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Mercredi 21 décembre 2011
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Nomination de rapporteurs
M. Simon Sutour, président. - Nous devons nommer aujourd'hui deux rapporteurs.
Je propose de confirmer, pour le texte sur les qualifications professionnelles qui concerne surtout la santé, M. Jean-Louis Lorrain, qui suit ce secteur au sein de notre commission et a déjà reçu des organisations professionnelles ; et, pour le volet « recherche » du cadre financier pluriannuel 2014-2020, qui représente tout de même 80 milliards, la candidature de M. André Gattolin, qui a marqué son intérêt pour ce sujet.
MM. Jean-Louis Lorrain et André Gattolin sont nommés rapporteurs.
Politique régionale
Réforme de la politique de
cohésion
Proposition de résolution de
M. Michel Delebarre
M. Simon Sutour, président. - Nous en venons à un sujet qui m'est très cher, la politique de cohésion. A ce propos, je viens de recevoir une délégation de l'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe présidée par notre ancien collègue Louis Le Pensec. Nous envisageons, lorsque le coup d'accélérateur sera mis sur les arbitrages budgétaires, d'organiser un événement au Sénat au second trimestre.
M. Michel Delebarre. - La Commission européenne a proposé, en parallèle des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel, de réformer les grandes politiques de l'Union européenne.
Pour la politique de cohésion, elle a publié un paquet législatif de six textes : une proposition de règlement général concernant les cinq fonds en gestion partagée - FEDER, FSE, fonds de cohésion, FEADER et FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche) ; trois propositions de règlement sur chacun des fonds relevant de la cohésion - FEDER, FSE, fonds de cohésion ; et, enfin, deux textes consacrés à la coopération territoriale.
Notre commission avait déjà brossé à grands traits la nouvelle politique de cohésion qu'elle appelait de ses voeux en adoptant le rapport que vous aviez présenté avec Yann Gaillard, monsieur le Président, puis une proposition de résolution européenne devenue résolution du Sénat le 3 juin 2011. La réforme, qui reprend les pistes du 5ème rapport de la Commission européenne sur la cohésion de novembre 2010, répond globalement, sans le satisfaire pleinement, à notre triple souci d'une politique de cohésion plus équitable, plus efficace et plus simple.
Sur l'équité, d'abord, nous pouvons nous féliciter du rééquilibrage que propose la Commission : elle maintient la solidarité entre régions européennes comme principe fondamental, mais prend les moyens d'éviter une explosion des soldes nets des États membres. Elle abaisserait ainsi le plafond des transferts aux États membres à 2,5 % du PIB, plafond actuellement compris entre 3,23 à 3,78 % du PIB depuis 2006. De fait, le rattrapage opéré par les nouveaux États membres ne justifie plus un tel niveau de crédits que ces États peinaient, en tout état de cause, à consommer.
Elle créerait également une catégorie de régions « en transition », regroupant l'ensemble des régions dont le PIB est compris entre 75 et 90 % de la moyenne communautaire. L'idée est de coller davantage à la réalité du terrain pour traiter de manière identique des régions à niveau de richesse équivalent : une région dont le PIB revient de 78 à 76 % de la moyenne communautaire reçoit aujourd'hui moins qu'une autre dont le PIB a augmenté de 74 à 76%. Seraient consacrés à ces régions « en transition » 10 % du budget total de la politique de cohésion, 70 % des fonds continuant d'aller aux régions les moins prospères. Dix de nos régions métropolitaines bénéficieraient de cette avancée. Se concrétiserait ainsi la dimension territoriale de la politique de cohésion qu'a consacrée le traité de Lisbonne. Enfin, un filet de sécurité reste prévu pour les régions sortant de l'objectif de convergence ; elles seront garanties de conserver au moins les deux tiers de leur dotation actuelle.
L'équité commande aussi de tenir compte des spécificités géographiques des régions ultrapériphériques. Quatre départements d'outre-mer français resteraient éligibles à l'objectif « convergence » en 2014 : la Martinique, qui bascule dans les régions en transition, laisse sa place à Mayotte. La Commission européenne réduirait leur allocation spécifique, complémentaire du FEDER, de près de la moitié. Une telle amputation mettrait en cause la continuité des projets initiés grâce aux fonds structurels européens ; insistons sur ce point auprès du Gouvernement. En revanche, point positif pour les DOM, la possibilité de créer un groupement européen de coopération territoriale entre un pays tiers et un seul État membre. Elle favoriserait leur intégration dans leur environnement géographique. D'autant que l'enveloppe de la coopération territoriale progresserait de 30 %.
