- Mardi 28 juin 2011
- Mercredi 29 juin 2011
- Politique en matière touristique menée par Atout France - Examen du rapport d'information
- Travaux de la table ronde nationale sur l'efficacité énergétique - Désignation d'un représentant
- Amélioration et sécurisation du droit de préemption - Examen des amendements au texte de la commission
- Certificats d'obtention végétale - Examen des amendements au texte de la commission
Mardi 28 juin 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Audition de M. Roger Genet, directeur général du CEMAGREF et président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement
La commission procède à l'audition de M. Roger Genet, directeur général du CEMAGREF et président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous souhaite tout d'abord la bienvenue devant notre commission. Vous êtes le directeur général du CEMAGREF mais aussi le président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (ANRE). Le CEMAGREF est un établissement public à caractère scientifique et technologique qui a pour mission principale de mener la recherche publique en sciences et technologies de l'environnement en particulier en matière de qualité des eaux, de biodiversité, de technologies vertes et de développement territorial. Les sénateurs de notre commission portent une attention particulière à ces questions car la croissance verte est un axe majeur pas seulement en France mais aussi en Europe et suppose un effort important de recherche. Vous nous parlerez ainsi de la stratégie de recherche que vous menez dans ce domaine et des secteurs dans lesquels vous espérez que la recherche pourra déboucher sur des avancées économiques concrètes. Mise en place en 2010, l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement que vous présidez rassemble le CEMAFREF, l'INRA, l'IFREMER et le CNRS ainsi que d'autres organismes associés pour définir ensemble les priorités de la recherche environnementale.
Il est vrai que dans l'esprit de beaucoup d'entre nous, le CEMAGREF était resté spécialisé dans le domaine du machinisme agricole. Aujourd'hui, votre mission semble bien élargie.
M. Roger Genet, directeur général du CEMAGREF et président de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement. - Je vous remercie pour votre invitation à venir vous présenter les avancées de la recherche dans les domaines du Grenelle de l'environnement et de les illustrer par des exemples de retombées concrètes. Je voudrais ainsi axer ma présentation sur deux facettes : tout d'abord la réalité du CEMAGREF et de l'ANRE, puis, au travers de quelques exemples, la façon dont on s'inscrit dans le Grenelle de l'environnement afin de contribuer par ce biais au développement économique de notre pays.
Je suis également président du laboratoire AQUAREF qui fédère plusieurs organismes de recherche et qui est un laboratoire national de référence sur la protection des milieux aquatiques, très impliqué sur la mise en oeuvre de la directive cadre sur l'eau.
Le CEMAGREF est un organisme de recherche créé il y a trente ans : nous organisons bientôt pour cet anniversaire un grand Forum Sciences et société sur la place des sciences environnementales dans le débat public.
Le CEMAGREF, c'est neuf centres de recherche répartis sur le territoire, deux équipes situées l'une à la Martinique et l'autre à Strasbourg, 25 unités de recherche, 1 600 collaborateurs dont 900 titulaires, 200 thésards, 300 contractuels et un budget de 115 millions d'euros, dont plus de 30 % est aujourd'hui consacré aux ressources externes, ce qui constitue le taux le plus élevé pour les ressources externes de tous les établissements publics à caractère scientifique et technique avec l'INRIA.
Nous sommes constitués de trois départements de recherche : eau, écotechnologies et territoires. L'eau recouvre la moitié de nos recherches ; l'aménagement territorial représente environ un quart de notre activité de même que les écotechnologies.
Le CEMAGREF est un organisme de recherche qui a la particularité de faire 70 % de recherche et 30 % d'expertise et d'appui aux politiques publiques. C'est le seul organisme qui fonctionne sur cet équilibre, qui je crois, est lié à nos 200 ingénieurs de l'État « eaux et forêts » présents au sein de notre établissement. Cette mixité entre ingénieurs et chercheurs nous donne la possibilité, à partir des projets de recherche, de les décliner avec des solutions et de contribuer, en tant qu'appui, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques.
Le CEMAGREF est également un organisme caractérisé par sa pluridisciplinarité : hydrologie, biologie, mais nous avons également une trentaine de chercheurs en sciences économiques, une quinzaine de sociologues, deux chercheurs en sciences politiques. Le croisement de ces sciences humaines et sociales et des sciences expérimentales nous permettent de donner un avis et un appui aux politiques publiques.
Ayant obtenu le label Carnot en 2006 puis en 2011, le CEMAGREF a été reconnu pour sa recherche partenariale avec le monde économique. Nos principaux partenaires sont d'abord des partenaires économiques au premier rang desquels les entreprises de l'eau (Veolia et Suez), les agro-équipementiers dans le domaine agricole mais aussi les collectivités territoriales.
Nous avons également vocation à faire de l'innovation dans deux domaines : celui que l'on conçoit classiquement par la création d'emplois, de start-ups, d'entreprises, mais aussi celui, que je défends, de la contribution de la recherche à la mise en place de politiques publiques innovantes.
Notre établissement a aussi une vraie dimension européenne et internationale : nous avons été fondateurs, il y a dix ans, du premier réseau « Partenariat pour la recherche environnementale européen » qui réunit 7 pays européens (France, Hollande, Allemagne, Angleterre, Finlande, Danemark et l'Italie). Nous sommes également présents dans le monde, par le biais notamment de co-publications avec des organismes de recherche d'autres pays, notamment au Québec, en Amérique du Nord, en Australie et Nouvelle-Zélande ou encore au Brésil.
Trois enjeux concourent au plan stratégique du CEMAGREF adopté en 2009 qui donne une orientation à quinze ans :
- la gestion de l'eau et des territoires, la modélisation de l'eau au niveau du bassin versant ;
- la gestion des risques environnementaux, principalement les risques liés à l'eau comme les inondations ou les crues ;
- la qualité environnementale : on voit de plus en plus de textes réglementaires qui s'appuient sur cette notion, mal définie sur le plan scientifique.
Je vais vous présenter maintenant quelques exemples concrets illustrant la contribution de la recherche dans le cadre des grands objectifs du Grenelle de l'environnement.
Un premier objectif est une vision de la gestion du cycle de l'eau totalement intégrée c'est-à-dire avec des outils de recherche qui vont de la modélisation, de la prévision des crues aux problématiques des digues, de retenue, de modification de la biodiversité, de mesure de l'impact environnemental en matière économique et sociale.
Les résultats dans ce secteur sont directement transférés aux utilisateurs et en l'occurrence aux services opérationnels de l'État. Le CEMAGREF a développé des modèles de prévision directement transférés aux gestionnaires de territoires et alimentent aujourd'hui les cartes de vigilance de Météo France. Un nouveau radar est aujourd'hui opérationnel : il a été créé dans une collaboration Météo France et CEMAGREF et son objectif est de couvrir des zones montagneuses qui jusqu'à présent n'étaient pas couvertes de façon à prévoir ces risques hydrométéorologiques majeurs et de déclencher des alertes. Météo France va développer quatre réseaux de ce type dans le Sud Est.
Autre exemple, le CEMAGREF élabore aussi des indicateurs dans le cadre de la directive sur l'eau qui permettent de mesurer la qualité des eaux pour la mise en oeuvre des règlements européens REACH, de détecter les substances interdites mais aussi des indicateurs d'état écologique des masses d'eau puisque la France s'est engagée sur un objectif de 80 % de bon état écologique de ses masses d'eau à l'horizon 2015.
Le CEMAGREF demeure tout de même très impliqué sur les technologies agricoles dans l'esprit de réduire l'impact environnemental négatif des pratiques agricoles. Nous avons par exemple mené un projet européen qui vise à développer un système de capteurs pour instrumenter les matériels d'épandage sur des vignes et de pouvoir cartographier avec des matériels de modélisation la parcelle traitée de façon à maximiser l'effet de la pulvérisation, à diminuer les zones de recouvrement et à utiliser le moins possible de produits phytosanitaires sur les parcelles. Un dispositif expérimental a également été mis en place : il s'agit d'un appareil offrant une alternative à l'épandage aérien. Aux Antilles en effet, les bananeraies nécessitent un traitement obligatoire face aux moisissures : c'est important dans la mesure où la banane représente environ 50 % de l'économie de la Martinique par exemple. Il faut donc trouver des méthodes alternatives à l'épandage aérien, aujourd'hui interdit par la réglementation européenne à moins de cinquante mètres.
