- Mardi 23 mars 2010
- Conventions fiscales - Audition de M. Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE
- Conventions fiscales - Audition de Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale
- Conventions fiscales - Audition de MM. Jean-François Casabonne-Masonnave, Paul-Bertrand Barets et Grégoire Masnou, représentants du ministère des affaires étrangères et européennes
- Mercredi 24 mars 2010
Mardi 23 mars 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Conventions fiscales - Audition de M. Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le Sénat est appelé à se prononcer sur dix-huit projets de loi visant à ratifier, d'une part, douze accords, sous forme d'échange de lettres, relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale et, d'autre part, six avenants à des conventions fiscales traitant de la suppression des doubles impositions. La technicité des accords, tout comme les aspects politiques, ont conduit la commission des finances à organiser trois auditions afin de mieux comprendre la politique conventionnelle fiscale française. Cette dernière résulte notamment de l'action, directe ou indirecte, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de la direction de la législation fiscale et du ministère des affaires étrangères
M. Pascal Saint-Amans, chef de la division chargée de la coopération internationale et de la compétition fiscale à l'OCDE, a souligné que la ratification d'accords fiscaux d'échange de renseignements en matière fiscale est un sujet d'actualité partagé par de nombreux membres de l'OCDE, compte tenu de l'intensification de la lutte contre la fraude fiscale depuis un an.
Présentant le contexte particulier dans lequel s'inscrivent les projets de loi de ratification, il a indiqué que l'année 2009 a constitué « une année révolutionnaire » dans la mesure où, depuis cette date, il est désormais risqué de dissimuler des capitaux à des fins de non-imposition. Dès 1996, le G7 réuni à Lyon a pris conscience des difficultés posées par l'évasion fiscale. En 1998, un rapport de l'OCDE sur la concurrence fiscale dommageable (« Harmful tax competition ») a défini les quatre critères d'identification d'un paradis fiscal : des impôts insignifiants ou inexistants, l'absence de transparence sur le régime fiscal, l'absence d'échanges de renseignements fiscaux avec d'autres Etats, l'absence d'activités économiques substantielles. Sur la base de ces critères, quarante paradis fiscaux ont été identifiés à la fin des années 1990.
En 2002, l'OCDE a créé le concept d'Etat non coopératif en matière d'échange de renseignements, et formalisé un certain nombre de standards internationaux à respecter afin de ne pas être qualifié de juridiction non coopérative. L'échange d'informations constitue un axe pertinent d'action, car les paradis fiscaux étant caractérisés par une fiscalité inexistante ou insignifiante, les accords visant à proscrire la double imposition ne sont pas les instruments pertinents pour lutter contre l'évasion fiscale.
Le modèle d'accord d'échange de renseignements à des fins fiscales reprend l'article 26 du modèle de convention de non double-imposition. Les standards promus par l'OCDE sont les suivants : l'échange d'informations est fait sur demande, lorsque l'information est vraisemblablement pertinente, la nature de cette information pouvant être fiduciaire ou bancaire.
Toutefois, en l'absence d'une volonté politique internationale forte, l'échange d'informations en matière fiscale ne s'est pas sensiblement amélioré avant 2008, et ce d'autant moins que les juridictions visées critiquaient le caractère unilatéral de ces accords et l'absence de bénéfices mutuels. En 2008, la situation politique internationale évolue avec le scandale du Liechtenstein, la crise financière et grâce à l'élection de M. Barack Obama, qui dans ses fonctions précédentes avait signé un texte de loi (« Stop tax haven abuses act ») permettant aux autorités américaines d'exiger des données confidentielles concernant des comptes bancaires, y compris dans les paradis fiscaux recensés par Washington. En 2009, ce changement a été confirmé par le sommet du G 20 de Londres qui a publié deux listes d'Etats non coopératifs en matière fiscale. Cette même année, les grandes places financières comme la Suisse, le Luxembourg, Singapour, Hong Kong, Andorre, le Liechtenstein et Monaco ont adopté les standards de l'OCDE
Les critères de classement des Etats non coopératifs sont les suivants : la liste « blanche » regroupe les Etats qui ont signé au moins douze accords d'échanges d'information à des fins fiscales ; la liste « grise » concerne les Etats qui se sont engagés à signer des accords d'échanges ; la liste « noire » rassemble enfin les Etats qui n'ont pris aucun engagement. En avril 2009, vingt-deux Etats ont pu être retirés de la liste grise, deux Etats supplémentaires devraient connaître le même sort en 2010. Au total, 400 accords auraient été signés dont cinquante entre des paradis fiscaux.
M. Jean Arthuis, président, s'est étonné que l'inscription sur la liste blanche puisse être autorisée, alors même que l'Etat n'a signé des accords qu'avec des paradis fiscaux.
M. Pascal Saint-Amans a confirmé que la qualité des signataires de l'accord n'est pas un critère retenu pour le passage sur la liste blanche. Il a toutefois souligné que peu d'Etats se contentent de signer douze conventions, et que la plupart continuent à signer des accords au-delà de cette limite.
Par ailleurs, il a fait observer que les listes seront désormais contrôlées. En effet, le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales a décidé, en 2009, de franchir une étape supplémentaire en lançant un programme d'évaluation de l'application des standards de l'OCDE. Fondée sur le principe de l'examen par les pairs (« peer review »), l'évaluation comporte deux phases :
- la première phase conduit deux pays examinateurs, assistés du secrétariat du Forum, à étudier la pertinence du réseau conventionnel du pays examiné sur le fondement des réponses apportées aux trois questions suivantes: les accords ont-ils été signés avec les partenaires de cet Etat ? La ratification des accords signés est-elle en cours ? Le cadre législatif et réglementaire est-il adapté aux nouveaux engagements de cet Etat ?
- la seconde phase a pour objectif de dresser un bilan quantitatif et qualitatif des échanges d'information effectués.
Depuis, le 10 mars 2010, dix-huit juridictions sont l'objet d'une évaluation qui débouchera sur l'adoption d'un nombre équivalent de rapports par le Forum mondial.
S'agissant de la cellule de régularisation mise en place par le ministère français de l'économie pour inciter les évadés fiscaux à se dénoncer, M. Pascal Saint-Amans a fait remarquer que d'autres Etats que la France ont mis en place une structure similaire.
M. Jean Arthuis, président, s'est félicité de l'augmentation des accords d'échange d'information qui traduit un nouvel état d'esprit. L'évaluation des standards de l'OCDE est un exercice prometteur à condition que des moyens efficaces y soient alloués.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité connaître la place de la France au sein du comité des affaires fiscales de l'OCDE.
M. Pascal Saint-Amans a souligné que la France est un membre dynamique, qui a permis de politiser au niveau international la question des échanges de renseignements à des fins fiscales, rendant ainsi possible la levée du secret bancaire dans des pays particulièrement rétifs à ce changement comme la Suisse. Les conférences internationales de Paris, le 21 octobre 2008, et de Berlin, le 23 juin 2009, organisées notamment à l'initiative de M. Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, illustrent le rôle actif joué par la France.
M. Bernard Angels a souhaité connaître le bilan de la surveillance des prix de transfert au sein des entreprises.
M. Pascal Saint-Amans a indiqué que la définition du prix des transactions intra-groupe est couverte par l'article 9 du modèle de convention fiscale de l'OCDE, fondé sur le principe de pleine concurrence, c'est-à-dire que ces transactions doivent être conduites par les établissements du groupe comme s'il n'existait aucun lien entre eux. Les prix de transfert constituent un enjeu majeur pour les Etats dans lesquels sont situées les sociétés internationales, car ils peuvent directement influencer la matière taxable compte tenu des possibilités d'optimisation fiscale. Si les prix de transfert sont particulièrement contrôlés par les administrations fiscales françaises et allemandes, il n'existe pas de suivi de l'OCDE, qui ne s'intéresse qu'à l'application du contrôle fiscal en matière de prix de transfert, et qui ne dispose à ce jour d'aucune information sur les montants en jeu. Depuis janvier 2010, l'organisation a toutefois lancé des travaux complémentaires afin de mettre en place un système d'information permettant d'identifier, par pays, la matière taxable et le montant d'impôt effectivement payé par les sociétés multinationales. Cette initiative a fait suite au constat selon lequel les pays en développement seraient également des victimes des logiques d'optimisation en matière de transactions intra-groupe.
Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur la localisation des activités relatives au commerce électronique, M. Pascal Saint-Amans a expliqué que l'OCDE a élaboré des principes directeurs dès le début des années 2000 dans le cadre de son comité des affaires fiscales. Il existe aujourd'hui « un corpus de droit mou » qui traite de cette problématique.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que le commerce électronique se caractérise par des assiettes taxables difficiles à identifier.
M. François Trucy s'est demandé si les critères relatifs aux paradis fiscaux peuvent être renforcés, et si les propriétaires des capitaux hébergés dans ces juridictions continuent d'être exonérés en matière fiscale.
M. Pascal Saint-Amans a observé que le coût de la fraude s'est sensiblement accru, l'évasion fiscale représentant désormais un comportement à risques compte tenu des pénalités financières ou pénales en vigueur.
Mme Nicole Bricq s'est étonné que le Chili puisse être inscrit sur la liste blanche de l'OCDE alors qu'il figure sur la liste noire de la France, ce qui pose un problème de coordination des décisions nationales et internationales. Elle a souligné que la liste française se justifie par le fait que certains Etats non coopératifs peuvent être quittes de leurs engagements en matière d'échanges d'informations alors mêmes que les accords signés ne le sont qu'avec d'autres Etats non coopératifs.
Rappelant que le Chili applique un taux d'impôt sur les sociétés de 19 % et dispose d'une administration fiscale jugée performante, M. Pascal Saint-Amans a indiqué que l'adhésion de ce pays à l'OCDE a été subordonnée à son engagement de lever le secret bancaire. Ayant signé un nombre suffisant d'accords d'échange de renseignements, le Chili a été retiré de la liste grise en décembre 2009.
Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur les délais de ratification des accords par les différents Etats concernés, M. Pascal Saint-Amans a indiqué qu'un groupe de travail a été constitué au sein de l'OCDE, car les délais moyens entre la négociation des accords et l'entrée en vigueur de ces derniers ne sont pas satisfaisants dans certains cas.
M. Adrien Gouteyron a souhaité obtenir des précisions, d'une part, sur les modalités de sélection des pays examinateurs dans le cadre de la procédure d'examen par les pairs et, d'autre part, sur les principaux domaines où le modèle de convention de l'OCDE est en retrait par rapport à la position conventionnelle française.
M. Pascal Saint-Amans a précisé les éléments suivants. L'examen par les pairs, qui inclut les 91 pays membres du Forum, comprend trois étapes :
- l'envoi d'un questionnaire afin de connaître les spécificités du pays ;
- la rédaction d'un rapport par deux pays et le secrétariat du forum ;
- l'adoption du rapport par le groupe d'examen des pairs en juillet 2010, puis par le Forum mondial, lors de sa réunion à Singapour à l'automne 2010.
Un délai de quatre à six mois est prévu entre le lancement du processus d'examen d'un pays et l'adoption du rapport.
S'agissant des différences entre les modèles, le modèle français de convention d'échanges d'informations est plus restrictif que celui de l'OCDE, notamment en ce qui concerne le partage des frais pour la collecte d'information, ou les exceptions à l'échange de renseignements.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'existence d'une éventuelle procédure de déclassement dans le cas où les Etats inscrits sur la liste grise n'appliquent pas les engagements souscrits.
M. Pascal Saint-Amans a indiqué qu'une procédure d'alerte est en vigueur afin de signaler le non-respect des engagements, et que des représailles peuvent être décidées.
