- Mercredi 2 juillet 2008
- Energie - Audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l'énergie
- Logement - Détecteurs de fumée - Examen du rapport en deuxième lecture
- Responsabilité environnementale - Désignation des candidats appelés à faire partie de la commission mixte paritaire
- Organisme extraparlementaire - Désignation de deux membres
Mercredi 2 juillet 2008
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président.Energie - Audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l'énergie
M. Jean-Paul Emorine, président, a tout d'abord souhaité la bienvenue à M. Khattar, président de la commission des affaires économiques et du plan du Sénat mauritanien, qui effectue une visite d'études de dix jours au Sénat, s'inscrivant dans le cadre du volet gouvernance du Programme des nations unies pour le développement (PNUD)
La commission des affaires économiques a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l'énergie (CRE).
M. Philippe de Ladoucette, président de la CRE, s'est félicité de cette audition devant la commission des affaires économiques du Sénat qui, un an plus tôt, avait émis le voeu que l'exercice de présentation du rapport d'activité de la CRE soit pérennisé, conformément à l'article 32 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Rappelant que, l'an dernier, deux faits marquants avaient encadré la présentation, à savoir l'ouverture complète des marchés de l'électricité et du gaz et l'annonce, par la Commission européenne, d'un troisième paquet énergie, il a souhaité aborder, outre ces deux sujets, les principaux thèmes contenus dans le rapport d'activité de 2008 de la CRE :
- les initiatives régionales tant en électricité qu'en gaz, instruments de construction du marché intérieur européen de l'énergie et qui concernent la question des interconnexions ;
- l'approbation par la CRE des programmes d'investissement des gestionnaires des réseaux de transport (GRT), en électricité et, pour la première fois, en gaz, en application de la loi votée le 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie ;
- l'élaboration au cours de l'année 2008 des tarifs d'accès aux réseaux, qu'il s'agisse du transport ou de la distribution, dans le contexte nouveau, pour cette dernière, de la filialisation intervenue le 1er janvier dernier ;
- un premier bilan sur la surveillance des marchés de gros, un an après l'ouverture totale du marché de l'électricité, mission confiée à la CRE par la loi du 7 décembre 2006.
S'agissant du troisième paquet énergie proposé par la Commission européenne, qui a pour ambition d'accélérer la construction du marché intérieur, il a indiqué qu'un compromis européen sur la troisième voie semblait s'être dégagé lors du Conseil européen du 6 juin dernier. Il a toutefois souligné les difficultés pour parvenir à un accord au Parlement européen, ce dernier préférant, comme le vote de la commission ITRE (industries, télécommunications, recherche et énergie) avait pu le laisser prévoir, la voie de la séparation patrimoniale totale pour le secteur de l'électricité, position qu'elle n'a cependant pas retenue pour le gaz. Les eurodéputés ont également choisi de renforcer les pouvoirs décisionnels et l'indépendance de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie par rapport à la proposition de la Commission européenne et aux positions de certains Etats membres, notamment l'Allemagne.
Au-delà de la question très médiatique de la propriété des réseaux, le véritable enjeu du troisième paquet énergie porte sur le renforcement et l'harmonisation du pouvoir des régulateurs à l'échelle nationale comme européenne, la régulation devant l'emporter sur l'autorégulation, faute de quoi les recommandations émises à la suite de la panne d'électricité du 6 novembre 2006 resteront lettre morte. Il est très satisfaisant que le troisième paquet propose, dans sa version actuelle la création d'une agence des régulateurs européens pour résoudre les questions transfrontalières et examiner les plans d'investissement à long terme des GRT européens ainsi que le renforcement du statut et des compétences des régulateurs nationaux, et l'harmonisation de leurs pouvoirs, afin de tendre vers le marché unique européen de l'énergie qui fait aujourd'hui l'objet d'un consensus général.
M. Philippe de Ladoucette a abordé la question de l'indépendance des gestionnaires de réseaux, notamment en France où tous les acteurs conviennent que des réseaux indépendants, ouverts à tous et efficaces, sont la clé du bon fonctionnement concurrentiel des marchés de l'électricité et du gaz, industries de réseau par excellence. La situation française est satisfaisante, la CRE étant un des rares régulateurs européens à publier un rapport annuel sur le respect des codes de bonne conduite et sur l'indépendance des gestionnaires de réseaux.
Il a à cet égard relevé que dans son troisième rapport, publié le 19 décembre 2007, la CRE avait considéré que les exigences imposées par les directives européennes étaient globalement remplies en ce qui concerne les transporteurs, mêmes si les relations financières entre les filiales et leur maison mère restaient un sujet de vigilance afin d'éviter les subventions croisées. La formalisation de cette indépendance s'est traduite en Europe par le dégroupage des secteurs de l'électricité et du gaz en quatre activités distinctes : production, transport, distribution et fourniture, et par la mise en oeuvre de la dissociation sur les plans comptable et juridique, désormais obligatoires pour tous les gestionnaires de réseaux. La dernière étape de ce processus de dissociation, à savoir la filialisation des gestionnaires de réseau de distribution (GRD), desservant plus de 100.000 clients, conformément aux directives de juin 2003, est, au 1er juillet 2008, quasiment achevée sur le territoire national.