Tout dernier exemple, le CEMAGREF est un promoteur de l'information satellitaire et de la télédétection au service du développement durable et de l'aménagement du territoire. La France a massivement investi dans les techniques satellitaires avec le CNES comme maître d'oeuvre, ce qui a permis de développer l'océanographie, les applications militaires ou encore climatologiques.
L'utilisation de ces techniques satellitaires sur les surfaces et interfaces continentales pour l'aménagement du territoire reste néanmoins peu développée. Or les enjeux sont majeurs, non seulement au regard de la directive cadre sur l'eau, mais également au regard de la trame bleue et de la trame verte portées par le Grenelle II et pour lesquelles on a besoin d'avoir des informations spatialisées extrêmement précises. La France est également engagée dans le protocole de Kyoto, notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre.
Une attention toute particulière est apportée à l'utilisation des terrains agricoles sur le territoire métropolitain.
Nous avons obtenu dans le cadre des investissements d'avenir un grand projet d'équipements d'excellence qui a été doté de 12 millions d'euros : il s'agit du projet « GEOSUD » qui fédère à la fois les acteurs de la recherche et tout un ensemble d'établissements dont un certain nombre d'entreprises du secteur économique pour développer l'information satellitaires dans tous les secteurs économiques.
Je voudrais pour finir insister sur le fait qu'aucun de ces projets que je viens de vous présenter n'aurait pu être porté par un organisme de recherche seul en France, en Europe ou dans le monde : à chaque fois, ces projets nécessitent l'implication très forte de plusieurs organismes.
C'était précisément d'ailleurs l'objet de la création l'année dernière de la création de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement sur quatre domaines principaux : l'alimentation, l'eau, le climat et les territoires.
L'objectif était de fédérer l'ensemble des organismes de recherche et d'enseignement supérieur afin que la recherche puisse apporter des solutions concrètes.
L'enjeu de l'alimentation, c'est de nourrir la planète, avec neuf milliards d'individus à l'horizon 2050.
L'enjeu de l'eau, c'est celui d'un droit universel d'accès à l'eau défendu par l'ONU en qualité et en quantité.
L'enjeu du climat, c'est celui de l'évolution de notre planète en matière de perte de biodiversité.
L'enjeu de l'aménagement territorial, c'est celui des rapports Nord-Sud notamment.
La recherche environnementale que nous essayons de construire veut avoir la force de ce qu'est aujourd'hui la recherche médicale en France. Elle répond à des enjeux tout aussi fondamentaux. Lorsqu'ils ont été créés après la Seconde Guerre mondiale, tous les organismes de recherche répondaient à des enjeux sociétaux majeurs : l'INRA, pour nourrir le pays et asseoir notre indépendance alimentaire, l'INSERM, pour des raisons de santé publique, ou encore le CEA, pour asseoir l'indépendance énergétique de la France.
Les problématiques environnementales sont plus récentes et les organismes de recherche nombreux avec chacun sa spécificité : l'objectif de l'Alliance c'est une coordination renforcée entre ces différents organismes, notamment vis-à-vis des ministères.
Les enjeux sont à la fois :
- écologiques avec la garantie d'une sécurité alimentaire, et agro-écologiques avec la gestion des ressources en eau et la gestion des risques,
- économiques pour que l'agriculture demeure compétitive, pour avoir un développement rural responsable, pour une exploitation raisonnée des milieux marins et des ressources naturelles,
- sociétaux avec notamment la prise en compte de l'acceptabilité de certaines politiques en matière énergétique, alimentaire ou agricole ;
- mais aussi politiques.
L'Alliance regroupe ainsi 12 organismes de recherche fondateurs avec une organisation très souple. Nous mobilisons 250 experts de haut niveau au sein de 14 groupes thématiques.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci de nous avoir présenté non seulement le CEMAGREF mais aussi cette nouvelle Alliance nationale de recherche pour l'environnement qui fait tomber les barrières entre les organismes de recherche.
Notre commission a eu à examiner le Grenelle de l'environnement. Concernant la trame verte et la trame bleue, les régions doivent mettre en place avec l'État des schémas régionaux : pouvez-vous nous présenter le guide méthodologique auquel vous avez participé pour l'élaboration de ces schémas régionaux ? Pouvez-vous nous dire aussi comment les schémas de cohérence territoriale prennent en compte les objectifs de la trame verte et de la trame bleue ? Pouvez-vous enfin nous donner quelques indications sur les surfaces boisées dans le monde, dans la mesure où 2011 est l'année internationale de la forêt ?
M. Gérard César. - Avec le réchauffement climatique, la sécheresse qui sévit actuellement en France, comment voyez-vous la gestion de la ressource en eau pour améliorer l'irrigation des cultures ? Par ailleurs, notre pays peut-il s'orienter vers le goutte-à-goutte, par rapport à l'arrosage indifférencié ? Avez-vous envisagé de développer les retenues collinaires ?
Deuxième point, vous avez parlé de vos ressources externes, pourrait-on savoir quels sont vos partenaires ?
M. Daniel Raoul. On assiste à une multiplication et une superposition des organismes et des alliances dans le domaine de la recherche. Ne serait-il pas préférable qu'un seul établissement traite des sciences de la vie ? J'ai constaté avec étonnement que le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables disposait de compétences étendues dans les sciences de la vie...
S'agissant de la sécurité alimentaire, quelles solutions, selon vous, permettront de nourrir demain neuf milliards d'habitants ? Enfin, quelle est votre position concernant les plantes génétiquement modifiées, dont certaines méritent d'être étudiées afin de mieux résister au stress hydrique ; je fais la différence avec les organismes génétiquement modifiés, les problèmes posés par certaines variétés ne devant pas justifier un rejet total de l'ensemble des plantes génétiquement modifiées.
M. Roland Courteau. - Quel est l'état écologique des fleuves qui se jettent dans la mer Méditerranée ? La pollution dans cette mer y atteint un niveau inquiétant : ainsi les eaux du Rhône charrient-elles des métaux lourds et des polluants organiques persistants, qui sont stockés dans des sites industriels ou dans les sédiments. Ne faudrait-il pas mettre en place un vaste plan de nettoyage ?
M. François Patriat. - Je voudrais savoir qui vous adresse des demandes de recherche. De quelle manière pouvez-vous aider les services de l'État et des collectivités territoriales à comprendre l'état des ressources naturelles et à prendre des décisions ? Par ailleurs, comment le CEMAGREF s'inscrit-il dans les projets de recherche pluridisciplinaire ?
M. Marc Daunis. - Le potentiel d'expertise dont vous disposez est-il suffisamment utilisé par les pouvoirs publics et notamment par les collectivités territoriales ? J'ai constaté que la mobilisation des centres de recherches pouvait être très fructueuse pour les acteurs locaux compte tenu du désengagement des services de l'État, d'autant qu'elle permet de rapprocher les projets de recherche des besoins de terrain.
Mme Jacqueline Panis. - Dans le cas des travaux réalisés sur l'espace foncier dans l'Hérault, quelles ont été vos relations avec la chambre d'agriculture ?
M. Roger Genet. - Je ne suis pas un expert sur tous les sujets abordés et devrai donc différer ma réponse sur certaines questions spécifiques.
S'agissant des schémas de cohérence territoriale, nous y avons contribué, comme d'autres laboratoires de recherche, afin de répondre aux besoins des collectivités. À ce propos, nos experts sont conduits à se mobiliser à la fois pour développer l'étendue des connaissances et pour répondre sur des sujets concrets : notre modèle économique atteint là ses limites.