Pour renforcer l'efficacité de la politique de cohésion, la Commission européenne promeut le développement local intégré qui consiste, dans l'esprit des programmes LEADER, en des interventions ciblées sur des territoires infrarégionaux spécifiques, conduites par des « groupes d'action locale ». Elle met l'accent sur les villes en leur réservant 5 % du FEDER et en leur déléguant la gestion de ces investissements - entre parenthèses, je préférerais que l'on parle d'agglomération, une notion qui est moins étroite. Sans contester le bien-fondé de ce choix, je m'inquiète pour les zones rurales : le montant du FEADER dépendra des négociations en cours et la part consacrée au développement territorial pourrait diminuer.
Autre levier d'efficacité, éviter le saupoudrage et concentrer les aides sur « l'investissement pour la croissance et l'emploi » qui se décline en onze objectifs. L'exigence de concentration thématique serait d'autant plus forte que les régions seraient riches : pour les régions les plus développées et celles « en transition », 80 % de la dotation du FEDER iraient à trois objectifs ; pour les régions sortant de l'objectif « convergence », 60 % ; et pour les moins développées, 50 %. En outre, la Commission propose, et c'est nouveau, de garantir 52 % des fonds structurels dans les régions les plus développées au FSE, 40 % pour les régions en transition, et seulement 25 % dans les régions les moins développées. Pour le FSE, les régions « en transition » bénéficient donc d'une plus grande souplesse ; cette souplesse devrait leur être donnée pour l'usage du FEDER. D'une manière générale, ces règles doivent rester souples pour s'adapter à la réalité des territoires.
Dernier levier d'efficacité des fonds, l'introduction de conditionnalités. D'abord, des conditionnalités ex ante : en ce domaine, les exigences directement liées à la politique de cohésion sont justifiées, bien qu'une précision excessive corsète inutilement les politiques menées par chaque État membre. Il en va autrement des conditionnalités macroéconomiques. La Commission, faisant écho à la demande franco-allemande d'août dernier, propose de lier le versement des fonds européens au respect du Pacte de stabilité et des règles de gouvernance économique. Ce mécanisme jusqu'ici réservé au seul fonds de cohésion et jamais utilisé, est illégitime, inutile, injuste, déstabilisant et même contre-productif. Illégitime, car rien ne justifie de suspendre des paiements destinés aux autorités régionales au motif que l'autorité nationale ne remplit pas ses obligations. Inutile, car l'Union européenne a déjà prévu de renforcer l'automaticité des sanctions financières. Injuste, car les États membres n'ayant pas vocation à rejoindre la zone euro ne pourront être sanctionnés. Déstabilisante, car les acteurs hésiteront à s'engager au côté des collectivités territoriales quand les versements peuvent être brutalement suspendus. Contre-productive, enfin, car une telle sanction financière accroîtrait les difficultés de l'État dont la politique économique est défaillante. D'ailleurs, le récent relèvement des taux de cofinancement en Grèce atteste de l'intérêt de maintenir le financement de projets porteurs d'avenir dans des États incapables d'investir.
La conditionnalité ex post valorise, elle, la performance. La Commission propose d'inclure, dans chacun des contrats de partenariat qu'elle signera avec les États membres, des indicateurs financiers et des objectifs chiffrés spécifiques à chaque programme. En sus, il y aurait des indicateurs communs : 34 pour le FEDER, 23 pour le FSE et 14 pour le fonds de cohésion. A partir de ces éléments, la Commission effectuerait une revue de la performance qui donnerait lieu en 2019 à la répartition d'un bonus. Je suis assez réservé sur la méthode : quels critères retenir ? Comment juger qu'ils sont atteints ? Tout cela risque d'induire des charges administratives disproportionnées.
J'en termine par la simplification. L'application des règles du FEDER, qui sont plus souples, aux quatre autres fonds en gestion partagée, est bienvenue. Cette spectaculaire avancée sera l'occasion de préciser les champs respectifs de ces fonds, notamment du FEDER et du FEADER en matière de développement rural. L'adoption de ce cadre stratégique commun par acte délégué, qui a la préférence de la Commission européenne, a l'avantage de la souplesse et de la rapidité : pour rectifier le tir, il suffira d'adopter un autre acte délégué. De toute façon, l'entrée en vigueur d'un acte délégué est subordonnée à l'absence d'une opposition des États membres dans un délai donné et le législateur conserve la possibilité de retirer la délégation qu'il a donnée à la Commission. Malgré les interrogations, que je comprends, sur sa forme juridique, l'acte délégué apparaît donc préférable.