En ce qui concerne les nouvelles filiales de distribution, des améliorations doivent encore être apportées, la CRE ayant, en particulier, mis en évidence, l'ambigüité des dénominations et des identités visuelles d'Electricité réseau distribution France (ERDF), filiale de distribution d'EDF, et Gaz réseau distribution France (GrDF), filiale de distribution de Gaz de France, qui ne permettent pas au consommateur d'identifier clairement les activités en monopole des distributeurs des activités en concurrence du fournisseur de leur maison mère. Ceci pose un problème de principe, dans la mesure où ils permettent aux fournisseurs EDF et GDF de s'approprier l'image favorable du service public, au détriment des fournisseurs alternatifs.
Il a ensuite abordé la question des initiatives régionales en faveur de la construction du marché intérieur de l'énergie, en insistant sur l'importance de celui-ci pour la sécurité énergétique des Etats membres. Il a, à cet égard, cité un passage du rapport de Claude Mandil, remis au Premier ministre pour la présidence française de l'Union européenne consacré à la sécurité énergétique : « la mise en oeuvre complète et résolue du marché intérieur ne compromet pas la sécurité, comme on l'entend dire trop souvent, bien au contraire, c'est l'outil essentiel de la solidarité à l'intérieur de l'Union. Encore faut-il qu'il s'agisse réellement d'un marché unique et fluide, et non de vingt-sept marchés certes libéralisés, mais cloisonnés par les pratiques contractuelles, le manque de capacités de production, d'infrastructures de transport et d'harmonisation réglementaires ».
Pour répondre à ce défi, la Commission européenne et les régulateurs ont proposé une démarche graduelle dite « initiatives régionales », qui permet de traiter les sujets zone par zone.
Dans le secteur de l'électricité, la France participe ainsi à quatre des sept initiatives régionales, trois priorités ayant été définies : la mise en cohérence et la simplification des méthodes de gestion des congestions aux frontières, l'harmonisation de la transparence des marchés et le développement des échanges d'énergie d'ajustement aux frontières. En 2007, un consensus croissant s'est dégagé au niveau européen sur un modèle-cible commun de calcul et d'allocation des capacités d'interconnexion, le couplage des marchés entre la France, les Pays-Bas et la Belgique constituant l'un de ces modèles-cible pour les échanges du jour pour le lendemain. Le projet d'étendre ce mécanisme à l'Allemagne et au Luxembourg est prévu pour l'année prochaine, ce qui donnera un véritable coup d'accélérateur à la préfiguration d'un réel marché européen. En revanche, des solutions restent à trouver pour améliorer la connexion de la péninsule ibérique à l'ensemble de la plaque continentale.
Le développement des échanges transfrontaliers doit permettre de répondre de manière cohérente aux besoins exprimés par chaque marché, comme, par exemple, la gestion du pic de demande qui ne se situe pas à la même heure en Grande-Bretagne, en Espagne et en France. Ces échanges permettent de lisser et d'éviter le recours aux moyens de production de pointe les plus coûteux et les plus émetteurs de CO2. Ainsi, lorsque les conditions climatiques sont favorables, une partie de la production éolienne allemande ou espagnole pourrait être exportée en France en période d'extrême pointe en remplacement des moyens chers et polluants.
M. Philippe de Ladoucette a ajouté que le développement des échanges transfrontaliers d'électricité, en favorisant une mutualisation plus poussée des réserves de chaque système, contribuait à la sécurité du réseau interconnecté. Plus généralement, l'utilisation de toutes les interconnexions au maximum de leurs capacités, pour les échanges journaliers, permettrait de réduire d'environ 330 millions d'euros par an les dysfonctionnements liés à la non-optimisation du dispositif.
Dans le secteur du gaz, il a indiqué que la France participait à deux des trois initiatives régionales, soulignant que la réalisation du marché intérieur du gaz était un atout pour le bon fonctionnement du marché national, une part importante des approvisionnements français transitant par les pays européens.
Dans la région nord-ouest (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Grande-Bretagne, Irlande du Nord, Pays-Bas et Suède), le fonctionnement des interconnexions et l'accès aux capacités constituent deux questions essentielles. S'agissant des interconnexions, deux points prioritaires concernent directement la France : Taisnières à la frontière belge, où transite le gaz venant du nord de l'Europe, et Obergailbach à la frontière allemande, où transite le gaz russe. En ce qui concerne l'accès aux capacités, il faut optimiser l'utilisation des capacités existantes et investir pour en créer de nouvelles, en veillant à une coordination au niveau régional afin d'éviter que des capacités ne soient développées par un transporteur d'un côté de la frontière, mais pas de l'autre.