Par exemple, nous avons réalisé pour la Datar des études sur la fragmentation du territoire, qui ont montré que les infrastructures de transport divisent l'ouest de la France en tout petits territoires naturels : ces résultats nourrissent les travaux d'élaboration des trames vertes et bleues, qui visent à reconstruire les continuités écologiques. Nos chercheurs ont également mené des travaux de fond sur l'esturgeon en Gironde ou sur le rôle joué par le bois mort pour la préservation de la biodiversité.
Il faut toutefois conjuguer l'étude des milieux écologiques avec celle des conséquences économiques et sociales : c'est pour cela que les équipes réunissent des chercheurs relevant de disciplines variées. Cela complique malheureusement les processus d'évaluation, les comités qui réalisent celle-ci étant souvent spécialisés dans un seul domaine de recherche.
Nous avons rédigé un livre, que nous tenons à votre disposition, sur les enjeux de la forêt, qu'il s'agisse de son évolution, des émissions de gaz à effet de serre ou de l'impact de la déforestation en Amazonie. La recherche a son mot à dire : Nous instrumentons des satellites du CNES et l'imagerie satellitaire a permis de mieux mesurer la déforestation comme la concentration de carbone en Guyane. Cet effort de cartographie a permis à la France de respecter ses engagements pris au titre du protocole de Kyoto.
Comment nourrir neuf milliards d'êtres humains ? La recherche repose forcément sur une coopération internationale, mais les solutions ne peuvent être uniques. La difficulté provient non du nombre total d'habitants, mais de la densité exagérée observée dans certaines régions.
Le Président de la République nous a demandé quel pouvait être l'apport de la recherche concernant des priorités de la présidence française du G20 telles que la volatilité et la transparence des prix des matières premières. J'ai proposé de créer une coordination mondiale des centres de référence basés sur l'information satellitaire afin d'améliorer la prévision des récoltes et de répondre aux événements hydrologiques. Cette proposition a été reprise à l'annexe 3 de la déclaration commune des ministres de l'agriculture du G20.
La notion de bon état écologique des rivières a été inscrite dans la loi avant d'avoir été définie sur le plan scientifique. Pour l'évaluer, il faut disposer de l'état initial, ce qui exige de choisir une date de référence et de disposer des outils et des mesures adéquates. Il est également indispensable d'adopter des mesures de protection adaptées en prévoyant leur impact et leur coût économique. Ainsi, l'éco-toxicologie étudie l'écosystème dans sa globalité tandis que les toxicologues mesurent l'impact des produits sur la santé, mais le lien entre ces deux disciplines est difficile à mettre en place, lien qui est pourtant nécessaire pour établir l'impact sur la santé de la diffusion d'un produit dans la nature : c'est ce qui justifie la mise en place de coopérations interdisciplinaires.
La France dispose d'une quantité globale d'eau satisfaisante, mais très variable dans sa répartition. De nombreux travaux de recherche sont entrepris dans notre pays sur la gestion de l'eau en quantité comme en qualité, s'agissant notamment de la résistance des plantes au stress hydrique : je signale à cet égard que la forêt méditerranéenne est en danger de disparition au cours des décennies à venir. Plusieurs pistes, hybridation ou manipulations génétiques, se présentent aux chercheurs qui doivent pouvoir les explorer : le principe de précaution doit être un principe d'action, tout en contrôlant la sécurité d'utilisation. Nous effectuons des recherches sur le goutte-à-goutte, mais il n'y a pas de technique révolutionnaire : un système de goutte-à-goutte enterré apporte un gain de 20 % seulement.
Aucune solution n'est dépourvue d'inconvénients. Ainsi, la construction de retenues hydroélectriques, présentées comme une énergie propre, a pour effet une production de méthane comparable, en termes de gaz à effet de serre, aux émissions d'une centrale au charbon.
Il faut, dans tous les cas, diminuer l'impact environnemental des techniques employées. Nous travaillons ainsi avec le CEA sur l'utilisation du bois-énergie : mais cette ressource est difficile à mobiliser, aussi bien en raison du désintérêt ou des réticences des propriétaires qu'à cause de la difficulté à évacuer le bois. La réglementation doit être plus favorable à l'exploitation du bois. Les coupes opérées par l'Office national des forêts déclenchent des réactions diverses et parfois opposées : certains citoyens regrettent que des bois couchés demeurent sur la parcelle, tandis que d'autres s'opposent, au nom de la biodiversité, à l'extraction de la totalité du bois mort.
Il est donc nécessaire d'associer des chercheurs en sciences humaines et sociales dès le début des opérations afin de mieux formuler les questions et d'expliquer les enjeux dans toute leur complexité aux populations. La médaille d'innovation du CNRS a ainsi été attribuée à trois chercheurs, dont deux technologues mais aussi une économiste spécialisée dans l'aide au développement.
En matière d'organisation de la recherche, beaucoup de changements ont eu lieu depuis 2003, avec la création, par exemple, des réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA), des pôles de compétitivité ou encore des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Il existe donc aujourd'hui une grande cohérence, même s'il demeure nécessaire de renforcer l'axe recherche-enseignement supérieur.
Chaque organisme de recherche a sa raison d'être, avec ses spécificités. Ainsi, trois organismes sont actifs dans le domaine de l'eau, mais avec des compétences et des missions différentes. Le CEMAGREF dispose par exemple d'hydrologues mais pas de géologues. Il n'est donc pas souhaitable de fusionner l'ensemble des organismes.
Je pense cependant que, s'agissant des grands enjeux environnementaux, il est indispensable de regrouper les forces et d'assurer une forte visibilité : c'est bien l'objectif des Alliances. Le Gouvernement a proposé une stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI). Pour chacun des enjeux figurant dans cette stratégie (santé, énergie, technologies de l'information et de la communication, environnement), une alliance regroupant l'ensemble des acteurs du monde de la recherche a été mise en place. L'Alliance nationale de recherche pour l'environnement est ainsi pilotée par le CEMAGREF qui joue un rôle pivot car il est impliqué dans l'ensemble des domaines.
L'ambition de l'Alliance est de coordonner et de permettre un dialogue entre les organismes. Toutes les décisions ne sont pas pour autant faciles à prendre. Je me réjouis cependant que, pour la première fois, l'Alliance ait transmis une lettre commune à l'ensemble de ses membres à l'Agence nationale de la recherche (ANR) définissant trois priorités de recherche. L'Alliance, qui s'est substituée à trois structures de coordination, dispose en tout cas d'une vraie visibilité, ce qui lui permet de jouer le rôle d'interface avec les ministères, les instances européennes ou la représentation nationale.
En conclusion, je souhaite rappeler que si certains chercheurs ont participé aux groupes mis en place lors du « Grenelle de l'environnement », la recherche en tant que telle en a été complètement absente. Elle aurait pourtant pu contribuer aux débats.
M. Benoît Huré. - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre discours. Je regrette de ne pas entendre des propos de ce type sur le terrain, où on ne peut constater un manque de lisibilité et de cohérence.
Un exemple : en tant que président du conseil général de mon département, je gère les routes départementales. Les associations de protection de l'environnement se sont mobilisées contre le fauchage des accotements. Les agents du conseil général se sont plaints de la réduction de l'activité qui en a résulté. Les représentants de la sécurité routière s'en sont également ému, des accidents ayant eu lieu en raison du manque de visibilité. Cet exemple montre qu'il est indispensable d'avoir un discours clair et pédagogiques permettant d'être lisible sur le terrain.
Je pourrais citer d'autres exemples du manque de cohérence des décisions de l'administration : on a ainsi aujourd'hui une confusion et des différences d'interprétation sur le terrain quant à la différence entre zones humides et zones hydromorphes. De même, une directive européenne relative aux cours d'eau est interprétée de façon variable.
Je partage donc votre opinion : il est urgent de faire côtoyer les spécialistes des sciences dures et ceux des sciences humaines.
M. Jean-Jacques Mirassou. - J'ai été conquis par l'enthousiasme se dégageant de votre exposé. Je suis très intéressé par la question de la dialectique entre le volet scientifique et philosophique : comment lier les sciences dures et les sciences humaines ? C'est une question politique : l'intérêt général est en jeu. Sans un volet pédagogique, il y a en effet suspicion de la part de nos concitoyens.
