travail extraordinaire.

- Présidence de M. Jean-Pierre Michel, vice-président. -

M. Christian Cointat. - Un humoriste américain définissait le migrant comme un individu mal informé qui croit qu'un pays est meilleur qu'un autre. Je salue le travail des deux rapporteurs, dont je soutiens les propositions, y compris les n°s 9 et 12, qui peuvent sembler relever du luxe, mais qu'il faut maintenir, afin de bien marquer ce qui paraîtrait le mieux. Une femme victime d'un viol s'exprimera plus difficilement devant un homme que devant une femme, il s'agit de simple bon sens, et en aucun cas d'un soutien au communautarisme.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Mon département concentre plus de la moitié des reconduites à la frontière de France. Parce que ses frontières sont très poreuses, beaucoup d'étrangers passent par des filières d'immigration clandestine et demandent l'asile. Je tire la sonnette d'alarme : les associations déplorent les violations des droits de l'homme tandis que les demandes d'asile explosent. Les migrants proviennent de toute l'Afrique, parfois d'Asie. Mayotte ne peut plus supporter cette pression migratoire, et je crains des affrontements entre Mahorais et étrangers. La population clandestine est évaluée à 90 000 personnes, soit la moitié de la population.

M. Christophe-André Frassa, co-rapporteur. - Plusieurs paramètres entrent en compte dans le choix de la tutelle. Le principal est l'impact psychologique sur les intervenants. Or il y a une suspicion, illégitime mais bien réelle, envers le ministère de l'Intérieur, accusé de vouloir imposer des quotas à l'OFPRA. Il sera difficile de la déraciner.

M. Alain Richard. - C'est le triomphe de la malhonnêteté intellectuelle !

M. René Vandierendonck. - Il faut bien sortir de l'hypocrisie !

M. Christophe-André Frassa, co-rapporteur. - Nous proposons de le rattacher, comme bien d'autres offices, aux services du Premier ministre. Il n'y a pas de lien entre l'immigration et l'asile, l'asile est un droit constitutionnel qui n'a pas à relever uniquement de l'Intérieur.

Il n'y a aucune accusation dans notre rapport. Notre brève présentation a mis en lumière les améliorations que nous estimons souhaitables, mais notre volonté est simplement de mieux coordonner les acteurs. L'Allemagne reçoit presque autant de demandes d'asile que la France. Le professionnalisme et la qualité des acteurs font l'objet de notre introduction, et sont rappelés dans chacune des parties du rapport.

Si on impose des délais d'instruction, on ne pourra plus geler une affaire. Faut-il imposer un délai de six mois à l'OFPRA et à la CNDA ? Cette dernière a fortement réduit ses délais, et continue à le faire. L'OFPRA s'y emploie aussi. C'est important du point de vue des demandeurs d'asile, mais aussi en termes de charges publiques, puisque les demandeurs d'asile bénéficient d'une aide au logement : voilà 450 millions d'euros qui seraient mieux employés à une augmentation des effectifs.

J'étais partisan d'imposer un délai pour déposer la demande d'asile, mais l'expérience britannique m'a fait changer d'avis : seulement 10% des demandeurs d'asile y déposent leur demande dans les 72 heures, 50% le font auprès de l'UKBA tout au long de leur installation, et 40% au moment où ils font l'objet d'une procédure d'éloignement. La plupart des demandeurs d'asile entrent légalement sur le territoire britannique. Une personne peut entrer sur le territoire à un moment où sa vie n'est pas en danger, et souhaiter l'asile ultérieurement, en raison de changements intervenus dans son pays.

M. Jean-Yves Leconte, co-rapporteur. - J'ai évolué de la même manière. La loi votée la semaine dernière maintient le délit d'entrée irrégulière sur le territoire, il ne faudrait pas se mettre en incohérence avec elle. Il est exact que les conditions de vie d'un demandeur sont déterminantes pour la qualité de sa demande d'asile. La procédure prioritaire produit une ségrégation : la sélection initiale est-elle bonne ?

Un délai court est important pour l'intégration des demandeurs d'asile. La proposition n° 12 ne crée pas une obligation légale, elle suggère d'imiter pour les demandes d'asile ce qui se fait déjà de manière informelle dans les commissariats lors des dépôts de plainte pour viol, et qui n'est pas absurde.

Les propositions que vous qualifiez de luxe doivent être mises en regard des pratiques de nos partenaires européens. Il y a plus d'officiers de protection en Grande Bretagne qu'en France pour deux fois et demie moins de demandes d'asile. C'est pourquoi nous soulignons leur charge de travail. Nous avons acquis la conviction que la tutelle par le ministère de l'Intérieur ne se traduit par aucune forme de pression sur ces agents. En revanche, la précarité de leurs conditions de travail, notamment pour les contractuels, peut nuire à leur capacité à se concentrer sur la problématique, parfois très grave, de ceux qu'ils reçoivent.

L'idée d'une grande agence de l'asile est moins une proposition qu'une piste de réflexion. Souhaitons-nous que l'OFPRA se concentre sur la qualité de sa procédure, ou faut-il que l'agence de l'asile soit coresponsable de l'ensemble des demandeurs d'asile, avec un budget beaucoup plus important et la capacité à faire des arbitrages pour traiter les dossiers au mieux ?

Nous avons observé les conditions de travail devant la CNDA : les formations de jugement traitent treize ou quatorze affaires par jour, quand les juges britanniques consacrent une demi-journée à chaque affaire. Les agents qui participent en France à ce type de décision sont surchargés par rapport à ceux d'autres pays. Ce qui peut sembler un luxe par rapport à ce qui existe chez nous ne l'est pas par rapport à d'autres pays d'Europe. Nous accordons à peu près le même nombre de protections que l'Angleterre, qui reçoit 2,5 fois moins de demandes mais a un taux d'acceptation bien plus important que nous. Si l'on rapporte le nombre de protections à la population nous ne sommes pas en haut du classement : notre procédure est lourde, et environ 9% des demandes nous viennent d'outre-mer, ce qui réclame, pour un traitement centralisé, l'organisation de visioconférences, d'audiences foraines de la CNDA...

M. Christophe-André Frassa, co-rapporteur. - Pour l'harmonisation de la jurisprudence, la présence effective d'un représentant de l'OFPRA lors des audiences de la CNDA est nécessaire, sinon le rapporteur doit à la fois rapporter l'affaire et donner la position de l'OFPRA. La CNDA a beaucoup fait pour diffuser sa jurisprudence, mais son indépendance est encore récente : son autorité et celle de sa jurisprudence devraient s'accroître dans les années à venir.

Le droit au travail est accordé après un an sous certaines conditions. La proposition de refonte de la directive réduirait ce délai à neuf mois, mais c'est un point de désaccord entre le Parlement européen et les États membres.

Nous proposons la revalorisation de l'aide juridictionnelle. Nous avions prévu de doubler les quelque 180 euros qui correspondent à 8 UV. Le projet de loi de finances reprend cette suggestion dans les crédits de la justice en doublant ce montant. C'est une mesure très importante.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Loi de finances pour 2013 - Mission « Immigration, asile et intégration », « Immigration » - Examen du rapport pour avis

La commission examine ensuite le rapport pour avis de Mme Hélène Lipietz sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Immigration, asile et intégration », « Immigration »).

Mme Hélène Lipietz, rapporteur pour avis. - Le budget de l'immigration est celui de la fin d'une politique coûteuse, complexe, et qui a offert les étrangers en sacrifice pour masquer les problèmes plus graves de la perte du savoir vivre ensemble dans notre pays. Visant à interdire toute immigration, toute régularisation, pour décourager les immigrés de venir en France, la législation française est devenue une véritable usine à gaz, qui viole parfois le droit européen. La spécialisation d'avocats et la professionnalisation des associations d'aide aux étrangers ont augmenté le nombre de recours. Au lieu d'attendre un an ou deux pour présenter un nouveau dossier de régularisation, les étrangers préfèrent désormais attaquer directement les refus de titre de séjour, ce qui encombre tellement les tribunaux administratifs que le vice-président du Conseil d'État s'en est ému : un tiers, parfois même la moitié des affaires traitées par ces tribunaux concernent des étrangers.

Cette politique a donc été très coûteuse, en raison de l'insécurité juridique pesant sur les décisions de l'administration à tous les niveaux. Elle n'a pas été pour autant efficace : les centres de rétention administratifs (CRA) des étrangers susceptibles d'être reconduits à la frontière ne sont remplis qu'à 52%. Les économies dégagées par la création des locaux de justice à proximité des CRA n'ont pas été évaluées mais la construction de ces locaux a coûté cher, et ils nécessitent du personnel de justice. Seuls deux sont mis en service aujourd'hui.

La baisse des naturalisations, alors même que le Parlement n'a pas changé les règles d'attribution de la nationalité, provoque une augmentation du nombre de recours devant le tribunal administratif de Nantes, qui est surchargé. La complexité de la législation en cas de décision de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire est telle que la préfecture a plus de sept manières d'éloigner un étranger, sur le fondement de dispositions différentes du Ceseda. Si le préfet se trompe de modalité, la procédure est annulée. Et comme les mémoires atteignent régulièrement dix pages, les jugements en font plus de sept, c'est dire le temps passé par les magistrats sur ces affaires. Le vice-président du Conseil d'État nous a d'ailleurs indiqué qu'il fallait réfléchir à une évolution des réponses juridictionnelles aux demandes d'annulation des décisions des préfectures, afin que le juge administratif statue en plein contentieux et attribue un titre de séjour compte tenu de la situation de l'étranger à la date où il statue.

