Mardi 17 mars 2009
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Crise financière internationale : plan de soutien aux banques - Audition de M. Jacques de Larosière, Gouverneur honoraire de la Banque de France
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jacques de Larosière, Gouverneur honoraire de la Banque de France.
M. Jean Arthuis, président, a souhaité que l'intervenant présente le rapport rédigé par le groupe d'experts qu'il a présidé sur la régulation et la supervision financières en Europe, commandé par la Commission européenne et rendu public le 25 février 2009.
M. Jacques de Larosière a déclaré que, dans un contexte de crise de l'ensemble du système financier, il convient de distinguer deux aspects de la prévention des risques : la régulation et la supervision.
La régulation a pour objet de définir des règles en vue d'assurer la stabilité financière et de protéger les investisseurs et les épargnants. Le Comité de Bâle joue un rôle primordial dans la détermination de normes prudentielles et d'exigences en matière de fonds propres. L'accord « Bâle I » fixait ainsi une limite de 8 % de capitaux propres par rapport à l'encours de prêts accordés par une banque. Depuis 2004, l'accord « Bâle II » a affiné ce ratio prudentiel en pondérant les risques et les catégories d'actifs. Deux failles demeurent cependant dans ce dispositif : sa dépendance à l'égard des modèles internes des banques et ses effets procycliques.
En matière de supervision, c'est-à-dire de contrôle de la mise en oeuvre effective des règles par les acteurs du système financier, il a évoqué les difficultés de l'accès des superviseurs aux informations dès lors que celles-ci concernent plusieurs pays. Outre les différences de définition des normes entre les Etats membres de l'Union européenne, le déficit de coopération rend la supervision lacunaire, en dépit des mécanismes d'échanges supranationaux mis en place dans le cadre du processus « Lamfalussy » à travers les comités de niveau trois. Ces comités, qui regroupent les superviseurs nationaux dans trois domaines sectoriels, sont le comité européen des contrôleurs bancaires (CEBS), le comité des assurances (CEIOPS) et le comité européen des régulateurs de valeurs mobilières (CESR).
M. Jacques de Larosière a ensuite exposé les mesures préconisées par le rapport. Sans prôner la création d'une autorité de supervision unique, il demande que les comités de niveau trois deviennent des autorités et qu'il leur soit confié des pouvoirs dans leur secteur de compétence respectif. Ces pouvoirs limités consisteraient principalement à trancher des conflits d'interprétation entre superviseurs, voire à octroyer des licences pour certains acteurs, tels que les agences de notation.
Il propose également la création d'un Conseil européen des risques systémiques, placé sous l'égide de la Banque centrale européenne (BCE) et composé des vingt-sept gouverneurs des banques centrales nationales, des présidents des comités de niveau trois et d'un représentant de la Commission européenne. Cet organe serait chargé de superviser la stabilité des marchés financiers en centralisant l'information.
La fin du rapport est consacrée au dispositif de prévention des crises financières à l'échelle mondiale.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les propos tenus par M. Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE, selon lequel le rapport reste trop prudent sur les pouvoirs accordés au Conseil européen du risque systémique.
M. Jacques de Larosière a d'abord rappelé que les propositions du rapport sont souvent proches de celles de la BCE. La structure dont il propose la création serait ainsi abritée par la BCE et présidée par son Président.
Il a également appelé à la mise en place d'un mécanisme d'alerte précoce géré par le Conseil européen du risque systémique. Ne disposant pas de pouvoirs coercitifs, cet organe pourrait cependant, en cas d'absence de suite donnée à ses avertissements, procéder à un « porter à connaissance » à destination de la Commission européenne et du Conseil de l'Union européenne. Il reviendrait ensuite à ces institutions de décider des mesures à prendre.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, sur la possibilité d'accroître les pouvoirs de la BCE en matière de supervision macroprudentielle, M. Jacques de Larosière a précisé qu'il est moins facile d'étendre les fonctions de superviseur que de renforcer les instruments de régulation.
M. Yann Gaillard s'est étonné de la place accordée au cadre européen dans le rapport alors que la crise financière n'est pas née en Europe et que les mécanismes d'alerte devraient principalement concerner des risques extérieurs au continent.
M. Jacques de Larosière a souligné la pertinence de la remarque tout en indiquant que le mandat donné par la Commission européenne concernait la régulation et la supervision financières dans l'Union européenne. Il a précisé que le rapport préconise de confier la supervision macroprudentielle internationale au Fonds monétaire international (FMI) et la convergence des régulations au Forum de stabilité financière.
M. Joël Bourdin s'est interrogé sur les propositions permettant de réduire les effets procycliques des normes de l'accord de Bâle II, par exemple en changeant les règles d'évaluation des actifs, ainsi que sur le rôle donné par le rapport au FMI, seule institution à même de pouvoir offrir aujourd'hui des solutions en matière de régulation financière à l'échelle internationale.
M. Jacques de Larosière a fait valoir que les banques doivent constituer des réserves et des provisions dans les périodes de prospérité afin de pouvoir les utiliser en cas de récession, à l'image du système des « provisions dynamiques » mis en place en Espagne. Sur cette question de la réduction des fonds propres disponibles permettant de ralentir la démultiplication des prêts en période de prospérité, son rapport rejoint les récentes propositions du « groupe des Trente », comité consultatif pour les affaires économiques et monétaires internationales, dont M. Paul Volcker est le président.
Il a également indiqué que le Bureau des standards comptables internationaux (International Accounting Standards Board, IASB), fait l'objet de critiques, compte tenu de sa réticence à encourager le reclassement de certains actifs devenus illiquides du livre commercial des banques (trading book) vers leur livre bancaire (banking book). Il a rappelé les débats autour des normes comptables et financières internationales (International Financial Reporting Standards, IFRS), ainsi que les réflexions en cours sur les modèles d'appréciation des actifs, notamment le modèle contesté de la « fair value », selon lequel la valeur reflète les flux futurs espérés, actualisés au taux de rentabilité exigé par les investisseurs. Il a ensuite distingué la règle de valorisation « mark to market », qui consiste à évaluer une position sur la base de sa valeur observée sur le marché, de la règle « mark to model » qui se fonde sur les hypothèses d'un modèle pour définir la valeur d'une position. Ce dernier mode d'évaluation est utilisé le plus souvent pour des positions complexes pour lesquelles il n'y a pas de marché liquide ce qui empêche d'avoir recours au « mark to market ».