Dans la région sud (Espagne, Portugal et France), le développement des interconnexions gazières entre la France et la péninsule ibérique constitue une priorité, les flux étant actuellement physiquement limités et commercialement peu dynamiques, essentiellement dans le sens France-Espagne. Un plan d'investissement allant jusqu'en 2015 a d'ailleurs été arrêté avec les différents transporteurs français et espagnols pour renforcer les points d'interconnexion de Larrau et Birriatou. L'initiative sud fait l'objet d'un suivi attentif de la Commission européenne tant en gaz qu'en électricité, celle-ci réunissant régulièrement l'ensemble des acteurs concernés ainsi que les représentants des gouvernements pour faire le point des avancées. L'efficacité des interconnexions constitue une donnée stratégique à la fois en termes de sécurité d'approvisionnement et de développement du marché.
M. Philippe de Ladoucette a ensuite abordé la question essentielle des investissements dans le transport et la distribution, la CRE ayant la responsabilité d'approuver les plans annuels d'investissement des transporteurs tant pour l'électricité que pour le gaz, contrairement à la plupart des autres régulateurs en Europe. Le programme d'investissement de GRT gaz s'élève ainsi à 585 millions d'euros contre 382 en 2007 et celui de TIGF, filiale de transport de Total, s'élève à 191 millions d'euros contre 160 en 2007, cette croissance s'inscrivant dans une tendance de long terme pour répondre aux besoins de développement du réseau français. Ces investissements s'inscrivent aussi dans la perspective du passage de cinq à trois zones d'équilibrage, en janvier 2009, qui va permettre la création d'une grande zone de marché dans la moitié nord de la France, la structuration du marché interne étant aussi importante que celle des interconnexions aux frontières.
Ces investissements approuvés par la CRE permettront la réduction des congestions internes du réseau et l'augmentation des capacités d'entrée de gaz en France. La question des ports méthaniers est, à cet égard, essentiel pour la sécurité de l'approvisionnement en gaz de la France. Au cours de la prochaine décennie, le recours au gaz naturel liquéfié (GNL) constituera, en effet, pour les pays importateurs, le moyen de répondre à la croissance de leur consommation. Il représente aujourd'hui 30 % du gaz consommé en France, part qui sera amenée à croître significativement et qui renforce l'intérêt des quatre nouveaux projets de terminaux méthaniers. M. Philippe de Ladoucette a précisé que l'importance du sujet de la régulation des terminaux méthaniers avait conduit la CRE à mettre en place un groupe de travail indépendant composé de neuf membres issus des milieux industriels, universitaires, de l'administration et de la régulation. Leurs conclusions, qui ont fait l'objet d'un rapport adressé aux parlementaires, soulignent l'importance de l'enjeu afin de renforcer l'attractivité du marché national vis-à-vis des marchés américain et asiatique avec lesquels la France est en concurrence.
Puis, s'agissant des investissements dans les réseaux d'électricité, il a indiqué que la CRE avait approuvé le programme annuel du Réseau de transport d'électricité (RTE) qui s'élève à 852,6 millions d'euros et qui s'inscrit dans un contexte d'accélération des besoins de renouvellement à partir de 2020. Le budget des investissements de renouvellement a été porté à 215 millions d'euros, contre 167 millions d'euros de dépenses réalisées en 2006, et la CRE reste vigilante sur l'adéquation des investissements aux obligations de raccordement des nouvelles centrales de production, de façon non discriminatoire, en particulier celles à cycle combiné gaz.
A propos de l'élaboration des tarifs d'utilisation des réseaux d'électricité et de gaz naturel, il a fait observer qu'en 2007 et 2008, la CRE avait engagé le renouvellement progressif de l'ensemble des tarifs qu'elle propose au Gouvernement. Ils s'appliquent aux fournisseurs et producteurs d'énergie qui utilisent les réseaux de transport et de distribution d'électricité ou de gaz et reflètent les investissements de développement, d'amélioration et de sécurisation des installations entrepris par les gestionnaires de réseaux. Ils contribuent d'une part au droit d'accès des tiers en permettant aux utilisateurs d'accéder à ces réseaux dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires et, d'autre part, à l'autonomie comptable des gestionnaires de réseaux en leur fournissant une recette autonome et contrôlée. Le contexte dans lequel s'inscrit cette mission d'élaboration des tarifs par la CRE, était caractérisé par l'augmentation des besoins en investissements tant dans la production, que dans le transport et la distribution, les actionnaires concernés rencontrant des difficultés d'arbitrage à cet égard.
Il a indiqué que le tarif concernant l'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel entré en vigueur au 1er juillet 2008, était en hausse de 5,6 %. Ce tarif est fixé pour quatre ans et doit être en conformité avec les investissements entrepris par le gestionnaire de réseau de distribution de gaz (GrDF). L'annonce de ce nouveau tarif a provoqué un petit émoi médiatique, la CRE ayant indiqué que la conséquence de cette hausse devrait être de l'ordre d'1,5 % sur les tarifs réglementés de vente de gaz, hausse de 5,6 % s'appliquant sur les 30 % que représente la distribution dans la facture (hors taxes) payée par le consommateur final.
