Mercredi 4 juillet 2012
- Présidence de M. Daniel Raoul, président -Proposition de loi visant à abroger la loi relative à la majoration des droits à construire - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi n° 595 (2011-2012), visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, ainsi que sur les propositions de loi n° 603 (2011-2012), tendant à abroger la majoration automatique des droits à construire, et n° 566 (2011-2012), tendant à abroger la majoration des droits à construire.
M. Daniel Raoul, président. - Le 6 mars dernier, à l'occasion de la dernière séance de la session ordinaire de la précédente législature, notre Haute assemblée discutait du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire. Notre commission, notamment par la voix de son rapporteur, notre ancien collègue Thierry Repentin, s'était opposée au dispositif de majoration automatique des droits à construire. Le Sénat avait suivi ses recommandations et le Gouvernement avait dû demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement.
Dans la droite ligne de ses conclusions en tant que rapporteur, Thierry Repentin a déposé le 14 juin dernier, avec l'ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire. Ce texte figure sur le décret de convocation de la session extraordinaire - ce qui est suffisamment rare pour être relevé - et sera le premier texte examiné par le Sénat lors de la session extraordinaire de cet été.
Ayant été amené à suppléer le rapporteur pressenti, notre ancien collègue Thierry Repentin, appelé vers d'autres fonctions, j'ai donc l'honneur de vous présenter aujourd'hui mon rapport sur cette proposition de loi, ainsi que sur le texte identique déposé par notre collègue Philippe Kaltenbach et la proposition de loi quasiment identique déposée par Pierre Jarlier. Je demande donc à M. Martial Bourquin de prendre la présidence.
Présidence de M. Martial Bourquin, vice-président
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Pour exprimer mon point de vue sur la loi du 20 mars 2012, il me suffit de reprendre les termes du rapport de Thierry Repentin de février dernier : ce texte « cumule les inconvénients : insuffisamment préparé et discuté dans la précipitation, il est à la fois redondant avec le droit existant et porteur de risques contentieux lourds ».
Le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire a été discuté dans la précipitation la plus totale : annoncé par le chef de l'État le 30 janvier 2012, le texte a été déposé le 8 février 2012 et adopté définitivement le 6 mars 2012. Je partage donc l'avis de notre collègue Pierre Jarlier exprimé dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi : ce texte a été voté « dans des conditions trop expéditives ».
En outre, le texte n'a donné lieu à aucune concertation avec les acteurs du logement, tant les associations d'élus que les acteurs économiques.
La loi du 20 mars 2012 vise notamment à créer un dispositif de majoration automatique de 30 % des droits à construire, applicable sur l'ensemble du territoire national sauf délibération contraire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent.
Ce dispositif est redondant avec le dispositif issu de la « loi Boutin » permettant aux communes couvertes par un plan local d'urbanisme (PLU) ou un plan d'occupation des sols (POS) de majorer les droits à construire de 20 % : selon une enquête menée auprès de 71 départements, une trentaine de communes seulement ont eu recours à ce dispositif ; redondant également avec deux dispositifs, le premier ciblé sur les logements sociaux et le second sur les bâtiments à haute performance énergétique, autorisant une majoration des règles de densité pouvant aller jusqu'à respectivement 50 % et 30 %. Selon la même enquête, ces deux dispositifs ont été utilisés par environ 150 communes.
Pourquoi les collectivités territoriales utiliseraient-elles un dispositif très proche de dispositifs auxquels elles n'ont très majoritairement pas souhaité avoir recours ?
En outre, de multiples facteurs juridiques, techniques et économiques entravent l'efficacité du dispositif : sur le plan juridique, la majoration des droits à construire n'exempte pas du respect d'autres règles d'urbanisme telles que les règles du prospect. Par ailleurs, l'utilisation des nouveaux droits suppose dans certains cas de trouver des accords pour redéfinir des conventions privées. C'est le cas des copropriétés : la surélévation ou la construction de bâtiments afin de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée, sauf exception, que si la décision est prise à l'unanimité des copropriétaires.
Sur le plan technique, la modification du bâti est parfois très difficile voire impossible. Il en est ainsi de la surélévation d'un bâtiment, opération impossible si les fondations ne sont pas adaptées.
M. Bruno Sido. - C'est sûr !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Sur le plan économique, dans un contexte de crise économique, la taille des projets de construction est en diminution. Nos concitoyens réduisent leurs ambitions et les COS sont souvent loin d'être saturés.
Le texte a enfin des effets pervers, tels qu'un effet de rétention des terrains par leurs propriétaires, constaté rapidement par les professionnels, ou un effet inflationniste, puisque les prix du foncier seront tirés vers le haut une fois la majoration des droits à construire entrée en vigueur.
La loi du 20 mars 2012 a des conséquences très lourdes pour les collectivités territoriales. Souvenons-nous de l'état d'esprit qui a présidé à l'annonce de cette mesure : la volonté de mettre en accusation les collectivités territoriales, jugées responsables de la crise du logement. Elle était manifeste dans le discours sur le logement tenu par l'ancien Président de la République le 2 février dernier à Longjumeau ; vous pouvez le relire.
M. Bruno Sido. - On le connaît !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - La non utilisation des dispositifs de majoration des droits à construire par les collectivités territoriales n'est pas due à une indifférence face à la crise du logement. Les collectivités territoriales sont d'ailleurs en première ligne face à cette crise. Cette non utilisation s'explique - et nous le savons tous, quels que soient nos orientations politiques - par le fait qu'il serait absurde pour une commune qui a mis plusieurs années à élaborer des documents d'urbanisme pour définir des règles de constructibilité adaptées à son projet de territoire de s'empresser ensuite de déroger à ces règles. Comme l'indiquait notre ancien collègue Dominique Braye, que l'on n'entend plus...
Mme Élisabeth Lamure. - C'est bien dommage !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - ...dans son rapport sur le projet de « loi Boutin », qui comprenait initialement le même dispositif de majoration automatique, il est « paradoxal d'inciter les communes à se doter de documents d'urbanisme pour déterminer les meilleures règles d'aménagement du tissu urbain, ce qui implique de réaliser des études dont le coût n'est pas négligeable, et de prévoir ensuite des dispositions s'imposant à tous les maires quelles que soient les spécificités de leurs territoires et modifiant en profondeur l'équilibre des documents qu'ils ont élaborés ».
La loi du 20 mars 2012 constitue ensuite une nouvelle charge pesant sur les collectivités territoriales, notamment sur les plus petites d'entre elles. Il leur revient en effet de prendre en charge la réalisation de la note d'information, la mise à disposition de cette note, la réalisation de la synthèse des observations du public... tout ceci même pour les communes qui souhaitent, in fine, ne pas appliquer la majoration.
Dernier inconvénient de cette loi : elle est source d'insécurité juridique. Un seul exemple : la note d'information, dont il est délicat de déterminer le degré de précision attendu. L'Assemblée des communautés de France (ADCF) que j'ai entendue hier le souligne : de très nombreuses collectivités s'interrogent sur la consistance à donner à la note d'information.