M. Roger Genet. - La recherche ne peut pas régler l'ensemble des problèmes de concertation locale : en matière environnementale, la société a en effet tendance à réagir de façon émotionnelle. Il ne me paraît par ailleurs pas possible de faire intervenir les scientifiques sur l'ensemble de ces questions : quand un scientifique bascule dans la certitude, il devient militant. Or la recherche environnementale n'est ni l'écologie militante ni le faux nez d'une agriculture productiviste.
Pour autant, il faut travailler en tant que scientifique sur la concertation : la recherche a en effet des choses à apporter en la matière. Elle peut augmenter le corpus de connaissances afin de rationaliser le débat.
Enfin, je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre à la question de Mme Jacqueline Panis. Je peux cependant lui indiquer qu'en Languedoc Roussillon, il apparaît que les terres agricoles les plus riches sont soumises à un risque d'artificialisation.
Mercredi 29 juin 2011
- Présidence commune de M. Jean-Paul Emorine, président et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -Politique en matière touristique menée par Atout France - Examen du rapport d'information
La commission entend tout d'abord, lors d'une réunion conjointe avec la commission des finances, une communication de M M. André Ferrand, rapporteur spécial, et M. Michel Bécot, rapporteur pour la commission de l'Économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur l'action de l'agence de développement touristique Atout France et la promotion de la « destination France » à l'étranger.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Notre séance présente un caractère extraordinaire puisque nos deux commissions sont aujourd'hui réunies en formation commune pour entendre une communication dont le sujet comporte une dimension économique mais aussi budgétaire et fiscale.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Je remercie la commission des finances d'avoir associé la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire à ce contrôle budgétaire relatif à Atout France. Je rappelle que cette agence a été créée par la loi de développement et de modernisation des services touristiques que notre commission a examinée au fond.
M. Daniel Raoul. - J'indique que Mme Bariza Khiari, qui a été rapporteure de ce texte, est excusée. Elle regrette de ne pouvoir assister à cette réunion et remercie les rapporteurs pour avoir pris le soin de l'auditionner.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - C'est en ma qualité de rapporteur spécial du budget du tourisme de la mission « Économie » que la commission des finances du Sénat m'a confié en 2010 une mission de contrôle et d'information sur l'action de l'agence de développement touristique Atout France et la promotion de la « destination France » à l'étranger. A ce titre, j'avais déjà procédé à quelques auditions et effectué des déplacements à l'étranger, notamment dans le cadre de mes fonctions de sénateur représentant les Français établis hors de France, afin de rencontrer les responsables des bureaux d'Atout France, en particulier à Moscou, Sydney, Madrid, Hong-Kong, Pékin et Montréal. Je me suis également rendu à Lyon pour étudier les relations entre l'office du tourisme et les comités départemental et régional du tourisme. Compte tenu de la dimension économique du sujet, j'ai le plaisir d'avoir été rejoint par mon collègue Michel Bécot, sénateur membre de la commission de l'économie et président du groupe d'études du tourisme et des loisirs.
Plusieurs excellents rapports sur le tourisme existent déjà, sur l'importance économique du secteur, sur la qualité de l'accueil, etc. D'anciens collègues tels que Bernard Plasait, Paul Dubrule ou Jean-Jacques Descamps font autorité en la matière. Par ailleurs, Gilles Pélisson, ancien PDG d'EuroDisney et d'Accor, remettra au Gouvernement un rapport sur le tourisme d'affaires dans les prochains jours.
C'est pourquoi, avec mon collègue Michel Bécot, nous avons voulu éviter les redites et avons, au contraire, pris le parti délibéré de sélectionner nos recommandations en nous concentrant sur la place de la « Destination France » à l'international et les moyens d'insuffler une politique du tourisme ambitieuse et volontariste. A travers tous les témoignages recueillis, nous avons identifié ceux, limités, qui appelaient des réponses susceptibles de générer des actions et des progrès concrets. Nos amis ultramarins ne nous en voudrons pas si nous n'avons pas approfondi ce sujet en l'étendant à l'outre-mer. Notre collègue Michel Magras vient de remettre un rapport sur le tourisme et l'environnement outre-mer, sur lequel un débat a eu lieu en séance hier après-midi.
Pour être le plus concret possible, nous avons donc lancé un cycle d'auditions et de tables rondes thématiques avec l'administration et les professionnels du tourisme sur des sujets très ciblés tels que le financement, l'organisation et la mutualisation des moyens, l'attractivité et la compétitivité de la « destination France », le renforcement de l'offre de séjours touristiques et, enfin, les nouveaux besoins de la clientèle internationale.
M. Michel Bécot, rapporteur, président du groupe d'étude sur le tourisme et les loisirs. - Tout d'abord, je me félicite que la commission des finances s'intéresse au tourisme car cette question n'est pas considérée à sa juste valeur dans notre pays. J'ai été président de « Odit France » pendant huit ans et j'ai eu l'occasion de travailler sur le sujet. Aussi, un rapport commun avec la commission des finances aura-t-il peut-être plus de poids pour obtenir les moyens d'investir. Les dépenses en matière de tourisme ne sont pas inutiles : ce sont des investissements pour l'avenir.
Je crois que l'on n'a pas suffisamment conscience en France que le tourisme constitue un volet majeur de l'économie nationale et qu'il crée des emplois non délocalisables.
Le dynamisme des flux touristiques mondiaux ne fléchit pas. La crise financière et économique a bien eu un impact en 2008 et 2009 sur les échanges touristiques internationaux, mais ceux-ci sont repartis à la hausse dès 2010. La mondialisation a pour effet une croissance rapide du nombre des touristes internationaux, sur un rythme de l'ordre de 4 % par an. A cet égard, les projections de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) prévoient 1,6 milliard d'arrivées de touristes internationaux à l'horizon 2020, alors qu'on n'en comptait encore qu'un milliard en 2010.
Comment se situe la France sur ce marché porteur ? A priori, on ne peut mieux puisque, avec 74,2 millions de touristes internationaux accueillis en 2009, elle peut revendiquer la première place, devant les Etats-Unis, l'Espagne, la Chine et l'Italie. Mais ce classement est moins avantageux en termes de recettes puisque, avec 49,4 milliards de dollars, la France ne se classe qu'au troisième rang, derrière les Etats-Unis et l'Espagne, qui retirent du tourisme international respectivement 93,9 milliards de dollars et 53,2 milliards de dollars. Ce classement est encore moins bon si l'on raisonne en termes de recettes moyenne par touriste. La France ne se situe alors plus qu'au septième rang avec seulement 643 dollars dépensés par touriste, contre, par exemple, 1 019 dollars pour l'Espagne ou 931 dollars pour l'Italie qui sont nos concurrents européens directs. Enfin, le premier rang affiché de notre pays recouvre une érosion de ses parts de marché, qui sont passées de 6,4 % des recettes du tourisme international en 2000 à 5,7 % en 2009.
Par ailleurs, le tourisme constitue un poste de la balance des paiements largement positif. Avec un excédent de 7,8 milliards d'euros en 2009, le solde extérieur du tourisme est supérieur à celui de l'automobile ou de l'industrie agroalimentaire. Les comptes satellites du tourisme que publie l'INSEE sont actuellement en cours de révision. Pour la dernière année connue, 2007, ils établissaient la part de la consommation touristique dans la richesse nationale à 6,2 % du PIB.
Le tourisme est aussi une source d'emplois nombreux et non délocalisables. Au 1er janvier 2008, les activités caractéristiques du tourisme employaient directement plus d'un million de personnes, soit 842 000 salariés et 178 000 non salariés, essentiellement dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. Depuis dix ans, la croissance moyenne dans le secteur du tourisme est de l'ordre de 27 000 emplois par an. En outre, le nombre des emplois induits peut être estimé à un autre million de personnes.