S'agissant du rôle accordé au FMI, M. Jacques de Larosière a déclaré que la dernière partie du rapport plaide pour un renforcement de la surveillance multilatérale et qu'elle préconise un suivi par le Fonds de l'application des règles du comité de Bâle au niveau de chaque Etat, en complément de son suivi des aspects macroéconomiques.
M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur l'application en Europe des normes IFRS, issues du système financier anglo-saxon, ainsi que sur la capacité à contrôler et à encadrer les agences de notation.
M. Jacques de Larosière a précisé que ces normes sont effectivement nées aux Etats-Unis d'Amérique en 1993 mais que leur impact en France a été réduit par la résistance des banques françaises à leur encontre.
Au sujet des agences de notation, il a relevé les risques de conflits d'intérêts inhérents à leur « business model », qui repose sur une rémunération par les émetteurs des instruments financiers. Outre la nécessité de les soumettre à des conditions d'exercice très strictes, ces agences devraient être rémunérées par les investisseurs. A titre personnel, M. Jacques de Larosière a préconisé de soustraire les produits financiers structurés du champ d'analyse des agences de notation.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'ampleur des missions dévolues aux agences de notation, en particulier pour l'évaluation de produits complexes.
M. Jacques de Larosière a déclaré que ces agences ont effectué un travail convenable en termes d'évaluation de la qualité des émetteurs de dettes, tout en regrettant que, dans une période récente, elles se soient vu confier un rôle trop important en termes d'évaluation des produits complexes. L'accord Bâle II a ainsi laissé aux superviseurs la possibilité de se reposer sur leurs notations, ce qui peut créer des problèmes de compétences et de conflits d'intérêts.
M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si la coexistence, au sein de l'Union européenne, de la zone euro et de pays n'ayant pas adopté cette monnaie avait constitué une difficulté pour le groupe d'experts présidé par l'intervenant. Il s'est ensuite interrogé sur la pertinence du niveau du ratio prudentiel de 8% en matière d'encours de prêts ramenés aux fonds propres des établissements de crédit.
M. Jacques de Larosière a indiqué que, les travaux du groupe n'ayant porté que sur la régulation et la supervision, la coexistence de plusieurs zones monétaires au sein de l'Union européenne n'a pas eu d'incidence.
S'agissant du niveau du ratio prudentiel, il a précisé que le chiffre de 8 % correspond à un ratio « normal », mais que le niveau minimal défini par Bâle II est de 4 %. Il a jugé ce niveau insuffisant tout en soulignant qu'il ne convient pas d'imposer de nouvelles contraintes de ce type aux banques en période de crise.
M. Jean Arthuis, président, a envisagé une séparation plus nette entre les banques de dépôts et les banques d'investissement. Il s'est ensuite interrogé sur le risque que font courir au système financier global des groupes bancaires de trop grande taille et s'est, dès lors, demandé si les pouvoirs publics ne devraient pas empêcher les rapprochements aboutissant à la constitution de tels groupes.
M. Jacques de Larosière a d'abord rappelé l'abandon aux Etats-Unis, en 1999, des règles issues du « Glass Steagall Act » adopté après la crise de 1929, qui visaient une séparation stricte entre les activités de banque de dépôts et les activités de banque d'investissement. Il a estimé que les banques de dépôt devaient pouvoir exercer des activités de marché afin de fournir certains services à leurs clients, tels que la couverture des risques de taux ou des risques de change. En revanche, les établissements spéculant pour leur propre compte ne devraient pas être renfloués par les pouvoirs publics et devraient être soumis à de fortes contraintes en termes de niveau de fonds propres.
Puis il a indiqué que les risques créés par l'existence de banque de très grande taille sont réels mais que cette question est difficile à traiter, relevant que le rapport du groupe présidé par M. Paul Volcker aborde ce sujet sans apporter de réponse. Il a déclaré que les autorités de régulation de la concurrence peuvent jouer un rôle afin de limiter la concentration du secteur financier.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le déficit de coopération de la part de certains Etats en matière de supervision financière, en particulier ceux qui défendent une conception extensive du secret bancaire.
M. Jacques de Larosière a proposé, dans les cas où les centres « off shore » refusent de lever le secret bancaire, d'interdire toute relation avec les établissements ne faisant l'objet d'aucune régulation.
Comité de suivi du plan de financement de l'économie française - Communication
Puis MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, ont rendu compte de la réunion du comité de suivi du dispositif de financement de l'économie française, qui s'est tenue le mercredi 11 mars 2009.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord évoqué la situation du crédit en France. La demande de crédit décélère depuis quelques mois. Ainsi :
- la croissance de l'encours des crédits octroyés aux particuliers s'élevait à 7,6 % en rythme annuel à fin janvier 2009, contre 8,1 % à fin décembre 2008. De plus, selon des premiers chiffres qui restent à affiner, le nombre de dépôts de dossiers de surendettement serait en forte croissance ;
- la croissance de l'encours des crédits octroyés aux entreprises connaît une décélération plus marquée, passant, en rythme annuel, de 10,4 % à fin novembre 2008 à 9 % à fin janvier 2009.
En revanche, le crédit aux collectivités territoriales reste dynamique, avec une croissance de 9,4 % de l'encours en rythme annuel à fin janvier 2009, en légère augmentation par rapport au mois précédent.
Puis, décrivant la situation de l'offre de crédit, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la dernière enquête trimestrielle de la Banque de France fait apparaître un resserrement des critères d'attribution de crédit aux entreprises, en particulier pour les PME. Toutefois, l'ampleur de ce durcissement reste incertaine, l'enquête de la Banque de France étant essentiellement qualitative. D'autre part, la baisse des taux de la Banque centrale européenne (BCE) n'a pas d'impact direct et immédiat sur les conditions de financement des banques sur le marché et donc sur les conditions d'octroi des crédits à leurs clients.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que le financement à long terme demeure, pour les établissements bancaires, une préoccupation à laquelle les émissions de la Société de financement de l'économie française (SFEF) ne répondent pas complètement, leur maturité moyenne étant de l'ordre de trois ans.