Conventions fiscales - Audition de Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale
La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé, à titre liminaire, le caractère exceptionnel de l'année 2009 sur le plan de la politique fiscale bilatérale de la France en matière d'échange de renseignements. Toutefois, il s'est interrogé sur le stock des accords à ratifier et plus particulièrement sur la longueur des délais constatés entre le premier cycle de négociations et la ratification des accords. Puis il a souhaité disposer d'une présentation de l'articulation de l'action des trois ministères impliqués dans la conduite de la politique fiscale conventionnelle : le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et le ministère des affaires étrangères et européennes.
Tout en soulignant la complexité technique des accords en matière de coopération fiscale, Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale, a relevé l'affirmation récente de leur dimension politique. Si la lutte contre les paradis fiscaux constitue une priorité depuis de nombreuses années, tant au niveau bilatéral que multilatéral, comme en témoignent les travaux de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l'Union européenne, elle a connu ces deux dernières années une ampleur particulière. La crise financière a constitué, à certains égards, un accélérateur certain qui a conduit le G 20, au sommet de Londres du 2 avril 2009, à afficher une ambition « spectaculaire » ainsi que des engagements « inédits » en matière de développement de la coopération fiscale.
Abordant les dernières évolutions postérieures au sommet, elle a observé que l'essentiel de la première étape du processus décidé par l'OCDE a été accompli. Celle-ci consiste en la conclusion d'accords relatifs à l'échange d'informations ainsi qu'aux obligations de transparence. S'agissant de l'effectivité de tels instruments, une procédure d'évaluation des différents engagements pris par les Etats en matière de coopération fiscale a été mise en oeuvre par le forum mondial de l'OCDE sur la transparence et l'échange de renseignements.
Répondant à M. Jean Arthuis, président, sur les retards constatés lors du processus conventionnel, Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé les différentes étapes de la procédure de conclusion d'un accord fiscal, convenant que certains accords étaient parfois, dans le passé, entrés en vigueur plus de dix ans après le premier paraphe. Cependant, elle a souligné que de nets progrès ont été réalisés conduisant à un raccourcissement substantiel des délais, qui varient aujourd'hui de quelques mois à moins de trois ans.
S'agissant des raisons de ces retards, elle a mis en avant les contingences administratives, la survenance d'événements modifiant l'équilibre de l'accord ou, plus rarement, les désaccords sur le partage du droit d'imposition ou celui des recettes fiscales.
En ce qui concerne les responsabilités respectives des trois ministères concernés, Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ainsi que le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat sont en charge de la négociation des accords tant bilatéraux que dans les enceintes multilatérales telles que le G 20. Le ministère des affaires étrangères et européennes intervient dans la finalisation du processus ainsi que dans la préparation du projet de loi autorisant la ratification.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur l'état d'avancement de la coopération fiscale avec la Suisse. Il a demandé si l'exclusion de la clause relative à la « pêche aux informations », mentionnée à l'article 10 de l'avenant à la convention fiscale conclue avec ce pays, prive d'effectivité les engagements pris au titre de cet avenant, notamment pour toute demande concernant les « trusts », les fiducies ou les « holdings ». Il a souhaité connaître l'interprétation de la direction de la législation fiscale sur les applications concrètes de cette clause. Enfin, s'agissant de l'articulation de la politique conventionnelle bilatérale de la France avec l'action de l'Union européenne, il a demandé si les résistances du Luxembourg et de l'Autriche en matière de coopération fiscale ont été surmontées.
Mme Marie-Christine Lepetit a tout d'abord rappelé qu'il existe trois modèles des meilleures pratiques d'échange de renseignements : l'échange spontané, l'échange dit « automatique » ou bien encore l'échange à la demande. Depuis le sommet du G 20, tenu en avril 2009, elle a constaté que ce dernier modèle est en voie de généralisation, conformément aux positions prises par les Etats à ce sommet. L'échange automatique d'informations ne constitue donc qu'une option qui peut être utilisée dans le cadre de négociations bilatérales d'un accord fiscal. Il est cependant au coeur des discussions communautaires puisque le projet de révision de la directive en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, qui est en cours d'examen, améliore les conditions d'échange automatique de renseignements.
Mme Marie-Christine Lepetit a alors précisé que l'avenant conclu avec la Suisse s'inscrit, pour sa part, dans le cadre de l'échange à la demande, conformément au modèle élaboré par l'OCDE. En conséquence, toute interrogation effectuée « au hasard », sans être accompagnée d'indication ou des raisons justifiant la demande, n'est pas autorisée.
Puis M. Adrien Gouteyron et M. Philippe Marini, rapporteur général, se sont interrogés sur les modalités de l'encadrement de l'appréciation par les parties du bien-fondé des raisons justifiant la demande de renseignements. En réponse, Mme Marie-Christine Lepetit a précisé que les termes utilisés dans l'avenant proviennent de l'accord-cadre élaboré par l'OCDE. Ils signifient que l'échange à la demande doit être circonstancié, fondé sur des raisons pertinentes et formulé sur la base de recherches préalables. Il ne peut avoir de caractère systématique ou statistique. Elle a ensuite tenu à rassurer les commissaires sur l'absence d'ambiguïté tenant à l'interprétation de l'engagement des parties en matière d'échange de renseignements, y compris des données bancaires. Une lettre interprétative de l'avenant autorise la demande de renseignements, même en l'absence d'informations complètes de la part du demandeur. Ainsi l'administration fiscale française peut à titre d'illustration, obtenir la communication d'informations bancaires en l'absence de transmission d'un numéro de compte.
A la question de M. Adrien Gouteyron sur la portée de la lettre interprétative, Mme Marie-Christine Lepetit a confirmé que celle-ci éclaire la convention fiscale et est donc dotée de la même force juridique.
En outre, en réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le traitement d'une demande de renseignements portant sur des « trusts », fiducies ou « holdings », elle a précisé que ces entités sont couvertes par l'accord d'échange de renseignements conclu avec la Suisse. Néanmoins, ce sujet nécessite une vigilance particulière dans le cadre de l'OCDE.
En ce qui concerne l'attitude de l'Autriche et du Luxembourg en matière de coopération fiscale, Mme Marie-Christine Lepetit a expliqué que la démarche de la Commission européenne de lutte contre les paradis fiscaux consiste à mettre à jour un ensemble de textes, législatifs ou conventionnels, existants ou en cours d'élaboration, tels que la directive sur la fiscalité de l'épargne, la directive sur la coopération administrative pour l'établissement du montant des taxes et impôts et celle sur l'assistance mutuelle en matière de recouvrement de créances fiscales ainsi que le mandat de négociation de l'Union avec les paradis fiscaux, y compris le Liechenstein, plutôt que d'élaborer un texte spécifique. Elle a déploré qu'un tel procédé de négociation globale liant des textes de nature différente ait conduit à une situation de blocage dans le cas de l'opposition d'un Etat à l'un des textes. Elle a illustré son propos par l'hostilité des deux Etats précités au projet de révision de la directive sur la fiscalité de l'épargne.
Elle s'est néanmoins félicitée que la présidence du Conseil européen par l'Espagne au premier semestre 2010 ait permis de tendre vers une solution en désolidarisant les négociations sur la directive sur l'assistance mutuelle en matière de recouvrement de celles relatives aux autres textes. Le conseil pour les affaires économiques et financières a ainsi pu adopter ce projet en janvier 2010. S'agissant des autres textes, Mme Marie-Christine Lepetit a déploré le blocage créé par le Luxembourg et l'Autriche, qui conditionnent leur accord à une entrée en vigueur différée de la directive sur la fiscalité sur l'épargne ainsi qu'à la conclusion d'accords équivalents avec d'autres paradis fiscaux. Néanmoins, un compromis devrait être proposé avant la fin du premier semestre afin que le territoire de l'Union ne constitue pas une exception aux meilleures pratiques d'échange de renseignements.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est alors interrogé tant sur les conditions permettant un dénouement favorable à la situation actuelle de blocage que sur les conséquences d'un échec éventuel des négociations. En réponse, Mme Marie-Christine Lepetit a rappelé que les textes doivent être adoptés à l'unanimité. En l'absence d'un tel accord, les textes non modifiés demeurent en vigueur.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité obtenir des précisions complémentaires sur les modalités du contrôle effectué en matière de restitution des retenues à la source à l'administration fiscale française, ainsi que sur l'état d'avancement de la coopération fiscale avec le Luxembourg et l'Autriche. En réponse, Mme Marie-Christine Lepetit a observé que la mise en oeuvre des accords relève avant tout de la volonté politique. S'agissant du Luxembourg, l'avenant à la convention est conforme au modèle établi par l'OCDE. Elle s'est félicitée d'un tel accord, qui améliore de manière substantielle la transparence fiscale. Elle a précisé que des négociations sont en cours avec l'Autriche en matière d'échange de renseignements. Elle a ajouté que l'adoption de la révision de la directive sur la fiscalité de l'épargne fera de l'Union européenne un territoire en avance sur les problématiques de coopération fiscale.
En réponse à la question de M. Albéric de Montgolfier sur la fiabilité des réponses données dans le cadre d'une demande de renseignements, Mme Marie-Christine Lepetit a souligné que, en dépit d'une compétition fiscale certaine entre Etats, les univers communautaire et multilatéral ne sont pas marqués par la suspicion. Ce sont des « univers de confiance mais pas de naïveté ». Elle est ainsi convenue de l'existence de mécanismes de contournement des règles inscrites dans la directive sur la fiscalité de l'épargne, évoquant la possibilité pour les trusts et fiducies d'échapper à la retenue à la source. Elle a conclu que s'il est impropre de considérer que les dernières étapes réalisées en matière d'échange de renseignements mettent fin à l'existence des paradis fiscaux, elles constituent cependant des avancées majeures non seulement en droit mais également dans les pratiques. Elle a illustré son propos par la mise en place, dans le cadre du forum mondial, d'une organisation d'évaluation de l'application des accords signés par les Etats en matière d'échange de renseignements : le groupe d'évaluation des juridictions non coopératives du forum global de l'OCDE sur la transparence et l'échange d'informations présidé par M. François d'Aubert. Ajoutant que le champ d'investigation du groupe est « planétaire », elle a précisé que la France fera l'objet d'une évaluation par cette structure à la fin de l'année. En conclusion, elle a insisté sur la nécessité de demeurer vigilant sur l'aboutissement d'une telle démarche.
Conventions fiscales - Audition de MM. Jean-François Casabonne-Masonnave, Paul-Bertrand Barets et Grégoire Masnou, représentants du ministère des affaires étrangères et européennes
Enfin, la commission a entendu MM. Jean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire à la direction des Français à l'étranger et de l'administration générale, Paul-Bertrand Barets, sous-directeur des affaires économiques internationales à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats et Grégoire Masnou, adjoint au sous-directeur des accords et traités à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et européennes.
M. Jean Arthuis, président, a expliqué à titre liminaire que, dans une période où le Parlement est invité à autoriser la ratification de nombreuses conventions fiscales, la commission des finances souhaite comprendre les conditions de l'élaboration de ces textes et s'assurer de l'effectivité de leur application. Dans cette optique, il a souhaité que les intervenants, d'une part, précisent le rôle du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) dans ce processus et, d'autre part, indiquent les raisons du délai souvent long séparant la signature des conventions de leur ratification.
M. Jean-François Casabonne-Masonnave, sous-directeur des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire à la direction des Français à l'étranger et de l'administration générale du ministère des affaires étrangères et européennes, a tout d'abord décrit le contexte dans lequel sont actuellement signées de nombreuses conventions fiscales. Jusqu'à une époque récente, la lutte contre les paradis fiscaux n'allait pas de soi, mais un consensus international est apparu sur ce sujet au cours des dix-huit derniers mois.
En outre, il a souligné l'hétérogénéité des situations des pays partenaires, certains ne disposant même pas de législation et d'administration fiscales, ce qui rend difficile la recherche des interlocuteurs pertinents.