Les annulations de refus tacite interviennent parfois deux ans et demi après la décision. Du coup, le préfet doit reprendre tout le dossier, car la situation, familiale notamment, du mis en cause a parfois changé. De tels aller-retour entre préfectures et tribunaux administratifs sont une source de coûts importants.

Les crédits directement liés à l'immigration sont en baisse, ceux consacrés à la reconduite à la frontière comme ceux prévus pour l'accueil des immigrés en situation régulière. Le ministre a expliqué qu'il allait, sans procéder à une régularisation générale, traiter les cas les plus flagrants parmi les demandes de régularisation : le nombre de reconduites à la frontière va mécaniquement diminuer. Je partage en revanche la préoccupation exprimée par M. Karoutchi dans son rapport pour la commission des finances sur la baisse des crédits de l'OFII, qui aide les étrangers à mieux s'intégrer, et donc à terme à être naturalisés. Le budget de l'OFII ne dépend pas directement des taxes payées par les étrangers ou leurs employeurs, mais du plafond fixé sur ces taxes par le Gouvernement, le surplus étant reversé au budget général. Je présenterai donc sans doute un amendement pour que l'OFII reçoive l'intégralité du produit des taxes qui portent son nom.

Je propose de voter ces crédits, qui correspondent à la fin d'une politique. L'an prochain, leur structure sera bien différente.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'immigration par le projet de loi de finances pour 2013.

Loi de finances pour 2013 - Programme « Egalité entre les femmes et les hommes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport pour avis

- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président. -

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport pour avis de Mme Nicole Bonnefoy sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », programme « Egalité entre les femmes et les hommes »).

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis. - C'est la deuxième année que nous examinons ce programme qui rend compte de l'action du Gouvernement sur deux sujets d'intérêt pour notre commission : la prévention et la lutte contre les violences sexistes ou sexuelles et la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle et politique. Le précédent gouvernement s'était mobilisé à travers un plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes. Les crédits du programme avaient baissé de 5% en 2012, ce qui a mis en difficulté les associations sur lesquelles l'essentiel de cette politique repose. Le nouveau gouvernement donne une nouvelle impulsion à la politique d'égalité entre les femmes et les hommes.

Certaines mesures peuvent paraître symboliques, mais les symboles sont importants : la création d'un ministère de plein exercice au droit des femmes, ou la nomination d'un gouvernement paritaire. L'engagement du gouvernement se manifeste aussi dans la progression de 15% des crédits du programme 137 et dans un changement d'approche : l'action 14 pérennisera, par un fonds d'expérimentation, le financement de dispositifs innovants de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les domaines professionnels, politiques ou sociaux, comme les programmes territoriaux d'excellence, ou de lutte contre les violences faites aux femmes, en mobilisant aussi, par effet de levier, des fonds européens ou régionaux (huit régions se sont déjà portées volontaires). Cette action sera alimentée, en sus de 3 millions de crédits nouveaux, par des transferts de crédits d'autres actions, pour un montant équivalent. Il faudra veiller à ce que les crédits transférés soient aussitôt redéployés vers des associations ou des contrats aidés qui étaient jusqu'à présent financés par le programme 137, sous peine de voir ces partenaires en difficulté. De même, il ne faudrait pas que disparaissent les crédits consacrés à la promotion de l'égalité entre hommes et femmes dans la vie politique.

Le bilan est mitigé pour les crédits dédiés aux associations de lutte contre les violences faites aux femmes et d'accompagnement des femmes victimes : ils sont stabilisés après avoir diminué l'an dernier. Cependant, les demandes d'intervention de ces associations augmentent. La subvention de 910 000 euros attribuée à la Fédération nationale solidarité femme, par exemple, couvre à peine les frais de la plateforme téléphonique du 39.19 qui ne constitue pourtant qu'une partie des activités de l'association.

Dans le domaine des dispositifs législatifs de promotion de la parité dans les entreprises publiques ou la fonction publique, je me félicite de la convergence entre les initiatives du précédent gouvernement, avec la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration ou le volet égalité professionnelle de la loi du 12 mars 2012 relative à la fonction publique, et la forte mobilisation annoncée par le nouveau gouvernement. Toutes les dispositions de ces lois ne sont pas encore entrées en vigueur, afin de laisser le temps aux administrations et aux entreprises de s'y conformer. D'ores et déjà, tous les textes d'application sont prêts, et le pourcentage de femmes dans les sociétés du CAC 40 est passé de 11,3 % en 2009 à 22,3% en janvier 2012.

L'égalité entre femmes et hommes dans les politiques publiques passe par un pilotage interministériel renforcé grâce au comité interministériel des droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes. Deux circulaires d'orientation ont été adressées par le Premier ministre aux membres du gouvernement. La première prévoit la désignation par chaque ministre d'un haut fonctionnaire à l'égalité des droits : il aura une mission transversale d'impulsion et de suivi de l'égalité dans les politiques sectorielles comme dans les politiques de gestion des ressources humaines de son ministère, et assistera personnellement au comité de direction du ministère.

La seconde prend en compte l'égalité entre les femmes et les hommes à tous les stades de la conduite des politiques publiques. Ainsi, tous les projets de loi ou de décret devront être accompagnés d'une étude d'impact intégrant la dimension de l'égalité entre les femmes et les hommes, et qui sera publiée sur le site internet du ministère des droits des femmes.

L'ordonnance de protection continue sa montée en puissance, mais il semble nécessaire de franchir une nouvelle étape. Je me suis rendue au tribunal de grande instance de Bobigny, ainsi qu'au conseil général de Seine-Saint-Denis : exemplaire, l'action conduite sur place devrait inspirer les tribunaux ou les départements en retard dans le déploiement de ce dispositif ou sa bonne mise en oeuvre. Tout repose sur le développement d'une politique partenariale associant non seulement les services judiciaires et ceux du conseil général avec l'observatoire départemental des violences faites aux femmes, mais aussi tous les partenaires de la justice: huissiers, avocats, associations, forces de police ... L'ordonnance de protection, dans ce département, s'inscrit dans un véritable projet de juridiction qui rassemble et mobilise tous les acteurs. Ainsi, une femme victime de violence est-elle prise en charge par un circuit spécifique et rencontre-t-elle, dans la même journée, grâce à un système de permanence adapté, l'ensemble des interlocuteurs compétents. Une convention a été signée avec la chambre des huissiers de justice pour garantir la délivrance, dans la journée, de l'assignation au conjoint violent, ce qui raccourcit considérablement les délais de délivrance de l'ordonnance de protection.

Le succès de cette politique partenariale et celui des innovations qu'elle autorise appelle sa généralisation. Pour diffuser ces bonnes pratiques, un observatoire national assurerait la formation des professionnels, conduirait un travail de prévention et d'étude des situations de violences, et mettrait à disposition des associations des protocoles de bonnes pratiques. Sa création, à laquelle le gouvernement s'est engagé, devrait intervenir dans le courant de l'année 2013, et sera financée par l'action 14.

Il me semblerait utile que les conseils généraux se dotent, de leur côté, d'une structure identique à celle de l'observatoire de Seine-Saint-Denis, pour conduire, en coordination avec les services judiciaires et les associations de victimes, des actions de politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 137.

Mme Hélène Lipietz. - Je constate que le Sénat fait à peine mieux que les conseils d'administration : l'égalité entre hommes et femmes est un long combat.

M. Jean-René Lecerf. - Pourquoi des dispositifs récents et efficaces, comme le bracelet anti-rapprochement, ne sont-ils pas du tout opérationnels en France ? Notre retard colossal en ce domaine est incompréhensible. Aucune expérimentation n'a été menée.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. - C'est parce que cela ne concerne que les peines supérieures à cinq ans.

M. Jean-René Lecerf. - Quand on pense au nombre de femmes qui perdent la vie chaque année, ce type d'obstacle me paraît pouvoir être dépassé...

La commission des lois donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 137.

Loi de finances pour 2013 - Mission « Immigration, asile et intégration », « Asile » - Examen du rapport pour avis

La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Sueur sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Immigration, asile et intégration », « Asile »).

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Nous avons eu ce matin une intéressante discussion sur le rapport d'information de nos collègues Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa et les propositions qu'ils formulent pour améliorer notre procédure d'examen des demandes d'asile. Je partage très largement leurs observations et préconisations ; je ne reviendrai donc pas sur ce qui a été dit à ce sujet.

Avec 56 250 demandes formulées sur son territoire en 2011, notre pays est la première terre d'accueil des demandeurs d'asile en Europe, la seconde dans le monde après les États-Unis. Son expertise est reconnue. Enfin, grâce aux efforts budgétaires importants du précédent gouvernement - je n'ai aucune raison de ne pas les souligner -, les délais d'examen des demandes ont été réduits. Le présent projet de budget, qui propose une nouvelle augmentation de crédits au bénéfice de l'asile, permettra d'améliorer encore cette situation. Cet effort particulier est remarquable dans le contexte budgétaire actuel et je vous indique d'ores et déjà que je vous proposerai d'approuver ces crédits.