Au final, je dirai que l'intérêt porté par les pouvoirs publics au tourisme ne me paraît pas à la mesure de son importance économique. Avec mon collègue André Ferrand, nous partageons cette volonté de mieux faire prendre conscience, aux citoyens mais aussi au plus haut sommet de l'Etat, des atouts de notre pays et du potentiel de développement économique.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Les principaux constats que nous avons pu faire au cours de nos travaux porte sur l'action d'Atout France, notamment à l'international, sur notre politique de promotion de la « Destination France » et, enfin, sur l'adaptation de notre offre touristique. En effet, pour être efficace, il ne s'agit pas seulement de faire de la communication, il faut proposer un produit attractif.
Atout France est issu de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Cette agence de développement touristique de la France a été constituée par la fusion d'ODIT France, groupement d'intérêt public spécialiste d'ingénierie touristique qui oeuvrait pour la structuration de l'offre touristique auprès des collectivités locales et des opérateurs privés, et du groupement d'intérêt économique Maison de la France, chargé de la promotion touristique de la France. Ce rapprochement s'inscrit dans le cadre de la rationalisation de l'intervention publique voulue par la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).
Parallèlement, le Comité de modernisation des Politiques publiques du 4 avril 2008 a décidé la création d'une direction générale unique regroupant la direction générale des entreprises (DGE), la direction du tourisme (DT) et la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL). C'est donc désormais une « sous-direction du tourisme » au sein de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) qui exerce la tutelle de l'Etat.
Constitué en groupement d'intérêt économique, Atout France est devenu l'opérateur unique de l'Etat pour définir la stratégie nationale de promotion de la « destination France » et mettre en oeuvre les politiques publiques en faveur du tourisme (convention d'objectifs et de moyens).
S'agissant des missions d'Atout France, il faut souligner l'éventail très large de ses attributions tant sur le territoire national qu'à l'étranger. En effet, aux deux missions principales, d'une part, d'assistance au développement et d'ingénierie, d'autre part, de promotion touristique en France et à l'international, s'ajoutent deux nouvelles missions, auparavant exercées par l'administration : l'immatriculation des agents de voyage et le classement des hébergements ; la formation continue des professionnels. Il nous a semblé que c'est sur ce dernier sujet que l'action d'Atout France semble encore à définir.
Le plan stratégique défini par la convention d'objectifs et de moyens 2010-2012 est très ambitieux puisqu'à l'horizon 2020, le Gouvernement prévoit que la France devienne la première destination européenne en recettes par touriste, donc rejoigne l'Espagne. L'enjeu est de transformer la France, qui est trop souvent une destination de passage, en destination de séjour. Pour ce faire, le plan marketing développé par Atout France semble cohérent. Il prévoit de donner une identité à la destination France pour le grand public et les nouvelles clientèles internationales issues des BRIC. Il prévoit également d'agir sur l'offre touristique en créant de nouvelles destinations et filières.
Mais ce programme pose la question des moyens. Le budget d'Atout France, d'environ 77 millions d'euros en 2010, a la particularité de se composer de dotations publiques (42 millions d'euros dont 34,5 millions d'euros de subventions pour charge de service public issus du programme « Tourisme ») et de partenariats privés dont le montant de 35 millions d'euros intègre les cotisations des adhérents et les prestations de services.
L'opérateur dispose également d'un large réseau à l'international : 36 bureaux répartis dans 32 pays. Sur les quelque 422 emplois d'Atout France, près de 220 personnes sont employées à l'étranger. Le coût de l'ensemble de ces représentations est estimé à 60 % du budget global de l'agence, soit environ 46 millions d'euros. Pourtant la comparaison avec les grands pays concurrents dans le tourisme montre que la France dispose de moyens bien inférieurs à Turespaña (201 millions d'euros) qui est l'administration du tourisme de l'Espagne. Pourtant composée de provinces plus autonomes que nos régions françaises, l'Espagne fédère davantage ses crédits au bénéfice d'une stratégie commune. Le budget de promotion du tourisme de l'Andalousie (90 millions d'euros) est par exemple supérieur à celui de la France. Même les Etats-Unis, qui jusqu'à présent ne prévoyaient aucun budget fédéral pour soutenir le tourisme ont considéré qu'il s'agissait d'un sujet stratégique ! Aussi, ont-ils créé un organisme de promotion (« Travel promotion Act » de février 2010) doté de 200 millions de dollars (100 millions issus d'une taxe sur la procédure automatisée d'autorisation d'entrée sur le territoire et 100 millions issus du privé).
Un effort de rationalisation de notre réseau international est souhaitable, notamment pour rediriger les moyens vers les nouveaux pays d'origine du tourisme (Chine, Brésil), mais il ne serait en tout état de cause pas suffisant pour dégager des moyens suffisants.
M. Michel Bécot, rapporteur. - Aujourd'hui, les grands pays d'accueil développent chacun leur marque nationale, qui peut être utilisée par tous les opérateurs touristiques pour leurs actions de promotion. Ainsi, l'Espagne a réussi à imposer mondialement l'identité visuelle de sa marque -« I need Spain » dont le visuel est le soleil de Miró- qui apporte une cohérence aux campagnes menées par ses différentes régions.
Sur ce modèle, Atout France a développé une marque « Rendez-vous en France », qui a vocation à mobiliser tous les acteurs du tourisme autour de sa nouvelle stratégie de promotion. L'objectif est de rendre la marque France suffisamment attrayante pour qu'elle séduise des partenaires tant privés qu'institutionnels. Elle doit également résoudre le problème de la multiplicité des appellations dont souffre encore notre communication. En effet, à destination des professionnels, Atout France propose un site internet à son nom. Mais ce vocable n'évoque pas grand chose aux non francophones. Pour le grand public, il existe le site « France Guide », qui ne dispose pas d'une grande notoriété. Quant au portail officiel de la France, « France.fr », il redirige les visiteurs sur le site professionnel d'Atout France, et non pas sur le site grand public.
Il faut cependant admettre que la marque « Rendez-vous en France » est demeurée jusqu'à présent plutôt confidentielle, par rapport aux marques nationales concurrentes. Cela n'a rien d'étonnant, si l'on compare les budgets de campagne promotionnelle des uns et des autres. Ainsi, Atout France a disposé de 250 000 euros pour promouvoir la marque nationale, alors que l'Espagne a consacré 40 millions d'euros à la promotion de la sienne, et l'Inde 33 millions d'euros ou la Tunisie 30 millions d'euros à la promotion des leurs. Cette dernière a même débloqué en urgence 3 millions d'euros pour conduire une campagne de communication grand public après la révolution de Jasmin. On constate que les moyens de promotion de la marque France ne se situent pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur que ceux des marques concurrentes.
Or, ce sous-investissement se retrouve également dans d'autres secteurs du tourisme. Pour 2010, l'investissement touristique est de l'ordre de 9,7 milliards d'euros, en fléchissement depuis le milieu des années 2000, où il était supérieur à 10 milliards d'euros. Le poste principal de ces investissements est constitué par les résidences secondaires, qui en représentent 37 %, suivies par l'hôtellerie (16 %), la restauration (14 %) et les résidences de tourisme (9 %).
Toute une fraction de l'offre de bâti touristique est aujourd'hui obsolète. C'est en particulier le cas d'une partie de la petite hôtellerie indépendante, notamment en zone rurale, de certaines résidences de tourisme, de nombreux palais des congrès, et de la plupart des hébergements de tourisme à vocation sociale. Nous risquons d'assister à l'apparition de véritables « friches touristiques » dans notre pays. De fait, le secteur touristique souffre d'un sous-investissement chronique dû à la faible rentabilité des capitaux investis, en raison notamment du caractère encore trop saisonnier de l'activité.