D'autres questions se posent également en termes de cohérence interne des PLU. Je ne peux que rappeler également la disposition aberrante figurant dans la loi du 20 mars 2012 : en prévoyant qu'une commune membre d'un EPCI compétent en matière de PLU pourra écarter sur son territoire la majoration des droits à construire décidée par l'EPCI, le texte remet complètement en cause la cohérence des PLU intercommunaux.
En conclusion, je voudrais souligner que les associations d'élus sont favorables à cette proposition de loi : l'ADCF souhaite l'abrogation de la loi du 20 mars 2012, position adoptée également par la Commission urbanisme de l'Association des maires de France (AMF).
Vous comprendrez aisément que je propose à la commission de rester fidèle à la position qui a été la sienne au cours des débats du mois de mars dernier, et d'adopter la proposition de loi déposée par Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste. Il est d'ailleurs urgent que ce texte soit adopté car le délai de mise à disposition par les collectivités territoriales de la note d'information se termine le 20 septembre prochain.
Je vous présenterai tout à l'heure un seul amendement, visant à prévoir des dispositions transitoires pour les communes - il en existe quelques-unes - qui ont lancé la procédure de consultation du public et ont décidé l'application de la majoration automatique sur leur territoire. Le dispositif que je proposerai respecte pleinement le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Enfin, l'abrogation de la loi du 20 mars dernier ne signifie en aucun cas une opposition à la densification, terme auquel je préfère substituer l'optimisation d'utilisation des surfaces...
M. Bruno Sido. - Lors du Grenelle, on parlait de densification !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Le terme effraie et fait fantasmer, alors qu'on peut réfléchir à d'autres formes urbaines comportant plus de logement et consommant moins d'espaces. Combien de terrains ont été bêtement gaspillés ?
Mme Élisabeth Lamure. - C'est vrai !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - J'interpellerai la ministre de l'égalité des territoires et du logement en séance publique à ce sujet : il convient à mes yeux que le Gouvernement prenne des initiatives en la matière, notamment en remettant à plat, après trois modifications législatives en trois ans, les trois dispositifs de majoration des droits à construire existant.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La commission des lois a examiné hier la proposition de loi, qui vise à replacer le droit dans son état antérieur à la loi du 20 mars 2012, c'est à dire continuer à offrir aux collectivités territoriales compétentes en matière d'urbanisme trois options, si elles souhaitent majorer leurs droits à construire : la première ciblée sur le logement social, utilisée aujourd'hui par 140 communes, la deuxième, issue du Grenelle II, ciblant les bâtiments à haute performance énergétique, utilisée par 160 communes, et la dernière, issue de la « loi MOLLE », utilisée par 30 communes. Si nous votons la proposition de loi, tel sera l'état du droit.
J'ai recherché combien de communes ou d'EPCI avaient décidé l'application de la majoration automatique des droits à construire : je n'en ai trouvé que trois. Si la loi de 2012 était abrogée, ces trois communes pourraient continuer à l'appliquer, mais sans possibilité de faire marche arrière : c'est la raison pour laquelle la commission des lois a voté un amendement pour leur permettre, si tel est leur bon plaisir, de sortir à tout moment du système.
Je ne vais pas reprendre les arguments du Président Raoul, que je partage ; je me contenterai d'en ajouter un, qui a été souligné par des collègues de tous bords: il s'agit de la défense du principe de spécialité des EPCI. Lorsqu'un EPCI est titulaire d'une compétence d'urbanisme, les communes membres n'ont plus le droit d'intervenir dans ce domaine. Or, le texte qu'il est question d'abroger contrevenait à cette règle au point de susciter la grande curiosité des juristes.
En outre, les droits à construire ne sont saturés nulle part et je ne connais aucune association d'élus qui défende ce texte.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois, à une large majorité, est favorable à l'abrogation de la loi du 20 mars 2012, sous réserve de l'adoption d'un amendement permettant aux collectivités territoriales engagées par ce texte de revenir en arrière.
M. Pierre Jarlier. - J'avais voté contre la loi du 20 mars 2012, dont j'estimais le texte approximatif et juridiquement dangereux. J'ai déposé une proposition de loi similaire à celle de M. Thierry Repentin. Je crois qu'il est nécessaire de changer de logique, en privilégiant sinon la densification, du moins une nouvelle urbanisation plus économe en espace et en énergie, conformément à l'esprit qui a animé le Grenelle.
Pour le reste, je soutiens la proposition de loi de M. Thierry Repentin qui a le mérite de sauvegarder la libre administration des collectivités territoriales, que remettait en cause l'obligation pour toutes les communes de France de soumettre au public avant le 20 septembre une note d'information : pour des grandes communautés urbaines comme Lyon, ce délai est beaucoup trop court.. Nous devons tendre vers un urbanisme de projet qui dictera les règles en matière de droits à construire, et non l'inverse. La note d'information est en outre non seulement un nid à contentieux mais de plus, une charge supplémentaire. La Fédération des promoteurs de l'immobilier de France m'a également fait savoir que le texte provoquerait une inflation des prix du foncier, et que sa seule annonce avait suffi par bloquer les ventes.
Pour toutes ces raisons, il faut abroger immédiatement la loi.
Mme Élisabeth Lamure. - Je suis surprise par cette proposition de pure suppression. La loi du 20 mars 2012 est imparfaite et précipitée, certes, mais elle offre quelques pistes intéressantes et les communes peuvent toujours s'y opposer. Vous ne proposez aucune piste dans votre texte. M. Repentin avait eu le mérite de prévoir la mise à disposition gratuite de terrains de l'Etat pour la construction de logements sociaux. Pourquoi ne pas avoir repris cette disposition ? Serait-elle inadaptée ? S'agirait-il de ne pas spolier l'Etat ?
M. Bruno Sido. - Probablement !
Mme Élisabeth Lamure. - Ensuite, le message n'est pas bon : certaines collectivités territoriales se sont engagées et vont voir leurs initiatives arrêtées au milieu du gué. Même chose pour le particulier qui souhaite agrandir sa maison, ou pour l'industrie du bâtiment, qui souffre en ce moment et dont les chantiers diminuent. Nous avons donc déposé un amendement de suppression de l'article unique.
M. Claude Bérit-Débat. - Je ne reviens pas sur les arguments parfaitement exposés par notre rapporteur.
La loi du 20 mars 2012 a été adoptée dans la précipitation. Nous n'en proposons la suppression que pour nous donner le temps de légiférer sereinement, même si aujourd'hui la plupart des associations d'élus sont favorables à l'abrogation pure et simple de la loi. La proposition de M. Repentin de mettre à la disposition des communes des terrains de l'Etat sera reprise. Je rappelle qu'elle visait à les rendre disponibles uniquement pour la construction de logements sociaux. Pour le reste, la loi de 2012 aboutit à de véritables incohérences dans l'exercice de la compétence d'urbanisme : c'est le cas notamment lorsqu'une commune va à l'encontre d'une décision prise par une intercommunalité.