M. Paul-Bertrand Barets, sous-directeur des affaires économiques internationales à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes, a souligné l'importance des enceintes multilatérale, dans lesquelles la France est très active, en matière de lutte contre le secret bancaire. Ainsi, dans une déclaration émise lors de leur réunion à Toyako, en juillet 2008, les chefs d'Etat et de gouvernement des pays du G8 ont incité « tous les pays qui n'ont pas encore instauré intégralement les normes de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) en matière de transparence et de partage efficace des renseignements dans le domaine fiscal à le faire sans plus tarder » et encouragé « l'OCDE à intensifier ses travaux en matière de fraude fiscale », tout en demandant à cette organisation de leur présenter un rapport en 2010. Le MAEE a d'ailleurs proposé que la France adopte une position ambitieuse dès le début des préparatifs de ce sommet, à l'automne 2007, à un moment où notre pays était encore assez isolé sur cette question.
Il a déclaré que, à la suite du G8 de Toyako, dans un contexte marqué par la crise financière et par la mise au jour de plusieurs scandales d'évasion fiscale, Bercy a pris le relais de manière efficace. Ainsi, M. Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et M. Peer Steinbrück, alors ministre des finances de la République fédérale d'Allemagne, ont lancé, à l'automne 2008, au sein de l'OCDE, une initiative conjointe en vue de lutter contre les paradis fiscaux.
M. Paul-Bertrand Barets a estimé que la réunion du G20 à Londres, en avril 2009, a constitué une étape décisive, les dirigeants affirmant clairement, dans leur communiqué final, que « l'ère du secret bancaire est terminée ». Puis, lors du sommet de Pittsburgh, en septembre 2009, un processus de « revue par les pairs » a été avalisé par les dirigeants du G20 afin d'assurer l'effectivité du changement de comportement des juridictions non coopératives. Cette impulsion politique devrait se manifester de nouveau à l'occasion des prochaines réunions du G8 et du G20.
S'agissant de l'élaboration des conventions fiscales signées par la France, M. Jean-François Casabonne-Masonnave a indiqué que le rôle du MAEE est limité. Par ailleurs, il a reconnu qu'il n'existe pas de motif satisfaisant justifiant la lenteur du processus de ratification. Il est vrai, cependant, que jusqu'à un passé récent, ces textes ne figuraient pas parmi les premières priorités gouvernementales, alors même que la ratification des traités constitue une tâche « lourde et permanente » pour le MAEE.
En réponse à une interrogation de M. Jean Arthuis, président, M. Jean-François Casabonne-Masonnave a précisé que la négociation de ces conventions est menée par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Pour sa part, la direction des affaires juridiques du MAEE effectue des tâches de vérification du respect du droit et de mise en forme de l'accord.
M. Grégoire Masnou, adjoint au sous-directeur des accords et traités à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et européennes, a ajouté que sa direction intervient :
- d'une part, pour avis, sur le projet d'accord, afin d'anticiper son passage devant le Conseil d'Etat ;
- d'autre part, pour effectuer le suivi de ces traités de leur « naissance » à leur publication, voire, le cas échéant, jusqu'à leur dénonciation ou à leur abrogation.
Il a relevé que le processus de ratification des accords signés au début de l'année 2009 a été lancé dans le nouveau contexte créé par la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République (n° 2008-724 du 23 juillet 2008), qui impose notamment l'élaboration d'une étude d'impact pour les textes soumis au Parlement. Cette procédure, qui s'applique également aux projets tendant à autoriser la ratification des traités internationaux, a entraîné un retard qui ne devrait pas se reproduire à l'avenir. De plus, le secrétariat général du Gouvernement s'attache à réduire les délais de consultation interministérielle de ces textes. Il pourrait également être envisagé de s'inspirer des pratiques de pays, comme le Royaume-Uni, qui disposent d'une procédure de ratification implicite par le Parlement, l'autorisation de ratifier étant supposée acquise à défaut d'inscription dans un certain délai.
M. Jean-François Casabonne-Masonnave a ajouté que les dix-huit projets actuellement en cours de navette parlementaire devraient être suivis, d'une part, par deux conventions récemment signées avec l'Uruguay et le Vanuatu et, d'autre part, par une série d'accords avec les Etats ou territoires figurant dans l'arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts, dont au moins une dizaine devraient être signés cette année.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître l'évolution du processus de ratification de la convention signée avec la Confédération helvétique.
M. Jean-François Casabonne-Masonnave a fait valoir que ce dossier est principalement piloté par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le MAEE ne disposant, pour sa part, que des informations que lui fait remonter l'ambassadeur de France en Suisse. A cet égard, il a observé que les ambassadeurs peuvent contribuer à replacer la conclusion des conventions fiscales dans le cadre général des relations de la France avec les Etats étrangers et attirer l'attention de l'ensemble des administrations sur la nécessité d'être attentif à la manière dont sont présentés ces dossiers. S'agissant de la Suisse, il a estimé que la suite du processus dépend de la constance de la volonté politique manifestée par la France.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », s'est interrogé sur le rôle des postes diplomatiques dans la phase de négociation des conventions.
M. Jean-François Casabonne-Masonnave a expliqué que l'ambassade intervient « par exception » sur ces sujets, lorsqu'une difficulté particulière survient. De même, lorsque les autorités d'un pays constatent sa présence sur la liste française des Etats ou territoires non coopératifs, c'est l'ambassadeur de France accrédité auprès d'elles qu'elles convoquent afin d'obtenir des explications.
Puis, en réponse à une question formulée par M. Adrien Gouteyron, il a jugé difficile d'établir un pronostic sur la date de révision éventuelle des conventions actuellement soumises au Parlement. A priori, ces textes ont vocation à fournir un cadre pour les moyen et long termes mais la vérification du caractère effectif de la coopération des pays partenaires sera déterminante.
M. Adrien Gouteyron, s'est enfin interrogé sur les conséquences d'un refus, par le Parlement, d'autoriser la ratification d'une telle convention, M. Jean Arthuis, président, se demandant si un tel refus ne pourrait pas constituer un signal politique fort à l'adresse de certains pays.
M. Jean-François Casabonne-Masonnave a considéré que toute décision du Parlement a, par définition, une portée politique.
Mercredi 24 mars 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Audition de M. François Pérol, président du directoire du groupe Banques populaires et Caisses d'épargne
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. François Pérol, président du directoire du groupe Banques populaires et Caisses d'épargne.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission avait auditionné M. François Pérol le 29 avril 2009, dans le cadre du projet de loi portant création de l'organe central des Caisses d'épargne et des Banques populaires. Ce texte a été adopté le 18 juin 2009, puis le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement a accordé le 23 juin de la même année son agrément à la nouvelle structure, qui est aujourd'hui le deuxième groupe bancaire français. La fusion des groupes Banques populaires et Caisses d'épargne est devenue effective le 31 juillet 2009, malgré quelques recours juridictionnels et des critiques portant davantage sur ses modalités que sur son principe.
Il a estimé que le groupe BPCE est aujourd'hui confronté à de multiples défis : mettre en oeuvre le nouveau plan stratégique pour 2010-2013, consolider les parts de marché dans la banque de détail, recentrer Natixis et restaurer sa rentabilité, renforcer les fonds propres du groupe et rembourser les 6,3 milliards d'euros qu'il doit encore à l'Etat, ou encore réussir son internationalisation. Ces défis sont d'autant plus difficiles à relever que la fusion intervient dans un contexte d'importantes évolutions réglementaires et économiques pour le secteur bancaire. Outre la réforme des normes de solvabilité et de liquidité dans le cadre de « Bâle III », M. Jean Arthuis, président, a mentionné la volonté politique d'infléchir le modèle économique des banques, les projets convergents de taxation pour neutraliser l'aléa moral, la réforme des normes comptables sur la valorisation des actifs financiers, ou la directive « Solvabilité II » et son impact sur la bancassurance.
Il a donc souhaité que M. François Pérol puisse faire le point sur la réalisation de la fusion et les objectifs à long terme du nouveau groupe, le rétablissement de la banque de financement et d'investissement Natixis, les perspectives de remboursement des titres souscrits par la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), et sur sa perception des risques et opportunités que présentent les évolutions réglementaires en cours.
M. François Pérol, président du directoire de BPCE, a indiqué que l'année 2009 a été consacrée à trois chantiers principaux : la réalisation de la fusion, qui ne fait actuellement plus l'objet de recours juridictionnels, la stabilisation de Natixis par des actions sur sa gouvernance, son encadrement et son profil d'activités et de risques, et la définition d'orientations stratégiques pour 2010-2013.
Il s'est félicité que le groupe soit devenu à nouveau bénéficiaire en 2009, à hauteur de 537 millions d'euros, après une perte de 1,8 milliard d'euros en 2008 à périmètre équivalent. Avec un résultat négatif de 757 millions d'euros, le premier semestre de 2009 portait la marque de la crise financière et la remise à niveau du provisionnement des actifs risqués de Natixis, suite à un audit externe. Des dépréciations de survaleurs ont également été enregistrées, à hauteur d'environ un milliard d'euros, sur des acquisitions réalisées en haut de cycle par les Banques populaires et les Caisses d'épargne. Tous les métiers bancaires du groupe ont connu un retour aux bénéfices au second semestre, de 447 millions d'euros au troisième trimestre et de 847 millions d'euros au dernier trimestre. Sur l'ensemble de ses métiers stratégiques, le groupe BPCE a enregistré un résultat net positif (corrigé des éléments exceptionnel) de 2,05 milliards d'euros en 2009, illustrant la trajectoire bénéficiaire sur laquelle se situe l'activité du groupe, qu'il a jugée encourageante pour la réalisation du plan stratégique.
M. François Pérol a précisé que ce plan stratégique repose sur un postulat simple : une concentration sur « l'ensemble des métiers de la banque, mais seulement les métiers de la banque ». L'attention des équipes dirigeantes sera donc focalisée sur les métiers bancaires de base, de même que les ressources en fonds propres et en liquidités, dont la réglementation prudentielle en cours d'élaboration augmentera le coût. Ces activités de banque sont centrées sur la collecte et la garde de l'épargne au service du développement économique et recouvrent deux grands métiers :
- la banque commerciale et l'assurance, dont la collecte de l'épargne et l'assurance-vie, soit les activités régionales des Banques populaires, des Caisses d'épargne et de la Société marseillaise de crédit, et les activités nationales du Crédit foncier de France et de la Banque Palatine ;
- les activités de Natixis tournées vers les grands investisseurs, les grandes entreprises et les réseaux de détail, à travers la banque de financement et d'investissement, la gestion de l'épargne (gestion d'actifs, banque privée et assurance-vie) et, pour les banques de détail, les services financiers spécialisés.
L'activité de banque de financement et d'investissement de Natixis a été recentrée sur les services aux entreprises, tels que la couverture de change, le financement de projets, les financements structurés ou les financements obligataires et d'augmentations de capital. Ces métiers sont pleinement légitimes puisqu'il s'agit d'être présent sur les deux grandes sources de financement des entreprises que sont les marchés obligataires - particulièrement actifs en 2009 - et les crédits sur les bilans bancaires. En revanche, les activités pour compte propre ont donc été placées en gestion extinctive.
Hors de ces deux métiers, certaines activités sont classées en tant que participations financières, gérées dans un souci de valorisation interne ou externe par cession éventuelle. Il s'agit du secteur immobilier, au travers des participations dans Nexity, Foncia, Eurosic, Maisons France Confort ou le courtier Meilleurtaux, et de l'assurance-crédit, représentée par la Coface, dont l'activité et la relation avec le client sont fondamentalement différentes de celles de la banque.
M. François Pérol a ajouté que la banque commerciale et l'assurance représentent aujourd'hui les deux tiers des revenus du groupe, Natixis environ le quart, et les participations financières 10 %. La logique antérieure de diversification ne sera donc pas poursuivie, en particulier dans le secteur immobilier, le groupe ayant vocation à être un banquier de ses clients promoteurs, constructeurs ou administrateurs de biens, et non à entrer en concurrence avec eux.