Au sujet de l'assurance-crédit, il a observé que le dispositif de complément d'assurance-crédit public (CAP), issu de l'article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, ne monte en puissance que de façon très progressive. En effet, d'une part, les textes d'application n'ont été publiés qu'en janvier 2009 et, d'autre part, le CAP semble souffrir d'un déficit de communication auprès des entreprises auquel il conviendrait de remédier. En outre, une réflexion pourrait être menée au sujet d'une évolution du dispositif lui-même, afin de permettre, par exemple, l'octroi d'une garantie publique sur les encours d'entreprises dont les assureurs-crédits ne souhaitent plus couvrir le risque.
M. Jean Arthuis, président, a ensuite évoqué la situation du secteur bancaire français. Il a relevé que les banques françaises affichent un bénéfice global de 4,8 milliards d'euros, en retrait de 73 % par rapport à 2007. Cependant, deux des six principaux groupes ont eu un résultat déficitaire : les Caisses d'épargne (-2 milliards d'euros) et les Banques populaires (- 500 millions d'euros).
Il a indiqué que le secteur a passé un total de 14,5 milliards d'euros de dépréciations d'actifs en 2008, ce chiffre s'élevant à 25 milliards d'euros en tenant compte des dépréciations de 2007. La Banque de France estime satisfaisante la couverture des risques par les provisions passées par les banques par rapport à leurs actifs douteux. Le risque ainsi réévalué devrait représenter, en moyenne, un coût de 56 points de base sur le crédit classique, ce qui paraît significatif mais supportable.
Après avoir noté que pratiquement l'ensemble des secteurs bancaires européens avait été soutenu par les Etats, M. Jean Arthuis, président, a insisté sur la nécessité de lier la création de structures de cantonnement d'actifs « pourris » à de fortes exigences en termes de restructuration des établissements ainsi aidés. En effet, une attitude trop souple pourrait créer des distorsions de concurrence et se traduire par une augmentation des taux dans l'ensemble de l'Union européenne. La Commission européenne a publié des lignes directrices qui doivent être respectées et le Conseil ECOFIN a adopté de tels principes qui seront défendus par l'Union européenne lors du prochain sommet du G 20, à Londres.
Puis M. Jean Arthuis, président, a évoqué l'évolution des normes comptables et prudentielles, rappelant que, fin septembre 2008, le Bureau des standards comptables internationaux (International Accounting Standards Board, IASB) a autorisé, à titre provisoire, une modification de la norme IAS 39. Cette modification permet le transfert de certains actifs, devenus illiquides et qui devront donc être portés jusqu'à leur terme, du livre commercial (trading book) des banques vers leur livre bancaire (banking book). Dès lors, leur valorisation peut se faire sur la base du calcul des flux financiers futurs engendrés par ces actifs, au lieu d'un prix de marché très déprécié. Cette règle pourrait être pérennisée et son extension au secteur des assurances est débattue.
S'agissant des règles prudentielles, dans le cadre de la préparation du prochain sommet du G 20, le Comité de Bâle travaille sur l'hypothèse d'une forte augmentation des besoins en capitaux devant couvrir les activités spéculatives des groupes bancaires.
Au sujet de la deuxième opération de renforcement des fonds propres des banques française par la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), d'un montant total de 10,5 milliards d'euros, M. Jean Arthuis, président, a déclaré qu'environ 5 milliards devraient revenir au groupe issu de la fusion entre les Caisses d'épargne et les Banques populaires, notamment afin de l'aider à supporter la consolidation des pertes de leur filiale commune, Natixis. A l'inverse, d'autres groupes ont fait connaître leur intention de ne pas faire appel à ce dispositif. L'ensemble des établissements éligibles ont pris de nouveaux engagements en matière de gouvernance et d'éthique : affectation prioritaire de leur résultat de l'exercice 2008 au renforcement de leurs fonds propres et mise en oeuvre des recommandations du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l'Association française des entreprises privées (AFEP) relatives à la rémunération des dirigeants de groupes cotés avant le 31 mai 2009. La deuxième opération de la SPPE a été autorisée par la Commission européenne le 28 janvier 2009, l'approbation du niveau de l'apport en faveur de la structure issue de la fusion entre les Caisses d'épargne et les Banques populaires restant toutefois à obtenir.
Enfin, M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le groupe Dexia a enregistré une perte nette de 3,3 milliards d'euros en 2008. Cependant, ce groupe n'a pas de problème de solvabilité, son ratio de fonds propres rapportés à l'encours s'élevant à 10,6 %. En revanche, Dexia est exposé au risque de liquidité car il a longtemps financé à court terme son portefeuille d'actifs à long terme. La nouvelle équipe de direction a annoncé, le 30 janvier 2009, un plan de restructuration et de réorganisation des activités du groupe afin d'améliorer son profil de risque. Il peut s'appuyer sur le dynamisme de la demande de crédit des collectivités territoriales françaises, marché sur lequel sa forte présence devrait constituer un atout face à ses concurrents.
A l'issue de cette présentation, Mme Nicole Bricq s'est étonnée de la lenteur de la mise en oeuvre du CAP, introduit par amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi de finances rectificative de décembre 2008 et présenté alors comme très urgent.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré qu'une meilleure information des entreprises concernées paraît nécessaire, M. Jean Arthuis, président, se faisant l'écho de l'inquiétude de nombreuses PME au sujet de la contraction de l'assurance-crédit.
Mme Nicole Bricq a exprimé ses doutes sur le caractère concret des recommandations du MEDEF et de l'AFEP. Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, viennent d'ailleurs de demander par courrier à Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, de leur remettre des propositions concrètes en matière de gouvernance et d'éthique avant le 31 mars 2009.
Puis, répondant à Mme Nicole Bricq, M. Jean Arthuis, président, a précisé que la Commission européenne a approuvé, le 13 mars 2009, la garantie des Etats belge et français accordée à certains actifs de Financial Security Assurance (FSA), filiale américaine de rehaussement de crédit de Dexia.