En effet, les crédits consacrés à la garantie de l'exercice du droit d'asile par le programme n°303 : « immigration et asile » augmenteront en 2013 de 22,5 % par rapport à ceux ouverts en 2012, passant de 408,91 millions d'euros à 501,13 millions d'euros. Si l'on tient compte également des crédits alloués à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par le programme n°165 : « Conseil d'État et autres juridictions administratives », l'effort total consenti en faveur de la politique de l'asile s'élèvera en 2013 à 522,72 millions d'euros, soit une augmentation de 20,4 % par rapport à 2012. A cela s'ajoute une revalorisation de l'aide juridictionnelle devant la CNDA, portée par le programme n°101 : « accès au droit et à la justice », qui constitue une décision extrêmement attendue et importante afin de permettre à cette juridiction de fonctionner plus sereinement. J'y reviendrai dans un instant.

Je vous dirai avant cela quelques mots de l'évolution de la demande d'asile au cours des années récentes. Le nombre de demandeurs d'asile a beaucoup augmenté depuis 2008 : +19,9 % en 2008 par rapport à 2007, +11,9 % en 2009 par rapport à 2008, +10,6 % en 2010 par rapport à 2009. En 2011, une nouvelle hausse de 8,7 % a été enregistrée. Même si les crédits augmentent, la situation est donc loin d'être simple pour les services de l'État, les juridictions et les associations qui accompagnent les demandeurs d'asile.

En 2011, les dix principaux pays de provenance des demandeurs d'asile ont été le Bangladesh, la République démocratique du Congo - c'est sa dénomination-, l'Arménie, le Sri Lanka, la Fédération de Russie, la Chine, Haïti, le Kosovo, la Guinée et la Turquie. Un des faits majeurs de l'année 2011 a été l'augmentation de la demande arménienne (+107 %) qui a fait suite à l'annulation par le Conseil d'État, le 23 juillet 2010, de l'inscription de l'Arménie sur la liste des pays d'origine sûrs. Cela doit nous inciter à réfléchir à cette notion.

Ce projet de budget dénote un effort de sincérité budgétaire. J'insiste là-dessus, car il y a là une situation nouvelle. Pendant longtemps, les montants votés en loi de finances initiale n'avaient pas de rapport avec la réalité du nombre de demandeurs d'asile présents sur notre territoire. Par exemple, en 2010, 284,5 millions d'euros avaient été alloués à l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile ; la dépense réellement constatée s'est élevée à 419,8 millions d'euros. Même chose en 2011, où 293,3 millions d'euros avaient été prévus, et où la dépense s'est élevée en réalité à 491,4 millions d'euros. La loi de finances initiale pour 2012 avait déjà accompli un progrès dans le sens de la sincérité budgétaire, même si cela n'a pas été suffisant : 374,6 millions d'euros votés en loi de finances initiale, alors que la dépense sera, selon toute vraisemblance, de l'ordre de 495,1 millions d'euros. Ainsi, pendant toutes ces années, des rectifications sous plusieurs formes (décrets d'avances, loi de finances rectificative, etc.) ont dû intervenir pour combler le différentiel observé.

Le projet de loi de finances pour 2013 paraît pour sa part reposer sur des objectifs réalistes, ce qui constitue donc une rupture avec les tendances observées au cours des années passées. En effet, l'hébergement d'urgence se verrait attribuer 125 millions d'euros en 2013, soit 34 millions d'euros de plus que ce qu'avait prévu la loi de finances initiale pour 2012 ; l'allocation temporaire d'attente (ATA) se voit quant à elle attribuer 140 millions d'euros en 2013, soit 50 millions d'euros de plus par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2012.

La réalisation de ces objectifs est toutefois subordonnée à la réalisation de trois conditions : d'une part, la stagnation du nombre de demandes constatée au cours du premier semestre 2012 doit se confirmer ; d'autre part, les mesures de « rationalisation » - j'utilise ce terme avec précaution - engagées par les pouvoirs publics s'agissant notamment de la gestion de l'hébergement d'urgence doivent parvenir à des résultats ; enfin et surtout, la diminution des délais d'examen des demandes et d'instruction des recours doit se confirmer. Or, en ce domaine, des progrès très significatifs ont été réalisés, en particulier par la CNDA. Devant l'OFPRA, les délais moyens sont passés de 145 jours en 2010 à 174 jours en 2011, et seront probablement de 150 jours en 2012. L'objectif est de parvenir à 125 jours en 2013 et à 100 jours en 2015. A la CNDA, nous sommes passés de 15 mois en 2010 à 8 mois en 2012, ce qui est remarquable.

Le projet de loi de finances pour 2013 sanctuarise la dotation allouée à l'OFPRA, dans un contexte général de déflation de la dépense publique. Il faut le souligner. Cela ne veut pas dire que l'OFPRA ne sera pas confronté à des difficultés l'année prochaine. En effet, le régime indemnitaire des agents de cet établissement a été revalorisé : c'est très bien pour les agents, mais cela pèsera naturellement sur le budget de l'Office ; en outre, les dépenses liées au frais d'interprétariat, en raison de l'entrée en vigueur d'un nouveau marché, vont fortement augmenter. Les tarifs ont en effet progressé de 40 à 60 % par rapport au précédent marché ! Pour faire face à ces deux postes de dépenses, l'Office devra donc faire appel à son fonds de roulement, à hauteur de 1,7 million d'euros. Cette situation devra être rapidement assainie, au risque de placer l'Office dans une situation délicate : l'an prochain, il ne sera pas possible de reconduire simplement les crédits de l'OFPRA.

Je dirai deux mots de la revalorisation du montant de l'aide juridictionnelle devant la CNDA. Celui-ci devrait être doublé. C'est très positif. Nous avons rappelé ce matin les problèmes liés au nombre insuffisant d'avocats plaidant devant la CNDA ; certains avocats ont même plusieurs centaines de dossiers ! La décision du gouvernement incitera davantage d'avocats à intervenir devant la Cour.

Enfin, je salue la décision prise par le gouvernement de créer 1 000 nouvelles places d'hébergement en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA).

Il y a donc de nombreux points positifs dans ce projet de budget. Je ne souhaite pas pour autant occulter les difficultés qui demeurent.

Avec 21 410 places, le dispositif des CADA est saturé et ne parvient à accueillir que 40 % des demandeurs d'asile éligibles. Par ailleurs, seulement 78,2 % des personnes hébergées en CADA sont des demandeurs d'asile en cours de procédure. 2,5 % sont des personnes qui ont déjà été reconnues réfugiées, et 8,5 % sont des personnes qui ont été déboutées de leur demande d'asile. Des dispositions réglementaires obligent ces deux catégories de personnes à quitter les CADA lorsque la procédure est terminée. Cela dépend toutefois de l'existence de solutions alternatives de logement. J'ai entendu plusieurs associations gestionnaires de CADA : elles soulignent toutes à quel point cette règle paraît inacceptable si la seule perspective qui s'offre aux personnes concernées est de devoir dormir dans la rue.

En outre, le dispositif des CADA est soumis à des objectifs de rationalisation et de maîtrise des coûts. Un objectif de réduction budgétaire de 8 % sur trois ans (2011-2013) a été posé. Le coût moyen d'une place, qui était de 26,20 euros par jour en 2010, sera ainsi porté à 24 euros par jour en 2013, sans que, pour autant, le cahier des charges de ces établissements n'ait été allégé. Il en résulte des difficultés pour les associations gestionnaires.

Je veux dire également quelques mots de l'ATA. Le montant de cette allocation est modeste : 11,17 euros par jour en 2013. Toutefois, l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée ne tient pas compte de la plus récente jurisprudence relative à l'éligibilité des demandeurs d'asile à l'ATA. Je vous rappelle que, par deux arrêts datés du 16 juin 2008 et du 7 avril 2011, le Conseil d'État a jugé que les demandeurs d'asile en procédure prioritaire devaient pouvoir avoir accès à l'ATA ainsi qu'à un hébergement d'urgence jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA. Je ne reviens pas sur les difficultés que pose cette procédure dite « prioritaire », notamment au regard du droit au recours suspensif. Les conséquences budgétaires de ces décisions sont désormais intégrées dans l'enveloppe allouée à l'ATA par le projet de budget annuel. En revanche, ce dernier ne tient pas compte de la toute récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne, qui, le 27 septembre 2012, a jugé que les demandeurs d'asile en attente de transfert dans un autre État membre au titre du mécanisme « Dublin II » devaient pouvoir bénéficier des mêmes conditions d'accueil que les autres demandeurs d'asile, jusqu'à leur transfert effectif dans l'État responsable de l'examen de leur demande. En séance, je demanderai donc au Gouvernement de clarifier sa position, car cette dépense doit être intégrée dans l'enveloppe budgétaire consacrée à l'ATA.

Je mentionnerai enfin rapidement les difficultés liées à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile : les places manquent.

Je terminerai en revenant rapidement sur notre discussion de ce matin sur les procédures prioritaires. Le placement en procédure prioritaire ne conduit pas toujours à un rejet. En 2011, l'OFPRA a accordé à 8,9 % des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire le bénéfice du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Ce taux passe même à 13,4 % si l'on retient les seules premières demandes d'asile n'ayant pas été formulées dans un centre de rétention administrative. En ce qui concerne la CNDA, en 2011, 10,2 % des recours concernaient des requérants en procédure prioritaire. Le taux d'annulation s'est élevé à 14,2 %. Au total, si je fais un calcul rapide, environ un demandeur sur cinq en procédure prioritaire se voit donc reconnaître le statut de réfugié. Cela invite à nous interroger sur ces procédures prioritaires, notamment sur la notion de pays d'origine sûr et sur l'absence de caractère suspensif du recours devant la CNDA. Je partage pleinement ce qu'ont dit nos collègues Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa ce matin et m'associe aux propositions de leur rapport d'information.