Cette stratégie s'appuie sur le socle coopératif du groupe, composé de 20 Banques populaires et 17 Caisses d'épargne régionales qui disposent d'un bilan autonome, d'une gouvernance spécifique et d'une capacité de décision à l'échelle régionale. Leur capital est composé de parts sociales, détenues par sept millions de sociétaires qui sont tous clients des banques. En revanche, tous les clients ne sont pas nécessairement sociétaires, sauf à la CASDEN.
Il a rappelé que ces 37 banques régionales détiennent le capital de l'organe central BPCE, qui aux termes de la loi adoptée en juin 2009 garantit la solidarité financière entre caisses et banques, et dispose pour ce faire de pouvoirs d'audit, de contrôle des risques, de conformité et de surveillance de la solvabilité et de la liquidité du groupe. Au-delà de la solidarité financière des réseaux, l'organe central assume des fonctions mutualisées telles que les ressources humaines et la politique de développement commercial, et détient des actifs mis en commun tels que Natixis, la Société marseillaise de crédit, la participation dans la Caisse nationale de prévoyance, le Crédit foncier de France, la Banque Palatine ou les activités internationales du groupe.
Les deux réseaux demeurent cependant distincts et concurrents en termes de clientèle et d'implantations, compte tenu de la grande notoriété des deux marques et de leurs positionnements différents sur des segments de clientèle souvent communs. Il a considéré que ce modèle n'est pas inédit.
M. François Pérol a ensuite développé la « feuille de route financière » du groupe, qui comprend trois objectifs à l'horizon 2013 : un produit net bancaire de 25 milliards d'euros, contre 21 milliards d'euros fin 2009 ; un coefficient d'exploitation qui passerait de 77 % fin 2009 à 66 % ; et un rendement des fonds propres de l'ordre de 12 %.
Indépendamment des futures exigences de la réglementation prudentielle, ces objectifs supposent un renforcement des fonds propres. Il est ainsi prévu que le ratio des fonds propres « de base », dit « Core tier one », dépasse 8 % en 2013, contre 6,4 % à la fin du premier semestre de 2009 et 7 % à la fin de l'année 2009. Le groupe devra également avoir remboursé l'intégralité de l'aide de l'Etat, soit 2,3 milliards d'euros de titres super subordonnés et 3 milliards d'euros d'actions de préférence - ces dernières étant convertibles en actions ordinaires en 2014 - après que 1 750 millions d'euros ont déjà été remboursés en 2009 et début 2010. Il a précisé que ce remboursement s'effectuera cependant de manière progressive et au fil de la reconstitution des fonds propres, afin de maintenir la sécurité financière du groupe et de ne pas menacer sa solvabilité.
Abordant la traduction organisationnelle du plan stratégique, M. François Pérol a indiqué que les participations qui étaient séparément détenues par les holdings des Banques populaires et des Caisses d'épargne, soit essentiellement Foncia, le Crédit foncier de France et la Banque Palatine, seront apportées d'ici fin juillet 2010 à BPCE dans un objectif d'alignement des intérêts et d'analyse partagée sur les décisions industrielles concernant ces actifs. Le groupe avait ainsi pris l'engagement en juillet 2009, auprès de l'Etat et du régulateur, que les deux holdings de participations n'auraient qu'un caractère temporaire. Seule la participation de 41 % dans la société cotée Nexity demeurera directement détenue par les Caisses d'épargne, dans la mesure où cette participation ne ressortit pas aux activités stratégiques du groupe et où un changement de contrôle au profit de BPCE aurait pu entraîner une procédure de retrait obligatoire pour désintéresser les actionnaires minoritaires.
Il a ensuite précisé que le plan stratégique a été un travail collectif, élaboré par l'ensemble des dirigeants des Caisses d'épargne, des Banques populaires et des filiales, et sera également mis en oeuvre de manière collective et décentralisée, le plan d'entreprise de chaque banque ou caisse étant articulé avec le projet du groupe.
M. Jean Arthuis, président, a reconnu que la tâche de M. François Pérol a été très exigeante. Revenant sur le remboursement des titres souscrits par la SPPE, il a relevé que leur rémunération croît dans le temps et s'est interrogé sur leur coût pour BPCE comme sur l'éventualité de recourir à d'autres modes de financement moins onéreux.
M. François Pérol a rappelé le contexte de l'apport en fonds propres de l'Etat. Leur rémunération augmente effectivement, de 50 points de base par an s'agissant des actions de préférence, et devient supérieure au prix de marché pour inciter à un remboursement rapide. La charge d'intérêts correspondante pour BPCE était ainsi d'environ 550 millions d'euros début 2010. Le groupe a donc intérêt à leur substituer des ressources moins chères, et a de fait levé 1,75 milliard d'euros de titres hybrides en novembre 2009 et mars 2010 en regard des remboursements. Cette démarche est conforme aux prescriptions de la Commission bancaire, qui considère que le remboursement de l'Etat ne peut être réalisé au détriment de la solvabilité du groupe.
Puis en réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui a estimé que la structure de capital de BPCE est aujourd'hui plus fragile que celle des autres groupes bancaires, il a précisé que BPCE respecte les exigences réglementaires, mais « moins confortablement » que ses concurrents, qui auraient également vu leur pérennité menacée sans apport de l'Etat. Il a rappelé l'objectif d'amélioration du ratio « Core tier one » d'ici à 2013, et considéré que la principale différence entre BPCE et ses concurrents réside dans le fait que ces derniers ont levé d'importants volumes d'actions sur les marchés, leur permettant de rembourser l'Etat, alors que le seul accès de BPCE aux marchés résiderait dans une augmentation de capital de Natixis, qui lui apparaît encore prématurée. Il a précisé que 5,75 milliards d'euros devraient être intégralement remboursés à l'Etat d'ici à 2013. Pour ce faire, il a précisé que BPCE dispose de trois leviers : la génération de résultats, qui constitue le principal instrument, la levée complémentaire de parts sociales auprès des sociétaires et la cession d'actifs. Il a insisté sur le fait qu'il n'entend pas mettre en péril la solvabilité du groupe pour accélérer le désengagement de l'Etat.
M. François Trucy s'est interrogé sur les principaux concurrents de BPCE, ainsi que sur l'éventualité d'une fusion des réseaux locaux des Banques Populaires et des Caisses d'épargne. Il a souhaité connaître l'attitude des syndicats suite à la création d'un organe central unique.
M. François Pérol a répondu que les principaux concurrents de BPCE dans le secteur de la banque de détail sont le Crédit Agricole, le Crédit mutuel, BNP-Paribas, la Société générale et la Banque postale. Dans le secteur de la banque de financement et d'investissement, Natixis est confronté aux mêmes banques puisqu'elles interviennent toutes dans les deux métiers.
Il a ensuite totalement exclu la possibilité d'une fusion des réseaux. Les Banques populaires et les Caisses d'épargne constituent deux marques distinctes dont les clientèles ont des attentes différentes. L'assimilation des deux entités présenterait à la fois un risque pour les clients et pour les collaborateurs de chacune des deux entreprises. Les deux marques ont longtemps été en concurrence et, dans l'intérêt même de BPCE, il importe qu'elles le demeurent et qu'elles continuent de proposer deux offres séparées.
Il a enfin observé que la fusion s'est déroulée dans un contexte économique et financier difficile. Elle a par conséquent nourri beaucoup d'inquiétudes que les syndicats ont relayées. Pour autant, il note l'adhésion croissante du personnel au fur et à mesure de la construction progressive d'un groupe homogène. Il s'est félicité que le dialogue social soit plus apaisé même s'il a convenu que de nombreux progrès restent encore à réaliser.
M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur la résistance du modèle mutualiste lors de la crise financière et sur sa capacité à assurer le financement de l'économie. Il a souhaité avoir des précisions sur l'attractivité et l'image du groupe, en particulier des Caisses d'épargne, ainsi que sur des éventuelles cessions d'actifs, notamment les filiales Nexity et Meilleurtaux.
M. François Pérol a plaidé pour que les deux modèles bancaires, capitaliste et mutualiste, soient considérés à égalité. Il a jugé que le modèle mutualiste a fait ses preuves et qu'il permet une banque de proximité avec une présence en région plus forte. En tout état de cause, il lui revient de gérer ses risques avec la plus grande rigueur.
En ce qui concerne le financement de l'économie, il a constaté que les encours de crédit de BCPE ont augmenté, en 2009, de 3,7 % alors que l'engagement pris à l'égard de l'Etat était de 3,5 %. Cette progression représente 13,5 milliards d'euros supplémentaires en termes de stock. Il a souligné qu'un tel accroissement est supérieur à celui de toutes les autres banques françaises, y compris celles dont les parts de marché sont plus élevées. Il a en effet estimé que la proximité permet à BPCE de s'engager durablement auprès des entreprises. La progression des crédits a été de 7,3 % pour les particuliers et de 3,1 % pour les entreprises.
Il a ensuite indiqué que les Caisses d'épargne sont, depuis longtemps, des entités de détail dont les produits sont variés et dépassent le cadre du simple Livret A. Il a toutefois admis qu'elles font face à un enjeu de développement de leur clientèle sur l'ensemble des services bancaires et financiers.
En ce qui concerne les actifs non stratégiques de BPCE, il a reconnu qu'une cession est envisageable même si, dans ce cas, ils doivent être valorisés afin de préserver les intérêts patrimoniaux du groupe.
M. Jean-Pierre Fourcade a jugé qu'un taux de fonds propres durs inférieur à 7 % est très insuffisant par rapport à certaines grandes banques internationales, notamment canadiennes, dont les ratios peuvent dépasser 10 %. A cet égard, les banques françaises doivent encore réaliser des efforts importants pour atteindre des niveaux semblables. Il a également souhaité savoir si le crédit immobilier est en phase de reprise.
M. François Pérol a déclaré que les prêts immobiliers apparaissent en très forte progression par rapport à la même période de 2009. La baisse des taux et les incitations fiscales ont conduit à dynamiser le marché. En réponse à une question de M. Philippe Marini, rapporteur général, il a estimé que la réduction des dépenses fiscales spécifiques à ce secteur doit être envisagée de façon très progressive. En ce qui concerne l'investissement des entreprises, il a constaté que la reprise de l'activité demeure lente.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur l'avenir des filiales Financière Océor, Coface et Banque Palatine. Il a également souhaité connaître l'évolution du profil de risque de la structure de cantonnement. Il a demandé des précisions sur l'évolution des provisions ainsi que sur les opérations de couverture par BPCE des actifs illiquides de Natixis. Enfin, il a abordé la nouvelle réglementation prudentielle de « Bâle III », la sanction prononcée par la Commission bancaire à l'encontre de BPCE en août 2009 et la récente notification de griefs à Natixis par l'Autorité des marchés financiers (AMF).
M. François Pérol a indiqué que la filiale Océor connaît une profonde réorganisation : le provisionnement du coût du risque a été mis à niveau, les fonctions de support sont exercées par l'organe central et le redressement de la Banque de la Réunion a été engagé. En ce qui concerne la Coface, il a souligné qu'il s'agit d'une participation financière puisqu'elle n'est pas en synergie avec l'activité bancaire du groupe. Ses résultats progressent à mesure que le cycle économique s'améliore. Il a enfin noté que la Banque Palatine constitue une banque importante pour les petites et les moyennes entreprises (PME) réalisant un chiffre d'affaires de 15 à 100 millions d'euros. A ce titre, il a jugé essentiel qu'elle demeure indépendante.