La réforme du classement des hébergements touristiques va nécessiter un effort de mise à niveau, puis un flux d'investissement régulier afin que les hébergements puissent répondre à des normes de classement désormais évolutives, révisées au moins tous les cinq ans. De même, la mise aux normes de sécurité et d'accessibilité suscite un fort besoin d'investissements.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - L'accueil en France est un éternel sujet de débat dans notre pays, aussi faut-il éviter d'aligner des lieux communs. Je voudrais toutefois citer la charte pour la qualité de l'accueil signée par le secrétaire d'Etat Frédéric Lefebvre, applicable pour la période du 1er mars 2011 au 28 février 2014, avec les professionnels du secteur : aéroports de Paris, SNCF, RATP, France congrès, l'hôtellerie restauration, les artisans-taxi. Sur ce point, je tiens à signaler que l'administration des douanes est venue spontanément nous présenter les efforts quelle fournit dans le domaine. Le mérite de cette charte est de porter sur des mesures concrètes propres à la qualité de l'accueil : l'accueil et les services aux points d'entrée du territoire français ; le confort, la mobilité et l'intermodalité sur l'ensemble du « parcours visiteur » ; l'accueil de la clientèle d'affaires ; l'information et l'orientation ; la politique de développement durable ; l'accueil et les services touristiques sur le lieu de séjour ainsi que l'accueil des personnes handicapées et à mobilité réduite.
Une communication et des relations publiques soutenues ne peuvent seules assurer à la « destination France » une image positive. C'est cependant une excellente initiative, à condition que sa mise en oeuvre et son suivi soient assurés avec beaucoup de détermination. Il conviendra en particulier d'étendre cette charte à un plus grand nombre d'acteurs clés comme les douanes et l'ensemble des taxis parisiens.
S'agissant de l'adaptation de l'offre touristique de la France, il faut noter qu'à la différence d'autres pays où l'offre est géographiquement bien répartie, la France se caractérise par une excessive concentration de son offre internationale, avec un quasi monopole de Paris et de la Côte d'Azur, et secondairement des Grandes Alpes. Dans un objectif de rééquilibrage, la DGCIS et Atout France ont défini sept axes stratégiques de développement de l'offre touristique française : constituer des destinations internes « patrimoine et culture », construire une politique de tourisme d'itinéraire, structurer une politique de tourisme urbain hors Paris, formater une politique du tourisme de croisière maritime, formater une politique de tourisme de plaisance, développer une stratégie de communication et de promotion de la destination France, développer le tourisme d'affaires à Paris et en Ile-de-France.
Parmi ces projets figure la création d'une nouvelle destination à vocation mondiale : le Val de Loire ou « Loire Valley ». Le Val de Loire bénéficie depuis l'an 2000 d'une reconnaissance par l'UNESCO en tant que « paysage culturel vivant ». Mais le périmètre de la future « Loire Valley » sera étendu vers l'Ouest, jusqu'à l'Atlantique.
Les atouts de la région ainsi définie sont nombreux : qualité des infrastructures de transport, diversité de l'offre d'hébergement marchand, large éventail d'activités et de sites culturels, de loisirs et de plein air et produits de caractère. L'action de l'Etat, et de son opérateur Atout France, consistera à coordonner et fédérer les acteurs institutionnels et les structures privées du tourisme dans les départements et les deux régions concernés. L'objectif est de renforcer le tourisme international à fort pouvoir d'achat en dehors de l'Ile-de-France, en lui proposant une offre touristique à haute valeur ajoutée, qui aille au-delà de l'image traditionnelle du Val de Loire jusqu'à présent axée sur les châteaux et les vignobles. Sur le modèle de ce qui a été fait pour EuroDisney, un chef coordonnateur de projet pourrait être placé auprès du Gouvernement et au service des autorités locales concernées.
Ce projet doit être cité en exemple car il propose un développement de l'ensemble des filières, mis à part la montagne et les sports d'hiver qui ne sont pas représentatifs de cette région, à partir d'une destination essentiellement culturelle et patrimoniale (130 châteaux ouverts au public). « Loire Valley » constituerait un laboratoire test de la réussite de la destination France à l'international.
Nous en arrivons maintenant aux recommandations et à leurs modalités de mise en oeuvre et de suivi.
Parmi tous ces constats, il faut regretter que les atouts considérables de notre pays ne soient pas mieux valorisés en France et, surtout, à l'international. Si l'administration a établi des objectifs, il manque une « grande politique nationale du tourisme » pour faire venir et faire séjourner plus longtemps les touristes étrangers. Nous n'avons pas pris conscience de cette cause nationale et de son potentiel de développement et de création d'emplois non délocalisables. Pourquoi ne pas profiter du débat présidentiel de 2012 pour lancer une politique ambitieuse et volontariste de développement touristique de la France ? Cela nécessite de dégager les moyens financiers nécessaires, de réunir tous les acteurs autour d'une stratégie commune. Enfin, il faut que l'impulsion vienne du plus haut niveau de l'Etat.
S'agissant en premier lieu des moyens, il faut noter l'extrême dispersion des moyens financiers dédiés au tourisme. Les crédits du programme « Tourisme » s'établissent à 50,6 millions d'euros pour 2011 (dont 34,5 millions dédiés à l'agence de développement touristique Atout France) et ne représentent qu'une part très marginale de l'effort public en faveur de ce secteur. Selon l'administration, le montant global des crédits contribuant à la politique du tourisme, hors programme « Tourisme », s'élevait à près de 1,2 milliard d'euros en 2009 dont notamment 252 millions d'euros issus du ministère de l'intérieur et des collectivités locales au titre des diverses dotations et plus de 800 millions d'euros répartis entre les comités régionaux, les comités départementaux et les offices de tourisme et syndicats d'initiative. Or, bien que le rôle d'Atout France à l'international ne soit remis en cause par aucun des acteurs, il faut reconnaître que la multiplicité des politiques, des stratégies déployées et des acteurs n'aide pas à tirer le meilleur profit des moyens engagés.
Sur ce sujet, le Parlement a voté, en loi de finances pour 2011, l'obligation pour le Gouvernement de publier un « jaune budgétaire » sur les crédits dédiés à la politique du tourisme. Ce sera un élément appréciable d'aide à la décision. Mais il faudra aller plus loin. Nous suggérons de profiter de la réforme territoriale pour redéfinir les compétences de chaque niveau de collectivité, puis relancer les contrats de plan Etat-régions pour ce qui concerne leur volet relatif au tourisme. Naturellement, il ne s'agit pas ici d'augmenter les dépenses de l'Etat mais de mieux utiliser l'ensemble des moyens existants.
Par ailleurs, une réforme profonde de la taxe de séjour est aujourd'hui nécessaire car son rendement potentiel n'est pas suffisamment développé. Créée en 1920 au profit des communes touristiques qui le souhaitent, il faut en simplifier la structure et en sécuriser le recouvrement. Seules 2 451 communes ont voté une taxe de séjour pour un produit de plus de 150 millions d'euros. C'est trop peu car il existe en France plus de 5 000 communes touristiques. Le potentiel est donc important. Pourtant, elles hésitent à voter une taxe dont elles doivent ensuite assurer seules le recouvrement auprès des professionnels et des logeurs particuliers. Il faut donc simplifier le barème et l'adapter aux nouvelles normes de classement des hébergements (5 étoiles, Palaces) et inciter davantage de communes à voter une taxe de séjour en étudiant le transfert de son recouvrement à l'administration fiscale, comme pour les taxes pour frais de chambres de métiers ou de CCI. André Chapaveire, vice-président du conseil régional d'Auvergne, président de la fédération nationale des comités régionaux de tourisme a indiqué que l'Auvergne avait triplé les recettes de la taxe de séjour en harmonisant les taux et en incitant davantage de communes à voter cette taxe.
Son produit doit aussi contribuer à financer la promotion de la destination France. Quelques centimes additionnels, indolores pour les touristes et les professionnels, dédiés à un fonds national de promotion de la destination France permettrait de doter une politique forte dans ce domaine, entre 15 à 30 millions d'euros, sans léser les communes et les départements. Ce financement pourrait être étudié lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012.
Il pourrait être complété par une réflexion sur l'élargissement de l'assiette de la taxe de séjour pour la transformer en taxe touristique. Cela peut être mis en débat d'autant que les restaurateurs ont bénéficié d'un abaissement de leur taux de TVA.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Sur ce point, je suggère que l'augmentation de la TVA soit étudiée.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Enfin, des millions de véhicules transitent par nos autoroutes. Une contribution au développement touristique des territoires par les concessions autoroutières est une piste plusieurs fois évoquée dans nos auditions et tables rondes avec les professionnels.