En conclusion, sans méconnaître les difficultés que je viens d'évoquer, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Jean-René Lecerf. - Je poserai trois questions. La première concerne le délai idéal de traitement d'une demande par l'OFPRA et la CNDA. En son temps, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, avait évoqué un délai global de six mois. Est-ce concevable ? Avec l'amélioration de la situation de la CNDA par les récents renforts de moyens, une diminution des délais serait-elle possible ?

Ma deuxième question concerne la procédure prioritaire. Qu'en est-il des personnes en procédure prioritaire qui se voient accorder la qualité de réfugié par la CNDA, alors même qu'ils ont été éloignés du territoire puisque leur recours n'avait pas de caractère suspensif ?

Ma dernière question est relative à l'allocation temporaire d'attente. Celle-ci n'est pas accordée aux demandeurs d'asile qui refusent d'être placés en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA). N'est-ce pas un peu hypocrite, dans la mesure où nous savons très bien que le but de ce refus est de pouvoir travailler illégalement ? N'est-il pas temps d'évoluer sur la question de l'interdiction de travailler faite aux demandeurs d'asile ?

M. Pierre-Yves Collombat. - Je n'ai que deux questions : au total, quel est le taux de réponses positives aux demandes en matière d'asile ? Concernant l'Arménie, quels sont les éléments qui ont conduit à son retrait de la liste des pays d'origine sûrs par le Conseil d'État ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.- Pour répondre à la question des délais, posée par notre collègue Jean-René Lecerf, nous avons reçu les responsables de l'OFPRA et de la CNDA.

Pour l'OFPRA, le délai moyen de traitement s'établira, en 2012, à 150 jours, il était de 174 jours en 2011 et de 145 jours en 2010. Il ne s'agit là que de délais moyens. La direction de l'OFPRA s'est fixé pour objectif de parvenir à un délai moyen de 100 jours, c'est-à-dire trois mois. A mon sens, cela doit s'assortir d'un objectif de traiter toute demande en six mois maximum.

Pour la CNDA, des efforts conséquents ont été fournis depuis son rattachement au Conseil d'État en 2009. En deux ans, le délai de traitement est passé de un an et deux mois et 28 jours à huit mois. L'idéal serait d'atteindre un délai de sept mois en 2013 puis de six mois en 2015. Je souligne qu'il y a un délai incompressible pour permettre aux avocats et aux magistrats de travailler dans de bonnes conditions. Mais nous devons tendre vers ce délai.

La réduction des délais constituerait, par ailleurs, un début de réponse à la question de l'insuffisance de places en CADA.

Actuellement, l'OFPRA traite les premières demandes en procédure normale dans un délai moyen de sept mois.

Quant à la question des personnes qui obtiendraient le statut de réfugié, alors même qu'elles ont été éloignées du territoire en application d'une procédure prioritaire, elle ne se pose pas, car la CNDA ne statue pas sur le cas d'une personne qui n'est plus sur le territoire national.

M. Jean-René Lecerf. - Nous sommes ici face à un déni de droit.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur.- Je suis d'accord avec vous sur le fond, mais il s'agit de l'application de la Convention de Genève, qui prévoit qu'une demande d'asile ne peut être présentée que par une personne qui n'est plus dans son pays.

La procédure prioritaire concerne aujourd'hui 26 % des demandes d'asile. 15 % des premières demandes le sont en procédure prioritaire. La qualité de réfugié est accordée dans 8,9 % des cas, 13,4 % pour les seules premières demandes qui ne sont pas formulées dans des centres de rétention administrative. Devant la CNDA, plus de 10 % des recours concernent des demandeurs d'asile en procédure prioritaire. Cette procédure pose de véritables interrogations...

Enfin, en réponse à Pierre-Yves Collombat, la qualité de réfugié a été accordée dans 25,1 % des cas au total en 2011. La France se situe dans la moyenne européenne de ce point de vue.

Concernant l'Arménie, pour ce seul pays, les demandes d'asile ont augmenté de 107 % en 2011, à la suite de l'annulation par le Conseil d'État, le 23 juillet 2010, de son inscription sur la liste des pays sûrs. Beaucoup d'Arméniens demandent l'asile mais les taux d'accord pour cette nationalité ne sont pas très élevés.

M. Jean-Yves Leconte. - C'est loin d'être une démocratie exemplaire...

Mme Hélène Lipietz. - L'Arménie a été retirée de la liste des pays sûrs en raison du conflit dans le Haut-Karabagh avec l'Azerbaïdjan et des difficultés qu'a rencontré ce pays pour se voir reconnaître la qualité d'État, à la suite de la chute de l'URSS. Il y a un véritable problème d'apatridie dans beaucoup de pays de l'ex-URSS.

M. Jean-Pierre Michel, président. - Il y a également les tensions avec l'Azerbaïdjan et la Turquie : il s'agit d'une question qui revient de façon récurrente au Conseil de l'Europe...

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'asile par le projet de loi de finances pour 2013.

Loi de finances pour 2013 - Audition de Mmes Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, et Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de Mmes Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, et Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation, sur le projet de loi de finances pour 2013.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mes chers collègues, je suis très heureux d'accueillir Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, ainsi que Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation, qui fût des nôtres, et dont l'esprit continue de planer sur cette maison.

Après l'intervention des ministres, je vous propose de donner la parole aux rapporteurs pour avis de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », Mme Jacqueline Gourault, pour les crédits alloués au programme « Fonction publique » et Mme Sophie Joissains, pour le programme budgétaire « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État ». Je poserai ensuite, en son nom, les questions du rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », M. Bernard Saugey, qui vous prie de bien vouloir l'excuser de ne pouvoir être parmi nous cet après-midi. Enfin, la parole sera donnée aux sénateurs présents qui le souhaitent.

Mme Marylise Lebranchu, ministre - Merci, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les sénateurs pour ce moment d'échanges. J'ai un portefeuille complexe mais cohérent...

Concernant la fonction publique, le principe est simple. Sur le quinquennat, les effectifs seront renforcés dans deux domaines majeurs : l'enseignement, avec 60 000 postes, et la sécurité et la justice, avec 5 000 postes. Je laisse de côté la fonction publique hospitalière, car elle relève de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Le budget 2013 met en oeuvre ces deux priorités dans le respect de l'engagement d'une stabilité de l'emploi public.

Dès 2013, 10 011 postes seront créés dans l'enseignement avec 8 781 postes au sein du ministère de l'éducation nationale, 1 000 postes dans les universités, 230 postes pour l'enseignement agricole.

En rajoutant les 6 778 postes créés dès la rentrée 2012, dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 août 2012, ce sont 16 789 postes qui auront été créés pour l'enseignement par le Gouvernement.

Les 1 000 emplois nouveaux attribués aux universités en 2013 permettront d'améliorer les conditions d'encadrement et d'accompagnement des étudiants car beaucoup échouent au cours des deux dernières années, et d'engager les innovations pédagogiques nécessaires en licence.

La mission Justice bénéficiera de 480 créations d'emploi en 2013. Ces moyens permettront la mise en oeuvre d'une politique publique de la justice rénovée, en modernisant les services au bénéfice de ses acteurs et bénéficiaires.

La mission sécurité, qui recouvre les crédits alloués à la police nationale et à la gendarmerie nationale, bénéficiera de 480 créations d'emplois dès 2013. Ces emplois permettront de renforcer les effectifs dans les « zones de sécurité prioritaires » (ZSP).

Ce sont donc 1 000 postes supplémentaires pour la sécurité et l'amélioration des services de notre justice.

Alors oui, effectivement, en 2013, les efforts au bénéfice des autres services seront mesurés.

Mais, au sein de chaque ministère, un travail d'identification des gisements d'efficacité a été entrepris, dans le sens d'une mutualisation des fonctions support, d'une simplification des procédures et des structures, et de l'optimisation des moyens, ainsi que d'une meilleure répartition des effectifs entre les différents niveaux d'administration.

Cette démarche d'optimisation des moyens est un gros sujet, car aujourd'hui, l'ensemble des régions de France n'est pas à égalité en termes d'organisation.

Chaque ministère doit s'engager dans une logique de modernisation de l'action publique portant sur l'ensemble de ses services, y compris les opérateurs et les agences.

Cette modernisation fait partie de l'agenda social de la fonction publique, dans le prolongement de la grande conférence sociale de juillet dernier.

Quant au budget des collectivités, en 2013, les dotations ont été sanctuarisées afin de préserver la croissance que génèrent les investissements des collectivités locales. Toutefois, les collectivités seront associées à l'effort de redressement des comptes publics pour les années 2014 et 2015. L'année 2013 sera consacrée à la recherche de nouvelles ressources fiscales.

Dans ce contexte, le choix a été fait de renforcer les solidarités entre les territoires en améliorant les dispositifs de péréquation existants.

Le Gouvernement a fait le choix de reconduire, en valeur, les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales : la dotation globale de fonctionnement (DGF), les dotations de fonctionnement, d'investissement et de compensation des charges transférées dans le cadre de la décentralisation.