En ce qui concerne la structure de cantonnement, il a d'abord fait valoir que la totalité de l'activité pour compte propre de Natixis a été mise en gestion extinctive. L'ensemble des portefeuilles de la structure s'élevait, en 2008, à 32 milliards d'euros de risques moyens pondérés. Il a été réduit, durant l'année 2009, de 15 % pour s'établir à 27 milliards d'euros. La garantie de BPCE a été apportée sur ces actifs à risque afin d'en libérer Natixis. Il a souhaité que la décroissance des actifs présents dans la structure soit plus rapide que leur écoulement naturel sans, pour autant, sacrifier le résultat. Il n'a cependant pas envisagé la possibilité de passer des provisions supplémentaires, ni celle d'effectuer des reprises de provisions compte tenu des incertitudes actuelles. Il a également rappelé que le bilan de Natixis s'est réduit de 100 milliards d'euros sur la période. La banque a ainsi fait le choix d'un profil de risque plus faible.
En ce qui concerne l'amende de 20 millions d'euros infligée par la Commission bancaire suite à des opérations de marché litigieuses, il a indiqué que les actifs en cause sont gérés de manière extinctive et que l'ensemble des procédures de contrôle interne ont été réévaluées au regard des meilleurs standards de la place de Paris. Il a estimé que la notification de grief de la part de l'AMF ne porte que sur un sujet très ponctuel.
M. François Pérol a enfin abordé les questions de réglementation prudentielle. Il a jugé que la logique de renforcement des fonds propres à raison des activités exercées par les banques constitue la bonne voie. Il s'est toutefois inquiété d'une application trop précipitée de l'ensemble des mesures préconisées par le Comité de Bâle. Elles pourraient en effet conduire, dans des délais très restreints, à des levées de capitaux totalement disproportionnées. Les régulateurs bancaires doivent par conséquent veiller à une mise en place très progressive de la nouvelle réglementation. Les banques sont en effet soumises à des injonctions contradictoires puisqu'elles sont à la fois incitées à prêter davantage et à diminuer leur prise de risques.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé qu'un moratoire de cinq ans avant la mise en oeuvre des nouvelles règles pourrait limiter leurs effets pervers.
M. François Pérol a plaidé pour que toutes les mesures ne soient pas appliquées en même temps. Il a souligné que certaines d'entre elles sont contradictoires les unes entre les autres. Il a constaté, par exemple, que le ratio de levier vient en totale opposition avec les analyses et les principes mêmes du système de « Bâle II ».
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que, pour son groupe, l'augmentation des fonds propres nécessaires au respect des futures règles de « Bâle III » s'élèverait à plus de la moitié des fonds propres actuels.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que le divorce semble être consommé entre le monde bancaire et les régulateurs sur ces questions.
M. François Pérol a affirmé que la tendance générale apparaît bonne mais que les difficultés résident dans l'accumulation des mesures et dans le rythme de leur mise en oeuvre. Il a également relevé que les intérêts divergent entre les banques américaines et européennes. Aux Etats-Unis, les entreprises font majoritairement appel au marché. Le financement par le système bancaire est très limité et concentré sur les petites banques régionales auxquelles les nouvelles règles prudentielles ne devraient s'appliquer qu'en partie. Par conséquent, outre-Atlantique, l'impact sur le financement de l'économie du futur cadre de « Bâle III » sera réduit. Les autorités américaines sont donc d'autant plus tentées de privilégier l'adoption de règles strictes. En revanche, la situation est radicalement différente sur le vieux continent. Les banques européennes assurent très largement le financement de l'économie. Un cadre trop contraignant les désavantagerait au regard de la concurrence internationale et aurait des effets pervers sur la croissance et l'emploi en Europe.
Il s'est ensuite élevé contre les propositions relatives au ratio de liquidité. Il ne semble pas, selon lui, opportun d'adosser dans le temps les emplois et les ressources. Il a rappelé que les banques, à l'heure actuelle, financent les prêts longs en partie par des ressources courtes. Les banques n'ont pas la possibilité de lever deux ou trois fois plus de financement à moyen et long termes dans un contexte où les banques centrales réduisent peu à peu leurs mesures exceptionnelles de liquidité et où les Etats vont chercher à maîtriser leurs déficits publics. Par conséquent, ces nouvelles règles garantiront un degré de sécurité plus élevé mais le crédit sera moins abondant et plus cher.
En réponse à une question de M. Philippe Marini, rapporteur général, il a rappelé que la France n'a pas connu d'assèchement du crédit durant la crise financière. A cet égard, les mesures prises par l'Etat français se sont révélées très efficaces. Pour l'avenir, il a préconisé d'affirmer le principe du renforcement de la solvabilité des entreprises bancaires. Pour autant, il a répété que ce principe doit trouver une traduction concrète aussi progressive que possible afin de ne pas pénaliser la reprise.
M. Jean Arthuis, président, a reconnu que les nouvelles règles entraveront la capacité des banques à dégager des bénéfices. Pour BPCE, il s'agit de prouver qu'il est possible d'être mutualiste et compétitif.
M. François Pérol a déclaré qu'une seule condition est requise : la gestion du groupe mutualiste selon une logique d'entreprise.
Situation économique et financière du Portugal - Communication
Puis la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur la situation économique et financière du Portugal.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini a tout d'abord insisté sur la nécessité de multiplier les contacts bilatéraux entre les Etats de la zone euro dont la caractéristique est de partager une monnaie unique sans gouvernement économique. Il est essentiel d'évaluer dans quelle mesure la crise remet en cause la nécessaire convergence économique et sociale entre les pays membres de la zone euro. Le Portugal est actuellement mis à l'épreuve par les marchés et par les agences de notation, dans un contexte d'instabilité politique interne, le Gouvernement ne disposant pas de majorité absolue au Parlement et l'opposition étant en phase de sélection de son chef de file.
Il s'est déclaré convaincu que la situation actuelle du Portugal n'expose pas la zone euro à un risque systémique. Une éventuelle -et improbable- crise des finances publiques aurait des conséquences limitées sur le secteur bancaire, qui ne détient aujourd'hui que 8 milliards d'euros de titres de dette portugaise. A titre de comparaison, les banques grecques ont dans leur portefeuille 40 milliards d'euros de dette grecque. Pour les créanciers extérieurs du Portugal, qui détiennent 83 % de sa dette publique, le risque est limité par la faible part que représentent les titres portugais dans leurs actifs. En tout état de cause, les déséquilibres des finances publiques portugaises sont connus et les données statistiques transmises à Eurostat peuvent raisonnablement être considérées comme fiables. En s'inspirant du dispositif institué au Portugal en 2008, il serait souhaitable d'étudier un accroissement du rôle des banques centrales nationales, qui sont indépendantes, dans l'élaboration des données transmises à Eurostat par les Etats de la zone euro.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que le Portugal est avant tout victime d'une crise de l'économie réelle, due principalement à la chute de ses exportations. Son système bancaire a résisté à la crise et a peu eu recours aux facilités de refinancement proposées par la Banque centrale européenne. Les crédits bancaires ont continué de progresser pendant la crise, contrairement à la tendance moyenne constatée dans la zone euro. Aucune bulle financière, immobilière notamment, n'a été constatée.
Le rapporteur général a relevé que, en 2009, l'ampleur de la récession a été moins importante que celle constatée chez nombre de ses partenaires, avec un taux de croissance négatif qui s'établit à - 2,7 % contre - 4,1 % en moyenne dans la zone euro. Cependant, le taux de croissance constaté depuis 2005 est inférieur à la moyenne de la zone, et les perspectives retenues par le programme de stabilité pour les années 2010 à 2013 sont moins élevées.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que le Portugal a déjà, de 2005 à 2008, conduit avec succès un ajustement budgétaire important, son déficit public passant de 6,1 % du produit intérieur brut (PIB) à 2,7 %. Les autorités portugaises sont aujourd'hui contraintes de demander à leurs citoyens, et d'assumer politiquement, un deuxième effort important. En 2009, le déficit portugais s'établissait à 9,3 % du PIB, contre 7,9 % en France, 12,7 % en Grèce et, pour l'année fiscale 2009-2010, 12,7 % au Royaume-Uni. Le niveau d'endettement public rapporté au PIB, qui s'établissait en 2009 à 77 %, soit un taux comparable à celui constaté en France et au Royaume-Uni, reste au Portugal à un niveau très inférieur à celui constaté en Grèce. A ce jour, le Portugal n'a éprouvé aucune difficulté pour conduire son programme de financement. Toutefois, la contagion, injuste, de la crise grecque a abouti à une remontée des écarts de taux avec l'Allemagne.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a constaté que la soutenabilité des finances publiques portugaises a été améliorée par les réformes structurelles conduites au cours des cinq dernières années. Les effectifs de la fonction publique ont été réduits de près de 10 % par le non remplacement d'un départ en retraite sur deux, voire sur trois dans certains ministères. L'âge de départ en retraite est progressivement porté, dans les secteurs public et privé, à 65 ans. La date de convergence a été ramenée, par le programme de stabilité, de 2015 à 2013. Le mode de calcul des pensions tient désormais compte de l'évolution de l'espérance de vie.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le Portugal doit, en réaction à la crise, accélérer ses réformes structurelles. La compétitivité de son modèle économique, fondé sur un faible coût du travail, s'érode et certains secteurs d'activité sont en difficulté, notamment le textile. Parallèlement, le volume des fonds structurels européens se réduit et la dépendance énergétique est forte. Les principales pistes identifiées par ses interlocuteurs pour sortir de la crise consistent en une stabilisation de la demande interne pour réduire les importations, un développement des exportations dans les secteurs à plus forte valeur ajoutée et vers de nouveaux marchés, en particulier les pays lusophones, le développement du tourisme, le production d'énergie, notamment hydroélectrique et solaire, et l'engagement de grands travaux. Ce dernier point oppose fortement majorité et opposition.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur l'importance du programme de stabilité 2010-2013, transmis à la Commission européenne avec deux mois de retard. Sur le plan politique, il a constaté que les responsables perçoivent la surveillance forte dont leur pays fait l'objet de la part de ses partenaires et des marchés et savent qu'ils n'ont pas droit à l'erreur, ce qui les pousse à adopter des positions responsables. L'opposition s'est ainsi abstenue lors du vote du budget de 2010. Le gouvernement portugais est contraint de rompre avec la pratique, constatée dans tous les pays européens, du « double langage », qui conduit à tenir un discours différent devant les électeurs et devant les instances européennes. La surveillance des marchés et des agences de notation ne le permet plus. Dans ces conditions, de nouvelles méthodes ont été mises au point et le programme de stabilité a été soumis, pour consultation, aux partis politiques et aux partenaires sociaux. Il est discuté au Parlement, ce qui pourrait constituer une source d'inspiration pour le Parlement et le gouvernement français.
Sur le fond, selon le gouvernement portugais, la consolidation budgétaire passe essentiellement par des mesures en matière de dépenses, même si ce pays ne s'est pas doté d'une norme de progression des dépenses. Les principales mesures envisagées sont la réduction du poids de la fonction publique, la réduction des dépenses sociales et militaires et le report de projets d'investissement. Comme pour beaucoup d'Etats-membres, l'objectif du programme de stabilité est de retrouver en 2013 le niveau de dépenses, rapporté au produit intérieur brut, d'avant la crise.
En matière de recettes, le Portugal va adopter des augmentations d'impôts temporaires et notamment une taxe de 20 % sur les plus values et une tranche à 45 % de l'impôt sur le revenu pour les revenus supérieurs à 150 000 euros. Il va introduire des péages sur les autoroutes gratuites et engager une politique de réduction de la dépense fiscale en combinant l'introduction d'un plafond global de bénéfices fiscaux et la révision de certains régimes.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que les autorités portugaises, comme celles des autres Etats membres de l'Union européenne, doivent concilier rigueur budgétaire et accompagnement du retour de la croissance. Il a souligné que les hypothèses sur lesquelles sont fondées les prévisions de retour au respect des critères fixés par le traité de Maastricht sont plus prudentes dans le programme de stabilité portugais que dans celui d'autres Etats et que les autorités portugaises ne cherchent pas à dissimuler le potentiel de croissance encore peu élevé de leur économie. Il s'est interrogé à propos des effets sur la croissance de la politique de « go and stop » à laquelle s'apparente la soudaine interruption des mesures de relance provoquée par la mise en oeuvre du programme de stabilité.