Le financement d'un même programme opérationnel sur plusieurs fonds représentera aussi une souplesse utile quand les fonds seront cloisonnés par thèmes.
En matière de règles de gestion, le recours aux coûts forfaitaires et les simplifications pour les projets « générateurs de recettes » favoriseront le développement des partenariats public-privé. La Commission européenne innove également avec le « plan d'action commun » pour lequel une obligation de résultats serait fixée en échange d'un allègement des contrôles et avec des contrôles réduits pour les petits projets et les projets fiables, ce que nous avions défendu.
En revanche, la modification des systèmes de gestion et de contrôle pourrait être source de complexité en imposant l'apurement annuel des comptes et une déclaration d'assurance de gestion, de même que l'obligation faite aux autorités de gestion de payer d'abord les bénéficiaires avant de demander remboursement à la Commission. La modulation selon cinq taux de cofinancement en fonction du niveau de richesse accroît également la complexité.
Je salue en revanche la simplification des programmes de coopération territoriale, naturellement lourds à gérer en ce qu'ils impliquent des acteurs de différents États membres avec la désignation d'une seule autorité de gestion, le dégagement d'office des crédits trois ans après leur engagement...
En dépit des avancées, demeurent donc de vrais motifs d'inquiétude sur lesquels je vous propose d'attirer l'attention du Gouvernement. L'adoption de ces textes, dont le Parlement européen est co-législateur pour la première fois, interviendra théoriquement fin 2012. Que le temps des négociations soit l'occasion d'associer les collectivités territoriales à l'élaboration du contrat de partenariat que la France signera avec la Commission européenne avant la fin 2013 !
M. Simon Sutour, président. - Merci de cet excellent exposé.
J'ai rencontré hier le nouveau secrétaire général aux affaires européennes, M. Charles Fries, qui remplace M. Gilles Briatta, parti vers d'autres cieux. Je lui ai rappelé notre position sur la politique de cohésion, une position qui est celle du Sénat tout entier depuis l'adoption de la proposition que j'avais cosignée avec M. Gaillard. Pour nous, la France doit se battre pour la PAC, mais aussi pour la politique de cohésion ; les deux ne sont pas incompatibles. Il y a en effet de quoi s'inquiéter pour nos régions métropolitaines, un peu moins pour les DOM qui, par leur situation, restent malheureusement dans l'objectif de convergence.
La nouvelle architecture de la politique de cohésion dessinée par le commissaire européen Johannes Hahn présente l'avantage de conforter la cohésion et de dégager des fonds supplémentaires pour les régions intermédiaires, désignées aujourd'hui sous le vocable des régions en transition. Le nouveau secrétaire général en juge autrement : pour lui, la création de cette nouvelle catégorie de régions coûterait plus à la France ; en outre, il fait observer qu'un Land est-allemand, dont le PIB vaut 88 % de la moyenne communautaire, recevrait plus qu'une région française de même niveau de richesse. Cette position n'est pas éloignée d'une tentation de renationalisation des fonds de la cohésion. Cette option est à exclure ; vu le contexte budgétaire, elle signifierait leur disparition. Si nous ne nous battons pas sur les aspects positifs de la réforme pour la France, comment espérer ensuite être entendus au sujet d'une répartition plus juste ? L'intérêt des collectivités territoriales, partant du Sénat qui les représente, est de défendre la politique de cohésion et l'objectif de compétitivité.
L'Association française du Conseil des communes et régions d'Europe, dont le comité directeur se réunira en février prochain au Sénat, est exactement dans le même état d'esprit. Je l'avais déjà constaté lors d'un colloque organisé par sa commission « cohésion territoriale », que préside notre collègue Jarlier. J'en profite pour féliciter M. Delebarre de son élection à la tête de Cités Unies.