Ainsi, le montant de la DGF est fixé à 41,5 milliards d'euros pour 2013. Compte tenu des hausses résultant de l'achèvement de la carte intercommunale et de la démographie, le maintien en valeur est rendu possible par la minoration des compensations d'exonérations de fiscalité locale (article 19). Le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) progresse quant à lui de 0,1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances pour 2012 pour un total de 5,6 milliards d'euros et reste hors de l'enveloppe normée.

Compte tenu de l'inflation et de l'augmentation de l'indice de la construction, cette stabilisation a pour effet une contraction relative, en volume, des dotations aux collectivités. Il s'agit ici d'affirmer que tous les acteurs publics doivent être associés au souci de maîtrise de l'évolution de la dépense publique.

En maintenant les dotations à leur niveau de l'an passé, le Gouvernement envoie un signal clair aux collectivités : les investissements publics sont un facteur de croissance. En période de crise, ils représentent une force de frappe importante dans les territoires.

Des mesures symboliques à destination des départements, fortement touchés par la crise et faisant face à de graves difficultés financières seront mises en place. Il en va ainsi de la reconduction du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI) garanti pour la période triennale (article 20) et de la dotation aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (article 21).

Le Gouvernement conforte la péréquation verticale. En effet, pour 2013, les dotations de péréquation progressent deux fois plus vite qu'en 2012 (+ 238 millions d'euros), notamment la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR). A destination des départements, une augmentation de 20 millions d'euros des dotations de péréquation est prévue. A destination des régions, une augmentation de 10 millions d'euros pour la dotation de péréquation des régions est budgétée.

Les dispositifs de péréquation horizontale départementaux, régionaux et intercommunaux sont en outre améliorés dans le sens d'une plus grande solidarité territoriale (articles 68 et 69).

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis.- Je voudrais vous interroger, Madame la ministre, sur la nouvelle aide ménagère à domicile. Les syndicats en ont beaucoup parlé. Quels sont les motifs du retard de sa mise en place et quand le sera-t-elle exactement ?

Les suppressions de postes de fonctionnaires : comme au temps de la RGPP, pensez-vous qu'il existe encore des gisements d'économies de personnels ? Je ne peux pas m'empêcher de relier cette question à l'acte III de la décentralisation qui est étroitement lié à la modernisation de l'Etat et à la mise en parallèle de ces deux politiques pour les suppressions de postes.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne la RGPP, elle a quand même produit de bonnes mesures ; je vous renvoie au rapport établi en septembre dernier par les inspections des finances, de l'administration et des affaires sociales. Les restructurations administratives au niveau central seront-elles remises en cause par le Gouvernement ?

En ce qui concerne le programme budgétaire, quel est l'avenir de la DGAFP ? Sera-t-elle rattachée aux services du premier ministre comme la DGME.

Enfin, la RéATE a mis en place des directions départementales interministérielles. A quels ajustements le Gouvernement souhaite-t-il procéder pour poursuivre la réforme ?

M. Jean-Pierre Sueur, président.- Je vous lis les questions que souhaite vous poser notre collègue Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui ne pouvait pas être parmi nous cet après-midi.

Les concours financiers dont bénéficient les collectivités territoriales se répartissent entre les prélèvements sur recettes, les dégrèvements et compensations d'exonérations ou les transferts de fiscalité d'État. Par ailleurs, il faut distinguer les concours inclus dans l'enveloppe normée de ceux qui ne le sont pas. Avez-vous engagé une réflexion destinée à renforcer la lisibilité de la répartition des concours financiers de l'État ?

Les collectivités territoriales sont soumises aujourd'hui à des difficultés d'accès aux crédits bancaires en raison notamment de l'anticipation des nouvelles règles prudentielles dites de Bâle 3 par les banques. Pouvez-vous nous présenter les mesures mises en oeuvre par le Gouvernement pour y faire face ?

Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour aider les collectivités territoriales à faire face au poids des emprunts toxiques dans leur budget ?

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit d'associer, comme le prévoyaient déjà les lois de finances précédentes, les collectivités territoriales à l'effort de redressement public. Quelles sont les dispositions prises en matière de péréquation qui permettront de rendre équitable cet effort ?

Madame la ministre, une question sur un événement dont tous les médias se sont fait l'écho. La vérité est que la part de la péréquation dans le montant des dotations reste relativement limitée.

Je vous pose une question complémentaire à celle de Bernard Saugey. Dans une période de difficulté comme celle que nous connaissons, il faut plus de péréquation. Mais cela suppose une importante remise en cause des situations. Il est impossible de réunir le consensus des associations d'élus sur le mécanisme de la péréquation car tout le monde voudrait percevoir le montant de l'année précédente. Il serait intéressant de regarder la dotation de solidarité rurale du point de vue de la péréquation.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. - Je commence par répondre à Mme Jacqueline Gourault.

L'aide ménagère à domicile : les textes réglementaires correspondants ont été publiés au mois de juillet et la prestation va être maintenant mise en place.

Les gisements d'économies de personnels : je ne peux pas répondre totalement à la question car la prochaine loi de décentralisation participe de la stratégie. L'idée est d'avoir, en simultané, la réforme de l'Etat et l'acte III de la décentralisation, conduits ensemble dans la clarté.

Je n'ai pas trouvé de doublon, c'est-à-dire deux fonctionnaires qui font exactement la même chose mais des fonctionnaires situés à différents niveaux ou employés dans des structures différentes, qui se consacrent au même dossier. Nous voulons réformer l'action publique pour éviter ce type de situation.

Nous voulons que les conférences territoriales de l'action publique puissent dire exactement qui fait quoi dans la compétence économique. L'Etat aura une grande stratégie industrielle, après il faudra écrire qui fait quoi, notamment la région. C'est à partir de ces deux textes qu'on veut parvenir à la rationalisation des missions.

En ce qui concerne la fonction publique d'Etat, il faut valoriser son action. Les agents se sont sentis la variable d'ajustement budgétaire. Si les fonctionnaires entendent bien les priorités, ils veulent une réécriture simple de leurs missions pour l'Etat et des missions des collectivités territoriales. L'ambiance de modernisation de l'action publique est au rendez-vous.

En ce qui concerne la RéATE, nous n'allons pas reprendre ce chantier car les administrations ont fait un travail énorme, c'était tellement difficile qu'il ne faut pas revenir sur la structure ; ce serait une erreur.

Je vous renvoie aux propos de l'ancienne secrétaire générale du ministère de l'Intérieur, Bernadette Malgorn : il faut adapter la fonction publique à la réalité de la décentralisation.

La DGME avait apporté une simplification de l'administration pour une meilleure efficience de l'action publique que tout le monde appelle de ses voeux. Mais c'est parce que la RGPP a seulement été identifiée aux suppressions de postes que nous avons préféré réorganiser et prendre acte de ce que la DGME ne réussissait pas à porter la nécessité d'une rationalisation auprès des ministères.

Le Premier ministre a donc institué un comité interministériel de l'action publique ; il a mis en place un secrétariat général pour la modernisation de l'action publique qui pourra faire avancer les dossiers dans chaque ministère. Donc tout ce qui a été mis en place est repris sous une autre forme.

Il y a un vrai souci de présence de la fonction publique d'Etat sur le territoire. Nous avons besoin de fonctions d'expertise, pour certaines pas à tout moment, ce qui conduit à des mutualisations. Nous sommes face à une demande forte des communes rurales pour conserver l'ATESAT (assistance technique de l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire). Certains départements disent que la mission ATESAT pourrait être exercée par eux. Les maires ruraux craignent la tutelle du département. Quoi qu'il en soit, les conventions sont reconduites cette année. La loi dira s'il faut continuer cette expertise d'Etat aux communes rurales.

Cette fameuse conférence territoriale n'est pas un jouet. Nous pensons que chaque région a son histoire et sa géographie et donc, les services de l'Etat ne peuvent pas être organisés de la même façon partout.

Il faut travailler sur les passerelles entre les fonctions publiques. Nous souhaitons d'arrache pied conduire parallèlement ces deux dossiers. C'est impératif.

Si on crée un impôt plus dynamique pour les uns et pour les autres, on ne pourra pas conserver les mêmes dotations.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. - Sur la question de M. Bernard Saugey, je partage son constat de l'absence de lisibilité des mécanismes de péréquation. Sur ce point, nous ne pouvons que poursuivre la réflexion. Je relèverai toutefois qu'il existe d'ores et déjà un « jaune » budgétaire qui concerne les transferts financiers de l'Etat vers les collectivités territoriales pour assurer une meilleure information du Parlement.

S'agissant des difficultés financières rencontrées par les collectivités territoriales, le Président de la République a réaffirmé que les collectivités territoriales concourent au redressement du pays en assurant près des trois quarts de l'investissement public. Aujourd'hui, ce taux est descendu à 71 %. C'est pourquoi le Gouvernement a la volonté de les aider à accéder au crédit pour maintenir cet effort d'investissement.

Concernant les outils mis en place dans ce domaine, je rappelle que la Caisse des dépôts et consignations a mis à disposition des collectivités territoriales, en 2012, près de 5 milliards d'euros, 2 milliards d'euros en mai puis 3 milliards d'euros en juillet dernier. En outre, sur demande du Premier ministre, les taux proposés, qui n'étaient pas forcément très raisonnables, ont été réduits en septembre. Aujourd'hui, il reste l'enveloppe de la Caisse des dépôts et consignations qui s'élève à 1,6 milliard d'euros à la disposition des banques.