En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que la crise révèle les insuffisances et les lacunes de la construction de la zone euro. La notion de « PIGS », acronyme en anglais de « Portugal, Irlande, Grèce, Espagne », est injurieuse et simpliste, à l'origine de tensions incompatibles avec le partage d'une monnaie commune. Elle illustre la légèreté avec laquelle les modèles nationaux et les économies sont analysés. Il s'est demandé combien de temps la zone euro pourra encore fonctionner sans que soient traitées les questions, essentielles dans une zone monétaire, de la convergence des systèmes fiscaux et sociaux, de l'harmonisation du coût des facteurs de production et de la définition des objectifs de la banque centrale européenne.
M. Jean Arthuis, président, a relevé que le gouvernement, fragile, du Portugal bénéficie peut-être d'une prise de conscience collective de nature à permettre un relatif consensus sur les réformes structurelles à engager.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur le fait que, au-delà de la rigueur budgétaire qu'il va falloir mettre en oeuvre, le rebond du Portugal dépend d'une évolution du modèle économique qui ne se décrète pas. La situation de ce pays est un exemple des insuffisances et des incohérences de nos systèmes.
M. Jean-Jacques Jégou a noté que le Portugal a choisi de faire reposer l'essentiel de son ajustement sur la maîtrise des dépenses, alors même que la part de ses dépenses publiques dans le PIB est déjà inférieure à celle constatée dans d'autres Etats.
La commission a donné acte au rapporteur de sa communication.
Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
Enfin, la commission a demandé à être saisie pour avis, sous réserve de sa transmission, du projet de loi n° 1889 (AN - XIIIe législature) relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services et a désigné M. Éric Doligé rapporteur pour avis de ce texte.
Table ronde sur le statut de l'auto-entrepreneur
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a organisé une table ronde sur le statut de l'auto-entrepreneur, composée de MM. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, Cyril Sniadower, chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » de la direction de la législation fiscale (DLF), Gérard Quévillon, président du régime social des indépendants (RSI), Jacques Escourrou, président de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAV-PL), Jean-François Bernardin, président de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), Alain Griset, président de l'assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), François Hurel, président de l'union des auto-entrepreneurs (UAE), Jean Lardin, président de l'union professionnelle artisanale (UPA), Grégoire Leclercq, président de la fédération des auto-entrepreneurs, Philippe Mathot, directeur général de l'agence pour la création d'entreprises (APCE) et Jean-François Roubaud, président de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). La table ronde était ouverte au président et au rapporteur général de la commission des affaires sociales ainsi qu'au président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et aux membres du groupe de travail sur l'application de la loi de modernisation de l'économie.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que le régime de l'auto-entrepreneur est entré en vigueur le 1er janvier 2009. Ce dispositif, dont l'objet est de promouvoir l'esprit d'entreprise en France, résulte de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Outre la mise en place d'une procédure simplifiée de déclaration d'activité, l'intérêt de ce nouveau régime de création d'entreprise consiste essentiellement dans un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu.
Les derniers chiffres communiqués par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) font état, au 31 janvier 2010, de 307 500 comptes affiliés à ce titre. Toutefois, seuls 131 000 auto-entrepreneurs ont déclaré un chiffre d'affaires en 2009. A ce jour, près de 60 % des auto-entrepreneurs inscrits ne déclarent donc aucune activité.
Tout en soulignant l'intérêt économique à favoriser l'esprit entrepreneurial, il a constaté que le succès du régime de l'auto-entrepreneur a permis d'atteindre l'année dernière un niveau record de création d'entreprises - 580 200 créations selon l'INSEE, soit 75 % de plus qu'en 2008 - mais que le nombre global de créations de sociétés, hors auto-entrepreneurs, a diminué par effet de substitution.
Il s'est inquiété du fait que le régime micro-fiscal et micro-social de l'auto-entrepreneur, étant simple et fondé sur le chiffre d'affaires effectif alors que le régime classique des travailleurs indépendants demeure complexe et relativement insensible à la conjoncture, produit, par nature, des effets de seuil et de distorsion de concurrence par rapport au droit commun.
Considérant que le moment est venu de dresser un premier bilan de l'application du régime de l'auto-entrepreneur, M. Jean Arthuis, président, a souligné que cet intérêt est partagé par de nombreux collègues sénateurs :
- depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie, ce sujet a ainsi fait l'objet de 64 questions écrites sénatoriales ;
- le Sénat a inscrit à l'ordre du jour du 12 janvier 2010 un débat d'initiative sénatorial consacré à l'évaluation de la loi de modernisation de l'économie ;
- la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a constitué un groupe de travail chargé de faire le point sur l'application de cette même loi, présidé par Mme Elisabeth Lamure ;
- dans la mesure où le forfait social propre aux auto-entrepreneurs modifie les conditions de l'équilibre financier des régimes sociaux des travailleurs indépendants, la commission des affaires sociales assure un suivi de ce régime dans le cadre des auditions qu'elle organise dans la perspective de la réforme des retraites ;
- enfin, la commission des finances a été saisie à de nombreuses reprises d'amendements en loi de finances tendant à modifier le statut de l'auto-entrepreneur, soit pour en restreindre le champ d'application, soit pour le limiter dans le temps, ou encore pour mettre un terme aux distorsions de concurrence avec les professions soumises à des statuts existants - les artisans - ou à des obligations particulières de qualification et d'assurance professionnelles en lien avec la sécurité ou la santé des personnes. L'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2009 rend ainsi obligatoire à compter du 1er avril 2010 l'immatriculation au registre des métiers des auto-entrepreneurs qui exercent à titre principal une activité artisanale, tout en les exonérant pendant les trois premières années du paiement de la taxe pour frais de chambres de métiers.
Ce faisant, une nouvelle catégorie de ressortissants du réseau consulaire des artisans a fait son apparition, créant une distinction entre membres cotisants et membres exemptés temporairement. Certes, les auto-entrepreneurs ont pour vocation, à terme, à quitter le régime simplifié pour entrer dans le régime de droit commun, mais l'effet de seuil induit par le statut de l'auto-entrepreneur peut laisser craindre que ne succède à la dissimulation du travail celle du chiffre d'affaires afin de demeurer dans ce régime spécifique. D'autres questions se posent, telles que les modalités de contrôle et de déclaration des auto-entrepreneurs ainsi que le risque de « cannibalisation » des autres régimes. Par ailleurs, l'absence d'obligation de déclarer un chiffre d'affaires, même nul, empêche les organismes de sécurité sociale d'assurer un contrôle fiable sur la réalité de l'activité des auto-entrepreneurs.
Pour la bonne organisation des débats, M. Jean Arthuis, président, a proposé d'aborder successivement les trois thèmes suivants :
- d'abord, un éclairage sur la mise en oeuvre et le contrôle du régime fiscal et social spécifique de l'auto entrepreneur ;
- dans un second temps, le bilan du statut de l'auto-entrepreneur et l'analyse des problématiques soulevées au regard des régimes de droit commun ;
- enfin, les pistes de réflexion pour améliorer la transition du statut d'auto-entrepreneur vers les régimes de droit commun et simplifier les formalités de création d'entreprises.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, a souligné que le statut de l'auto-entrepreneur est une véritable révolution et se caractérise par sa simplicité.
Il est d'une grande souplesse, puisque l'auto-entrepreneur n'a aucune charge à verser en l'absence de chiffre d'affaires : il ne s'acquitte d'un forfait social et social que s'il encaisse effectivement du chiffre d'affaires. Ce nouveau régime donne un « droit à entreprendre » que chaque auto-entrepreneur peut, chaque trimestre, activer ou non selon ses souhaits.
M. Hervé Novelli a précisé qu'il ne s'agit pas d'un régime subventionné car, en moyenne, un auto-entrepreneur ne paie pas moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs.
En créant de nouvelles activités, ce dispositif permet d'abonder les ressources de la sécurité sociale : 180 millions d'euros de cotisations sociales ont ainsi été encaissés au titre de l'année 2009.
Il a rappelé que les droits à la retraite des auto-entrepreneurs sont calculés dans les conditions du droit commun, sans aucune dérogation. En l'absence de chiffre d'affaires, les auto-entrepreneurs n'obtiennent pas de droit à retraite, ce point ayant été clarifié à l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale. Il a annoncé que le seuil de chiffre d'affaires pour obtenir un trimestre de retraite sera fixé par décret, en avril, à 200 heures équivalent SMIC, soit le seuil de droit commun pour les travailleurs non salariés.
M. Hervé Novelli a tenu à relativiser le problème de compensation que pose le régime de l'auto-entrepreneur pour les caisses de retraite des professions libérales. Suivant la dérive commune à l'ensemble des régimes de retraite du fait de la liquidation des pensions de la génération du "baby-boom", la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) prévoit pour la CNAPV-PL un déficit de 46 millions d'euros en 2010, après un excédent de 63 millions d'euros en 2009.
Il a considéré que les mécanismes comptables entre caisses de retraite ne sont pas le problème majeur, une réunion de concertation devant se tenir dans les prochains jours à ce sujet.
S'agissant de la problématique spécifique de l'artisanat, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail au mois de mai 2009 qui a permis de confier la qualification professionnelle et l'accompagnement de ces nouveaux créateurs d'entreprises aux chambres de métiers et de l'artisanat via leur immatriculation. Dès le 1er avril 2010, la qualification professionnelle des artisans comme des auto-entrepreneurs sera contrôlée avant la création de leur entreprise. Le décret concerné a été publié le 11 mars dernier. Il a considéré qu'il s'agit là de garanties suffisantes car il faut conserver au régime de l'auto-entrepreneur sa souplesse et sa simplicité, gages de son succès.
A cet égard, il a insisté sur le fait que la spécificité du régime de l'auto-entrepreneur n'en fait nullement un régime dérogatoire au droit du travail et aux règles relatives au travail illégal.
De plus, il a précisé que le régime de l'auto-entreprise ne remet pas en cause les fondements juridiques de la relation salariale. La question du détournement du statut d'auto-entrepreneur pour la réalisation d'un travail dans le cadre d'un lien de subordination tombe sous le coup de la requalification de la relation de prestation de service en contrat de travail.
Revenant sur l'accompagnement des auto-entrepreneurs, M. Hervé Novelli a indiqué que l'ensemble des acteurs réunis le 22 février dernier au secrétariat d'Etat ont défini ensemble les orientations pour 2010 selon quatre axes :
- il s'agit tout d'abord de renforcer la coordination entre les différents acteurs de l'accompagnement. L'APCE, via le comité synergie réseau élargi assurera la coordination entre les différents acteurs de l'information et de l'accompagnement des auto-entrepreneurs. Elle mettra en place un plan d'action coordonné entre tous les acteurs en faveur de l'accompagnement et de l'information des auto-entrepreneurs ;
- l'objectif est ensuite d'améliorer la qualité et la fiabilité de l'information. Une mission de labellisation des sites d'information sera confiée au comité synergie réseau de l'APCE. Une nouvelle version du guide de l'auto-entrepreneur contiendra un jeu complet de questions/réponses et un annuaire des contacts et des réseaux d'accompagnement ;
- le souhait des acteurs est également de développer l'accueil et l'accompagnement individualisés. Au sein de chaque organisation, une offre de services modulaires, clairement identifiée pour les auto-entrepreneurs, tenant compte des trois grands profils identifiés (démarrage, suivi d'activité, développement) sera définie, pour accompagner les auto-entrepreneurs qui franchissent les seuils de chiffre d'affaires du régime de l'auto-entrepreneur et sont amenés à changer de régime fiscal et social ;
- enfin, il convient de renforcer l'accès à la formation des auto-entrepreneurs. Des moyens additionnels seront annoncés dès que les derniers arbitrages interministériels seront rendus à ce sujet.