Le risque juridique évoqué par Pierre Jarlier me semble réel. C'est pourquoi je suis favorable à la proposition de loi de Thierry Repentin, enrichie par les amendements de notre rapporteur et de la commission des lois permettant aux communes concernées de faire marche arrière. Le groupe socialiste appuiera donc le texte, conformément aux orientations définies par le Président de la République, exposée hier par son premier ministre.
M. Daniel Dubois. - Le texte du 20 mars est évidemment imparfait, mais vos arguments sont des contre-arguments : vous reprochez aux communes de ne pas utiliser les possibilités de densifier qui leur sont offertes ! Si on veut construire 500.000 logements par an dont 150.000 logements sociaux, les dons de terrains de l'Etat ne suffiront pas. Nous n'échapperons pas au débat sur la densification !
En abrogeant ce texte, vous faites implicitement le choix du malus pour les communes ne satisfaisant pas à leurs obligations de construction de logements sociaux, prévues par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) alors que la loi de 2012 rendait le dialogue possible.
M. Claude Dilain. - Ce n'était pas un dialogue !
M. Daniel Dubois. - J'ai parlé de « dialogue possible ». La consommation excessive de terrains agricoles est une réalité. Dans ma communauté de communes, nous essayons de construire des logements locatifs, mais sur certains territoires, il n'y a quasiment plus aucune possibilité de construire. C'est pourquoi le débat sur la densification est inéluctable, et c'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.
M. Joël Labbé. - Appartenant à la majorité, nous voterons ce texte, en cohérence avec notre position lors de l'examen de la loi de 2012. Il faut étudier la question de l'urbanisme, mais ne répondons pas à la précipitation par la précipitation ! Les droits à construire ne sont saturés nulle part, en revanche il existe un phénomène réel de rétention des terrains, contre lequel il est possible d'agir. Je partage la vision d'un urbanisme de projet. Je ne me méfie pas de la « densification », terme qui est rentré dans les moeurs, et qu'il ne faut pas confondre avec la concentration.
Enfin, on évoque la possibilité d'augmenter de 20 à 25 % le taux obligatoire de logements sociaux pour les communes de plus de 3500 habitants. Soyons réalistes : dans ma commune de 3.800 habitants, nous sommes partis de loin et nous atteignons aujourd'hui 12 % de logement social. Avec la meilleure volonté du monde, nous n'atteindrons pas les 20 % en 2014. En revanche, lors des nouvelles constructions, nous imposons un minimum de 30 % de logement social. Ne pénalisons pas les communes qui font déjà de gros efforts !
Mme Mireille Schurch. - Nous avons également jugé la loi inopportune, contre-productive et inefficace. La proposition de loi est simple, claire, et son adoption est urgente. En revanche, nous attendons un grand débat sur le logement et le foncier à l'automne : nous avons là un grand chantier devant nous. La loi comportait trop d'incohérences et de contradictions : il faut régler ces questions dans le respect de l'autonomie communale.
M. Martial Bourquin, président. - L'abrogation de la loi ne signifie pas que nous renonçons à la densification : nous voulons une densification maîtrisée et humaine. Aujourd'hui, certains quartiers sont démolis faute d'avoir été correctement pensés ! La systématisation des 30 % aurait eu des effets catastrophiques sur les formes urbaines.
Effectivement, il y a les terrains de l'Etat. Encore faut-il qu'ils soient abordables : dans ma commune, Réseau ferré de France (RFF) entend nous vendre 90 euros le mètre carré une parcelle évaluée à 8 euros le mètre carré par les domaines. C'est ainsi qu'on bloque des programmes de logement...
La question du foncier est essentielle, autant que celle du financement du logement. Le débat sur le logement doit aborder ces deux leviers d'une politique équilibrée. A moins que nous ne souhaitions nous retrouver, demain, avec une ville que l'on n'aura pas voulue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il y a urgence à agir : les communes devaient dépenser de l'argent pour une réforme incohérente !
Des mesures doivent être prises rapidement en faveur du logement. Le débat sur la fiscalité va avoir lieu : dans certains pays, les terrains non construits sont taxés... En revanche, je mets en garde contre une grande loi générale qui mettra des années avant d'être votée, puis appliquée. L'urgence est à la construction, nous ne pouvons nous permettre d'attendre deux ans un décret d'application. Enfin, ne confondons pas densité et article 55 de la loi SRU, qui vise à la bonne répartition des logements sociaux dans la production globale de logements. Les deux sujets sont bien distincts !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Il y a en effet urgence à abroger la loi du 20 mars 2012, et son cortège d'effets d'aubaine. Hier, le Premier ministre a dénoncé la pénurie de logements sociaux : ce sont les mêmes qui trainent les pieds pour construire des logements sociaux qui auraient profité de ces effets d'aubaine ! Toutefois, ne répondons pas à l'urgence par l'urgence. Le débat est sérieux et mérite qu'on accorde du temps au temps.
M. Pierre Jarlier. - La majoration des droits à construire ne doit pas être confondue avec la loi SRU. Je rappelle que la loi permet d'augmenter les COS de 50 % pour construire des logements sociaux.
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Les deux sujets sont effectivement de nature différente. D'après ce que m'a dit l'Assemblée des communautés de France (ADCF), les notes d'information sont facturées environ 10 000 euros, un prix bien trop élevé pour les petites communes. D'ailleurs, très peu de communes se sont lancées dans la rédaction d'un tel document.
Mme Lamure estime que la loi actuelle n'impose rien : si, les communes doivent délibérer, informer et payer la note d'information. Enfin, nous avons légiféré trois fois en trois ans sur ce sujet...
M. Jackie Pierre. - Maintenant, quatre fois en quatre ans !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - M. le Premier ministre a évoqué la question de la décote pour la vente des terrains de l'État qui peut aller jusqu'à la gratuité. J'ai cru comprendre qu'il faudrait attendre 2014 pour examiner un projet de loi revisitant l'ensemble des textes sur l'urbanisme et le logement, ce qui me semble d'ailleurs bien tard pour répondre à la crise du logement. Pour traiter de la décote, nul besoin d'attendre si longtemps : des consignes pourraient d'ailleurs être adressées aux établissements publics ou para-publics pour céder leurs terrains.
Depuis le Grenelle, les directions départementales des territoires (DDT) peuvent très bien refuser un schéma de cohérence territoriale (SCOT) qui consommerait trop de terrains. Dans mon agglomération, par exemple, il y a des communes qui ont « tartiné » des lotissements en consommant des quantités de terrain considérables : les propriétaires, qui vieillissent, ne peuvent plus entretenir leurs jardins.
Comme à son habitude, M. Daniel Dubois a été un peu caustique. Comment faire pour encourager les communes qui ne remplissent pas leurs obligations ? Les incitations financières ont montré leurs limites. Il faudrait imposer des quotas de logements sociaux lors des nouvelles constructions.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Je souhaite le retrait de l'amendement n° 1. Sinon, avis défavorable.
Mme Élisabeth Lamure. - Je le retire, mais il sera redéposé en séance.
L'amendement n° COM-1 est retiré.
