Mardi 8 juillet 2008
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.Energie - Audition de MM. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez et Jean-François Cirelli, président-directeur général de Gaz de France
La commission a procédé à l'audition de MM. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez et Jean-François Cirelli, président-directeur général de Gaz de France.
M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez, après avoir salué le rôle important de la commission des affaires économiques du Sénat, et plus particulièrement de M. Ladislas Poniatowski, rapporteur du projet de loi relatif au secteur de l'énergie en 2006, dans la conduite et la réussite du projet de fusion GDF/Suez, a tenu à rappeler le calendrier de cette fusion. Le 16 juillet prochain, ce projet sera soumis au vote des actionnaires respectifs des assemblées générales extraordinaires de Suez et de Gaz de France. A l'issue de l'assemblée générale de Gaz de France, qui absorbera la société Suez, l'Etat signera le décret de sa privatisation normalement le 17 juillet. Deux jours ouvrables s'écouleront avant que la nouvelle entreprise ne soit légalement créée, notamment au niveau des autorités boursières. Le lundi 21 juillet à minuit, GDF/Suez S.A et Suez-Environnement auront une existence légale et leur cotation à la bourse de Paris et de Bruxelles aura lieu le lendemain. A l'issue de cette opération financière, la France pourra s'enorgueillir de compter parmi ses champions nationaux deux entreprises leaders mondiales, l'une dans le secteur de l'énergie, l'autre dans le secteur de l'environnement. GDF/Suez constituera alors la troisième capitalisation boursière de France et d'Europe continentale, après EDF et Total. Les processus de rapprochement entre les deux entreprises sont achevés et font ressortir la complémentarité industrielle et géographique de ces deux entités. En définitive, au travers de sociétés telles EDF, Total, GDF/Suez, Areva et Alstom, la France disposera d'un secteur de l'énergie sans équivalent dans le reste du monde.
Le projet de fusion répond plus que jamais aux enjeux actuels du paysage énergétique mondial. L'obtention d'une taille mondiale permettra d'optimiser les approvisionnements du groupe, qui deviendra l'un des tout premiers acheteurs de gaz en Europe. L'opération contribuera également à une diversification et à une meilleure sécurité des approvisionnements européens. La nouvelle entreprise se hissera en particulier au premier rang européen pour l'achat de gaz naturel liquéfié (GNL), grâce à des positions géographiques complémentaires dans le monde entier.
Le nouveau groupe bénéficiera, dans le paysage énergétique européen, d'une place stratégique majeure, grâce à un chiffre d'affaires cumulé en 2007 de près de 74 milliards d'euros pour l'ensemble de ses activités, qui la situe très loin devant ses premiers concurrents américains. GDF/Suez sera le leader européen du gaz naturel en tant que premier acheteur et opérateur du plus vaste réseau de transport et de distribution. Il sera également le second opérateur de stockage de gaz en Europe.
M. Jean-François Cirelli, Président-directeur général de Gaz de France, a indiqué que le projet de fusion GDF/Suez reposait sur une ambition industrielle, une ambition sociale et le maintien de missions de service public.
La raison d'être de cette fusion est un projet industriel ambitieux, puisque le programme d'investissements du nouveau groupe sera exceptionnellement important, s'élevant à 10 milliards d'euros par an pour les trois prochaines années. Le groupe devra définir une politique résolument tournée vers l'innovation et les services pour compenser la baisse de son chiffre d'affaires en France et en Belgique qu'entraîneront les économies d'énergie. Les priorités du nouveau groupe porteront sur l'approvisionnement en gaz, les infrastructures et la production d'électricité.
Les 10 milliards d'investissements annuels se répartiront dans les cinq secteurs suivants :
- entre 1 et 1,5 milliard d'euros pour la branche énergie en France afin d'augmenter, à terme, de 5 gigawatts la production électrique du groupe ;
- entre 4 et 4,5 milliards d'euros par an sur le marché européen afin d'avoir une capacité de production de 100 gigawatts ;
- entre 1 et 1,5 milliard d'euros consacrés au développement du gaz naturel liquéfié (GNL) pour sécuriser l'approvisionnement des 22 millions de clients du groupe ;
- entre 1 et 1,5 milliard d'euros pour le renouvellement et la construction de nouvelles infrastructures ;
- entre 300 et 500 millions d'euros pour la branche énergétique, qui concerne notamment les projets « biomasse » et « biogaz ».