Enfin, en réponse à Mme Nicole Bricq, M. Jean Arthuis, président, a douté que l'évolution du dossier de l'assureur américain AIG se reflète dans les résultats de 2008 des banques françaises, l'engagement du gouvernement des Etats-Unis pour sauver AIG étant intervenu avant la clôture des comptes.
Nomination d'un rapporteur
Enfin, la commission a procédé à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi n° 29 (2008-2009) de M. Thierry Foucaud et plusieurs de ses collègues, tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus.
Après que M. Jean Arthuis, président, a fait connaître la candidature de M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Thierry Foucaud a exprimé le souhait du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche (CRC-SPG) de rapporter ce texte, les membres de ce groupe en étant les auteurs.
M. Jean Arthuis, président, a souligné le risque de contradiction auquel devrait faire face le rapporteur dans une telle hypothèse, son rapport devant refléter la position de la majorité de la commission. En revanche, l'organisation du débat en séance publique garantit un long temps d'expression à l'auteur de la proposition de loi, qui est le premier intervenant dans le débat.
Mme Nicole Bricq a considéré qu'il revient à l'auteur d'une proposition de loi de la rapporter, M. Edmond Hervé qualifiant de « manque d'élégance » le fait de désigner un autre rapporteur.
M. Jean Arthuis, président, a jugé que la proposition de loi exprime la conviction de son auteur, le rapport devant, quant à lui, exprimer la conviction de la commission. Toutefois, la mise en oeuvre des nouvelles procédures n'en est qu'à ses débuts et il conviendra de tirer le bilan de cette expérience après l'examen du texte.
A l'issue de ce débat, la commission a désigné M. Philippe Marini, rapporteur général, rapporteur de la proposition de loi.
Mercredi 18 mars 2009
- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président -Crise économique et financière au Japon - Communication
La commission a, tout d'abord, entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur la crise économique et financière au Japon et ses conséquences.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le déplacement effectué à Tokyo du 15 au 19 février 2009 s'inscrivait dans le cadre des travaux de la mission commune d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, mais qu'il avait également été l'occasion de mener des auditions spécifiques dans les domaines économique et financier.
Il a rappelé que le Japon reste la deuxième économie mondiale derrière les Etats-Unis, même si la Chine le talonne désormais. Il dispose également des deuxièmes réserves de change au monde - près de 1000 milliards de dollars fin janvier 2009 - après les réserves chinoises.
Sa population avoisine les 128 millions d'habitants, mais la population active comme la population totale ont commencé à décroître. Cette évolution démographique résulte notamment d'une faible natalité et d'une immigration très marginale. Si ces tendances se prolongent, la population japonaise pourrait être ramenée à 100 millions d'habitants à l'horizon 2050. Ces évolutions se traduisent également par un fort vieillissement démographique qui pèse particulièrement sur les comptes sociaux.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que la situation des finances publiques japonaises est très dégradée. Selon le consensus des économistes, le déficit public passerait de 25000 milliards de yens (environ 200 milliards d'euros) en 2008 à 34000 milliards (environ 270 milliards d'euros) en 2009. Il pourrait donc dépasser 8 % du produit intérieur brut (PIB). La dette publique brute du Japon, évaluée à 173 % du PIB en 2008, pourrait atteindre 181 % à la fin de l'exercice 2009.
Dans ce contexte, l'augmentation des prélèvements obligatoires, tout particulièrement de la taxe sur la consommation, demeure un sujet tabou, en particulier en période pré-électorale. M. Philippe Marini, rapporteur général, a toutefois relevé que les membres de la majorité comme de l'opposition reconnaissent, en privé, la nécessité de relever à terme le niveau de certaines impositions, notamment pour faire face à l'évolution des dépenses sociales.
Il a ensuite mis en évidence la dépendance de l'économie japonaise vis-à-vis du reste du monde. Celle-ci est de plus en plus intégrée à l'économie asiatique. La Chine représente, à elle seule, 16 % des exportations du Japon. La part des Etats-Unis dans les exportations japonaises diminue mais demeure élevée (17,5 %). En comparaison, l'ensemble de l'Europe représente 14 % des exportations japonaises.
Le Japon consacre des dépenses importantes à la recherche-développement (3,6 % du PIB, contre 2,6 % aux Etats-Unis et 2,1 % en France) et dispose d'un atout technologique, puisqu'il est le premier pays au monde en nombre de brevets déposés. Il exporte ainsi trois fois plus de produits à contenu technologique qu'il n'en importe. Dans ces conditions, et alors qu'il est lui-même assez fermé, le Japon craint par dessus tout le protectionnisme des autres Etats.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté la forte instabilité ministérielle depuis la fin du gouvernement Koizumi (2001-2006) et la fragilité du gouvernement actuel, dirigé par M. Taro Aso, alors que l'opposition contrôle déjà la chambre haute. Des élections à la chambre basse devraient avoir lieu d'ici au mois de septembre 2009, les études d'opinion actuelles laissant entrevoir une victoire probable de l'opposition. Il a toutefois relevé l'absence de clivage très marqué entre la majorité et l'opposition sur les questions économiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite observé que le Japon, qui avait dû prendre des mesures drastiques pour faire face à une grave crise immobilière et bancaire dans les années 1990, avait d'abord eu le sentiment d'être épargné par la crise des subprimes. Les banques japonaises avaient été assez peu exposées aux produits toxiques, du fait d'une gestion prudente du risque et d'une régulation étroite des marchés financiers par la Financial Services Agency (FSA). Ainsi le Japon avait tendance, au départ, à donner des conseils au sein des instances internationales tirés de la manière dont il avait réglé sa propre crise durant les années 1990.
Ce pays est toutefois entré en récession au troisième trimestre 2008, avec une brutalité qui a surpris. Les chiffres du quatrième trimestre 2008 sont très négatifs, puisqu'ils font apparaître une contraction du PIB de plus de 12 % en rythme annualisé. Le consensus des économistes prévoit ainsi un recul du PIB japonais de 5,8 % en 2009 et une croissance de 0,9% en 2010.