L'article unique est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 1er
M. Daniel Raoul, rapporteur. - L'amendement n° 3 prévoit que, pour les EPCI et les communes ayant été au terme de la procédure prévue par la loi du 20 mars 2012 et ayant décidé d'appliquer la majoration automatique des droits à construire, la majoration continuera à s'appliquer jusqu'au 1er janvier 2016.
L'amendement n° 2 de la commission des lois est très proche du mien et j'invite le rapporteur à se rallier à notre rédaction.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - Je n'y vois aucun inconvénient, tant les différences de rédaction sont minimes.
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Il s'agit donc de l'amendement n° 2 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. - Si j'ai bien compris, les communes qui n'ont pas commencé à délibérer n'auront pas à le faire.
M. Martial Bourquin, président. - C'est pour cette raison qu'il était urgent de voter ce texte.
Mme Élisabeth Lamure. - Que se passe-t-il pour les communes qui ont déjà missionné un bureau d'étude ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Le plus souvent, elles se sont engagées dans le processus pour refuser d'utiliser la loi.
Mme Élisabeth Lamure. - Pas du tout ! C'était pour aller au fond des choses.
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Sur les 45 communes qui ont été au bout de la procédure, une seule a délibéré positivement.
Mme Élisabeth Lamure. - Certes, mais les délibérations se poursuivront jusqu'au 20 septembre.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. - Les communes qui ont voulu approfondir leur réflexion ont mandaté un cabinet pour rédiger une note d'information. Si la loi est abrogée d'ici là, elles peuvent encore avoir recours aux trois solutions dont nous avons déjà parlé pour majorer les droits à construire.
Mme Élisabeth Lamure. - Que doivent faire les communes par rapport à la date butoir du 20 septembre ?
M. Martial Bourquin, président. - Pour l'instant, elles attendent de savoir si elles doivent délibérer. Grâce à ce texte, elles n'auront pas à le faire ni à payer l'étude.
Mme Élisabeth Lamure. - Il faudrait informer les communes car elles ne le savent pas.
M. Martial Bourquin, président. - C'est pour cela que le Sénat a demandé à ce que ce texte soit examiné rapidement : il ne voulait pas que les communes soient obligées de financer ces études coûteuses.
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Les communes qui auront finalisé le processus avant la fin juillet, date probable de la promulgation de cette proposition de loi, pourront majorer - ou non - leurs droits à construire. Celles qui auront engagé le processus sans l'avoir achevé ne pourront mettre en oeuvre la loi relative à la majoration des droits à construire, mais elles pourront s'appuyer sur cette étude pour appliquer les dispositifs existants. Enfin, celles qui n'auront engagé aucune étude à cette date n'auront rien à faire.
Mme Élisabeth Lamure. - Je suis assez favorable à cet amendement.
M. Joël Labbé. - Ce sont bien les communes qui ont délibéré positivement qui sont concernées par ce dispositif transitoire ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Tout à fait.
Les amendements identiques n° s COM-3 et COM-2 rectifié sont adoptés à l'unanimité et deviennent un article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Déplacement d'une délégation en Allemagne, dans les Länder de Bavière, de Berlin et du Brandebourg - Examen du rapport d'information
La commission examine ensuite le rapport d'information sur le déplacement d'une délégation de la commission en Allemagne, dans les Länder de Bavière, de Berlin et du Brandebourg, du 11 au 15 mars 2012.
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Une délégation de la commission s'est rendue, du 11 au 15 mars 2012, dans les Länder de Bavière, au Sud du pays, et du Brandebourg, qui entoure la capitale, Berlin. Outre moi-même, cette délégation comprenait nos collègues Renée Nicoux, Esther Sittler, Valérie Létard et Gérard Le Cam.
Alors que sera fêté, début 2013, les 50 ans du traité de l'Elysée, il nous a semblé opportun de sonder ce qu'on a coutume d'appeler le « miracle économique allemand » : il y a encore dix ans « homme malade » de l'Europe, l'Allemagne est en effet devenue la « locomotive économique » de l'Union et achève de « digérer » le choc de la réunification de façon remarquable, même si beaucoup reste encore à faire, d'après ce que nous avons vu sur place.
Nous voulions donc analyser ses nombreux points de réussite en matière de compétitivité économique, et la façon dont on pourrait s'en inspirer, dans les secteurs agricole, énergétique et industriel. Mais nous souhaitions aussi relever les zones d'ombre et les incertitudes de la croissance allemande, que l'on occulte souvent.
Avant de développer plus avant chacun de ces trois points, je voudrais faire état de quelques remarques d'ordre macro-économique sur nos voisins d'outre-Rhin.
Il faut toujours garder à l'esprit, lorsqu'on évoque l'Allemagne, qu'il ne s'agit pas d'un, mais de plusieurs pays, avec des ressources et des niveaux de développement fort variables. L'Allemagne est en effet une république fédérale constituée de seize Etats fédérés, les Länder. Quoi de commun, par exemple, entre ceux du Bad Wurtemberg et de Bavière, qui constituent le « coeur économique » de l'Europe et concentrent les sièges des plus grandes entreprises allemandes, et les cinq Länder de l'ex-Allemagne de l'Est, dont les taux de chômage et de pauvreté sont deux fois supérieurs ? Aussi parler de « croissance moyenne » ou de « taux d'emploi moyen » pour tout le pays, comme le fait Eurostat, n'a pas grand sens, sauf à avoir en tête que ces chiffres pondèrent des situations économiques diamétralement opposées.
Une fois posé ce préalable, il convient de reconnaître le remarquable dynamisme économique dont fait preuve l'Allemagne, prise dans son ensemble, et ce dans une conjoncture particulièrement difficile. Durement touchée par la crise dès 2009, le pays voyait son PIB reculer de près de 5 % et abandonnait sa place de première nation exportatrice. Le plan de relance conjoncturelle de 80 milliards a permis de renouer avec la croissance, de l'ordre de 3 % en 2011. Après un ralentissement attendu à 1 % cette année, un rebond à 1,8 % est prévu pour l'année prochaine.
Cette activité économique génère de l'emploi, et le taux de chômage ne cesse de baisser depuis trois ans : à 7,1 % cette année, il devrait encore reculer à 6,7 % en 2013. Pour expliquer ce phénomène, il convient aussi de prendre en compte l'évolution démographique du pays : d'ici 10 à 15 ans, l'Allemagne sera confrontée à un déficit démographique majeur. A tel point que certains secteurs et régions manquent de main d'oeuvre. C'est le cas en Bavière, notamment, où le chômage est inférieur à 3 % et laisse nombre d'emplois qualifiés vacants. Je suis d'ailleurs surpris de constater une réelle résistance à la mobilité entre les Länder de l'Est et ceux du Sud.
Ce dynamisme a eu un impact très positif sur le commerce extérieur, l'Allemagne étant le seul pays de la zone euro à avoir accru ses parts de marché à l'export depuis 2000. Avec une part des échanges commerciaux dans le PIB de 49 % (contre 26 % pour la France), elle compte deux fois plus d'entreprises exportatrices que notre pays, et enregistre un solde du commerce extérieur de 50 milliards (contre un déficit de 75 milliards pour la France).