M. Hervé Novelli a mis en exergue le succès du dispositif. Près de 1 000 auto-entrepreneurs se sont déclarés chaque jour, dont les trois quarts par internet. Le régime a ensuite été étendu tout au long de l'année 2009 : il a ainsi été ouvert aux professionnels libéraux non réglementés en février, rendu compatible avec l'aide au chômeur créateur ou repreneur d'entreprise (ACCRE) en avril, puis avec le versement du revenu de solidarité active (RSA) en juillet et, enfin, avec les cotisations sociales en vigueur dans les départements d'outre-mer en octobre.
Au 1er février 2010, l'ACOSS dénombre 342 000 comptes d'auto-entrepreneurs. Indiquant que pour les seuls entrepreneurs s'étant déclarés avant le 1er octobre 2009, le chiffre d'affaires d'ores et déjà enregistré par les URSSAF en 2009 est de 816 millions d'euros, M. Hervé Novelli a considéré que l'objectif d'un milliard d'euros pour l'ensemble de l'année sera dépassé. Le chiffre d'affaires moyen par auto-entrepreneur actif s'élève à un peu plus de 3 700 euros par trimestre.
D'après les statistiques de l'INSEE, les auto-entrepreneurs sont aux deux tiers des hommes, avec une moyenne d'âge de quarante ans. Ils sont pour un tiers artisans, pour un autre tiers commerçants et pour le dernier tiers libéraux. Un tiers des auto-entrepreneurs étaient demandeurs d'emploi. Deux profils principaux se dégagent : des auto-entrepreneurs à temps plein d'une part, et des auto-entrepreneurs recherchant un complément de revenu d'autre part, comme les salariés ou les retraités.
Il a indiqué que la première réunion du comité d'évaluation se tiendra le lundi 29 mars. L'étude sera tout d'abord statistique afin de mieux comprendre cette première année de mise en oeuvre. Le second volet sera qualitatif et visera à analyser l'insertion des auto-entrepreneurs dans l'environnement réglementaire et professionnel de leur secteur d'activité.
Enfin, M. Hervé Novelli s'est engagé à concilier l'acte d'entreprendre avec les conditions d'un développement plus sûr des entreprises, pour assurer la meilleure reprise à notre économie.
Puis M. Jean Arthuis, président, a ouvert le premier débat consacré à un éclairage sur la mise en oeuvre et le contrôle du régime fiscal et social spécifique de l'auto-entrepreneur.
M. Cyril Sniadower, chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » de la direction de législation fiscale (DLF), a tout d'abord indiqué que le régime fiscal de l'auto-entrepreneur ne se substitue pas aux dispositifs existants, notamment au « régime réel ». Celui-ci demeure le régime fiscal de référence dans la mesure où, en dépit de ses contraintes propres de gestion et de comptabilité, il permet d'imputer un déficit. Par ailleurs, le régime des micro-entreprises relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou, s'agissant des professions libérales, des bénéfices non commerciaux (BNC), fonctionne d'ores et déjà sur la base d'un paiement forfaitaire et anticipé de l'impôt.
Dans ce contexte, le régime fiscal de l'auto-entrepreneur constitue néanmoins, depuis le 1er janvier 2009, une novation car l'impôt auquel il donne lieu est liquidé sur la base du calcul d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires constaté tous les trimestres : 1 % pour une activité commerciale, 1,7 % pour une activité de services et 2,2 % pour une activité libérale. Il a considéré que ce régime micro-fiscal présente pour principale vertu la simplicité. En revanche, il empêche toute prise en compte de déficits et implique un paiement anticipé de l'impôt, à la différence de l'impôt sur le revenu qui est acquitté l'année suivante.
Il a rappelé les conditions d'éligibilité au régime de l'auto-entrepreneur :
- le chiffre d'affaires annuel doit être inférieur à 83 300 euros pour les activités commerciales ou à 34 100 euros pour les prestations de service et activités libérales ;
- l'absence de déduction de la TVA sur les achats et de récupération à la revente est une caractéristique de ce régime de franchise ;
- l'obligation de déclarer l'activité sous le régime « micro-social » de l'auto-entrepreneur implique un prélèvement forfaitaire de 12 % pour une activité commerciale, de 18,3 % pour une activité libérale et de 21,3 % pour des prestations de services ;
- le revenu imposable pris en compte pour une part de quotient familial doit être inférieur au seuil d'entrée de la troisième tranche d'imposition de l'impôt sur les revenus de l'antépénultième année. Il en résulte que les foyers à hauts revenus sont exclus du régime de l'auto-entrepreneur.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Cyril Sniadower a indiqué que si le plafond d'activité est dépassé en cours d'année, et que le contribuable se révèle a posteriori non éligible au régime fiscal de l'auto-entrepreneur, l'administration fiscale procèdera au calcul de l'impôt sur les revenus de l'année en cours dans les conditions du droit commun, et restituera le forfait micro-fiscal déjà acquitté. Il en est de même pour le calcul de la TVA, à la différence que celle-ci étant due le premier jour de chaque mois, le rattrapage reste limité à trois mois, ce qui correspond au rythme trimestriel des déclarations d'activité des auto-entrepreneurs.
M. Gérard Quévillon, président du régime social des indépendants (RSI), a tout d'abord rappelé que le conseil d'administration national du RSI a émis d'emblée un avis défavorable au statut de l'auto-entrepreneur. Il s'est interrogé sur la réalité socio-économique d'un dispositif qui permet à des entrepreneurs de bénéficier d'un régime micro-social simplifié pendant trois ans, alors même qu'ils ne déclarent aucun chiffre d'affaires. Il a formulé plusieurs recommandations tendant :
- à proposer un accompagnement par les organismes consulaires de tous les auto-entrepreneurs à l'issue d'une première année d'exercice ;
- à permettre aux auto-entrepreneurs qui exercent réellement une activité à accéder le plus rapidement possible au statut de travailleur indépendant dans les conditions classiques du RSI.
A cet égard, il a mis en doute la pertinence d'inclure les auto-entrepreneurs qui ne déclarent pas de chiffre d'affaires dans les effectifs pris en compte pour déterminer les montants de compensation démographique mis à la charge des régimes sociaux. Enfin, s'il a admis que la mise en place de ce nouveau statut s'inscrit dans une stratégie de lutte contre la fraude et le travail dissimulé, il s'est montré plus circonspect sur l'intérêt qu'auront certains auto-entrepreneurs à déclarer des revenus complémentaires qui ne confèrent aucune protection sociale supplémentaire, notamment en termes de retraite.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que les situations de multi-activités rendues possibles par le statut de l'auto-entrepreneur présentent en période de crise un intérêt tout particulier, même s'il ne s'agit que d'activités latentes, car elles permettent de percevoir un revenu en complément du salaire, du RSA ou de la pension de retraite pour des personnes dont les ressources sont modestes.
M. Jacques Escourrou, président de la Caisse national d'assurance-vieillesse des professions libérales (CNAV-PL), a fait état du mécontentement des professionnels libéraux face au risque que le statut de l'auto-entrepreneur fait peser sur l'équilibre des comptes sociaux. En effet, le régime d'assurance-vieillesse des professions libérales, traditionnellement excédentaire, pourrait devenir déficitaire car le ratio démographique positif de ce régime le contraint à contribuer au financement des régimes en déficit démographique. Dans la mesure où cette compensation s'élève à 1 700 euros par assuré, alors qu'environ la moitié des auto-entrepreneurs ont un chiffre d'affaires nul et l'autre moitié disposent d'un chiffre d'affaires annuel compris le plus souvent entre 4 000 et 6 000 euros, l'arrivée de 120 000 nouveaux assurés va fortement déstabiliser l'équilibre du régime.
Le statut de l'auto-entrepreneur pose la question de la grande variété de situations professionnelles qui se dissimulent derrière la notion générique de « professions libérales ». Comme l'a indiqué le rapport sur la nouvelle dynamique de l'activité libérale, remis en janvier 2010 à M. Hervé Novelli par Mme Brigitte Longuet, ces professions auraient intérêt à être définies avec une plus grande précision. L'inscription de certaines personnes dans le régime des professions libérales grâce au statut de l'auto-entrepreneur paraît contestable puisqu'elle permet parfois de dissimuler des relations de type salarial, ce qui a pour conséquence d'engendrer une concurrence déloyale à l'égard des autres commerçants et artisans.
M. Jean Arthuis, président, a souligné la difficulté à distinguer les auto-entrepreneurs qui relèvent d'un ordre professionnel de ceux qui ressortent de professions libérales non organisées et doivent être considérés comme de simples prestataires de services. Il s'est également inquiété du recours par les entreprises à des auto-entrepreneurs libéraux dans le cadre de rapports qui demeurent en réalité d'employeurs à employés.
En réponse à M. Jacques Escourrou, M. Hervé Novelli a apporté les précisions suivantes :
- le montant des cotisations sociales des professions libérales ne sera pas augmenté au titre du surcoût de la compensation démographique engendré par l'arrivée massive d'auto-entrepreneurs dans le régime de la CNAV-PL ;
- au regard du coût des auto-entrepreneurs pour la CNAV-PL, la hausse du nombre de cotisants doit légitimement entraîner une augmentation des charges de compensation ;
- le calcul de la compensation démographique au sein du régime des professions libérales doit faire l'objet d'une négociation. Celle-ci sera à l'ordre du jour de futures discussions entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Il s'agira notamment de revoir le mode de compensation et de définir de nouvelles règles d'affiliation à la CNAV-PL. La notion d'activité libérale devra ainsi être précisée, afin de ne pas y inclure l'ensemble des auto-entrepreneurs.
En outre, M. Hervé Novelli a regretté la complexité encore considérable des régimes fiscaux et sociaux des entreprises et plaidé pour une démarche généralisée de simplification, sur le modèle du régime de l'auto-entrepreneur.
M. Gérard Quévillon a souhaité que la révision du calcul de la compensation démographique concerne également le RSI.
Mme Fabienne Keller a indiqué que le statut de l'auto-entrepreneur est souvent utilisé pour démarrer une activité, sans que celle-ci soit réellement durable ou conduise à la création d'une société. Elle a donc jugé utile de réaliser des études précises sur la base d'échantillons représentatifs. Enfin, elle s'est interrogée sur l'automaticité de la couverture sociale des personnes soumises au régime de l'auto-entrepreneur.
M. Gérard Quévillon a précisé que les droits sociaux sont ouverts dès l'inscription au régime, ce qui paraît injuste dans la mesure où certains auto-entrepreneurs ne déclarent pas leur activité et ne contribuent donc pas au financement des dépenses sociales.
M. Jean Arthuis, président, a estimé anormale l'absence d'obligations de procéder à une déclaration, même en cas de chiffre d'affaires nul.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, a également souhaité savoir si le statut d'auto-entrepreneur ouvre droit à l'ensemble des prestations sociales et s'est inquiété des modalités de mise en oeuvre de ce statut, plus particulièrement au regard de l'équilibre du RSI et de la CNAV-PL. Il a enfin souligné que cette question fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de la commission des affaires sociales.
M. Jean Arthuis, président, a alors ouvert le deuxième débat et invité les intervenants à procéder à un bilan du statut de l'auto-entrepreneur au regard des régimes de droit commun.