M. Jean Bizet. - J'approuve globalement la proposition de résolution européenne, en particulier le point 12 - n'oublions pas les zones rurales ! -, ainsi que les points 13 et 14. En revanche, le ton du point 15 sur la conditionnalité des aides est un peu fort : le Sénat « conteste la généralisation de la conditionnalité macroéconomique à l'ensemble des fonds structurels et juge illégitime, inutile, injuste, déstabilisante et même contre-productive la possibilité de suspendre le paiement de ce fonds à un État membre ne respectant pas le pacte de stabilité et de croissance ou les nouvelles règles de gouvernance économique ». Toute forme de conditionnalité macro-économique n'est pas condamnable. Aujourd'hui, en Grèce, les fonds font l'objet d'un co-pilotage avec des fonctionnaires européens. Je préférerais que le Sénat « s'interroge » au lieu de « conteste ». Je m'en tiendrais également à souligner le caractère contre-productif de la suspension des aides pour non-respect du pacte de stabilité, sa totale incohérence pour les pays hors de la zone euro et j'inviterais la Commission européenne à formuler d'autres propositions.
M. Simon Sutour, président. - On va tout de même pénaliser des régions et des collectivités qui n'ont rien fait ! Cela étant, l'unanimité donnant plus de force à nos résolutions, je suis prêt à des compromis...
M. Michel Delebarre. - Je suggère que le Sénat « regrette » la généralisation de la conditionnalité macroéconomique...
M. Jean Bizet. - Cela me convient.
M. Michel Delebarre. - En revanche, je tiens à l'adjectif « illégitime » car, sur le fond, est-il fondé de suspendre des versements à des collectivités territoriales pour punir un État ? Les nouvelles règles de gouvernance prévoient déjà des mesures de rétorsion économique.
M. Jean Bizet. - Dans ce cas, le Sénat pourrait « s'interroger sur la légitimité » de cette mesure.
Mme Catherine Tasca. - Comment cela s'insérerait-il dans le texte ?
M. Michel Delebarre. - Cela nous donnerait : « regrette la généralisation de la conditionnalité macroéconomique à l'ensemble des fonds structurels, s'interroge sur sa légitimité et juge, en tout état de cause, contre-productive la possibilité de suspendre le paiement de ce fonds à un État membre ne respectant pas le pacte de stabilité et de croissance ou les nouvelles règles de gouvernance économique. »
M. Jean Bizet. - J'apprécie beaucoup votre point sur les PPP,...
M. Michel Billout. - ... contrairement à moi ! Cela étant, puisque l'on recherche l'unanimité, je soutiendrai ce texte, dont je préférais la première version.
M. Michel Delebarre. - Un dernier point : l'excessive précision aboutit parfois à des contradictions. Ainsi, la Commission européenne ne mentionne pas le haut débit dans les interventions en zones rurales, dont il contribue pourtant à rompre l'isolement. Je le regrette.
*
A l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne dans le texte suivant :
Le Sénat,
Vu l'article 88 4 de la Constitution,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen, au Fonds de cohésion, au Fonds européen agricole pour le développement rural et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche relevant du Cadre stratégique commun, portant dispositions générales applicables au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen et au Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1083/2006 (E 6706),
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux dispositions particulières applicables au Fonds européen de développement régional et à l'objectif « Investissement pour la croissance et l'emploi », et abrogeant le règlement (CE) n° 1080/2006 (E 6691),
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds social européen et abrogeant le règlement (CE) n° 1081/2006 (E 6685),
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds de cohésion et abrogeant le règlement (CE) n° 1084/2006 du Conseil (E 6690),
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant dispositions particulières relatives à la contribution du Fonds européen de développement régional à l'objectif « Coopération territoriale européenne » (E 6689),
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatif à un groupement européen de coopération territoriale (GECT) en ce qui concerne la clarification, la simplification et l'amélioration de la constitution et de la mise en oeuvre de groupements de ce type (E 6688),
Se félicite de l'équilibre général de la nouvelle architecture proposée par la Commission européenne pour la politique de cohésion après 2014 ;
Salue le progrès que constitue, au regard du principe d'équité, la proposition de créer une nouvelle catégorie de régions en transition, ce qui bénéficiera à de nombreuses régions françaises qui ont besoin de consolider leurs atouts ;
Déplore que l'allocation spécifique pour les RUP soit quasiment réduite de moitié, mettant en péril la continuité des projets initiés pendant l'actuelle période de programmation, mais reconnaît que l'assouplissement des règles de coopération territoriale pourrait contribuer à faciliter l'indispensable intégration des RUP dans leur environnement géographique immédiat ;