Cette évolution résulte en particulier d'un effondrement des exportations, en raison du ralentissement économique des principaux partenaires commerciaux du Japon. Entre janvier 2008 et janvier 2009, la production automobile s'est également contractée de 41 %. Dans ce contexte, le taux de chômage, qui s'établissait à environ 4 % en 2008, pourrait atteindre 5,1 % en 2009. Cette évolution, qui touche d'abord les employés dits « non réguliers » (contrats à durée déterminée, travailleurs à temps partiel, intérimaires...), apparaît cependant sous-évaluée, les actifs les moins qualifiés ayant, en effet, tendance à se retirer d'eux-mêmes du marché du travail, tandis que la flexibilité du système de rémunération des employés dits « réguliers » limite les suppressions d'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que cette situation économique est aggravée par la récente remontée du yen par rapport à l'euro, particulièrement nette depuis la mi-2008. Il a noté que, selon certaines interprétations, le gouvernement japonais serait tenté de « noircir » le tableau économique, en annonçant des perspectives plus sombres qu'elles ne le sont en réalité, et ce afin de faire baisser le yen. Par ailleurs, le Japon devrait continuer à soutenir le dollar, ses réserves de change étant en quasi totalité constituées de bons du Trésor américains.
S'agissant de la situation des banques japonaises, il a relevé qu'elles se trouvent confrontées à deux risques majeurs : la baisse brutale du cours des actions, qui diminue leurs ratios de solvabilité, et la nécessité de provisionner pour couvrir d'éventuelles pertes du fait de la récession économique qui augmente leur taux de créances douteuses. Ceci se traduit par un resserrement du crédit qui pénalise les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME). Les banquiers rencontrés à Tokyo ont en revanche estimé que les grands groupes ont encore la possibilité de se financer sans faire appel aux banques, en raison de la trésorerie accumulée ces dernières années et du rôle des grands conglomérats.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que les banques japonaises devront donc trouver des solutions pour pallier ce manque de fonds propres. Il a également relevé les interrogations des autorités japonaises concernant les effets de la régulation financière sur le cycle économique, certaines personnes rencontrées estimant qu'il faut, en cas de crise, envisager des ratios de solvabilité plus faibles.
Il a ensuite dressé un panorama des actions entreprises par la Banque du Japon. Celle-ci a progressivement ramené son taux directeur de 0,5 % à 0,1 % à la fin de l'année 2008, ce qui n'a eu qu'un impact limité sur l'économie. Ce moyen d'action apparaît ainsi désormais neutralisé.
La Banque du Japon a donc été conduite à mettre en oeuvre, à titre temporaire, une série de mesures destinées à rendre plus souples les opérations de refinancement des banques sur le marché monétaire et, indirectement, à faciliter le financement des entreprises d'ici à la fin de l'exercice fiscal en cours, période pendant laquelle les besoins de trésorerie des entreprises augmentent.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite indiqué qu'un plan de relance a été présenté par le gouvernement japonais, pour un montant global de 75000 milliards de yens, soit environ 600 milliards d'euros. Ces mesures sont financières pour l'essentiel (84 %), les mesures budgétaires ne représentant que 16 % du total du plan. Dans ce contexte, le budget 2009 est le plus élevé de l'histoire du Japon, avec des dépenses en hausse de 6,6% par rapport à celles de l'exercice 2008-2009. Les dépenses s'élèveraient ainsi à 88550 milliards de yens au cours de cet exercice, soit près de 710 milliards d'euros. Dans le même temps, les recettes diminueraient de presque 14 %, conduisant à un déficit d'environ 33300 milliards de yens (près de 270 milliards d'euros).
Les mesures financières présentées par le gouvernement japonais sont notamment constituées par des garanties de crédit aux PME, le rachat éventuel d'actions détenues par les banques et une possible injection de fonds publics dans le capital des banques régionales.
Les mesures budgétaires comprennent des mesures de soutien à l'investissement des entreprises et des particuliers ; des crédits à destination des collectivités locales pour la revitalisation du tissu économique local et pour soutenir le secteur agricole ; des mesures de soutien à la consommation, sous la forme de chèques distribués aux ménages, ce qui a fait l'objet de controverses ; enfin, des dépenses en faveur de l'emploi ainsi que du système de protection sociale. Bien qu'elle ne soit pas épargnée par la crise, l'industrie automobile ne bénéficie pas de mesures de relance spécifiques, les mesures consacrées à l'emploi, qui ont un impact positif sur ce secteur, étant considérées comme suffisantes.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que, face à la dégradation de la situation économique, le gouvernement japonais envisage un nouveau plan de relance d'au moins 20000 milliards de yens (170 milliards d'euros), qui serait cette fois intégralement financé par voie budgétaire. Il a noté que le plan précédent n'était cependant toujours pas définitivement adopté par le Parlement à la mi-février et que l'action et la communication du gouvernement apparaissaient désordonnées.
Dans ce cadre, il a estimé que la sortie de crise pour le Japon dépendra en priorité de l'évolution de la demande intérieure chinoise et du rebond de l'économie américaine. La situation dégradée des finances publiques et l'évolution des dépenses sociales devraient conduire, à terme, à un relèvement des prélèvements obligatoires, notamment de la taxe sur la consommation, même si le sujet reste encore tabou.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que le Japon conserve cependant de réels atouts, du fait de ses capacités de recherche, mais également du consensus social qui règne dans les entreprises. Pour autant, certaines personnes rencontrées lors de ce déplacement se sont interrogées sur l'évolution du modèle incarné par ce pays, estimant que l'importance du consensus dans la prise de décision avait fait prévaloir, jusqu'à présent, le statu quo sur les réformes structurelles.
Mme Nicole Bricq a relevé que la période 2000-2008, consécutive à la débâcle financière des années 1990, n'a pas été marquée par un réel dynamisme de l'économie japonaise, au point que Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a pu parler de « reprise en tôle ondulée » pour décrire le schéma de sortie de crise qui a prévalu dans ce pays et qui pourrait bien caractériser la situation française à l'issue de la crise en cours. Elle a souhaité obtenir des précisions sur ce qu'augure ce parallèle pour les prochains mois et sur les leçons à en tirer.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que la gestion japonaise de la crise des années 1990 apparaît comme un contre modèle, les décisions ayant été trop tardives. Il a noté que le système politique japonais parait assez bloqué et « endogame », l'ancien Premier ministre Junichiro Koizumi, qui s'était imposé par son charisme et avait tenté de mener des réformes libérales, faisant figure d'exception.