M. François Hurel, président de l'Union des auto-entrepreneurs (UAE), a relevé le paradoxe consistant à se plaindre de la faiblesse traditionnelle du nombre de créations d'entreprises en France et à contester dans le même temps le régime de l'auto-entrepreneur, pourtant particulièrement efficace pour répondre à cette situation. Ce dernier, inspiré par différentes expériences étrangères, rencontre un succès indéniable qui résulte principalement de son caractère universel. Les auto-entrepreneurs présentent des profils variés et se composent d'un tiers de salariés, d'un tiers de demandeurs d'emploi, et d'un tiers de retraités et d'étudiants.
Ce régime reste toutefois perfectible sur au moins deux points :
- un contrôle des qualifications effectives des auto-entrepreneurs fait aujourd'hui défaut ;
- l'activité professionnelle libérale s'insère dans un paysage complexe dans lequel la législation paraît désuète et relativement rigide.
M. François Hurel a jugé nécessaire d'apporter des garanties aux auto-entrepreneurs de manière à les insérer durablement dans la sphère économique, notamment en leur proposant des formations régulières pour consolider leurs qualifications.
M. Grégoire Leclercq, président de la Fédération des auto-entrepreneurs, a salué l'apport bénéfique du régime de l'auto-entrepreneur à la création d'activités, en citant le résultat de différentes études selon lesquelles la majorité des auto-entrepreneurs n'auraient pas créé leur entreprise sans l'existence préalable de ce dispositif favorable. Par sa simplicité et sa souplesse, celui-ci permet à la fois de développer une activité pérenne ou d'assurer la transition vers la création d'une société de droit commun. A cet égard, l'accompagnement des auto-entrepreneurs devrait être la première priorité.
M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), a relevé l'engouement suscité par ce dispositif qui déroge à la complexité des autres formes de créations d'entreprises. Son principal défaut, le risque de concurrence déloyale, pourrait être fortement réduit par la fixation d'un délai limite de trois ans pour bénéficier du statut. Il a proposé de faciliter la transition vers la création d'entreprises de droit commun afin de prévenir tout phénomène d'entrepreneuriat à plusieurs vitesses.
Par ailleurs, évoquant le futur statut de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) en cours d'examen par le Sénat, il a souhaité que la règle d'incessibilité du patrimoine affecté puisse conduire à annuler toute imposition sur les plus-values en cas d'apport ultérieur en société par un auto-entrepreneur.
M. Jean Arthuis, président, a considéré qu'une telle demande constituerait un avantage fiscal excessif et a demandé que la direction de la législation fiscale précise le régime applicable.
M. Cyril Sniadower a distingué deux cas de figure :
- en cas d'apport d'un auto-entrepreneur dans la constitution d'une entreprise uni personnelle à responsabilité limitée (EURL), aucune plus-value n'est constatée ;
- en cas d'apport en société, les plus-values font l'objet d'une mise en report. L'impôt sera acquitté sur la base des plus-values constatées au jour de la cession de l'entreprise.
M. Jean Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA), a estimé que le régime de l'auto-entrepreneur, issu de la loi de modernisation de l'économie, a été préparé en 2008 sans que les professionnels, notamment les artisans, n'aient pu se concerter avant de faire valoir leur opinion auprès des pouvoirs publics.
Mme Elisabeth Lamure, présidente du groupe de travail sur l'application de la loi de modernisation de l'économie, et M. Philippe Marini, rapporteur général, ont fait valoir que la critique du défaut de concertation préalable ne peut pas être adressée au Sénat car la commission spéciale, constituée à l'époque pour examiner le projet de loi, a procédé à 92 auditions.
M. Jean Lardin a considéré que ce régime imparfait doit subir des aménagements, pour limiter les phénomènes de concurrence déloyale. Il a ainsi mentionné deux améliorations apportées au dispositif initial sous l'impulsion de l'UPA :
- l'immatriculation au registre des métiers des auto-entrepreneurs pratiquant une activité artisanale ;
- la publication de décrets d'application de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat afin de mieux protéger les consommateurs en exigeant des qualifications minimales.
En dépit de ses qualités, il a regretté que le statut de l'auto-entrepreneur s'apparente à un « caillou dans la chaussure » et expliqué que les artisans se sont retrouvés concurrencés alors qu'ils subissaient la crise au moins aussi durement que les autres acteurs économiques. Ce statut doit continuer à faire l'objet d'un suivi vigilant pour éviter tout impact préjudiciable à l'artisanat. Des statistiques plus précises doivent permettre de mieux mesurer le dynamisme réel des auto-entrepreneurs et leurs liens avec les entreprises traditionnelles.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé qu'une obligation de déclaration de l'auto-entrepreneur, quel que soit son chiffre d'affaires, irait dans ce sens.
M. Alain Griset, président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), a estimé que la communication sur le statut de l'auto-entrepreneur a fait oublier que celui-ci reste avant tout un entrepreneur individuel qui, en dépit d'un régime social et fiscal dérogatoire, reste soumis à des difficultés et à des risques. Il a ensuite relativisé le succès de ce régime en faisant valoir que, sur les 400 000 entreprises créées, 60 % n'ont pas de chiffre d'affaires. Enfin, il a déploré les distorsions de concurrence qui résultent de l'écart entre les règles applicables à ce régime et celles relatives aux autres sociétés : l'objectif de simplification légitime poursuivi par ce statut l'éloigne excessivement des régimes de droit commun. Pour garantir un exercice plus loyal de la concurrence, la démarche de simplification doit être équitablement étendue aux autres types de sociétés.
M. Jean-François Bernardin, président de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), a loué l'apport significatif que représente le statut de l'auto-entrepreneur comme « accélérateur d'initiatives ». Il a cependant plaidé pour un meilleur encadrement de ce régime et appelé de ses voeux une réflexion approfondie sur les « professions libérales orphelines », c'est-à-dire non réglementées. Par ailleurs, il s'est déclaré favorable à la limitation dans le temps du dispositif, comme l'a proposé par M. Jean-François Roubaud, tout en souhaitant une durée modulée selon les situations : les auto-entrepreneurs à temps partiel devraient ainsi pouvoir continuer à exercer plus longtemps que les autres. En outre, le développement de l'accompagnement des auto-entrepreneurs apparaît nécessaire.
M. François Hurel a précisé que l'accompagnement des auto-entrepreneurs doit demeurer gratuit et que les critiques relatives aux « travailleurs sans-papiers » qui utilisent ce statut pour exercer leur activité ne sont pas fondées car la seule pièce justificative demandée pour toute inscription est précisément le titre de séjour ou la carte nationale d'identité.
En réponse à M. Alain Vasselle qui a demandé des précisions sur la concurrence déloyale imposée par l'auto-entrepreneur aux artisans et aux PME, M. François Hurel a souhaité relativiser ce grief et a indiqué, à titre d'illustration, que sur les 320 000 auto-entrepreneurs inscrits en 2009, 12,7 % exercent dans le secteur du bâtiment pour un chiffre d'affaires cumulé de 120 millions d'euros, ce qui représente moins de un pour mille des quelque 124 milliards d'euros du chiffre d'affaires global du bâtiment et des travaux publics.
M. Charles Guéné a suggéré que l'obligation de déclaration de tout auto-entrepreneur soit accompagnée du versement d'une cotisation forfaitaire minimale destinée à garantir l'engagement à exercer une activité réelle.
M. Alain Griset a jugé nécessaire d'évaluer l'impact du régime de l'auto-entrepreneur sur les recettes des régimes de retraite dans une situation économique normale.
M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité d'améliorer l'information statistique sur le régime de l'auto-entrepreneur, afin en particulier de distinguer trois cas de figure selon qu'il s'agit d'une activité complémentaire (par exemple pour les retraités ou les travailleurs à temps partiel), d'un essai d'activité entrepreneuriale avant basculement vers le régime de droit commun ou d'un « enfermement » durable dans le régime de l'auto-entrepreneur.
M. Jean-François Bernardin a approuvé ces deux analyses.
Mme Élisabeth Lamure a jugé nécessaire de rendre obligatoire la déclaration du chiffre d'affaires, afin d'identifier les « entreprises dormantes », et de limiter dans le temps le bénéfice du régime de l'auto-entrepreneur, par exemple à trois années, au moins pour ceux pour lesquels il s'agit de l'activité principale.
M. Jean Arthuis, président, a souligné que, paradoxalement, la réussite de l'union des auto-entrepreneurs et de la fédération des auto-entrepreneurs pourrait impliquer une diminution du nombre de leurs adhérents.
M. François Hurel a approuvé les propositions de Mme Elisabeth Lamure en soulignant que la limitation dans le temps du bénéfice du régime doit s'apprécier pour chaque auto-entrepreneur individuellement et ne doit pas être comprise comme l'annonce de l'extinction du dispositif dans son ensemble.
M. Jean Arthuis, président, a jugé nécessaire de faciliter la transition du régime de l'auto-entrepreneur vers celui de droit commun, et s'est interrogé sur la possibilité d'étendre à l'ensemble des régimes de retraite les simplifications du régime de l'auto-entrepreneur. Il a alors ouvert le troisième débat relatif à ce sujet.
Philippe Mathot, directeur général de l'agence pour la création d'entreprises (APCE), a indiqué que celle-ci a mis en place une centrale d'appels téléphoniques en janvier 2009, ainsi qu'une cellule courriel. Il convient de distinguer différentes catégories d'auto-entrepreneurs. En 2009, sur 580 000 créations d'entreprises, 320 000 relevaient du régime de l'auto-entrepreneur, dont environ 80 000 ou 90 000 étaient porteuses de développement. L'APCE va s'efforcer d'améliorer la qualité des nombreux sites Internet relatifs au régime de l'auto-entrepreneur, en leur proposant une labellisation et des flux d'information gratuits. Elle va en outre enrichir son propre site Internet, notamment par la mise en place d'outils interactifs.
Il a suggéré de réfléchir à de nouveaux outils de détection de toutes les initiatives en matière de création d'entreprises, citant l'exemple d'une « small business administration » à la française.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur l'utilité de créer une administration supplémentaire considérant que cette tâche relève déjà des réseaux consulaires existants.
M. Jean-François Bernardin, a indiqué que le projet « d'équipe de France de la création d'entreprise », convenu par le réseau des chambres de commerce et d'industrie avec le Gouvernement, repose essentiellement sur les organismes consulaires et pas seulement sur l'APCE.
M. Jean Lardin, a précisé que le chiffre d'affaires global du BTP évoqué par M. François Hurel, prend en compte toutes les entreprises quel que soit leur effectif. Le chiffre d'affaires des entreprises du bâtiment de moins de vingt salariés est de 80 milliards d'euros.
En conclusion, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné l'intérêt que représente l'organisation d'une telle table ronde dans l'exercice du travail parlementaire de contrôle des politiques publiques. A cet égard, il a considéré que le statut de l'auto-entrepreneur est le premier stade de l'entreprise individuelle.
Les débats montrent qu'il n'y a pas de « cadeau fiscal » accordé aux auto-entrepreneurs mais que certains points doivent en être clarifiés, comme l'a souligné la direction de la législation fiscale. L'information statistique doit être améliorée, en particulier par la distinction des principales catégories d'auto-entrepreneurs. Le régime de l'auto-entreprise est très utile, en permettant la création d'entreprises « à l'essai », et en offrant la possibilité à de nombreuses personnes de disposer d'un revenu d'appoint significatif. Il a bénéficié d'un « bon marketing », ce qui est rare pour une politique publique.
M. Jean Arthuis, président, a jugé que les entreprises « de droit commun » ne doivent pas se sentir menacées par le régime de l'auto-entrepreneur. Il faut redéfinir les contours de celui-ci, afin de distinguer les activités libérales des prestations de services. On doit se féliciter de ce que le régime de l'auto-entrepreneur permette à de nombreuses personnes de bénéficier d'un revenu complémentaire.
A l'issue de la table ronde, la commission a décidé d'autoriser le rapporteur général à publier une synthèse et le compte rendu de la réunion, sous la forme d'un rapport d'information.