De son côté, la Banque postale a fait des efforts importants au terme de sa collaboration avec le Gouvernement. La semaine dernière, elle a annoncé la délivrance de prêts dans des conditions plus favorables qu'actuellement. Ainsi, les prêts accordés ne seront plus d'un montant minimal de 150.000 à 200.000 euros, mais de 100.000 euros, puis de 50.000 euros à partir de 2013, ce qui correspond mieux aux besoins des collectivités territoriales. Pour se financer, les collectivités territoriales, dans un mouvement de désintermédiation, recourent au financement obligataire à l'image des grandes entreprises. Quarante-quatre collectivités territoriales se sont ainsi groupées pour lever 610 millions d'euros sur le marché obligataire.

Il existe actuellement, parmi certaines collectivités territoriales, la volonté de créer une agence de financement. Lors de sa rencontre avec les représentants des grandes villes, le chef de l'Etat s'est engagé à les aider sous réserve de trouver la bonne formule juridique, par exemple, une structure mutualiste ou coopérative, qui n'impliquerait pas automatiquement la garantie de l'Etat.

Le montant des emprunts toxiques est évalué aujourd'hui à près de 19 milliards d'euros et la soulte elle-même à 9 milliards d'euros. La question est donc : comment en sortir et selon quel système ? Il y a, au préalable, deux exigences à contrôler : s'assurer, d'une part, que la banque a bien joué, en toute transparence, son rôle de conseil et, d'autre part, que la collectivité rembourse l'emprunt principal. En revanche, sur les intérêts qui peuvent paraître excessifs, il peut y avoir renégociation, même si la médiation qui avait été mise en place n'a pas, il faut l'admettre, apporter beaucoup de résultat.

En résumé, donc, nous cherchons la solution pour répondre aux besoins, même s'il est difficile de m'avancer davantage car sont en jeu des accords internationaux, notamment avec la Belgique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. - Le Gouvernement entend poursuivre, en matière de péréquation, la lancée de l'an passé et respecter l'engagement du précédent gouvernement. Cette situation peut certes apparaître délicate pour certaines villes qui ont adopté des programmes pluriannuels d'investissement et qui voient pourtant leur contribution augmenter au titre de la péréquation.

Concernant le fond de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF), la question porte sur la répartition entre les intercommunalités et les communes. Cette question s'est invitée dans le débat, selon une forme que je ne commenterai pas. Plus précisément, le montant de la dotation de développement urbain (DDU) passera en 2013 de 50 à 75 millions d'euros. Je tiens à préciser, pour répondre aux inquiétudes qui ont pu s'exprimer, que cette hausse ne sera pas imputée sur la DGF mais sur les fonds qui servent actuellement à aider les collectivités territoriales à la suite de catastrophes naturelles, dont on peut espérer que le nombre sera limité l'année prochaine. Les autres outils d'aide pour les zones urbaines et les zones rurales, tels que la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) seront augmentés pour tenir l'engagement pris.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. - La prise en compte de l'effort fiscal dans le calcul de la péréquation n'a-t-elle pas été récemment renforcée ? Ce qui serait très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Dès le 6 août, le critère du revenu moyen -et non médian- par habitant, est entré en ligne de compte ; le revenu médian ne peut pas actuellement être communiqué car, pour les communes très faiblement peuplées, il permettrait de connaître avec précision les revenus des habitants. Une réflexion est donc menée pour lever cette difficulté. Un second critère pris en compte, et certainement encore à renforcer, est l'effort fiscal et non plus seulement le potentiel fiscal. En ne retenant que le critère du potentiel fiscal, certaines collectivités territoriales sont facialement pauvres !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - L'effort fiscal actuel est de 0,5 mais il a été relevé hier par l'Assemblée nationale à 0,75. Ceci a pour effet d'élargir le périmètre de collectivités qui perdraient le bénéfice de ces dotations à 10 intercommunalités et 42 communes, soit une population de près de 60.000 habitants. Pour comparaison, si cet effort était élevé à 0,8, le périmètre porterait sur 83 intercommunalités et communes, soit une population d'environ 100.000 habitants.

M. Alain Richard. - Sur ce point, il est certain qu'il faut y aller par étape.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je note qu'en matière financière, plus les critères sont complexes, et plus on perd en justice.

M. Antoine Lefèvre. - Je suis heureux de vous retrouver à la suite du déplacement à Orléans que je viens de faire dans le cadre de mon avis budgétaire.

Je prends acte de l'avenir de la RéATE et de sa non remise en cause. Je souhaite cependant vous alerter sur les conséquences de la nouvelle organisation des services déconcentrés qui pose un certain nombre de problèmes dans plusieurs départements. En effet, les effectifs des DGCCRF, des DDPP et des DDCSPP ont été amputés, ce qui pose la question de la poursuite de leur mission. J'ai quelques inquiétudes sur la protection de la consommation et la sécurité alimentaire dont certains contrôles ne pourront plus être opérés.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis. - La disparition de la DGME et sa transformation ne risquent-ils pas d'alourdir la structure en comparaison de l'ancienne direction, plus légère ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. - La DGME ne disparaît pas. Elle est simplement intégrée au sein du nouveau secrétariat général.

Pour répondre aux interrogations relatives aux DGCCRF, Benoît Hamon a effectivement souligné les difficultés liées à la protection des consommateurs en raison de la baisse des effectifs. Nous devons rappeler que l'une des missions régaliennes de l'Etat est la protection et la sécurité. On constate effectivement une baisse très forte des effectifs dans ces directions. Nous avons saisi les préfets afin de disposer d'un état des lieux local sur cette question. Nous rencontrons des difficultés pour obtenir la localisation des fonctionnaires de tous les ministères.

Je suis d'accord avec vous, la fonction de contrôle est très importante. Au-delà de la protection de la santé, il s'agit également de contrôler la contrefaçon - qui est un véritable sujet en France - et l'application des normes. La sécurité ne concerne pas seulement la police, mais va au-delà. Il faut s'interroger sur le transfert ou la délégation de certaines missions afin de conserver cette mission de contrôle. J'ajoute que la DGCCRF a mis en place une première étude de contrôle sur le e-commerce à la suite d'importations frauduleuses de tabac.

S'agissant de la question de la modernité de la DGME. Il est vrai que c'est une structure petite, qui regroupe des personnels de qualité (130 personnes) avec beaucoup de consultants. On conserve une structure très souple. Mais il manquait à la DGME une entrée interministérielle. Quand la DGME a été mise en place, il a été demandé à la DGAFP et à la DB de mettre en commun leurs informations et leurs prospectives, avec des réunions régulières des trois directeurs. La DGAFP s'est sentie moins responsable de l'organisation de la fonction publique d'État en raison d'une tutelle de la DB. Cette coopération a cessé le jour où la RGPP s'est résumée à des problématiques budgétaires. La simplification administrative opérée par la nouvelle organisation permet une meilleure coopération entre les différentes directions. L'onction interministérielle est importante afin que chaque ministre se sente responsable non seulement des lois et décrets qu'il est chargé d'appliquer mais également de son administration.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je remercie Madame la Ministre qui doit nous quitter. Nous poursuivons avec Madame la Ministre déléguée avec des questions sur les collectivités territoriales.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je souhaiterais poser trois questions sur les finances de Mayotte.

La DGF dont bénéficie Mayotte est la plus basse de tous les départements de France. Elle est calculée sur la base de la population de 2007 qui s'élève à 182.000 habitants. Or, la population a fortement augmenté et les résultats du nouveau recensement effectué cette année ne seront connus qu'en 2013. Ils confirmeront que la population s'élève désormais à 250.000 habitants. Quand sera prise en compte l'augmentation de la population pour la fixation de la DGF de Mayotte ?

Mayotte sera dotée d'une fiscalité propre à compter du 1er janvier 2014. Malgré l'énorme retard pris pour mettre en oeuvre cette fiscalité, cette date semble maintenue en raison de l'accession de Mayotte au statut européen de région ultrapériphérique. En effet, la « rupéisation » ne pourrait voir le jour sans la mise en oeuvre d'une fiscalité propre à Mayotte. Cette date est-elle maintenue et quelles mesures concrètes seront prises par l'État pour réussir cette étape importante ? Je précise que de grands chantiers, tels que le cadastre ou l'adressage des rues, ne sont toujours pas finalisés. Des moyens sont-ils prévus pour aider et accélérer la finalisation de ces chantiers ? Je n'élude pas les efforts que devront faire les collectivités territoriales, notamment le conseil général, mais force est de constater qu'elles ont été pénalisées par les sous-dotations budgétaires.

Enfin, nous assistons aujourd'hui à une disparité de traitement au sein de la fonction publique d'État face à des situations identiques, notamment pour les agents pénitentiaires, de la police, de la santé, de la sécurité sociale, etc., à l'origine de grèves importantes. En effet, les agents effectuant des tâches identiques bénéficient de traitements différents. Quelles mesures concrètes sont prévues pour remédier à ces différences de situations ? Je n'ose aborder la situation des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. - S'agissant de la situation particulière de Mayotte, le processus de départementalisation pose la question du déséquilibre budgétaire que connaît ce département. Certains dispositifs prendront en compte rapidement les résultats du recensement de 2012 comme par exemple la compensation du RSA. Pour le reste, la mise à jour se fera au fur et à mesure.