M. Yann Gaillard, président, a relevé la similitude des actions menées dans le cadre des plans de relance français et japonais.
M. Jean-Jacques Jégou a noté que le système bancaire japonais a été durement affecté par la crise dans les années 1990 et s'est demandé si cet épisode n'a pas laissé des traces qui expliquent l'ampleur de la crise actuelle. Il s'est interrogé sur le risque d'illiquidité globale lié à l'ensemble des plans de relance et à l'importance de la dette publique, puis a estimé que l'évolution du taux de chômage au Japon ne traduit qu'une partie de la réalité.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que les destructions d'emplois au Japon sont évaluées par le gouvernement à près de 125000 entre octobre 2008 et mars 2009. La diminution des rémunérations, par le biais d'un ajustement des bonus et d'une réduction du nombre d'heures supplémentaires, permet toutefois de lisser cette évolution du chômage.
Après avoir noté l'importance du taux d'épargne des ménages japonais, il a indiqué que le Japon a été directement frappé par la crise économique sans connaître l'étape préalable de la crise financière (à la différence des pays occidentaux), ce qui illustre la grande rapidité de transmission des chocs économiques dans le cadre d'une économie globale.
M. Yann Gaillard, président, s'est interrogé sur la force des relations entre les Etats-Unis et le Japon et sur le lien entre le dollar et le yen.
Soulignant la difficulté des problèmes auxquels se trouve confronté le Japon, M. François Trucy a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution du climat social dans ce pays et sur le fonctionnement des systèmes d'assurance chômage et de sécurité sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le Japon dispose d'un système de sécurité sociale très protecteur, mais que des réformes ont été menées au début des années 2000 pour faire face à l'évolution des dépenses : instauration ou majoration des tickets modérateurs pour l'assurance maladie, augmentation de l'âge d'éligibilité à la retraite, réduction de la durée maximale d'indemnisation du chômage. La crise actuelle amène toutefois le gouvernement japonais à proposer un assouplissement des conditions de perception des prestations chômage et une amélioration de la qualité des soins.
M. François Marc a souhaité connaître l'appréciation du rapporteur général sur une éventuelle dévaluation compétitive du Japon, qui pourrait avoir des conséquences négatives sur les autres économies. Il s'est également interrogé sur le sens et les raisons de l'inertie fiscale qui empêche les responsables japonais de prendre les mesures nécessaires pour relever le niveau des impôts.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que les ressources fiscales japonaises sont aujourd'hui insuffisantes, de l'avis unanime des responsables rencontrés, mais qu'aucun parti ne souhaite prendre le risque de relever certaines impositions, notamment la taxe sur la consommation, par crainte de l'impopularité qui en découlerait. Il a estimé que le système politique japonais est aujourd'hui assez figé.
M. Jean-Claude Frécon a souhaité obtenir des précisions sur le mode de calcul du taux de chômage et sur la portée du nouveau plan de relance envisagé par le gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le premier plan annoncé par le gouvernement est progressivement adopté par le Parlement et mis en oeuvre, mais que son impact psychologique paraît limité. Il a estimé prématuré de porter un jugement sur le nouveau plan envisagé, en l'absence d'éléments précis.
S'agissant du taux de chômage, outre les éléments précédemment mentionnés concernant la réduction des rémunérations, il a indiqué que les femmes ont, par tradition, tendance à se retirer du marché du travail en période de crise.
M. Charles Guéné a souhaité obtenir des précisions sur l'évolution des exportations japonaises et s'est demandé si ce pays constitue un modèle en ce domaine.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la crise actuelle marque l'échec du gouvernement japonais face aux délocalisations. La spécialisation sur les domaines technologiques n'a pas empêché ce pays d'être frappé par la crise. Au contraire, il a estimé que le Japon est plus vulnérable que la France aux risques de la globalisation, ce qui pourrait, à terme, poser un problème de cohésion sociale.
M. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur la portée des initiatives gouvernementales japonaises en matière de soutien à la consommation et sur la cohérence de sa communication. Il a également demandé des précisions sur l'évolution des contrats dont bénéficient les salariés et sur le recours aux heures supplémentaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la communication du monde politique japonais est en décalage par rapport aux techniques modernes. L'ancien Premier ministre Junichiro Koizumi apparaissait à cet égard comme une exception. Il a indiqué que la possibilité de distribuer des chèques pour soutenir la consommation des ménages a fait l'objet de controverses.
M. Jean-Pierre Fourcade a jugé utile de pouvoir disposer, en vue du G20, d'un tableau présentant le produit intérieur brut de l'ensemble des pays concernés.
La commission a donné acte au rapporteur général de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Mission effectuée au Tchad - Communication
La commission a ensuite entendu une communication de M. François Trucy, co-rapporteur spécial de la mission « Défense », sur sa mission effectuée au Tchad, du 4 au 6 janvier 2009, dans le cadre d'un déplacement organisé par la commission des affaires étrangères.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a indiqué qu'il s'agissait de contrôler le dispositif Epervier et d'établir un bilan de l'opération de l'EUFOR Tchad/RCA dans l'est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine. Ont participé à ce déplacement, outre lui-même, MM. Josselin de Rohan et André Vantomme, respectivement président et secrétaire de la commission des affaires étrangères.
La délégation a eu des contacts politiques de haut niveau, en particulier avec MM. Youssouf Saleh Abbas, Premier ministre, et Nassour Guelengdouksia Ouaïdou, président de l'Assemblée nationale. La délégation a également rencontré les présidents des commissions des affaires étrangères, de la défense et des finances, un questeur et deux secrétaires.