Se réjouit de l'élargissement à tous les fonds de la politique de cohésion de la démarche de développement territorial intégré, qui a déjà fait la preuve de son efficacité, mais estime qu'en assurant la promotion de cette démarche seulement en zones urbaines, la Commission néglige le besoin de poursuivre ce type de démarches en zones rurales ;
Confirme la nécessité de garantir la cohérence entre les projets financés par la politique de cohésion et les objectifs de la stratégie Europe 2020, mais est préoccupée par l'excessive rigidité qui découlerait de la concentration thématique que propose d'imposer la Commission dans l'usage des fonds structurels et suggère au moins d'assouplir ces règles de concentration thématique pour les régions en transition, s'agissant du FEDER ;
Estime utile de conditionner l'octroi des fonds structurels à des exigences préalables ayant un lien direct avec l'efficacité de l'emploi de ces fonds, mais invite le Gouvernement à veiller à ce que la Commission n'entrave inutilement ou ne contraigne abusivement les Etats membres par un excès de précision dans la rédaction de ces exigences ;
Regrette la généralisation de la conditionnalité macroéconomique à l'ensemble des fonds structurels, s'interroge sur sa légitimité et juge en tout état de cause contre-productive la possibilité de suspendre le paiement de ces fonds à un Etat membre ne respectant pas le pacte de stabilité et de croissance ou les nouvelles règles de gouvernance économique ;
S'inquiète de la lourdeur de la charge administrative induite par le suivi des nombreux indicateurs envisagés et de la disparité entre les niveaux d'exigence requis par la Commission selon les Etats membres, si devait être retenu le principe consistant à récompenser l'usage efficace des fonds structurels grâce à une réserve de performance ;
Considère que l'élaboration d'un cadre stratégique commun aux cinq fonds européens en gestion partagée (FEDER, FSE, fonds de cohésion, FEADER et FEAMP) représente une simplification opportune ;
Regrette que, sous couvert de simplification, la Commission européenne propose certaines modifications aux systèmes actuels de gestion et de contrôle qui risquent en fait de compliquer la tâche des autorités de gestion ;
Invite le Gouvernement à associer les collectivités territoriales, le plus en amont possible, à l'élaboration du contrat de partenariat que la France signera avec la Commission européenne et au suivi de la mise en oeuvre des programmes opérationnels.
Economie, finances et fiscalité
Surveillance budgétaire et correction
des déficits excessifs dans l'Union
Communication de
M. Richard Yung et proposition d'avis
motivé
M. Simon Sutour, président. - La création du groupe de travail transpartisan « Subsidiarité », qui se réunit tous les quinze jours, est une heureuse initiative, qui nous a permis de mettre en oeuvre plus effectivement le contrôle du respect du principe de subsidiarité que la Constitution confie au Sénat depuis trois ans et qui n'était guère exercé.
M. Richard Yung. - De fait, mon intervention porte sur la proposition de règlement sur la surveillance budgétaire et la correction des déficits dans les États membres de la zone euro qu'a fléchée le groupe de travail. Ce texte appartient au nouveau paquet destiné à renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro publié par la Commission européenne il y a un mois, que M. Bernard-Reymond et moi-même rapporterons début 2012. Sans préjuger de son examen au fond, celui-ci mérite un avis motivé que le Sénat, aux termes du traité du Lisbonne, doit prendre dans un délai de huit semaines. D'où son inscription à notre ordre du jour pour laisser à la commission des finances le temps de l'examiner avant le 26 janvier.
Quel est son objet ? Il renforce le calendrier budgétaire commun, improprement qualifié de « semestre européen », avant d'autoriser la Commission européenne à demander la révision des projets de budget qui seraient contraires au pacte de stabilité et de soumettre les pays soumis à une procédure pour déficit excessif à des obligations d'information renforcées.
D'abord, nulle trace, dans ce texte, de la motivation au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité, rendue obligatoire par l'article 5 du protocole sur l'application de ces deux principes, annexé au traité de Lisbonne. Le texte vient après le « six-pack », qui traite également de discipline budgétaire : il faudra s'interroger sur cet empilement budgétaire.
Surtout, je m'interroge sur la base juridique de deux articles. L'article 4 revient à imposer aux États membres une révision constitutionnelle pour adopter la règle d'or qui, les débats au Sénat l'ont montré, ne fait pas l'unanimité, et que le pacte de stabilité de 1997 prévoit déjà. Je n'aborde pas le fond - on en a discuté lors de la réforme de la Constitution - mais je m'étonne de la méthode. L'article 4 demande également aux États membres la mise en place de conseils budgétaires indépendants chargés de surveiller le respect des règles budgétaires à moyen terme. L'article 3 oblige les États à fonder leurs projets de lois de finances sur des prévisions macroéconomiques indépendantes.