Puis M. Jean-François Cirelli a précisé que le projet de fusion s'accompagnait d'une forte ambition sociale. Rappelant que le nouveau groupe comptera 130.000 collaborateurs dans le secteur de l'énergie et 62.000 dans le secteur de l'environnement, il a souligné que le groupe était confronté au double défi du renouvellement du personnel et de la transmission des compétences entre les anciennes et nouvelles générations. Faisant valoir, d'une part, le fort taux de renouvellement du personnel, avoisinant les 8 à 9.000 personnes par an, et, d'autre part, la quasi absence de doublons entre les services de Suez et de GDF, dont témoignent les récentes conclusions d'un rapport du cabinet d'expertise comptable Secafi alpha, il a précisé que le nouveau groupe ne mettra pas en place de plan social. La direction de Gaz de France a d'ailleurs pris l'engagement devant son comité d'entreprise et les organisations syndicales représentatives de ne procéder à aucun licenciement lors de la fusion, de favoriser l'accompagnement des salariés qui seraient amenés à changer d'emploi ou de lieu de travail et de mettre en place des comités de suivi.
Enfin, Jean-François Cirelli a indiqué que le nouveau groupe n'abandonnerait pas ses missions traditionnelles en matière de service public. Après avoir mentionné qu'un nouveau contrat dans ce domaine était en cours de préparation avec l'Etat, il a constaté que la situation des clients les plus démunis, la sécurité des infrastructures et la protection de l'environnement demeureraient des thématiques fortes pour le groupe.
Rappelant que la Commission européenne avait réalisé une enquête approfondie sur la fusion GDF/Suez dans le cadre de son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, il a estimé que le groupe avait répondu aux attentes bruxelloises.
M. Ladislas Poniatowski, soulignant qu'il avait toujours été convaincu du bien-fondé du projet industriel sous-tendant le nouveau groupe, a souhaité obtenir des précisions sur les conditions imposées par la Commission européenne pour autoriser la fusion entre les deux entreprises. Puis il a mis en lumière le risque de voir la France exclue du projet Nabucco, tendant à relier par gazoduc la mer Caspienne à l'Europe occidentale en passant par la Turquie et la Suisse.
M. Gérard Mestrallet, Président-directeur général de Suez a indiqué que deux cessions significatives avaient été décidées après négociation entre Suez et la Commission européenne. D'une part, Distrigaz, société belge propriété à 57 % de Suez, dont l'activité principale concerne le négoce en gaz et la vente aux entreprises de contrats d'approvisionnement, a été vendue à l'entreprise italienne Eni pour 5 milliards d'euros. En contrepartie, Suez a obtenu le droit d'acheter une partie du réseau de distribution d'électricité à Rome, ce qui compense quasi intégralement les inconvénients nés de la cession de Distrigaz. D'autre part, la société belge productrice d'électricité SPE a été cédée.
M. Jean-François Cirelli, après avoir mis en exergue la grande diversification du groupe en matière d'approvisionnement, a indiqué que l'absence de la France dans le projet Nabucco s'expliquait plus par des raisons politiques qu'industrielles. Déplorant la hausse très importante des coûts d'infrastructures (entre 30 et 80 % depuis deux à trois ans), il a jugé qu'il sera difficile de réunir les 5 à 6 milliards d'euros nécessaires pour mener à bien ce projet. Celui-ci est d'ailleurs confronté à des problèmes d'ordres technique, juridique et de rentabilité financière. En tout état de cause, le nouveau groupe GDF/Suez ne subira pas un préjudice important s'il ne devait pas faire partie du consortium international.
M. Marcel Deneux a souhaité connaître la politique industrielle du nouveau groupe concernant le nord de l'Europe, l'importance qui sera accordée au gaz naturel liquéfié, le nouveau statut fiscal et social du groupe et enfin la politique menée en matière d'énergies renouvelables.
M. René Beaumont, soulignant la volonté du Président de la République de hisser la France au premier rang mondial en matière d'énergie nucléaire, a souhaité connaître la stratégie du nouveau groupe en ce domaine et savoir s'il se portera candidat pour le projet de construction en France d'un deuxième réacteur pressurisé européen (EPR).
M. Jean Desessard s'est demandé si, au sein du nouveau groupe, l'avenir de l'énergie biomasse et biogaz était assuré et si des structures avaient été mises en place afin d'évaluer les besoins en énergie de la population mondiale à très long terme.