Les services fiscaux oeuvrent afin que soit respecté l'engagement du 1er janvier 2014.

Je ne dispose d'aucune information sur la question des disparités de traitements, si bien que je ne peux vous fournir aucune réponse immédiate sur cette question de fonction publique mais je transmettrai votre question à Mme la ministre.

M. Thani Mohamed Soilihi. - La caisse de sécurité sociale de Mayotte est bloquée depuis une cinquantaine de jours. C'est une catastrophe, notamment pour les personnes qui sont en attente de versements de prestations sociales, d'où l'importance de régler rapidement la question des disparités de traitements.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - La situation de Mayotte fait l'objet d'un traitement particulier sur l'ensemble des problématiques.

M. Alain Richard. - La carte intercommunale devrait être achevée à la fin de l'année. Attendez-vous de nombreux problèmes ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Les préfets auront terminé la carte, et celle-ci devrait être cohérente, notamment au niveau des périmètres. Ma crainte pour le premier semestre porte davantage sur les problèmes de fiscalité qui pourraient apparaître entre les intercommunalités qui auront fusionné. Cette situation conduit à se poser la question de la modification de certaines dispositions de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

M. Alain Richard. - Il y a toujours une solution par défaut !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Avec Alain Richard, nous avons travaillé sur deux propositions de loi complémentaires, l'une ayant été votée et l'autre étant encore en discussion parlementaire. Dans mon département, je suis confronté aux difficultés rencontrées par trois communautés qui doivent fusionner. En effet, l'une d'elles -qui n'est pas la plus grande- a la compétence en matière d'équipements scolaires, contrairement aux deux autres. Or, on ne peut faire la fusion que si ces dernières prennent en charge cette nouvelle compétence, comme l'exige la loi. L'unique solution consisterait à ce que la première se dessaisisse de cette compétence et crée un syndicat pour l'assumer.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - C'est un peu contraire à l'esprit de l'achèvement de la carte intercommunale.

M. Alain Richard. - Il n'est pas déraisonnable que le mouvement ne soit pas systématiquement dans le sens d'un accroissement des compétences. La solution du syndicat est la bonne, et le préfet doit la proposer. Il faudra un jour évoquer cette question d'un mouvement à sens unique avec la direction générale des collectivités locales.

M. Philippe Kaltenbach. - Je suis un élu de la petite couronne, dont trois départements ne sont pas concernés par l'obligation d'achever la carte intercommunale, ce que je trouve aberrant. C'est le cas des Hauts-de-Seine. Comment le Gouvernement compte-t-il traiter cette question ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Toute la problématique de la petite couronne s'intègre dans la question de Paris-Métropole. Je n'ai pas de réponse à apporter sur le plan juridique. L'intention du Gouvernement est d'aller vers des solutions de dialogue, des solutions concertées.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis. - Est-ce qu'il y aura un texte unique concernant Paris, Lyon et Marseille ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Ainsi que Lille, Roubaix et Tourcoing éventuellement...

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Nous travaillons sur cette question avec Mme Cécile Duflot, ministre de l'Égalité des territoires et du Logement. Concernant les métropoles, chaque cas est particulier, mais nous avons établi des liens forts entre elles avec la loi PLM, qui donne une unité globale au régime juridique de ces villes. Notre objectif est donc de préserver la cohérence de cet ensemble. Mme Marylise Lebranchu a été chargée par le Premier Ministre de rencontrer les élus sur ce sujet.

Mlle Sophie Joissains rapporteur pour avis. - Je tiens à rappeler que nous appelons de tous nos voeux un pôle métropolitain aixois renforcé.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Au-delà du cas de Lyon et Marseille, je voudrais que l'on affirme très clairement notre volonté d'avoir des métropoles et des régions fortes. Cette ambition suppose d'aller parfois plus loin que les revendications de nos associations d'élus. Nous avons besoin d'un grand saut en avant !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Soyez sûr, Monsieur le Président, que c'est la volonté du Gouvernement. Depuis six mois, nous ne cessons de rencontrer les interlocuteurs intéressés et de dialoguer avec eux.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avons certes besoin de dialogue, mais également de volontarisme !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Notre difficulté est que, même si les associations d'élus disent avoir les mêmes objectifs, lorsque nous abordons des sujets complexes tels que la péréquation, les problématiques deviennent très lourdes.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Si vous additionnez les demandes de chacune des associations, il n'est pas possible d'avoir une péréquation « nerveuse ». Le rôle de l'Etat est d'oeuvrer pour plus de justice, davantage de péréquation. Cela ne peut pas se faire sans créer le mécontentement de certains.

M. Alain Richard. - Toutes les communes vont perdre 3 % de pouvoir d'achat, cumulé pendant six ans !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est justement pour cette raison qu'il convient de se poser la question de la justice.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. - Cette volonté a été clairement affirmée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013 à l'Assemblée nationale.

Mlle Sophie Joissains rapporteur pour avis. - Je voulais vous préciser Madame la Ministre que le rapprochement forcé entre Aix et Marseille ne convient pas à l'ensemble des EPCI des Bouches-du-Rhône, ce qui n'enlève rien au plaisir de vous retrouver aujourd'hui à la commission des lois.

Loi de finances pour 2013 - Programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » - Examen du rapport pour avis»

Enfin, la commission examine le rapport pour avis de Mlle Sophie Joissains sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat »).

Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis. - Le 25 septembre dernier, les inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales rendaient au Premier ministre un rapport sur le bilan de la révision générale des politiques publiques (RGPP) à laquelle le Gouvernement a souhaité mettre fin.

L'examen des crédits du programme Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État, qui s'intègre à la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines est donc l'occasion d'aborder les nouvelles orientations en matière de modernisation de l'action publique.

Je note d'ores et déjà qu'au-delà des oppositions politiques que nous pouvons avoir sur la RGPP, le Gouvernement a admis que certaines mesures étaient positives et que, sous réserve d'ajustements, elles ne seraient pas remises en cause. D'autres, naturellement plus emblématiques, ont été supprimées. On ne peut pas négliger certaines réalisations notables de la RGPP et dresser maintenant un inventaire apaisé et dépassionné du bilan des mesures décidées dans ce cadre.

L'effort de modernisation de l'action publique doit évidemment se poursuivre car elle répond à des objectifs que nous approuvons tous : améliorer le service rendu aux usagers, faciliter et valoriser le travail des agents publics et supprimer les contraintes qui ne sont pas strictement nécessaires pesant sur les particuliers ou les entreprises, ce dernier point a d'ailleurs été rappelé par le rapport Gallois. Ne masquons pas les divergences qui peuvent exister entre les groupes politiques quant aux moyens à mettre en oeuvre ; ce sera l'objet du débat lors des prochaines mesures législatives.

S'agissant du programme budgétaire, son périmètre n'a pas évolué depuis l'an dernier. Il est proposé, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, de le doter de crédits budgétaires d'un montant de 256 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et de 258 millions d'euros de crédits de paiement (CP).

Ce programme budgétaire participe à l'effort de redressement des finances publiques. En effet, si les AE augmentent de 4,92 % par rapport à l'an dernier, les CP baissent de 7, 47 %. De même, le plafond d'emploi est en baisse de 5 EPTP par rapport à 2012.

Ce programme est, de par son montant, anecdotique par rapport à la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, puisqu'il ne représente qu'environ, 2,2 % des crédits. Rappelons qu'il ne contient pas, malgré son intitulé, tous les crédits nécessaires à la modernisation de l'État, qui n'est pas en soi une politique publique, mais essentiellement les crédits de fonctionnement des directions d'état-major qui pilotent et animent cette politique de modernisation, c'est-à-dire principalement l'ancienne direction générale de la modernisation de l'État (DGME), la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), la direction du budget, l'organisme national de paie (ONP) et l'agence pour l'information financière de l'État (AIFE).

Comme l'avait souligné notre collègue Éliane Assassi, lorsqu'elle rapportait cet avis budgétaire, le périmètre de ce programme souffre d'une apparente incongruité. Le programme budgétaire contient en effet les crédits destinés à l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) et désormais de l'observatoire des jeux. Le Gouvernement, comme le précédent, justifie ce rattachement en considérant qu'il « permet de tirer parti de la compétence acquise par le ministère du budget sur le secteur des jeux », ce dernier disposant « d'une vision générale et transverse des jeux qui justifie le rattachement de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) au programme 221 ».

Les missions de l'ARJEL relèvent essentiellement de la régulation économique d'un secteur et non pas de la modernisation de l'État. Et le lien avec le ministère du budget n'apparaît plus un argument convaincant puisque la réforme de l'État relève du portefeuille de Mme Lebranchu que nous venons d'entendre, et non de MM. Cahuzac et Moscovici. Cette situation apparaît ainsi en contradiction avec l'article 7 de la LOLF qui exige qu'un programme soit formé d'un ensemble cohérent d'actions.

Même constat pour le responsable budgétaire du programme qui est, depuis cette année, le secrétaire général des ministères économique et financier, et non plus le DGME. Là encore, ce choix est discutable puisque le responsable budgétaire n'a autorité ni sur le nouveau secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), ni sur les autres entités du programme.

La refonte des administrations en charge de la réforme de l'action publique devrait conduire probablement à une refonte de la maquette budgétaire. Aussi, pour la meilleure information du Parlement, je souhaite fermement que dans ce cadre, la cohérence et la lisibilité du programme soit mieux assurée.