Les tarifs de vente de gaz sont constitués d'une part acheminement et d'une part molécule des opérateurs, ces facteurs étant totalement indépendants. Toute hausse des tarifs d'utilisation des réseaux constitue en conséquence une charge supplémentaire pour tous les fournisseurs. La loi prévoit ainsi que les tarifs réglementés de vente de gaz de Gaz de France doivent prendre en compte l'ensemble de ses coûts, et donc répercuter cette hausse. Pour les offres à prix de marché, les fournisseurs devront répercuter cette hausse ou accepter une baisse de leur marge.
M. Philippe de Ladoucette a ensuite indiqué que la CRE travaillait actuellement à l'élaboration du tarif de transport et de distribution d'électricité (TURPE). A cet égard, la création d'ERDF au 1er janvier 2008 a révélé, selon lui, l'état de dégradation de la qualité de la distribution de l'énergie électrique sur les réseaux concédés à ERDF, dont l'origine est bien antérieure à l'ouverture du marché, soulignant que les efforts d'investissements consentis entre 1980 et 1995, n'avaient pas été poursuivis entre 1995 et 2005. Un effort très important d'investissements est indispensable dans les années à venir afin de revenir à un niveau de qualité identique à celui du début des années 2000. De ce point de vue, il a regretté que la CRE ne dispose pas, aujourd'hui, de la compétence d'approbation des programmes annuels d'investissements des gestionnaires de réseaux de distribution, celle-ci permettant le contrôle de l'adéquation des investissements avec les exigences de sécurité et de qualité inhérentes à la distribution.
Dans le cadre du renouvellement d'ensemble des tarifs, il a indiqué que la CRE avait commencé à mettre en place des mécanismes incitant les gestionnaires de réseaux à offrir le service le plus performant au meilleur prix. Cette régulation incitative repose sur le principe selon lequel les gestionnaires de réseaux améliorent d'autant mieux leurs performances techniques et économiques qu'ils en retirent un bénéfice. Il a ajouté que la CRE travaillait également à l'élaboration d'une régulation incitative de la qualité, afin de répondre à certains dysfonctionnements.
M. Philippe de Ladoucette a ensuite abordé la question du comptage intelligent, ayant fait observer que le monde était entré dans une ère où l'énergie serait durablement chère en raison de l'ampleur des investissements à effectuer. L'efficacité énergétique constitue le seul moyen de maîtriser l'évolution de la facture énergétique, le kilowattheure le plus cher étant le kilowattheure marginal, ce qui plaide pour le développement d'un système de comptage intelligent.
La CRE contrôle l'expérimentation menée par ERDF portant sur le remplacement, en 2010, de 300.000 compteurs par des compteurs évolués, préalablement à leur installation chez l'ensemble des consommateurs sur la période 2012-2017, soit 35 millions de compteurs. Il a estimé qu'au 31 décembre 2014, au moins 50 % des consommateurs raccordés aux réseaux publics de distribution d'ERDF devraient être équipés de ces dispositifs, puis fin 2016, plus de 95 %. Cette innovation doit permettre aux fournisseurs de développer des offres diversifiées, aux gestionnaires de réseaux d'améliorer la qualité de leurs prestations, et aux consommateurs de mieux connaître leur consommation pour la rationaliser. Le comptage s'inscrit pleinement dans le cadre de la maîtrise de la demande en énergie, à savoir la réduction de la consommation et, le déplacement des consommations en dehors des périodes de pointe, afin de réduire les moyens de production fortement émetteurs de gaz à effet de serre.
S'agissant de l'ouverture complète des marchés de l'électricité et du gaz, effective depuis un an, M. Philippe de Ladoucette a observé qu'elle ne s'était pas traduite par une ruée vers les nouveaux fournisseurs. La CRE a fait en sorte que toutes les conditions techniques et juridiques de cette ouverture soient réunies, soulignant qu'aujourd'hui tout consommateur qui souhaite changer de fournisseur peut exercer ce droit en toute connaissance de cause, de façon simple, gratuite, et avec la garantie de conserver le même niveau de qualité et de sécurité. Néanmoins, au vu de la situation actuelle du marché de détail, l'apprentissage de la concurrence en France est, et sera, très progressif, plusieurs études ayant montré que seuls un tiers des foyers français savent qu'ils peuvent désormais choisir leur fournisseur d'électricité, ce qui plaide pour davantage de pédagogie sur l'ouverture à la concurrence. En ce qui concerne plus particulièrement le développement de la concurrence sur les marchés de détails, on assiste à une différenciation nette entre l'électricité et le gaz, les fondamentaux du marché de détail de ce dernier étant bons et s'améliorant. Le niveau des tarifs réglementés de vente permet ainsi aux fournisseurs alternatifs d'être, pour l'instant, compétitifs.
Il a ensuite abordé la mission de surveillance des marchés de gros qui permet à la CRE de vérifier que les opérateurs disposant d'un pouvoir de marché n'en abusent pas, et que les transactions conclues n'ont pas pour objectif d'altérer le mécanisme de formation des prix. La CRE entend faire de cette compétence un élément de confiance dans le fonctionnement du marché et a conduit une investigation sur les pics de prix constatés en octobre et novembre 2007 sur « Powernext Day-ahead Auction » et en faisant plusieurs recommandations, notamment à EDF et à l'Union française de l'électricité.