M. François Fortassin, évoquant la volonté du groupe de diminuer le montant des factures acquittées par les particuliers pour rester compétitif, a craint que l'entretien des réseaux de gaz ne soit la variable d'ajustement de cette politique tarifaire.
En réponse à ces différentes interventions, M. Jean-François Cirelli a précisé les points suivants :
- un nouveau gazoduc dans la mer Baltique va prochainement être construit, en partenariat avec Total ;
- GDF est la société qui a le plus recours au GNL en Europe. Ce type de gaz permet une plus grande flexibilité dans l'approvisionnement des clients ;
- la création, dans le secteur du gaz, d'une société anonyme équivalente d'Electricité Réseau Distribution France (ERDF) serait intéressante car cet organisme, chargé de la gestion du réseau de distribution du gaz, garantirait la continuité du service public du gaz en distinguant nettement les aspects techniques des aspects commerciaux ;
- les investissements sur le réseau gazier sont passés de 180 millions d'euros en 2004 à plus de 600 millions aujourd'hui, mais la capacité d'investissement dans le réseau dépend du taux de retour pour les opérateurs et du prix de vente. A ce sujet, on peut craindre un sous-investissement mondial en matière d'infrastructures de distribution d'énergie ; par ailleurs le groupe est très hostile aux propositions de la Commission européenne interdisant les entreprises dites « intégrées » dans le secteur de l'énergie ;
- les énergies nouvelles renouvelables occuperont une place déterminante au sein du nouveau groupe. Même si les projets de biomasse, de biogaz et de cogénération sont souvent portés par des filiales, ils sont néanmoins pleinement intégrés dans les projets stratégiques globaux du groupe ;
- une planification des besoins en énergie au niveau européen serait souhaitable et devrait être prévue dans un prochain projet de directive communautaire.
M. Gérard Mestrallet a complété ces éléments de réponse en précisant que :
- le siège du nouveau groupe sera situé à Paris, les cotations boursières de GDF/Suez et de Suez-Environnement seront réalisées également à Paris, mais aussi à Bruxelles. Les statuts sociaux et fiscaux sont de droit commun ;
- les projets relatifs à l'énergie hydraulique occuperont une place considérable au sein du nouveau groupe, car Suez est d'ores et déjà le premier actionnaire de la Compagnie Nationale du Rhône, et des investissements importants ont été réalisés récemment, concernant notamment un barrage dans les Hautes-Pyrénées ;
- Suez, contrairement à EDF, souhaite participer à des projets relatifs à l'énergie nucléaire dans des pays qui n'ont aucune expérience dans ce domaine. Ces deux entreprises sont les deux seules au monde à exploiter des centrales nucléaires en dehors de leur territoire national, Suez ayant acquis une expertise reconnue de tous dans la gestion de ces dernières ;
- le nouveau groupe se prononcera l'an prochain sur une éventuelle candidature pour le projet de construction de la deuxième centrale EPR. Toutefois, il serait souhaitable que le GDF/Suez s'inspire de l'expérience finlandaise et s'associe à des partenaires français, voire internationaux, qui soient également d'importants consommateurs en énergie électrique.
Mercredi 9 juillet 2008
- Présidence conjointe de M. Jean-Paul Emorine, président et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne.Commerce extérieur - Négociations de l'OMC - Audition de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur
La commission, conjointement avec la délégation à l'Union européenne, a procédé à l'audition de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur, auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur les enjeux de l'internationalisation de l'économie française et les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur, a tout d'abord abordé le sujet de l'internationalisation de l'économie française, en soulignant le fait que cette internationalisation ne se résumait pas à la balance commerciale. Elle a précisé que les importations étaient très pénalisées par l'effet du doublement du prix du baril de pétrole, même si la parité euro/dollar amoindrissait cet effet, et que les exportations manquaient de dynamisme, notamment du fait du ralentissement de l'économie mondiale et particulièrement européenne, l'Union européenne absorbant deux tiers de nos exportations. Le montant du déficit commercial français, qui atteint 40 milliards d'euros, est inférieur, lorsqu'on l'exprime en points de PIB, à celui du Royaume-Uni et de l'Espagne, mais il est vrai qu'il est sans commune mesure avec l'excédent de l'Allemagne qui a fondé sa stratégie économique globale sur sa compétitivité à l'export. Il importe de se focaliser non pas tant sur le solde commercial, que sur les exportations, reflet de la compétitivité française mais également du dynamisme mondial. En particulier, il faut regarder les parts de marché à l'exportation et, plus précisément les parts de marché dans les pays industrialisés, qui sont des concurrents.