Naturellement, cette trajectoire positive de l'économie contribue directement à réduire le déficit public. Atteignant encore 4,3 % du PIB en 2010, il n'est plus que de 1 % en 2011 et devrait se stabiliser à ce même taux en 2012 et 2013. Puis il continuerait à baisser pour respecter l'engagement d'un plafond de 0,35 %, désormais inscrit dans la constitution et contraignant à partir de 2016.
L'Allemagne est donc incontestablement « le bon élève » économique de l'Europe aujourd'hui. Ce succès, elle l'a cependant obtenu « au prix fort », en faisant primer l'économique sur le social. Tout d'abord, le retour de la croissance s'est fait au prix d'une rigueur drastique : le plan d'économie voté en 2010 s'élève à 80 milliards, la loi de finances pour 2012 prévoyant un gel des dépenses pour cette année. Conséquence, le pouvoir d'achat a baissé, de 1 % depuis la fin des années 90, alors qu'il croissait de 18 % en France.
Les inégalités se sont accrues outre-Rhin bien davantage que chez nous. Alors que nous avons choisi de conserver les acquis sociaux de nos salariés, au risque favoriser le chômage, l'Allemagne a fait le choix inverse : soutenir l'emploi en flexibilisant au maximum le marché du travail, au risque d'une certaine précarité. Le « paquet » des lois Hartz, prises en 2002 et 2003, a constitué le socle de ce durcissement du droit du travail et d'un appauvrissement généralisé de la population active, avec l'assouplissement des règles de licenciement, la réduction de la durée d'indemnisation de l'assurance-chômage, le durcissement des conditions de refus d'emploi d'un chômeur et, surtout, la facilitation de la création de « mini-jobs ».
Appelés également « jobs à 1 euro » de l'heure, ces petits boulots renvoient à des tâches peu ou pas qualifiées, une quinzaine d'heures par semaine, pour un salaire mensuel d'environ 400 euros. Rendus possibles par l'absence de salaire minimum, ils se sont multipliés, notamment dans le commerce de détail. On en compterait de 3 à 7 millions, selon les critères de définition retenus. Il y a d'ailleurs tout un débat sur le sujet pour savoir quels sont les salariés qui doivent être considérés comme occupant un mini-job et quels sont ceux qui doivent en être exclus.
Parallèlement au développement de ces mini-jobs, la qualité des emplois s'est fortement dégradée au cours de la dernière décennie. Ainsi, en 2010, 43 % des emplois créés étaient des contrats intérimaires, 42% des contrats à durée déterminée, et seulement 15 % des contrats à durée indéterminée.
Ces évolutions défavorables ont été acceptées par les salariés afin de surmonter la crise : modération salariale contre garantie du maintien de l'emploi, ce qui me rappelle, en passant, ce qui s'est passé chez Continental. Dans une situation de croissance retrouvée, elles n'étaient plus soutenables pour le patronat, et ont alimenté de fortes revendications syndicales. Après avoir consenti d'importantes primes l'an passé, les entreprises ont cette année fini par accorder des hausses salariales allant de 2,3 à 4,5 % dans certains secteurs, d'autres étant toujours en cours de négociation.
Je vais maintenant vous parler de l'agriculture.
Bien que représentant moins de 1 % du PIB, elle constitue un secteur économique de première importance pour l'Allemagne, qui est tout de même le deuxième producteur en Europe après la France. Plus de la moitié de la surface du territoire y est consacrée, comme en France. Le nombre d'exploitations agricoles, qui tend à diminuer, atteint 335 000 pour un peu moins de 500 000 en France. Elles sont en moyenne de 46 hectares (55 en France), avec toutefois de grandes différences entre l'Ouest du pays (33 hectares) et l'Est (183 hectares). Cinq millions d'emplois ont un rapport avec le secteur agricole, soit pas moins de 12,4 % des actifs.
Contrairement à notre pays, l'élevage est le principal secteur de production, avec 57 % du chiffre d'affaires. L'Allemagne est également très présente sur les marchés de l'horticulture, de la vigne et du bois. Avec 31 % du territoire couvert par la forêt, elle a même le plus important volume sur pied d'Europe. L'industrie agro-alimentaire est également très importante, représentant trois fois le chiffre d'affaires de la seule filière agricole.
L'agriculture allemande bénéficie d'avantages compétitifs importants, qui en soutiennent le développement, en matière de fiscalité, de système d'aide à l'hectare ou de gestion des soutiens publics par les Länder. De plus, la politique agricole est menée à un double niveau, fédéral et régional. A l'échelle européenne, les positions sont souvent proches de celles de notre pays, dont le « profil agricole » est similaire à de nombreux égards.
Si l'Allemagne constitue donc une puissance agricole économique majeure en Europe, elle doit toutefois surmonter certains défis. Tout d'abord, le secteur reste encore déficitaire à l'export. Ce pays est même le deuxième importateur mondial de produits agroalimentaires : il perd ainsi 12,5 milliards chaque année dans ce secteur, là où nous en gagnons 8. L'Allemagne est d'ailleurs le premier client de notre pays, dont elle représente 13 % des ventes. Depuis 2007 toutefois, les exportations allemandes ont dépassé celles de la France, le pays étant devenu le troisième exportateur mondial, après les États-Unis et les Pays-Bas.
Deuxième limite au développement de l'agriculture allemande : l'existence de freins structurels. Ils sont liés à la forte densité du territoire fédéral, renforcée par la pression sur le foncier des productions énergétiques. Ils tiennent aussi aux difficultés d'embauche, particulièrement fortes dans le secteur primaire, ou encore à un modèle de développement très intensif. La délégation a d'ailleurs pu le constater, en se rendant dans deux exploitations d'élevage produisant du biogaz. Quoique de profils très différents, l'une étant de type familial en Bavière, l'autre une très grande structure d'ex-Allemagne de l'Est, elles se caractérisaient par l'intensité de leur méthodes d'élevage, ainsi que par le peu d'attention portée au bien-être animal.
Mme Esther Sittler. - C'était surtout le cas pour la deuxième ferme !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Effectivement. Ce qui leur importait, surtout, c'était de vendre du biogaz, la production de lait devenant accessoire, ce qui signifie que la politique agricole commune (PAC) subventionne la production énergétique allemande.
M. Jackie Pierre. - Mais aussi agricole !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Certes, mais les crédits de la PAC ne doivent pas servir à financer la production d'énergie d'un pays.
Mme Esther Sittler. - Les exploitants nous ont répondu que nous acceptions bien que nos agriculteurs disposent d'autres revenus.
Mme Renée Nicoux. - Certes, mais la PAC est en train de financer la transition énergétique de l'Allemagne !
M. Daniel Dubois. - En Allemagne, ce type d'activité représente 20 % du revenu des agriculteurs. Lors du « Grenelle de l'environnement », nous étions favorables à la production de biogaz grâce aux effluents d'élevage, notamment en Bretagne, sans pour autant que cette production devienne la part prépondérante de l'activité de l'éleveur. Ce débat mériterait aujourd'hui d'être repris et tranché.