S'agissant plus spécifiquement de la politique de modernisation de l'État, la ministre chargée de la réforme de l'État, Mme Lebranchu, l'a rappelé, il est mis fin à la RGPP qui avait été officiellement lancée le 10 juillet 2007 sous le précédent quinquennat. La RGPP poursuivait trois objectifs, que je souhaite rappeler : permettre à l'État de retrouver des marges de manoeuvre face à l'accroissement de la dette publique, moderniser les services publics et valoriser le travail des agents publics.

Je me bornerai à relever les premiers enseignements qui peuvent en être tirés.

Notons, tout d'abord, que le périmètre de la RGPP n'est pas facile à délimiter car des initiatives menées durant le précédent quinquennat ne s'y référaient pas explicitement bien qu'elles participent aux mêmes objectifs. Le rapport des inspections générales, rendu en septembre dernier, constatait que l'on pouvait penser, à tort, que la RGPP est à l'origine de toutes les décisions d'économies budgétaires ou de suppressions d'emplois, ce qui n'est pas le cas.

S'inspirant d'expériences similaires en Suède, au Royaume-Uni ou au Canada, menées devant les vingt dernières années, la RGPP dans son ambition initiale, souhaitait interroger la pertinence de chaque mission exercée par l'Etat. Dans un second temps se posait la question des structures en charge de mettre en oeuvre chaque politique publique.

Dans ce cadre, la RGPP s'est traduite par une rationalisation des structures administratives, pour exemple : la fusion de directions d'administrations centrales avec un passage de 35 à 5 au ministère de l'écologie ou, de 10 à 3 au ministère de la culture.

La mesure la plus connue reste sans doute la création de la direction générale des finances publiques par fusion de la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP).

L'administration territoriale a également été concernée, dans un second temps, par la rationalisation des structures, aboutissant à la création des agences régionales de santé (ARS), la création des bases de défense ou encore la modification de la carte des implantations des juridictions judiciaires puis par la RéATE (réforme de l'administration territoriale de l'Etat) avec la création des directions départementales interministérielles (DDI). Lors de son audition, Mme Lebranchu a précisé que, par souci de stabilité, leur création ne serait pas remise en cause.

S'agissant de la carte judiciaire, notre commission a exprimé un avis plus réservé lors de la présentation du rapport de notre collègue M. Yves Détraigne et de notre ancienne collègue Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Sur le plan des économies budgétaires, le rapport des inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales brosse un résultat provisoire.

L'objectif d'économies était de 15 milliards d'euros sur la période 2009-2013 dont 12,3 milliards à échéance de fin 2012. Selon la direction du budget, le montant des économies réalisées à cette échéance devrait finalement être de 11,9 milliards.

Par ailleurs les suppressions d'emplois réalisées dans les services de l'Etat sur 2009-2012 correspondent à 5,4 % des effectifs dont seulement 3 % rattachables aux mesures RGPP.

Une partie des économies budgétaires a été effectuée sur les dépenses de personnel qui sont les plus rigides pour le budget de l'Etat. Le recrutement d'un fonctionnaire implique à long terme le versement d'une rémunération puis d'une pension de retraite d'où la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Il est important de rappeler qu'une partie des économies générées par la RGPP ont été redistribuées aux agents publics sous la forme de retours catégoriels.

Selon les informations transmises par le Gouvernement, la situation dans les ministères a été variable mais a, en moyenne, dépassé 50% des économies engendrées par la maîtrise des effectifs des départements ministériels.

Enfin, la RGPP a soutenu l'effort de simplification administrative. La DGME a mené un effort évident pour consulter les ministères concernés en faveur de la simplification des démarches pour les particuliers.

Pour les citoyens, la simplification s'est traduite par la mise en place de guichets uniques : guichet fiscal, guichet de l'emploi, guichet des entreprises.

De même, l'administration électronique atteint une certaine maturité. Ainsi, plus de 23 millions de formulaires administratifs téléchargés en ligne en 2011 sur le site unique qui regroupe désormais les formulaires administratifs, 35 000 visites quotidiennes sur le portail mon.service-public.fr et près de 4,3 millions de comptes d'usagers sur ce portail. Ces services en ligne s'étoffent progressivement avec un effort de coordination avec les organismes sociaux ou les collectivités territoriales lorsqu'elles sont volontaires.

La DGME a aussi permis des accélérations de procédures. Cette démarche a consisté à demander aux agents de décomposer les procédures qu'ils mettent en oeuvre pour accomplir une formalité afin de détecter les étapes inutiles et ainsi les supprimer.

Cela a permis de belles avancées dans le traitement des demandes des usagers du service public. Je citerai deux exemples que sont la diminution du délai de traitement des affaires civiles par les TGI et les cours d'appel concernés de près de 10 % en trois mois et la baisse du délai d'attente aux contrôles transfrontaliers, à l'aéroport Charles de Gaulle inférieur, à quinze minutes pour 80 % des passagers contre 50 % en septembre 2010 et ce à qualité de contrôle égale.

En forme de bilan, les inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales relevaient dans leur rapport de septembre 2012 que « la méthode RGPP est une mécanique très intégrée qui se caractérise par un cheminement rapide des dossiers, une instance solennelle (le CMPP) de formalisation des décisions, des arbitrages directs par la présidence de République et le cabinet du Premier ministre et une mise en oeuvre immédiate selon un calendrier suivi de près » et que « c'est là que réside l'efficacité de la démarche ».

La fin de la RGPP s'est traduite par la disparition du comité de modernisation des politiques publiques placé sous la présidence du chef de l'Etat, véritable instance de validation et de suivi de la RGPP et par la disparition du comité de suivi qui réunissait les membres du Gouvernement intéressés par les dossiers qui seraient soumis au CMPP.

En remplacement, un comité interministériel de modernisation de l'action publique a été constitué par décret, réunissant, sous la présidence du Premier ministre, l'ensemble des ministres et le ministre délégué chargé du budget. Les autres membres du Gouvernement pouvant être appelés à siéger en fonction de l'ordre du jour. Le ministre chargé de la réforme de l'Etat est désigné rapporteur général.

Les transformations ont été plus importantes sur les structures permanentes chargées de piloter la politique de modernisation de l'Etat. La DGME a été supprimée par le même décret du 30 octobre 2012 pour fusionner au sein du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP).

Le SGMAP est placé directement sous l'autorité du Premier ministre et rattaché au secrétaire général du Gouvernement. Il s'articule autour de deux directions ministérielles d'un service et de deux missions, dont la direction interministérielle pour la modernisation de l'action publique (DIMAP) qui prend la place de la DGME et le service coordination interministérielle de l'administration déconcentrée de l'Etat assure le suivi des travaux de réforme de l'administration territoriale (Réate).

Le champ d'intervention de la SGMAP n'est plus limité à l'Etat stricto sensu mais aussi à ses opérateurs, ce qui est indispensable pour éviter des réformes en trompe l'oeil qui consistent à transférer les missions anciennement exercées par l'Etat aux opérateurs.

De même, il est indispensable, je crois, que cette modernisation de l'État se fasse en prenant en compte les initiatives et les politiques menées par les collectivités territoriales. Lier la réflexion entre réforme de l'État et décentralisation ou entre réforme de l'administration centrale et celle de l'administration territoriale est un point positif à relever.

S'agissant enfin de la DGAFP dont le budget est contenu dans ce programme budgétaire, il est à noter une refonte de son organisation interne en avril 2012. Elle s'inscrit dans une réforme de la gestion des ressources humaines à la suite des différentes réformes législatives, conduisant la DGAFP à traiter non seulement des questions statutaires des fonctions publiques mais aussi des politiques de ressources humaines. La réduction des corps de la fonction publique a été fortement accentuée par la RGPP, leur nombre passant entre 2005 et 2011 de 700 à 373 avec un objectif d'environ 330 pour fin 2012, ce qui est tout autant une simplification de la gestion des ressources humaines qu'un gage supplémentaire pour la mobilité fonctionnelle des agents.

Le débat sur la RGPP et, plus largement, sur la modernisation de l'action publique, ne peut se réduire à ces simples observations. Je crois que nous aurons l'occasion d'en reparler lors de nos prochaines activités de législation et de contrôle.

Pour ma part, je pense qu'il faudra aborder le bilan de la RGPP, encore provisoire, avec attention et sérénité.

Dans l'attente de nos futurs débats, je reste réservée sur ce programme et m'en remets à la sagesse de la commission pour émettre un avis sur l'adoption des crédits budgétaires.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous remercie pour ce travail. Vous exprimez une opinion très politique et argumentée en profondeur. Pour ma part, tout en vous disant que nous prenons en compte vos remarques, je proposerai de soutenir les crédits du présent programme.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je voudrais également remercier notre collègue pour la qualité de son rapport et l'effort d'objectivité dont elle a fait preuve. Il s'agit d'une question importante qui fera l'objet de nouveaux débats dans les prochaines semaines.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis. - Je vous remercie. Je souhaite simplement ajouter qu'un volet de la RGPP n'a pas été totalement satisfaisant dans sa mise en oeuvre. Il s'agit de la valorisation de la fonction publique. La valorisation financière a été réelle, je l'ai déjà souligné, mais le ressenti du personnel a été désastreux. Il reste encore une marge de progression à ce niveau.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je mets aux voix l'avis de notre commission sur le présent programme.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'Etat » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».