Dans cette perspective, tous les instruments susceptibles de stimuler l'export et la compétitivité sont importants : le crédit impôt recherche, les pôles de compétitivité, l'encouragement des PME à exporter, auquel contribue notamment la possibilité, introduite à l'initiative de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de conclure un contrat pour une seule mission.
S'agissant des flux d'investissements, le chiffre d'affaires des implantations françaises à l'étranger représente deux fois le montant des exportations et les investissements étrangers en France restent très élevés, contribuant au développement de l'emploi sur le territoire national. En tout état de cause, la diversification de la localisation des filiales, centres de recherche ou usines doit amener à considérer que les chiffres de la Douane ne résument pas l'ouverture sur l'international de la France.
Mme Anne-Marie Idrac a insisté sur l'exemplarité de la réforme lancée par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, afin d'améliorer l'organisation des services publics au bénéfice des entreprises exportatrices : cette réforme vise à distinguer entre les missions régaliennes (diplomatie économique, information du Gouvernement, soutien aux grands contrats) et l'accompagnement des PME via UBIFRANCE, afin d'augmenter le nombre des PME exportatrices ou présentes sur les salons et le nombre de volontaires internationaux en entreprises (VIE). Cette réforme s'appuie également sur le réseau, en France et à l'étranger, des chambres de commerce, dans une ambiance « d'équipe de France » très satisfaisante. Il reste qu'UBIFRANCE dispose de crédits deux fois moindres que ses homologues allemand ou italien ; une augmentation de sa dotation budgétaire pourrait être envisagée, d'autant plus que la productivité de crédits publics supplémentaires serait assurée par la rénovation de l'agence. Par ailleurs, les entreprises françaises doivent donner la priorité à l'innovation pour permettre à la France de rattraper son retard à l'égard de ses concurrents.
Mme Anne-Marie Idrac a fait le point sur l'état du cycle de négociations commerciales multilatérales engagé à Doha en novembre 2001, cycle dont elle a rappelé qu'il s'intitulait « cycle du développement ». Elle a précisé que plusieurs sujets n'étaient pas à l'ordre du jour de cette négociation multilatérale, soit du fait de décisions intervenues depuis 2001 au sein de l'OMC, soit du fait de la compétence d'autres organismes internationaux : les investissements, la santé, l'environnement et, plus largement, les sujets dits « de régulation ».
Evoquant la réunion des ministres organisée à partir du 21 juillet à Genève à l'initiative du directeur général de l'OMC, où M. Peter Mandelson, commissaire européen au commerce, représentera l'Union européenne, elle a fait part de la très grande inquiétude de la France à l'égard de l'état des discussions : « le compte n'y est pas ». La Commission européenne a déjà tout donné sur la partie agricole mais, en échange, n'a pas obtenu de grandes concessions des pays en développement sur l'accès au marché des produits non agricoles. Concernant l'agriculture, les concessions européennes résultent entièrement de la réforme de la politique agricole commune. Deux points méritent particulièrement l'attention : d'une part, l'accès au marché pour les produits sensibles (sucre, fruits et légumes, volaille et boeuf) ; d'autre part, les subventions aux exportations et l'éventuel renforcement des contraintes sur la « boîte verte » qui concerne les subventions autorisées, alors même que les Etats-Unis continuent, avec le plus grand cynisme, à y recourir. Les Etats-Unis ont effectivement adopté un « Farm Bill » aux conséquences financières considérables.
L'attitude du Brésil est également étonnante. Non seulement ce pays soutient maintenant le développement des biocarburants, ce qui implique la déforestation de l'Amazonie pour cultiver du sucre et du maïs et produire de l'éthanol, mais, en outre, il utilise les vrais pays pauvres en accusant les subventions agricoles européennes d'être responsables des difficultés de développement rencontrées par ces pays.
Concernant les indications géographiques, Mme Anne-Marie Idrac a fait état d'un blocage des négociations, tout en soulignant l'importance de ce sujet pour la France, notamment en matière de vins et spiritueux, ainsi que pour d'autres pays, parfois au nom de la biodiversité.