Dans la Somme, il y a un projet de réforme de plus de 1.000 bêtes pour produire du biogaz tandis que dans le Vimeu, une piscine est chauffée par méthanisation.
Mme Renée Nicoux. - L'objectif de l'agriculture est-il de produire des aliments ou de l'énergie ? Lors de notre visite, nous avons constaté que le lait était devenu un sous-produit. L'objectif était clairement de produire du lisier pour le biogaz. Permettre aux éleveurs bretons de valoriser leurs effluents n'a rien à voir avec la transformation des éleveurs en producteurs d'énergie.
En outre, la réglementation européenne est très stricte en matière de bien-être animal. Or, la ferme que nous avons visitée était bien loin de répondre à ces préoccupations : 1 700 bêtes sont enfermées dans un espace restreint et leurs conditions de vie nous ont laissés pantois.
M. Joël Labbé. - Puisque la Bretagne a été citée, je rappelle qu'il est indispensable que cette région produise des aliments de qualité. La faillite de la société Doux démontre que le système actuel est à bout de souffle : il faut en changer, car nous allons dans le mur.
M. Gérard Bailly. - Revenons sur la concurrence agricole entre nos deux pays. En pleine crise du lait, la France continuait à importer du lait allemand ! Ne serait-il pas temps de saisir les instances européennes des distorsions de salaires entre la France et l'Allemagne dans le secteur agricole ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Indépendamment des primes PAC qui financent la transition énergétique allemande, nous voulions vous informer de cette situation.
Mme Renée Nicoux. - En outre, la qualité du lait laisse à désirer, du fait de la nourriture donnée à ces bêtes.
M. Daniel Raoul, rapporteur. - D'une façon plus générale, la question de la place des productions non alimentaires dans l'agriculture allemande se trouve posée : 2,3 millions d'hectares y sont en effet consacrés, soit près du cinquième des terres arables, et 18% de la production finale en résulte. La politique en faveur des énergies renouvelables d'origine alimentaire est très active, mobilisant près de 70 % des aides PAC du premier pilier. Cette tendance devrait perdurer, en vue notamment d'assurer la « sortie du nucléaire » grâce à un nouveau « mix énergétique ».
J'en arrive à la question de l'énergie. Dans ce secteur, contrairement à l'agriculture, le modèle est très différent de celui de notre pays. Le bouquet énergétique allemand est en effet très dépendant des énergies fossiles : 78 % de la consommation énergétique s'y rapporte, contre 50 % en France. En outre, l'Allemagne consomme globalement plus d'énergie que notre pays (+ 23 %), et utilise bien moins l'énergie nucléaire (11 %, contre 4 %). Pour ce qui est de la production électrique, la majeure partie est de nature fossile et une part moindre provient du nucléaire (28 % de l'électricité, contre 81 % en France). L'ajustement des besoins se fait par un recours massif aux importations, à commencer par le charbon, mais aussi le pétrole et le gaz naturel, dans des proportions bien supérieures à la France. Notre voisin connaît par conséquent un fort déficit énergétique.
Malgré ce profil énergétique très « carboné », les émissions de gaz à effet de serre se sont réduites d'un quart depuis 1990. Ceci s'explique par une prise de conscience environnementale très précoce, qui a entraîné un développement intense des énergies d'origine renouvelable. L'Allemagne, en effet, en consomme bien davantage que notre pays (+ 50 %), mais en produit aussi beaucoup plus (+ 85 %). En outre, le « mix » entre les différentes sources d'énergie renouvelables est bien plus équilibré, faisant appel principalement à l'éolien (troisième rang mondial) et au photovoltaïque (leader jusqu'en 2010). Ce secteur employait plus de 350 000 personnes en 2010.
L'Allemagne va devoir poursuivre ce soutien aux « énergies vertes », et même l'accentuer, si elle veut « sortir du nucléaire » d'ici dix ans, ainsi qu'elle l'a décidé. Opéré par le gouvernement Schröder dès le début des années 2000, ce choix a été ensuite remis en cause, avant que la catastrophe de Fukushima ne le réhabilite. En mars 2011, le gouvernement Merkel a ainsi décidé l'arrêt de la totalité des centrales nucléaires allemandes, au plus tard en 2022. Très discutée, cette stratégie nous interpelle. Le gaz, et plus encore le charbon, seront en effet les énergies de transition, une cinquantaine d'usines devant être construites ou modernisées. Or, ces énergies émettent des gaz à effet de serre. Il y a donc là un réel paradoxe, qui fait que la transition énergétique en Allemagne va se traduire par un recours massif aux sources d'énergies les plus polluantes.
En outre, la mutation industrielle sera difficile à opérer, entraînant une restructuration des entreprises allemandes du secteur. Les gros producteurs d'énergie, à commencer par E.ON, ont vu leurs résultats s'effondrer, alors qu'ils vont devoir réinvestir massivement dans les « énergies propres », lesquelles ne sont pas nécessairement sources de profit : en témoigne la mise en faillite ou le retrait du marché, ces derniers mois, de quatre entreprises allemandes produisant des panneaux solaires, suite à la réduction des soutiens publics en faveur du secteur et à l'exacerbation de la concurrence chinoise.
Un troisième défi énergétique doit être relevé pour assurer la transition : moderniser à grande échelle les réseaux de transport et de distribution d'électricité. Du fait de la configuration du pays, les sites de production sont majoritairement situés au Nord, tandis que les lieux de consommation sont plus concentrés au Sud et à l'Ouest. Il en résulte une saturation des réseaux, lorsque l'électricité est produite en trop grande quantité par les éoliennes de la Mer du Nord, contraignant ces dernières à s'arrêter et l'Allemagne à importer de l'étranger. La situation est identique lorsque lesdites éoliennes ne peuvent fonctionner du fait de vents trop faibles. Comme ce sont les entreprises allemandes de production et de distribution qui possèdent leur réseau, elles hésitent à investir dans de nouvelles lignes à haute tension alors que la société civile les accepte de moins en moins.
Le pari du gouvernement allemand est toutefois de surmonter toutes ces difficultés en affichant d'ambitieux objectifs énergétiques et environnementaux, avec d'ici 2020 une baisse de 40% des émissions de CO2, un développement de 35 % des énergies alternatives et une réduction substantielle de la consommation énergétique. La création de presque 700 000 emplois liés est attendue dans le même temps, l'Allemagne faisant le pari que cette transition énergétique, vertueuse d'un point de vue écologique, sera également l'un des moteurs de sa croissance économique.
Quant on parle de l'industrie allemande, une image vient aussitôt à l'esprit : celle de la voiture made in Germany, symbole d'une production de grande qualité commercialisée à un prix élevé, d'où des marges importantes, comme pour les machines outils, d'ailleurs. C'est que le pays, malgré la concurrence croissante des « émergents », a su s'organiser pour demeurer leader mondial en ce domaine. Volkswagen va sans doute devenir le premier constructeur automobile mondial, avec une stratégie bien différente de celle suivie en France : lors de la crise, cette entreprise a utilisé les heures de chômage partiel pour améliorer la formation de ses salariés. L'activité industrielle représente encore 24 % de l'activité totale du pays (contre 13 % en France), et ce taux a même progressé au cours de la décennie.