Au cours de nos auditions, nous avons remarqué que d'autres sources de financement sont insuffisamment mobilisées pour soutenir l'investissement. Ainsi, pour la création de nouveaux villages de vacances et de grands projets de resorts, les partenariats public-privé pourraient être développés entre les départements et les promoteurs. En Espagne, les fonds européens sont sollicités par des consortiums de provinces. Il conviendrait en France de reproduire ce schéma, par exemple dans le cadre du projet « Loire Valley ». Enfin, les crédits du grand emprunt fléchés vers l'économie numérique pourraient être sollicités pour financer la future plateforme numérique mise à l'étude par Atout France. De la même manière, les fonds dédiés à la formation et à la recherche pourraient également être mobilisés.
M. Michel Bécot, rapporteur. - Je reviens sur la question de l'accueil et souhaite rappeler qu'il ne faut pas oublier que la qualité de celui-ci ne doit pas seulement faire l'objet de chartes, mais aussi répondre à des critères objectifs et à des certifications. C'est tout un « process » de l'accueil en France qui fait encore défaut. D'un bout à l'autre de cette chaîne, il faut définir comment les acteurs institutionnels et privés doivent recevoir nos hôtes étrangers.
La loi du 22 juillet 2009 de modernisation et de développement des services touristiques a confié à Atout France la responsabilité de définir la stratégie nationale de promotion de la « destination France », conformément aux orientations arrêtées par l'Etat. Deux ans après, la fusion de l'ex Maison de la France et de l'ex Odit France apparaît comme un succès. On constate une véritable synergie entre les différentes missions d'Atout France, et l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées s'accordent sur la compétence et l'efficacité de l'agence.
Néanmoins, une limite apparaît : c'est celle des moyens financiers. Atout France fonctionne de manière partenariale. Il ne peut être crédible vis-à-vis des collectivités territoriales ou des acteurs publics et privés du tourisme qu'il conseille, qu'à la condition de pouvoir prendre en charge sa part des projets. L'adage bien connu, « le payeur est le décideur », s'applique également en matière de promotion touristique. Aussi, compte tenu de la contrainte budgétaire qui s'impose à tous et dans la mesure où il n'est pas envisageable d'augmenter la dotation d'Atout France, sauf redéploiements budgétaires, la piste évoquée de l'optimisation de la taxe de séjour pourrait apporter une solution.
Un point sur lequel notre attention a été attirée est l'empilement des acteurs publics du tourisme : comités régionaux, comités départementaux, offices de tourisme et syndicats d'initiatives communaux. Il en résulte une déperdition d'énergie et un brouillage de la communication, notamment au niveau international. La logique de ces entités, qui raisonnent dans le cadre géographique de leurs limites administratives respectives, est imparfaitement adaptée à la logique de la promotion touristique, qui raisonne d'abord par filières et par destinations. Le tourisme est, très certainement, un domaine dans lequel les collectivités territoriales gagneraient à mieux coordonner leurs moyens.
Un autre phénomène de cloisonnement institutionnel s'observe en ce qui concerne les services de l'Etat à l'étranger. Ainsi, le réseau international des bureaux d'Atout France n'apparaît pas toujours suffisamment intégré au réseau des ambassades et agences françaises à l'étranger. A un moment où le réseau d'Atout France doit s'adapter à la montée des flux touristiques en provenance des pays émergents, une meilleure synergie doit également être recherchée de ce côté-là.
Sur le plan de la prospective économique et de la formation des professionnels du tourisme, sujets sur lesquels Atout France et l'administration ne semblent pas les mieux outillés, il nous a paru intéressant de prendre en compte et de soutenir les travaux d'un cercle plus large d'acteurs, en particulier l'Institut français du tourisme créé par Paul Dubrule et Jean-Jacques Descamps.
Il nous a semblé également que les professionnels du tourisme gagneraient à se fédérer davantage et à gagner en visibilité pour mieux soutenir l'industrie du tourisme. Ainsi, nous a-t-on dit, aucune organisation professionnelle n'est membre du Medef ou de la CGPME.
Enfin, en raison de son importance économique et de son potentiel d'emplois, le tourisme nous paraît mériter d'être pris en compte au plus au niveau de l'Etat. Il faut se doter des moyens de mettre efficacement en oeuvre cette grande politique nationale.
Le tourisme mériterait un ministre qui lui soit tout entier consacré, qu'il soit de plein exercice ou délégué. Ce n'est pas faire injure au titulaire actuel de la fonction que d'observer que sa compétence en matière de tourisme se trouve noyée dans une multitude d'autres attributions. Le choix qui a été fait de rattacher l'administration en charge du tourisme, au sein de la DGCIS, aux administrations économiques et financières, apparaît pertinent. Par le passé, l'administration du tourisme a été rattachée à l'Equipement, à l'Environnement, à la Jeunesse, aux Sports et aux loisirs. La solution actuelle a le mérite de bien reconnaître le tourisme comme secteur majeur de l'économie nationale.
La dimension transversale de la politique du tourisme pourrait justifier la création d'une délégation interministérielle au tourisme, administration légère qui serait chargée de la coordination de l'action de l'Etat. Toutefois, l'existence d'un délégué à compétence générale ne doit pas porter ombrage au ministre en charge du tourisme. Aussi, la solution qui consisterait à nommer des délégués sectoriels, chargés de missions délimitées, à l'exemple du Grand Paris ou d'Eurodisney, me paraît préférable. Elle pourrait s'appliquer, notamment, pour développer le projet « Loire Valley ».
Pour conclure, je voudrais insister sur l'urgence de rénover les « friches touristiques », qui inquiètent tous les professionnels. Cela n'est pas possible sans une aide de l'Etat à l'investissement. Les dispositifs d'incitation fiscale ne visent pas à aider des particuliers, mais à favoriser la rénovation de l'offre touristique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je vois une similitude entre vos réflexions sur le tourisme et la situation de la viticulture. Comment pouvons-nous commercialiser aisément les vins français à l'étranger avec une telle multitude d'étiquettes, de châteaux ? Peut-être gagnerions-nous à développer une marque commune ? De même, historiquement, le développement de l'offre touristique a commencé de manière très décentralisée, autour des offices de tourisme et des syndicats d'initiative.
Vous avez évoqué l'appellation de « Loire Valley » pour accroître la notoriété mondiale du Val de Loire. Je constate que les marques touristiques nationales de l'Espagne et de l'Inde sont formulées en anglais. Peut-être faudrait-il aussi que la France se mette à parler anglais lorsqu'elle s'adresse au reste du monde ?
Vos propositions pour trouver des recettes fiscales nouvelles sont délicates, dans le contexte économique et budgétaire actuel. Personnellement, vous savez que je privilégie la piste d'une augmentation de la TVA.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Le tourisme apparaît comme une activité totalement intégrée dans la mondialisation. Vous avez observé que la France se classe au troisième rang en termes de recettes du tourisme international, derrière les Etats-Unis et l'Espagne. La comparaison avec l'Espagne, qui est un pays de 45 millions d'habitants, me paraît pertinente, mais moins celle avec les Etats-Unis, qui comptent plus de 300 millions d'habitants.
Si l'on rapproche le budget d'Atout France, soit 77 millions d'euros, des recettes procurées à la France par le tourisme international, soit 49,9 milliards de dollars, le rapport apparaît disproportionné. Il y a sans doute une meilleure adéquation à trouver entre les recettes tirées du tourisme et les moyens consacrés à sa promotion.
M. Charles Guené. - Je veux féliciter les rapporteurs pour leur approche pragmatique. On devrait distinguer davantage le tourisme haut de gamme et le tourisme que je qualifierais d'ordinaire. Ce dernier a longtemps fait figure « d'économie du pauvre », et a été traité avec un certain manque de professionnalisme. On a beaucoup de difficultés à impliquer les gens sur le terrain. Il serait intéressant de savoir comment, dans les pays étrangers, on réussit à faire participer les professionnels au financement de la promotion touristique. En France, on sait combien il est difficile de collecter la taxe de séjour.