S'agissant des produits non agricoles, elle a indiqué que l'objectif était théoriquement d'abaisser les droits de douane et de consolider les droits existants mais elle a relevé qu'en application des « flexibilités », certains secteurs industriels dans les pays émergents pouvaient être mis à l'abri de cette baisse. Beaucoup d'industries françaises sont intéressées par l'ouverture de certains marchés et regrettent la fermeture de nombreux pays en développement et des conditions particulières octroyées à la Chine, qui pourrait rester encore préservée pendant dix-huit ans en ce domaine. Enfin, s'agissant des services, on peut déplorer la très faible ouverture que semblent prêts à consentir les membres de l'OMC et le fait que le sujet ne sera abordé qu'à une phase ultérieure des discussions.
Mme Anne-Marie Idrac a rappelé que la France avait obtenu fin mars du Conseil « Affaires générales » des conclusions fortes exigeant la plus grande fermeté dans les négociations. Elle a jugé que l'Union européenne avait joué avec le feu : en mettant tout sur la table en matière agricole, elle a perdu sa marge de négociation sur les autres sujets.
Présentant sa méthode, Mme Anne-Marie Idrac a annoncé qu'elle allait tenir le 18 juillet un Conseil des ministres « Affaires générales » qui sera appelé à se prononcer sur les nouveaux textes qui auront été publiés le 10 juillet et à préciser le mandat de négociation de M. Peter Mandelson. A Genève, elle entend inviter le commissaire européen à lui rendre compte quotidiennement de l'avancée des négociations.
Elle a estimé que le refus des Irlandais de ratifier le Traité de Lisbonne avait sûrement été alimenté par l'inquiétude de ce pays à l'égard de l'OMC, notamment s'agissant de la viande bovine. Si d'autres pays de l'Union considèrent que tout vaut mieux qu'un échec, la France entend faire primer le fond sur le calendrier.
M. Jean Bizet a tout d'abord évoqué le budget du « Farm Bill », qui représente 255 milliards de dollars pour les cinq ans à venir. Mettant en garde contre un développement excessif des agro-carburants, il a relevé que, d'ici quatre ans, l'Europe pourrait rencontrer des difficultés à s'approvisionner en protéines végétales pour nourrir son cheptel. Il s'est ensuite interrogé sur l'opportunité de maintenir l'agriculture dans le champ des négociations de l'OMC. Il a aussi déploré que l'agenda de l'Union européenne se trouve régulièrement à contre-temps du calendrier américain et regretté que la réforme de la PAC qui doit intervenir à l'issue de son bilan de santé se trouve ainsi décalée par rapport à la perspective d'un possible accord à l'OMC. Il a ensuite confirmé le rôle de l'OMC dans la moralisation des échanges internationaux, tout en appelant à repenser le multilatéralisme au regard de la notion de développement durable. Puis il a plaidé pour un meilleur encadrement du mandat du commissaire européen, jugeant toutefois que des remontrances publiques à son égard risquaient de fragiliser sa position dans les négociations. Enfin, il a insisté sur la nécessité d'intégrer la dimension environnementale dans les négociations internationales afin de mettre un terme aux distorsions de concurrence que subit l'Union européenne, du fait de son exemplarité en la matière, et invité à recourir au traitement spécial et différencié afin de prévoir l'application progressive de ces normes environnementales aux pays en développement.
M. Robert Bret s'est interrogé sur les conséquences, pour la position de l'Union européenne dans les négociations, de la méthode retenue par le Président de la République qui déclare publiquement ne pas vouloir sacrifier l'agriculture sur l'autel du libéralisme mondial. Revenant sur les agro-carburants, il a relevé que le dernier Conseil européen sur ce sujet avait fixé l'objectif de recourir à 10 % d'énergies renouvelables dans les transports, mais sans préciser la part des agro-carburants dans ces 10 %. Il s'est enfin soucié de la multiplication d'accords bilatéraux, risquant de marginaliser l'OMC, dont il a observé l'impact des décisions dans des domaines variés (santé, environnement...).
Mme Evelyne Didier a considéré que les négociations à l'OMC s'apparentaient à un marché de dupes où les marges de manoeuvre sont inexistantes. Concernant le Brésil, elle a confirmé, pour s'y être récemment rendue avec la commission, que ce pays avait engagé un programme national d'agro-carburants très hégémonique. Relevant que les partenaires de la France ne partageaient pas ses préoccupations sociales et environnementales, elle s'est demandé si l'OMC se souciait des « crises de la faim » dans le monde.