M. Philippe de Ladoucette a enfin rappelé que le principe d'indépendance de la CRE, résultait du statut d'autorité administrative indépendante conféré par la loi et réaffirmé par les directives européennes, mais que les moyens budgétaires accordés étaient insuffisants, notamment en termes d'emploi, pour lui permettre d'assumer les nouvelles missions confiées par le législateur en 2006 ainsi que celles qui résultent de l'ouverture des marchés.
La CRE étant, comparativement à ses homologues européens, la moins dotée en moyens financiers et humains, il a estimé, dans l'hypothèse où une solution budgétaire acceptable ne pourrait pas être trouvée, qu'on pourrait envisager un nouveau mode de financement. Une telle option confirmerait l'indépendance financière de la CRE, fondée sur des ressources propres, le principe d'une contribution forfaitaire versée par les entreprises du secteur régulé, selon un mode de financement en vigueur dans la quasi-totalité des régulateurs du secteur de l'énergie en Europe, et également retenu dans le « troisième paquet énergie » en discussion à Bruxelles.
Après avoir remercié M. Philippe de Ladoucette, M. Jean-Paul Emorine, président, a d'abord rappelé que les missions de la CRE s'inscrivaient dans le cadre élargi du marché européen, caractérisé par la multiplicité des enjeux et leur complexité. Il s'est dit favorable à une participation financière, au budget de la CRE, des entreprises concernées.
M. Henri Revol, faisant observer que le rapport d'activité de la CRE indiquait que la concurrence sur le marché de détail d'électricité stagnait, alors qu'il a pu constater que les nouveaux opérateurs, très actif commercialement proposaient aux consommateurs d'économiser 10 % sur leur facture d'électricité, s'est demandé comment ces derniers pouvaient proposer de telles offres alors même que le producteur national, EDF, qui achète son électricité au plus bas prix, n'était pas en mesure de le faire. Puis, faisant référence à M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, qui déclarait en séance que les investisseurs dans le domaine de l'éolien obtenaient généralement un rendement de l'ordre de 25 % par an, il s'est interrogé sur la possible distorsion de concurrence à l'égard de l'entreprise nationale EDF qui achète cette électricité à un prix très élevé. Cette situation bénéficierait en particulier à des investisseurs étrangers dont l'origine des capitaux soulève parfois des interrogations. Il s'est enfin réjoui des déclarations du président de la CRE au sujet des compteurs intelligents, préconisant lui-même le marquage des électrons en fonction de leur provenance.
M. Marcel Deneux s'est pour sa part déclaré sceptique quant au chiffre de 25 % de rendement dans l'éolien évoqué par le rapporteur général de la commission des finances. S'agissant des interconnexions, il a souhaité pouvoir disposer de la part de la CRE d'un calendrier précis sur la réalisation de la liaison avec l'Espagne. Constatant la diminution de la qualité de service d'ERDF, il s'est interrogé sur l'opportunité de modifier le TURP et sur les raisons pour lesquelles ERDF ne pouvait pas bénéficier du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TRTAM). S'agissant des compteurs intelligents, il a constaté que ceux-ci étaient beaucoup plus développés chez nos partenaires européens, et a souhaité savoir s'il n'était pas possible d'accélérer le calendrier de leur mise en place. Il a ensuite voulu savoir si la CRE mesurait les effets de son action sur les sociétés cotées comme EDF et GDF, considérant que son intervention avait pu contribuer à la détérioration de la rentabilité de cette dernière. Il a enfin souhaité savoir si la CRE était compétente en matière de surveillance des actions d'économie d'énergie, déployées par les acteurs sous la surveillance de cette autorité administrative indépendante.
Constatant que les consommateurs, notamment industriels étaient actuellement à la recherche d'électricité « propre » afin de qualifier leurs produits d'écologiques, M. René Beaumont s'est interrogé sur les moyens permettant d'assurer la traçabilité de l'électricité qu'ils achètent à partir de l'hydraulique, du nucléaire ou du thermique, la pureté étant plus ou moins forte selon l'origine des électrons. S'agissant des ports méthaniers, il s'est dit favorable à la régulation incitative des investissements portuaires, mais a souhaité savoir ce qu'il en était des flottes méthanières, faisant observer que la France était, dans ce domaine, bien placée et que le groupe Suez disposait de grandes capacités dont GDF pourrait profiter dès la fusion de ces deux entreprises.
M. Francis Grignon a évoqué la situation des électro-intensifs confrontés à un niveau élevé des prix de l'électricité et a souhaité savoir quel était le niveau d'avancement des négociations avec la Commission européenne sur l'accord conclu entre Exeltium et EDF.
M. Jean Boyer a, de son coté, voulu savoir si, en Europe, les politiques nationales en matière d'énergie étaient proches, puis s'est interrogé sur le niveau d'indépendance énergétique régionale et la vulnérabilité de la France face à des pannes, avant de demander des éclaircissements sur l'avenir de la filière éolienne en France et sur le niveau de densité de cette énergie en Europe.