Le Tchad attache une grande importance à la présence française, que ce soit sous l'angle militaire ou plus largement sous celui de la coopération culturelle et économique. La France est intervenue dans ce pays presque sans discontinuer depuis son indépendance en 1960, dans le cadre d'accords de coopération militaire jusqu'en 1978, puis sur la base de l'article 51 de la charte des Nations unies, qui définit le principe de la légitime défense collective des Etats. En 1983 et 1984 a eu lieu l'opération Manta, qui a permis de stabiliser la division du Tchad de part et d'autre du 16e parallèle, le nord étant contrôlé par la Libye, le sud par le gouvernement tchadien. Depuis 1986 la France mène l'opération Epervier, mise en place à la suite du franchissement du 16e parallèle par les troupes libyennes. Ce dispositif n'est pas une force prépositionnée, mais bien une opération extérieure (OPEX). Il a pour missions de protéger les intérêts français au Tchad, de coopérer avec l'armée tchadienne et de maintenir une capacité d'intervention française en Afrique à partir du Tchad.
Le dispositif Epervier comprend 1 140 hommes. Les forces françaises sont essentiellement implantées à N'Djamena, à Abéché et, dans une moindre mesure, à Faya-Largeau. Elles sont équipées, en particulier, de six Mirage F1, un avion ravitailleur Boeing C135, trois avions de transport tactique C160 Transall, quatre hélicoptères Puma et trois blindés légers ERC 90 Sagaie. Les surcoûts de l'opération Epervier ont été de 74 millions d'euros en 2005, 77 millions d'euros en 2006, 93 millions d'euros en 2007 et 104 millions d'euros en 2008.
A ces forces se sont ajoutées, du 28 janvier 2008 au 15 mars 2009, celles de l'opération militaire de transition EUFOR Tchad/RCA dans l'est du Tchad et le nord-est de la République centrafricaine. Cette mission avait pour objet de contribuer à la protection des civils en danger, en particulier des réfugiés et des personnes déplacées, et de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. La France a été son principal contributeur, en fournissant plus de 1 700 hommes sur environ 3 400. Les autres contributeurs importants sont l'Irlande et la Pologne. Les responsables tchadiens rencontrés par la délégation ont estimé que, contrairement à la France et à la Pologne, l'Irlande a trop souvent pris des initiatives sans tenir compte des autorités tchadiennes.
Au Tchad se trouvent 455 000 personnes réfugiées ou déplacées. Les distances sont considérables (environ 2 000 km du nord au sud) et les routes en mauvais état. Le taux de disponibilité des principaux matériels terrestres de l'EUFOR Tchad/RCA est de l'ordre de seulement 40 %, ce qui est très insuffisant. M. François Trucy s'est inquiété des conséquences de l'expulsion des ONG du Soudan en réaction à l'émission par la Cour pénale internationale d'un mandat d'arrêt à l'encontre du président soudanais Omar Al Bashir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, le 4 mars dernier.
L'EUFOR Tchad/RCA est progressivement relevée, depuis le 15 mars dernier, par la mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT). La résolution 1861 du Conseil de sécurité de l'ONU du 14 janvier 2009 prévoit de porter ses effectifs, alors de quelques centaines de personnes, à 300 policiers et 5.200 militaires. Après les succès de l'opération Epervier et de l'EUFOR Tchad/RCA, cette relève représente un défi important. Les effectifs français au Tchad devraient être revus à la baisse, la contribution de la France à la MINURCAT devant être moindre que sa contribution à l'EUFOR Tchad/RCA.
La commission sera attentive au coût de la présence française au Tchad, en particulier dans la perspective de la future loi de programmation militaire 2009-2014.
M. Yann Gaillard, président, s'est interrogé sur les perspectives d'évolution des forces françaises de présence en Afrique.
M. François Trucy a estimé que la France pourrait garder des forces de présence au Sénégal, au Tchad et à Djibouti, et se retirer du Gabon.
M. Jean-Pierre Fourcade a indiqué avoir visité l'état-major de l'EUFOR Tchad/RCA, commandé par le général irlandais Patrick Nash, au centre de commandement du Mont-Valérien à Suresnes. Il s'est demandé si les relations entre l'état-major et les forces présentes sur le terrain, commandées par le général français Jean-Philippe Ganascia, ont été satisfaisantes.
M. François Trucy a dressé un bilan positif de ces relations.
M. Jean-Jacques Jégou a jugé « désespérante » la situation de certains Etats d'Afrique, et s'est interrogé sur l'utilité des actions que la communauté internationale y mène.
M. François Trucy a estimé qu'il est nécessaire de permettre aux personnes déplacées ou réfugiées de retourner chez elles, et que la France a nécessairement un rôle à jouer à cet égard.
M. Yann Gaillard, président, a souligné l'importance et l'ancienneté de la présence française au Tchad, symbolisée notamment par l'action du maréchal Leclerc.
M. François Trucy s'est demandé si l'exportation de pétrole par le Tchad depuis 2003 contribue réellement au développement de ce pays.
La commission a donné acte au rapporteur spécial de sa communication.
Jeudi 19 mars 2009
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Bouclier fiscal - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, et de l'amendement déposé sur la proposition de loi n° 29 (2008-2009) tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus.
M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord souligné que la discussion de cette proposition de loi en séance publique s'inscrit dans le cadre des nouvelles dispositions constitutionnelles, réservant notamment une séance mensuelle aux initiatives des groupes politiques d'opposition et des groupes minoritaires des assemblées (article 48, alinéa 5 de la Constitution).
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est tout d'abord félicité que la discussion de cette proposition de loi soit l'occasion de clarifier le débat public sur des problématiques essentielles. L'ensemble des sept articles de la proposition de loi a été examiné avec attention.
La proposition de loi vise, d'une part, à supprimer le bouclier fiscal et, d'autre part, à restreindre les conditions d'octroi de certains modes de rémunération des dirigeants et mandataires sociaux. Or, le réexamen éventuel du bouclier fiscal ne devrait s'inscrire que dans le cadre d'une réforme fiscale plus globale. La discussion du projet de loi de finances pour 2009 l'a bien illustré, et plus particulièrement le débat relatif à l'amendement cosigné par MM. Jean Arthuis, Philippe Marini et Jean-Pierre Fourcade, qui proposait de lier la suppression du bouclier fiscal à l'abrogation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et à la création d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu. Ce « triptyque » a trouvé un certain écho, mais la non-adoption de l'un des trois éléments déséquilibrerait l'équation sur laquelle il repose. D'autre part, dans une conjoncture de crise économique, une évolution de l'architecture fiscale d'une telle ampleur n'est pas envisageable.