Un autre élément de réflexion concerne les 3 à 4 milliards d'euros qui ont été consacrés à la baisse de la TVA sur la restauration, qui bénéficie largement au tourisme et à la rénovation d'équipements obsolètes. Il faudra se poser la question du bilan de cette mesure, quand il sera question en 2014, à l'échéance de cet avantage fiscal, de la prolonger.
Enfin, vous avez abordé la question de la réforme territoriale. Dans le domaine du tourisme, il y aurait matière à rationaliser notre politique, car la pléthore d'organismes et la dispersion des crédits ne permettent pas de construire une promotion cohérente de nos territoires. Trop souvent, nous assistons à une juxtaposition de réclames locales qui ne se déclinent pas en fonction d'une image de marque clairement identifiée.
M. François Fortassin. - Je voudrais évoquer deux exemples de ce qui me paraît contreproductif pour le tourisme dans notre pays. Premièrement, la restauration dans les établissements d'autoroute est tout à fait médiocre, et ne peut pas donner aux nombreux touristes étrangers qui s'y arrêtent une bonne image de la gastronomie française. Il faudrait obliger les sociétés d'autoroute à imposer une charte de qualité aux restaurants qu'elles concèdent. Deuxièmement, on mange de façon correcte dans l'ensemble de mon département, les Hautes-Pyrénées, qui accueillent 5 à 6 millions de touristes par an, sauf à Lourdes, pourtant haut lieu du tourisme cultuel. Là aussi, cette négligence me paraît contreproductive.
Mme Élisabeth Lamure. - Pour éviter l'éparpillement des actions, quel devrait être l'axe principal d'une grande politique du tourisme ? Faut-il valoriser notre patrimoine, comme dans le Val de Loire ? Et pourquoi ne pas installer des hôtels dans les monuments historiques, notamment à Chambord ?
M. Gérard Bailly. - La réforme territoriale devrait être l'occasion de redéfinir les compétences des collectivités territoriales en matière de tourisme. Mais ce ne sera pas facile, car chaque niveau souhaite intervenir. Nous avons pourtant besoin de clarté.
En ce qui concerne la taxe de séjour, il faut en sécuriser le recouvrement et la rendre obligatoire. Je suis également favorable à tirer des autoroutes des recettes supplémentaires pour la promotion touristique.
Je veux aussi exprimer deux inquiétudes. La première est relative à la charge résultant pour les hôtels de la mise aux normes de sécurité et d'accessibilité pour les personnes handicapées. Beaucoup d'établissements ne peuvent pas y faire face, et ont l'intention de cesser leur activité. Il faut trouver des ressources pour les accompagner dans cet effort. Ma deuxième inquiétude concerne la qualité de l'accueil, qui est trop souvent médiocre. Ne peut-on envisager de rendre obligatoire une formation à l'accueil ?
M. Philippe Adnot. - A la différence des rapporteurs, je ne suis pas favorable au regroupement des organismes de promotion touristique, qui favoriserait exclusivement les capitales régionales. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment de confusion : les offices de tourisme et les syndicats d'initiative s'occupent de l'accueil local, tandis que les comités départementaux et régionaux du tourisme s'occupent de la promotion nationale et internationale.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ma commune, située sur le bassin d'Arcachon, double sa population en juillet et en août. Ses équipements publics doivent être dimensionnés en conséquence. Il faudrait que le calcul de la dotation globale de fonctionnement en tienne compte.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je voudrais savoir ce que les rapporteurs pensent du développement des labels de sites touristiques, comme celui des plus beaux villages de France ou celui des plus beaux détours de France ? Par ailleurs, l'abaissement de la durée légale du travail à 35 heures me paraît nuire à la compétitivité du tourisme en France.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Je confirme à Monsieur Guené que, dans un pays comme l'Espagne, les fédérations professionnelles du tourisme participent très largement au financement de l'effort de promotion. Nous approfondirons cette question dans le rapport écrit.
Je ne serais pas aussi critique que M. Fortassin, mais je lui accorde qu'il y a des efforts à faire pour améliorer la qualité de la restauration sur les aires d'autoroutes, notamment pour l'adapter à la gastronomie des régions traversées.
En réponse à Madame Lamure, je précise que nous ne nous sommes pas avancés à indiquer nous-mêmes quels devraient être les axes de la politique touristique. Nous soulignons fortement la nécessité d'une grande politique du tourisme. Pour le reste, nous avons, avec Atout France, un outil dont tous les opérateurs touristiques nous disent du bien : il faut lui donner les moyens de définir ces axes. En ce qui concerne les monuments historiques, pourquoi ne pas installer un hôtel dans Chambord ? N'ayons pas de tabous.
Je suis d'accord avec Monsieur Bailly sur l'importance de l'accueil. En fait, il faudrait transformer la culture des Français, pour qu'ils deviennent un peuple accueillant.
Monsieur Arthuis, les labels touristiques, qui se développent par cooptation, me paraissent utiles pour structurer l'offre. Je partage votre opinion quant aux 35 heures, qui sont bien entendu lourdes de conséquences pour une industrie de main d'oeuvre comme le tourisme.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Une hausse modérée de la TVA pourrait nous permettre d'alléger les charges sociales.
M. Michel Bécot, rapporteur. - Il ne suffit pas de vouloir une grande politique du tourisme, il faut aussi s'en donner les moyens. En ce qui concerne l'amélioration de l'accueil, il faut déterminer une méthodologie, recourir aux techniques de certification. Monsieur Adnot, nous ne préconisons pas le regroupement des structures locales du tourisme, mais leur mise en réseau. Madame Des Egaulx, les communes touristiques comme la vôtre bénéficient déjà de dotations spécifiques. Les labels touristiques intéressent davantage la clientèle nationale que les touristes internationaux, mais ils constituent une manière efficace pour les communes concernées de se démarquer.
A l'issue de ce débat, la commission des finances et la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire donnent acte à MM. André Ferrand et Michel Bécot, rapporteurs, de leur communication et en autorisent la publication sous la forme d'un rapport d'information.
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -
Travaux de la table ronde nationale sur l'efficacité énergétique - Désignation d'un représentant
La commission procède ensuite à la désignation de M. Ladislas Poniatowski, sénateur de l'Eure, en tant que représentant du Sénat aux prochains travaux de la table ronde nationale sur l'efficacité énergétique, installée par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Amélioration et sécurisation du droit de préemption - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur le texte n° 617 (2010-2011), adopté par la commission sur la proposition de loi n° 323 (2010-2011) visant à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption.
A l'article 1er bis (préemption partielle), la commission adopte un sous-amendement de M. Hervé Maurey, rapporteur, à l'amendement n° 27 du Gouvernement, précisant que le propriétaire peut exiger l'acquisition de l'ensemble du bien lorsque la préemption partielle entraînerait une dévalorisation du bien.
A l'article 3 (transfert de propriété et paiement du prix), la commission adopte un sous-amendement de M. Hervé Maurey, rapporteur, à l'amendement n° 28 du Gouvernement, rétablissant le membre de phrase « si le transfert de propriété est intervenu ».
A l'article 6 (doit de rétrocession en cas d'annulation des décisions de préemption), la commission adopte un amendement de M. Hervé Maurey, rapporteur, visant à prendre en compte l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'État.
La commission émet ensuite les avis suivants :
Certificats d'obtention végétale - Examen des amendements au texte de la commission
Puis la commission examine les amendements sur le texte n° 619 (2010-2011), adopté par la commission sur la proposition de loi n° 720 (2009-2010) relative aux certificats d'obtention végétale.
A l'article 1er A (article L. 412-1 du code de la propriété intellectuelle), la commission adopte un amendement procédant à des coordinations rédactionnelles ;
A l'article 7 (article L. 623-12 du code de la propriété intellectuelle), la commission adopte un amendement de coordination rédactionnelle s'agissant de la nouvelle dénomination de l'instance chargée de délivrer les certificats d'obtention végétale.