Derrière cette réussite indéniable, se trouve un modèle d'organisation des entreprises qui n'a nulle part son pareil : celui du Mittelstand, réseau vaste et hétérogène d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) entretenant des relations étroites entre elles, le monde de la recherche, celui des banques régionales, à l'image de ce qu'était le Crédit Mutuel à une certaine époque, et les pouvoirs publics. Ce modèle se caractérise par une forte valorisation de l'entreprise familiale. Entité juridiquement et financièrement indépendante, elle oriente son activité sur le long terme et privilégie une transmission intrafamiliale des capitaux. Bénéficiant d'un régime fiscal favorable et de solutions d'autofinancement élaborées, elle met en oeuvre le fameux principe de cogestion, qui l'oblige à associer ses salariés à ses choix stratégiques et à rechercher des solutions allant dans l'intérêt du Land.
Ces entreprises du Mittelstand ont su se spécialiser dans des secteurs d'activité à forte valeur ajoutée, et ont consenti un effort soutenu en matière de recherche et développement : 65 % de l'investissement national en R&D provient du privé, contre 55 % en France, l'investissement global se montant à 2,87 % du PIB, contre 2,24 % en France. Depuis dix ans, notre pays affiche un objectif de 3 % du PIB à consacrer à la recherche, mais la R&D privée ne suit pas, contrairement à l'Allemagne. Nous reparlerons bientôt du crédit impôt-recherche, qui n'est pas toujours d'une grande efficacité, surtout pour tout ce qui concerne les filiales des grands groupes.
L'intensité des relations entre les PME et le monde de la recherche doit être soulignée, grâce aux nombreux et puissants clusters. Soutenus à l'échelle fédérale par les ministères de l'économie et de la recherche, ils le sont aussi et surtout par les Länder. Ceux-ci en font une composante majeure de leur politique d'aménagement régional et bénéficient pour cela d'une grande autonomie d'action, en n'hésitant pas à recourir aux sources de financement privées. Nous le faisons aussi un peu avec nos technopôles, mais pas de façon aussi institutionnelle. La délégation s'est ainsi rendue sur le site BioPark, au nord de Munich. Résultant des initiatives croisées de la ville de Regensburg, de la région de Bavière et de l'Etat fédéral, ce cluster accueille de nombreux laboratoires et entreprises « jeunes pousses » ; jouxtant le campus universitaire de la ville, il ambitionne de devenir un pôle majeur pour le développement des biotechnologies.
Cette promiscuité entre monde de l'entreprise et monde de la recherche est facilitée par l'adaptation du second au premier. L'organisation de l'enseignement supérieur est ainsi en phase avec celle de l'entreprise. Aux côtés des universités générales, se trouvent des universités techniques, qui se rapprochent de nos écoles d'ingénieurs. Parallèlement, les écoles supérieures de sciences appliquées ont une finalité directement professionnelle. Toutes ces catégories d'établissements entretiennent des relations poussées entre elles, à travers des passerelles, mais aussi avec le monde économique : les projets de recherche de leurs étudiants, par exemple, sont menés sur quelques mois, contre trois ans pour les doctorants français, ce qui leur permet de mieux répondre aux besoins des entreprises. C'est d'ailleurs ce que nous avons essayé de faire avec les projets de fin d'étude (PFE) et la cohabitation entre l'université et l'entreprise avait été évoquée lorsque M. Allègre était ministre. De la même façon, bon nombre d'enseignants travaillent pour des entreprises, et font ainsi le « va et vient » entre considérations théoriques et applications pratiques.
Le réseau des Fraunhofer joue dans ces interactions un rôle essentiel. Fondée après-guerre, la société Fraunhofer est l'organisme de recherche appliquée le plus important d'Europe. Réunissant 60 instituts décentralisés, comparables à nos instituts Carnot, il fait l'interface entre le monde de l'université et celui de l'entreprise ; il est intégré à ce titre dans la plupart des clusters. Disposant d'un budget d'1,6 milliard, provenant à 70 % de contrats négociés avec les entreprises intéressées, il a pour mission de réaliser la recherche appliquée au profit des sociétés à taille intermédiaire du Mittelstand. La délégation a constaté son importance en visitant le Hasso Platner Institut, près de Berlin, spécialisé dans les technologies informatiques et de la communication.
Spécificité allemande, la formation professionnelle est extrêmement développée, et les entreprises en prennent en charge une partie prépondérante : 8 700 euros sur les 11 000 consacrés annuellement à chaque salarié, les PME formant ainsi les trois-quarts des apprentis. Loin d'être délaissé, l'apprentissage constitue une voie privilégiée d'accès à la vie professionnelle et permet d'ajuster les compétences au plus près des évolutions de l'économie réelle. De plus, l'alternance est systématique, même pour les ingénieurs. Les études se poursuivent donc jusqu'à 26 ou 27 ans, ce qui pose des problèmes de société comme l'autonomie des jeunes.
Autre élément de soutien structurel : les entreprises du Mittelstand peuvent s'appuyer sur un réseau bancaire à la fois proche et étendu, celui des Sparkassen. Les 15 000 filiales, qui financent les trois-quarts des entreprises, les connaissent très bien et ont avec elles une relation de confiance. Aux côtés de ces dernières, mais aussi des pouvoirs publics et des universités, elles sont présentes au sein du conseil d'administration des clusters, ce qui renforce l'efficacité du système.
Les entreprises peuvent en outre compter sur le soutien d'un réseau consulaire étendu. L'adhésion à l'une des 80 chambres de commerce et d'industrie est obligatoire, 3,6 millions d'entreprises y étant enregistrées. De plus, 120 chambres de commerce bilatérales, présentes dans 80 pays, apportent leur aide aux PME allemandes souhaitant s'internationaliser. La délégation a pu constater le poids de ces chambres en s'entretenant avec des responsables de celle de Bavière, qui est la première d'Allemagne et la deuxième d'Europe, après celle d'Île-de-France.
Enfin, les entreprises du Mittelstand bénéficient des efforts considérables menés en matière de compétitivité par le gouvernement, avec, il est vrai, une « facture sociale » particulièrement élevée. C'est en Allemagne que le coût de la main-d'oeuvre a progressé le moins vite en Europe ces dernières années. Il est désormais comparable à celui de la France dans le secteur industriel, là où il était bien plus élevé il y a quelques années. Et dans les services, qui représentent 70 % de l'emploi marchand dans notre pays, il est près de 5 euros moins cher par heure travaillée. Même si cet écart devrait se réduire avec les hausses de salaires accordées cette année et attendues à l'avenir, il demeure toutefois nettement à l'avantage de l'Allemagne.
Si tout ne peut être retenu du modèle allemand, nous gagnerions à nous en inspirer sur de nombreux points. A commencer par l'intégration de tous les acteurs, publics et privés, autour de projets communs au niveau local, le tout soutenu à distance, et dans le respect de l'autonomie des régions, par un gouvernement stratège conservant un rôle de pilote essentiel. Ceci pourrait nous inspirer lorsque nous examinerons l'acte III de la décentralisation.