M. Charles Revet a, pour sa part, souhaité avoir des précisions sur les ports méthaniers, faisant observer que le débat public avait été biaisé à l'occasion de la réforme des ports. Il s'est ensuite interrogé sur les possibilités d'exploitation, en moyenne montagne notamment, de capacités hydrauliques supplémentaires sur le territoire français.
Faisant remarquer que l'hydrolien faisant l'objet d'un développement plus important à l'étranger, notamment en Grande-Bretagne et en Ecosse, Mme Odette Herviaux a voulu connaître les perspectives de développement de cette énergie en France.
M. Jean-Paul Emorine, président a pour sa part demandé combien de personnes étaient actuellement employées à la CRE et à souhaité savoir si les dispositions législatives issues de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement aurait un impact sur l'activité de cette autorité.
En réponse, M. Philippe de Ladoucette, a apporté les précisions suivantes :
- la CRE a rendu, le 27 juillet 2006, un avis négatif sur le projet d'arrêté fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent, considérant que le tarif proposé offrait aux investisseurs une rentabilité très supérieure à ce qui semblait nécessaire pour développer ces moyens de production ;
- l'objectif de 23 % d'énergie d'origine renouvelable, confirmé par le Grenelle de l'environnement suppose un effort considérable de développement, notamment de la filière éolienne. Cependant l'arbitrage entre les investissements dans les différents types de production ne relève pas de la responsabilité de la CRE mais de la compétence du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, la bonne intégration de ces types de production requiert des investissements importants de la part des gestionnaires de réseaux ;
- le paquet « énergie-climat » proposé par la Commission européenne, dans sa formulation actuelle prévoit l'instauration d'un accès prioritaire au réseau pour les énergies renouvelables. La formulation actuelle de la disposition prévoyant cet accès prioritaire ne permet pas de déterminer s'il s'agit d'une priorité d'injection et/ou d'une priorité de raccordement, mais on peut émettre des craintes sur la mise en oeuvre effective d'une telle priorité, car elle serait contradictoire avec le principe d'accès non discriminatoire au réseau et elle induirait un vrai risque pour la sécurité de ce dernier ;
- l'Allemagne et l'Espagne sont les deux pays leaders en Europe en matière de production d'énergie éolienne. Cette énergie présente des avantages lorsque les conditions atmosphériques sont favorables, mais elle soulève des difficultés en termes de raccordement aux réseaux en raison de son caractère intermittent ;
- l'énergie éolienne permet d'accroître l'indépendance énergétique, mais en France, son coût reste élevé, notamment vis-à-vis du nucléaire et elle ne permet pas de répondre aux besoins de pointe. A cet égard, la France est d'ailleurs en situation déficitaire, ce qui nécessite l'importation d'électricité en provenance de l'Allemagne, de l'Espagne ou de l'Angleterre ;
- le 27 juin dernier, un accord franco-espagnol est intervenu à Saragosse sur la construction d'une connexion électrique traversant les Pyrénées, la question de son enfouissement n'étant toujours pas tranchée, et des incertitudes subsistant sur les délais de réalisation et son financement ;
- la CRE n'exerce aucun contrôle sur les comptes des opérateurs alternatifs et ceux-ci proposent sans doute des tarifs 10 % inférieurs à ceux pratiqués par EDF dans le cadre d'une stratégie de court terme, leur permettant de se placer sur le marché ;
- la mise en place des compteurs intelligents coûtera quatre milliards d'euros d'ici à 2016, ce qui justifie les délais retenus et parallèlement d'informer les consommateurs sur leur utilité ;
- les investisseurs des entreprises qui sont cotées en Bourse effectuent en priorité leur choix selon les orientations définies par les actionnaires. Des difficultés peuvent donc apparaître s'il s'avérait que les investissements dans les réseaux ne sont financièrement les plus rentables à court terme. La CRE dispose de leviers pour les investissements dans le transport, puisqu'elle approuve les programmes annuels d'investissements des gestionnaires de réseaux, mais elle ne dispose pas de ce pouvoir pour la distribution. De ce point de vue, il est vrai que la dissociation patrimoniale permet de régler cette difficulté qui peut apparaître au moment de l'arbitrage entre différents types d'investissements. Or, aujourd'hui, il y a un besoin d'investissement considérable pour assurer la sécurité d'approvisionnement et permettre les interconnexions entre les différents réseaux ;
- la CRE ne dispose pas de compétences dans le domaine de l'environnement, à la différence de son homologue anglais. Dans le cadre des débats relatifs au troisième « paquet énergie », le Parlement européen a proposé de confier aux régulateurs une responsabilité en la matière. En revanche, la CRE est consultée dans le cadre des appels d'offres lancés par le Gouvernement sur la biomasse et l'éolien ;
- conformément à la loi de Kirchhoff, il est physiquement impossible de déterminer la provenance de l'électricité livrée à un client donné, mais une offre d'électricité est communément dite « verte » si le fournisseur est en mesure de prouver que de l'électricité d'origine renouvelable est injectée sur le réseau en quantité équivalente à la consommation de clients ayant souscrit à l'offre ;
- le consortium Exceltium est toujours en discussion avec la Commission européenne sur le principe d'un contrat d'approvisionnement à long terme pour les électro-intensifs. La CRE n'est pas partie prenante de cette discussion ;
- l'ensemble des réseaux européens est aujourd'hui interconnecté et à travers cette mutualisation, tous seraient concernés par une panne de grande ampleur ;
- la CRE avait proposé de participer au débat public sur les terminaux méthaniers, mais sa présence n'a finalement pas été retenue ;
- compte tenu de son impact sur l'environnement, le développement d'installations hydrauliques au fil de l'eau devrait être limité ;
- la CRE emploie actuellement 128 personnes.