L'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que cite la Commission européenne, n'autorise nullement à demander une révision de la Constitution. Or nous n'y échapperions pas avec cet article 4, le contrôle systématique des lois de finances par le Conseil constitutionnel relevant de la Loi fondamentale. En outre, une telle disposition est incompatible aussi bien avec le principe du respect des « structures politiques et constitutionnelles » des États membres posé à l'article 4 du traité sur l'Union européenne qu'avec la hiérarchie des normes en droit français. Sans compter que ce texte demandant aux États de transposer une règle, il devrait, techniquement, prendre la forme d'une directive, et non d'un règlement directement applicable.
Ensuite, ce texte va à l'encontre du principe de subsidiarité, consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne, en ce qu'il prescrit de réviser la Constitution, de mettre en place un conseil budgétaire indépendant et de fonder les budgets sur des prévisions indépendantes. Ces modalités, si elles ne sont pas forcément mauvaises, relèvent du choix des États membres. Autrement dit, les États membres ont une obligation de résultat, mais le principe de subsidiarité conduit à leur laisser une certaine latitude pour déterminer les moyens par lesquels ces objectifs doivent être atteints.
Enfin, parce que le traité associe lui-même subsidiarité et proportionnalité, on est fondé à se demander si les obligations prévues par l'article 4 sont vraiment nécessaires. Le bon sens voudrait que l'on laisse fonctionner le précédent paquet, le « six-pack », qui est entré en vigueur la semaine dernière, avant de modifier la mécanique.
Je n'aborde pas le fond même du texte, on l'aura compris ; je partage naturellement l'objectif de sauver la zone euro et de retrouver les chemins de la croissance et de l'emploi. La seule question posée est : est-ce indispensable d'aller aussi loin dans les modalités ? Poser ce problème, c'est contribuer au renforcement de la sécurité juridique, si tant est que nous en ayons les moyens.
En vertu du principe de subsidiarité, l'Union européenne doit laisser aux États membres le choix des moyens, en fonction de leur ordre juridique interne.
M. Simon Sutour, président. - L'avis ne porte donc pas sur le fond, mais sur le respect de ce principe.
M. Richard Yung. - J'ai conscience que nous adressons ainsi un message qui peut paraître plutôt négatif à la Commission européenne, mais le sujet est important. Nous sommes à la veille de débats institutionnels considérables.
La proposition de résolution portant avis motivé est adoptée à l'unanimité.
Questions diverses
M. Simon Sutour, président. - Nous venons d'être informés du projet de traité intergouvernemental. Ce que M. Leonetti nous annonçait prudemment la semaine dernière s'est révélé juste.
J'ai écrit à M. le Président du Sénat pour m'inquiéter du fait que les Parlements nationaux ne soient pas associés aux négociations de la zone euro. Les structures de coordination entre Parlements, comme la Cosac, et les procédures de contrôle a priori et a posteriori n'existent que pour les institutions et les documents de l'Union européenne à vingt-sept. Le Sénat doit prendre des initiatives à ce sujet. M. le Président du Sénat, par courrier, a saisi M. le Premier ministre de ce problème, qui a été évoqué mercredi en Conférence des Présidents, en présence du représentant du gouvernement. M. le Président Bel s'en est aussi entretenu jeudi avec M. Accoyer, mais M. Lequiller, mon homologue de l'Assemblée nationale, n'en avait pas encore été informé hier. Le Parlement doit avoir son mot à dire sur le projet de traité, au cours du mois de janvier. Je crains que le sujet soit moins consensuel...
M. Richard Yung. - Il est essentiel que notre commission débatte du projet de traité au cours de son élaboration, et que l'on ne nous soumette pas un texte tout ficelé, auquel nous ne pourrions changer une virgule parce qu'il devrait être ratifié par au moins neuf parlements nationaux. Il est déjà extraordinaire que nous n'ayons pas été davantage consultés sur les mesures adoptées jusqu'ici par la zone euro !
M. Simon Sutour, président. - Contrairement à la règle, pour entrer en vigueur, ce traité ne devra pas avoir été ratifié par tous les signataires - vingt-six peut-être - mais par neuf des dix-sept de la zone euro. L'article 12 prévoit d'associer les Parlements nationaux au contrôle, mais seules les commissions de l'économie et des finances sont mentionnées, pas la nôtre.
M. André Gattolin. - Alors, ce n'est pas vraiment un traité européen !
M. Simon Sutour, président. - Nous proposerons une rédaction plus ouverte.