M. Claude Dilain. - Belle conclusion !
Mme Esther Sittler. - Nous travaillons en Alsace à la collectivité unique. Le budget réuni de toutes les régions de France est inférieur à celui du seul Bade-Wurtemberg !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - L'Etat fédéral en Allemagne est stratège, mais son budget est très faible. Ce sont les Länder qui ont tous les pouvoirs.
Mme Renée Nicoux. - Nous avons voulu copier le système allemand de formation des apprentis, mais il n'a jamais fonctionné comme chez notre voisin. En revanche, l'Allemagne nous enviait la formation technique délivrée par l'éducation nationale. De surcroît, l'apprentissage en Allemagne est davantage destiné aux jeunes qui ont déjà le bac. Nos traditions ne sont donc pas identiques dans nos deux pays.
Il fut un temps où les Allemands nous enviaient nos formations techniques BTS et DUT, qui sont aujourd'hui délaissées, car il s'agissait d'une ouverture sur le monde de l'entreprise et non pas d'une formation dans une seule entreprise. Il faut en effet que les jeunes puissent s'adapter aux diverses entreprises dans lesquelles ils travailleront durant leur vie professionnelle. Ne copions pas à tout prix ce qui fonctionne chez nos voisins, car nos cultures sont différentes.
M. Gérard Le Cam. - Ce qui est dramatique, c'est que l'Europe en train de démontrer qu'une vache pollue moins si elle reste à l'étable. Au bout de cinq ans, c'est l'abattoir. A côté de cela, nous avons des directives sur le bien-être animal qui nous imposent des normes toujours plus sévères.
En ce qui concerne la péréquation entre les Länder, les Bavarois nous on fait comprendre qu'ils n'appréciaient pas de voir que d'autres Länder pouvaient construire des crèches et des écoles avec leur argent.
Enfin, l'Allemagne, du fait de son déficit démographique, fait appel à nos jeunes en leur proposant de meilleurs salaires. A nous de les retenir !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Cela démontre que nos formations d'ingénieurs sont reconnues. Quand mes étudiants partaient en stage en Allemagne à la fin de leur cursus, je ne les revoyais pas. Chez Volkswagen, ils travaillaient 29 heures par semaine avec un salaire 30% plus élevé qu'en France.
Mme Esther Sittler. - En Alsace, les vaches de l'exploitation de mon père ne sortaient jamais, mais elles se portaient bien.
Mme Élisabeth Lamure. - Il y aurait 3 à 7 millions de mini-jobs. Comment expliquer que l'Allemagne recrute dans d'autres pays ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Les mini-jobs ne sont pas qualifiés alors que l'Allemagne a besoin de 30 000 ingénieurs par an, et elle n'en forme pas autant. Ils sont donc confrontés, du fait de leur démographie, à un déficit en emplois qualifiés.
Mme Élisabeth Lamure. - Cela signifie-t-il que leur système de formation n'est pas aussi performant qu'on veut bien le dire ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Il s'agit d'un problème démographique : on ne peut amener l'ensemble des jeunes à un niveau bac + 2 ou bac + 4.
Mme Esther Sittler. - L'Allemagne demande à l'Alsace de lui envoyer des apprentis en disant que le fait d'avoir travaillé en Allemagne valorisera leur CV.
M. Roland Courteau. - Félicitations pour votre exposé.
En 2022, le nucléaire devrait s'arrêter ; la transition énergétique se ferait grâce aux énergies fossiles. Dans le même temps, notre voisin annonce qu'il réduira de 40% ses émissions de gaz à effet de serre. Comment va-t-il s'y prendre ?
Les tarifs de l'électricité sont de 20 à 30 % supérieurs aux nôtres. Pourquoi ? Quels seront-ils en 2025 quand le nucléaire sera définitivement arrêté ?
En France, l'éolien et le photovoltaïque bénéficient de tarifs d'achat. Comment l'Allemagne encourage-t-elle les énergies renouvelables ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 25% en Allemagne.
Mme Renée Nicoux. - Ils venaient de très loin !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Certes ! En ex-RDA, il n'y avait que de l'énergie fossile. Désormais, l'Allemagne affiche sa volonté de réduire de 40 % ses émissions, mais je ne sais s'ils intègrent la production de méthane des bêtes dans leurs calculs ! Le prix de l'électricité dans ce pays continue à augmenter, mais le prix de rachat des énergies renouvelables a baissé et il serait question d'arriver à une convergence des tarifs, d'où les problèmes rencontrés par la filière photovoltaïque.
L'Allemagne incite financièrement aux économies d'énergie, mais impose des normes contraignantes, notamment pour la construction de nouveaux bâtiments.
M. Jackie Pierre. - L'objectif de réduire de 40% les émissions d'ici 2022 n'est pas réaliste compte tenu du nombre de centrales fonctionnant au charbon.
Mme Renée Nicoux. - D'autant qu'elles vont se multiplier.
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Il s'agit d'un affichage politique, mais sans doute inatteignable.
Mme Bernadette Bourzai. - A mon tour de vous féliciter pour ce rapport.
Avez-vous des informations plus précises sur la nationalité des personnes qui sont employées dans des activités saisonnières, notamment dans le secteur des fruits et légumes ? Qu'en est-il des prestations de service d'entreprise émanant de l'Europe de l'Est dans les abattoirs, dont on nous disait, avec Gérard Bailly, lorsque nous travaillions sur le rapport élevage bovin, que c'était une des raisons des distorsions de concurrence entre la France et l'Allemagne ?
M. Daniel Raoul, rapporteur. - Les mini-jobs à un euro de l'heure sont utilisés pour les emplois saisonniers. Les personnes employées viennent de l'ex-RDA, mais aussi de Pologne. Pour les abattoirs, je ne sais trop vous répondre.
Mme Renée Nicoux. - Nous avons posé des questions sur les abattoirs et sur les emplois saisonniers dans l'agriculture, mais nos interlocuteurs ont montré quelques réticences à nous répondre.
M. Joël Labbé. - Ce rapport est très intéressant. Avez-vous eu l'occasion de parler de la politique familiale et de l'emploi des femmes ?
M. Gérard Bailly. - Nous déplorons depuis longtemps la distorsion de concurrence entre notre pays et l'Allemagne. Il faut absolument parler de cette question à chaque fois que nous rencontrons des représentants d'autres pays européens ou de l'Union. Cette distorsion ne peut perdurer.
M. Joël Labbé. - L'harmonisation devra se faire par le haut et non par le bas !
M. Daniel Raoul, rapporteur. - J'en parlerai demain en séance publique. Une harmonisation sociale et fiscale est indispensable.
Mme Renée Nicoux. - Nous avons senti que nos interlocuteurs allemands enviaient le système social français, tant en ce qui concerne le soutien à la natalité que les moyens de gardes offerts aux femmes désireuses de reprendre un emploi. Si la démographie allemande est en baisse, c'est faute d'une politique familiale ambitieuse.
La publication du rapport est approuvée par la commission