Logement - Détecteurs de fumée - Examen du rapport en deuxième lecture
La commission a ensuite examiné le rapport, en deuxième lecture, de M. René Beaumont sur la proposition de loi n° 399 (2007-2008), modifiée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.
Rappelant que la proposition de loi avait été déposée par deux députés, MM. Damien Meslot et Pierre Morange, au lendemain des tragiques incendies de l'été 2005 et qu'elle s'inspirait de l'expérience des pays anglo-saxons et nordiques où l'équipement des logements en détecteurs de fumée a permis une diminution importante du nombre des victimes d'incendies domestiques, M. René Beaumont, rapporteur, a regretté qu'elle ait connu un cheminement un peu irrégulier. Après son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale à l'automne 2005, il a fallu l'insistance du président Jean-Paul Emorine pour qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour du Sénat en janvier 2007, et dix-huit mois se sont encore écoulés avant son examen en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, la deuxième lecture au Sénat devant en revanche intervenir dans un délai nettement plus bref.
M. René Beaumont, rapporteur, a souligné qu'en première lecture le Sénat avait accepté, dans son principe, la mesure proposée, mais qu'il en avait modifié le dispositif.
Le Sénat avait, tout d'abord, insisté fortement sur le fait qu'un important effort d'information du public sur la prévention des incendies et sur la conduite à tenir en cas d'incendie constituait un préalable indispensable à l'obligation d'installer des détecteurs de fumée dans les logements, et une condition nécessaire de son efficacité. Le rapporteur a noté à cet égard que l'équipement en détecteurs de fumée peut être plus nuisible qu'utile s'il crée un sentiment de fausse sécurité, et qu'il était essentiel d'acquérir les « bons réflexes » en cas de déclenchement d'une alarme et d'apprendre à ne pas céder à la panique, qui peut avoir des conséquences catastrophiques. Un amendement avait donc été adopté à l'article 4 de la proposition de loi pour imposer que le délai de cinq ans prévu avant son entrée en vigueur soit mis à profit pour organiser des campagnes d'information et de sensibilisation du public, dont il serait rendu compte au Parlement en même temps que du premier bilan d'application de la loi.
Mais le Sénat avait surtout modifié sur deux points importants les modalités de mise en oeuvre de la proposition de loi :
- il avait refusé d'imposer l'installation d'une seule catégorie de détecteurs de fumée, les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée (DAAF), c'est-à-dire des détecteurs à pile comportant une alarme intégrée, et préféré laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir les caractéristiques des appareils qui pourraient être installés, à condition qu'ils soient normalisés ;
- il avait transféré des occupants aux propriétaires des logements l'obligation d'installer les détecteurs de fumée et d'assurer leur maintenance, solution qui semblait à la fois plus logique et plus efficace.
M. René Beaumont, rapporteur, a relevé qu'en deuxième lecture, l'Assemblée nationale avait suivi le Sénat sur la question des campagnes d'information du public et s'était montrée, d'une façon plus générale, plus sensible au caractère « global » de la prévention des incendies domestiques, qui passe par l'information du public mais aussi par la politique de réhabilitation de l'habitat dégradé.
Le rapporteur a approuvé la proposition de l'Assemblée nationale d'avancer à la date d'entrée en vigueur de la loi la remise au Parlement du rapport sur son application et sur les actions de sensibilisation du public : ce choix rendra certes difficile, a-t-il remarqué, la présentation d'un bilan d'application exhaustif de la loi mais permettra au Parlement de disposer, dès l'entrée en vigueur du texte, de tous les éléments nécessaires pour apprécier les mesures prises pour informer le public.
En revanche, il a regretté que sur les questions du choix des DAAF et de la responsabilité exclusive des occupants des logements, l'Assemblée nationale soit revenue aux positions qu'elle avait prises en première lecture.
M. René Beaumont, rapporteur, a exposé qu'après avoir rencontré le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Damien Meslot, et étudié les réglementations étrangères, il proposerait à la commission de maintenir les positions prises par le Sénat en première lecture sur la définition des détecteurs de fumée et la responsabilité des propriétaires en matière d'installation de ces appareils, mais qu'il lui semblait possible, et même souhaitable, de confier aux occupants des logements la responsabilité de leur entretien, comme c'est fréquemment le cas à l'étranger et comme l'a récemment recommandé la Commission de la sécurité des consommateurs.