M. Benoît Huré a considéré que les négociations engagées, il y a sept ans, l'avaient été sur des bases aujourd'hui obsolètes, du fait de l'attitude des Etats-Unis et des pays émergents, et estimé que les nouvelles problématiques énergétiques, alimentaires et environnementales devaient être introduites dans les négociations internationales. Insistant sur l'importance de ne pas mettre l'Union européenne en situation de dépendance alimentaire, il a rappelé que les décisions politiques en matière de négociations internationales ne pouvaient émaner de la seule Commission européenne mais tiraient leur légitimité du fait que les hommes chargés de prendre ces décisions devaient en rendre compte devant les citoyens. Il a conclu en jugeant qu'une conclusion hâtive du cycle de l'OMC serait suicidaire pour l'Union européenne comme pour les pays en développement.
M. François Fortassin a envisagé l'alternative suivante : soit l'agriculture sort du champ de l'OMC, soit elle y reste, et, dans cette hypothèse, il s'est interrogé sur les moyens dont dispose la France pour infléchir les règles de fonctionnement et de négociation à l'OMC.
M. Dominique Braye s'est étonné que l'Europe se retrouve dans cette impasse et a contesté la légitimité de la période transitoire de 18 ans évoquée par Mme Anne-Marie Idrac concernant la Chine. Il a jugé que, dans ces circonstances, les parlementaires risquaient d'adopter des attitudes aussi réservées voire hostiles que celles des citoyens à l'égard de l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a encouragé l'action du Gouvernement pour favoriser la place des PME dans les exportations, s'interrogeant néanmoins sur l'existence d'instruments permettant de mesurer les progrès en la matière. Concernant l'OMC, il a jugé que M. Peter Mandelson semblait se sentir « trop à l'étroit » dans le mandat que lui avaient confié les Etats membres et a regretté le caractère « brouillon » de la mise en cause du Commissaire par le président d'un de ces Etats. Il a estimé que la France devrait en débattre à l'occasion des élections européennes et qu'elle devrait peser plus fortement sur la répartition des portefeuilles au sein de la Commission européenne. Enfin, revenant sur le mouvement de rejet à l'égard de l'Union européenne, il a appelé à s'interroger sur la situation qui résulterait, a contrario, de l'absence de construction.
M. Jacques Muller est revenu sur le déficit français de compétitivité, notamment par rapport à l'Allemagne, laquelle tire parti de sa meilleure spécialisation, notamment en matière de biens d'équipement. Il a relevé que la flexibilité sociale, qui régnait au Royaume-Uni ou en Espagne, n'était pas synonyme de performance.
M. Jean-Paul Emorine, président, a prié Mme Anne-Marie Idrac de bien vouloir évoquer son récent voyage au Japon, en compagnie de nombreux chefs d'entreprises, afin d'éclairer la commission dont une délégation se rendra au Japon au mois de septembre prochain.
En réponse, Mme Anne-Marie Idrac a apporté les précisions suivantes :
- l'objectif du quinquennat en matière d'accompagnement des PME à l'export est mesurable puisqu'il s'agit d'obtenir 10.000 entreprises exportatrices de plus en France ;
- la zone euro-méditerranéenne offre des opportunités très intéressantes pour les PME françaises qui y sont déjà très présentes et les difficultés logistiques résultant de la flambée des prix du pétrole devraient renforcer cette attractivité ;
- dans les relations commerciales franco-japonaises, les thèmes comme l'accès au marché ou les normes notamment alimentaires ont un caractère sensible. Par ailleurs, au mois de septembre, un appel d'offres sera en cours pour huit avions gros porteurs ;
- un mandat avait bien été donné à M. Peter Mandelson, mais les chefs d'Etat ne sont pas en mesure d'intervenir dans le détail des négociations. Les critiques émises par le Président de la République renforcent la Commission, puisque celle-ci sera d'autant plus forte qu'elle bénéficiera du soutien politique renouvelé des Etats membres. Dans la poursuite des négociations de l'OMC, la nationalité du Commissaire européen en charge du commerce n'est pas déterminante, mais bien plutôt l'attitude des pays de l'Union européenne qui souhaitent apparaître comme de « bons élèves » à l'OMC et considèrent primordial de signer un accord multilatéral pour en tirer les bénéfices, même si des pays comme l'Allemagne, l'Irlande, l'Italie ou la Grèce se préoccupent respectivement d'industrie, de viande bovine, d'indications géographiques ou de coton ;