Sous le bénéfice de ces observations, il a indiqué à la commission qu'il n'était pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi.
Au regard de la situation économique et sociale de la France, M. Thierry Foucaud, premier signataire de la proposition, a considéré qu' « à une situation exceptionnelle » devrait correspondre « une mesure fiscale exceptionnelle ». Le bouclier fiscal fait l'objet d'appréciations divergentes y compris au sein de la majorité politique, et les renvois aux comparaisons internationales en matière de prélèvements obligatoires ne permettent pas, compte tenu de l'hétérogénéité des méthodes de calcul, de justifier objectivement ce dispositif.
Il a ensuite présenté les articles de la proposition de loi. La suppression du bouclier fiscal prévue à l'article 1er répond aussi bien à l'indignation de certains citoyens qu'à l'inefficacité du dispositif qui, in fine, concerne peu de ménages et ne semble pas contribuer au retour des expatriés « fiscaux ». Les articles 2 à 5 modifient le traitement fiscal des rémunérations des dirigeants et mandataires sociaux afin de sanctionner l'absence de lien entre compétences et rémunération. Les articles 6 et 7 concernent les dirigeants salariés et les modalités de fixation de leurs rémunérations.
Mme Nicole Bricq a souligné que la proposition de loi permet d'aborder des débats essentiels, en remarquant toutefois qu'il se révèle difficile de discuter du bouclier fiscal que la majorité a érigé en « tabou ». Ce sujet pose à la fois un problème de solidarité et un problème de finances en temps de crise. En outre, les chiffres actuellement disponibles ne montrent pas de lien consubstantiel entre le bouclier, l'ISF et l'attractivité du territoire.
S'agissant de la rémunération des dirigeants, elle a indiqué que les auditions organisées par la commission des lois du Sénat, le 11 mars 2009, ont mis en avant le manque d'efficacité des codes de bonne conduite, tout comme du dispositif voté dans le cadre de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) subordonnant le bénéfice des rémunérations différées au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire. Le rapport d'étape du groupe de travail commun à l'Assemblée nationale et au Sénat sur la crise financière a mis l'accent sur le rôle, dans la crise actuelle, des « pratiques à risque », notamment de certaines modalités de rémunération, et sur la nécessité d'y remédier. Enfin, le marché de recrutement des dirigeants reste national et l'argument de la nécessaire attractivité du régime de rémunération des dirigeants et mandataires sociaux n'est donc pas recevable.
M. Serge Dassault a indiqué être favorable à l'équation présentée par la commission concernant la suppression du bouclier fiscal, pour autant que la création d'une tranche supplémentaire d'impôt n'ait pas pour objectif de compenser intégralement la perte de recettes liée à l'abrogation de l'impôt sur la fortune. S'agissant de la rémunération des dirigeants, la priorité doit être avant tout le fonctionnement de l'économie et, par conséquent, la prévention des départs des personnes détentrices de capitaux et de compétences.
M. Jean-Pierre Fourcade a souligné le caractère instable de la fiscalité française, et la nécessité de pouvoir évaluer, au terme de quelques années, les dispositifs créés. Il a en outre jugé confiscatoire la mesure proposée à l'article 2 du projet de loi visant notamment à mettre en place une taxation totale des indemnités de départ au-delà de 250000 euros net de cotisations sociales.
M. Yann Gaillard s'est interrogé sur la situation des foyers fiscaux qui payent l'impôt sur la fortune alors même qu'ils n'ont pas de revenus ou disposent de revenus modestes. Il a insisté sur l'exigence d'avoir un débat complet sur les sujets abordés par la proposition de loi.
M. François Marc a souligné la nécessité de donner des signes de mobilisation collective pour répondre à la crise actuelle.
M. Jean Arthuis, président, a observé que la commission des finances défend le principe selon lequel toute disposition fiscale devrait être adoptée à l'occasion de la discussion d'une loi de finances. A titre personnel, il a considéré qu'il est difficile de défendre le bouclier fiscal lorsqu'il apparaît nécessaire d'augmenter l'effort national de contribution. De plus, le revenu servant de référence pour le calcul du bouclier fiscal est très contestable car il intègre des déductions provenant de nombreuses « niches ».
M. Thierry Foucaud a souhaité rappeler le rôle des salariés dans la formation de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises. Il a également remarqué que l'instabilité fiscale française est une constante.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles et de l'amendement déposé sur cette proposition de loi.
Sous le bénéfice de la discussion générale, la commission n'a pas adopté l'article 1er (suppression du bouclier fiscal).
Mme Nicole Bricq a présenté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 2 afin de créer une cinquième tranche d'impôt sur le revenu pour les revenus dépassant 380000 euros. Le taux d'imposition s'élèverait à 50 %. L'objectif de cet amendement est de mettre fin aux excès les plus flagrants des rémunérations des dirigeants d'entreprises, en créant une sorte de « surimposition de solidarité » compte tenu de la période de crise économique et sociale que traverse la France.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il était défavorable à cette proposition car celle-ci n'est pas accompagnée par une abrogation de l'ISF. Il a répété que la crise actuelle ne permettait pas, en tout état de cause, d'engager une révision substantielle de la stratégie fiscale de la France.
La commission a rejeté cet amendement
Après une intervention de Mme Nicole Bricq indiquant que les Pays-Bas avaient choisi de lier le montant d'impôt sur les sociétés payé au montant des sommes versées aux dirigeants et mandataires sociaux au titre de certaines de leurs rémunérations, la commission n'a pas adopté l'article 2 (encadrement des indemnités de départ des dirigeants).
Ensuite, la commission n'a pas adopté les articles 3 (imposition totale des options d'achat d'actions ou « stock options » et des actions gratuites), 4 (actualisation du plafonnement de l'indemnité de départ des dirigeants), 5 (application rétroactive de la proposition de loi), 6 (autorisation préalable des conventions dites « réglementées ») et 7 (extension de la négociation obligatoire aux rémunérations versées aux dirigeants salariés) de la proposition de loi.
A l'issue de ce débat, la commission ne s'est pas déclarée favorable à l'adoption de la proposition de loi.