- la politique intérieure américaine est source d'incertitude dans la mesure où l'administration américaine peut donner son aval à un accord multilatéral que ne ratifiera pas nécessairement le Congrès américain par la suite ; ainsi, l'objectif visé pour la fin du mois de juillet est un « compromis politique », c'est-à-dire un cadre pour un accord qui nécessitera encore six à huit mois de travaux techniques pour être finalisé et qui, de ce fait, n'interviendra donc pas avant le début de l'année 2009, sous nouvelle administration américaine ;
- la France n'est qu'un Etat parmi les 150 Etats membres de l'OMC et la majorité d'entre eux souhaitent le maintien de l'agriculture dans ce cadre de négociations, précisément en raison de l'objectif de développement assigné au cycle actuel. Le renforcement des liens entre l'OMC et la FAO est une nécessité, cette dernière demandant à ce que le cycle de Doha aboutisse. Il est également souhaitable que les questions environnementales soient mieux prises en compte par l'OMC et c'est d'ailleurs le sujet de la prochaine réunion des ministres européens du commerce extérieur prévue sous présidence française ;
- certains accords bilatéraux peuvent être très intéressants pour les pays en développement, tels ceux signés par l'Union européenne avec l'Afrique ou avec les pays en développement, comme l'initiative « Tout sauf les armes ». La France travaille par ailleurs sur des accords avec la Corée, les pays du Golfe voire le Canada, ce qui peut permettre de répondre vite et précisément à des demandes pointues des industriels. A l'inverse, le multilatéralisme à l'OMC est parfois difficile à mettre en oeuvre, en raison de l'absence de pouvoirs d'initiative de l'organisation elle-même et des prises de décision par consensus.
En conclusion, Mme Anne-Marie Idrac a remercié les commissaires pour leurs encouragements à faire primer le politique, à chercher la réciprocité à l'égard des Etats-Unis et de la Chine et à infléchir les règles du jeu. Elle a souhaité que la France ne se trouve pas en position d'isolement mais en éclaireur, avec des propositions constructives et, dans cette perspective, le soutien du Parlement est très important.
Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.
Sécurité - Détecteurs de fumée - Examen des amendements en 2ème lecture
La commission a ensuite examiné, en deuxième lecture sur le rapport de M. René Beaumont, les amendements à la proposition de loi n° 399 (2007-2008) visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.
A l'article 2, la commission a décidé d'émettre un avis défavorable, s'ils n'étaient pas retirés, à l'adoption :
- du sous-amendement n° 3 à l'amendement n° 1 de la commission, présenté par M. René Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à imposer l'installation de détecteurs de fumée dans les parties communes des immeubles collectifs ;
- du sous-amendement n° 2 à l'amendement n° 1 de la commission, présenté par les mêmes auteurs et tendant à mettre à la charge du propriétaire l'entretien des dispositifs quand cet entretien demanderait des compétences spécifiques.
La commission a également décidé de donner un avis défavorable, s'il n'était pas retiré, à l'adoption de l'amendement n° 4, présenté par M. Roger Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à insérer un article additionnel après l'article 2 et ayant pour objet d'imposer, avant l'acquisition ou la location d'un logement, l'information de l'acquéreur ou de l'occupant sur l'utilisation et l'entretien des détecteurs de fumée ainsi que sur la conduite à tenir en cas d'incendie, le rapporteur ayant souligné que cet amendement était largement satisfait par les dispositions de l'amendement n° 1 de la commission.
La commission a ensuite décidé de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5, présenté par les mêmes auteurs, tendant à insérer un article additionnel après l'article 2 et prévoyant que pourraient être déduites des revenus fonciers imposables les dépenses d'installation de détecteurs de fumée supportées par le propriétaire.
Elle a enfin décidé d'émettre, s'il n'était pas retiré, un avis défavorable à l'adoption de l'amendement n° 6, présenté par les mêmes auteurs, tendant à insérer un article additionnel après l'article 2 et ayant pour objet d'interdire que les sociétés d'assurances soient libérées de leurs obligations en cas de sinistre, M. René Beaumont, rapporteur, ayant fait observer que cet amendement, au demeurant rédigé en termes trop généraux, était satisfait par l'article 3 bis de la proposition de loi.