Développant chacun de ces points, M. René Beaumont, rapporteur, a en premier lieu fait valoir que les expériences étrangères démontraient que les détecteurs « autonomes » étaient moins fiables que les détecteurs fonctionnant sur secteur et qu'il serait donc paradoxal d'interdire l'installation de ces derniers : il a estimé que l'Assemblée nationale pourrait sans doute se rallier à la position du Sénat sur ce sujet.
En ce qui concerne la responsabilité du propriétaire en matière d'installation des détecteurs, qui continue à faire débat, il a souligné que la position du Sénat s'inscrivait dans la logique des textes régissant la responsabilité des propriétaires et les relations entre bailleurs et locataires, et qu'elle allait dans le sens de l'efficacité et de la bonne application de la loi.
En revanche, il a considéré qu'il semblait possible, en s'inspirant de réglementations étrangères qui fonctionnent bien et devraient pouvoir être transposées sans difficulté en France, de confier à l'occupant le soin de veiller à l'entretien des détecteurs de fumée, c'est-à-dire de les tester régulièrement, de changer, s'il y a lieu, les piles et de signaler au propriétaire les dysfonctionnements imposant le remplacement des appareils.
Tout en rappelant, en conclusion, que l'installation obligatoire de détecteurs de fumée ne pouvait être qu'un élément parmi d'autres de la politique de prévention des incendies domestiques et de leur coût humain, il a espéré que la position qu'il proposerait à la commission d'adopter permette de parvenir à un accord avec l'Assemblée nationale.
Un débat a suivi.
M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que l'adoption de la proposition de loi était très attendue par de nombreuses familles qui avaient été douloureusement affectées par les conséquences dramatiques d'incendies domestiques et qui souhaitaient une intervention du législateur pour prévenir le renouvellement de semblables tragédies. Il a estimé que la position proposée par le rapporteur, conforme aux principes régissant les rapports entre bailleurs et locataires, était équilibrée et que le délai de cinq ans prévu avant l'entrée en vigueur de la loi permettrait à la fois un équipement progressif des logements et la nécessaire information du public. Il a donc souhaité une adoption rapide du texte.
M. Charles Revet a estimé que l'intervention du texte paraissait d'autant plus nécessaire que l'augmentation des prix de l'énergie pouvait inciter à recourir à des moyens de chauffage -poêles à bois ou autres- susceptibles de présenter des risques supplémentaires d'incendie domestique.
Il a souhaité savoir si les détecteurs de fumée pouvaient aussi permettre de prévenir les intoxications au monoxyde de carbone.
Approuvant le rapporteur de ne pas vouloir donner de « monopole » aux détecteurs autonomes, il a en revanche jugé nécessaire de veiller à l'efficacité de la fonction d'« avertisseur » de toutes les catégories de détecteurs de fumée qui pourraient être installés.
Il s'est également demandé si confier l'entretien des appareils aux occupants des logements permettrait d'assurer qu'il soit toujours effectué dans de bonnes conditions et s'il ne serait pas préférable que cet entretien soit organisé par les propriétaires, même si la charge financière devait en revenir aux occupants.
M. Francis Grignon a également évoqué le problème de la prévention des intoxications causées par le monoxyde de carbone et, rejoignant les propos de M. Charles Revet sur l'entretien des détecteurs, il a souligné que celui-ci pourrait être assuré de façon à la fois simple et efficace si les propriétaires pouvaient passer des contrats d'entretien dont le coût serait réparti entre les locataires, comme cela se fait lorsque le chauffage d'un immeuble est assuré par une installation collective.
M. Jean-Paul Emorine, président, a douté que cette solution soit envisageable puisque les détecteurs de fumée seraient installés dans chaque logement.
Revenant sur les propos du rapporteur relatifs au mauvais fonctionnement de certains détecteurs de fumée, M. Philippe Darniche s'est inquiété de la fiabilité des appareils disponibles sur le marché et des moyens de l'améliorer.
M. Gérard Bailly a indiqué qu'à ses yeux la proposition de loi soulevait de nombreuses questions. Admettant que l'on impose l'installation de détecteurs de fumée dans les logements loués ou dans les établissements recevant du public, il s'est en revanche interrogé sur la nécessité et la possibilité d'imposer et de contrôler leur installation dans tous les logements, ainsi que sur la sanction du non-respect de cette obligation.
Il s'est également inquiété de la tendance consistant à imposer une nouvelle réglementation chaque fois qu'un accident se produit, et l'a jugée contradictoire avec le souci par ailleurs affirmé d'éviter la multiplication des normes inutiles, indiquant que pour sa part il ne voterait pas la proposition de loi, dont il a craint qu'elle soit peu respectée.
M. Jean-Paul Emorine, président, a observé que le fait que les réglementations de sécurité ne soient malheureusement pas toujours respectées n'ôtait rien à leur nécessité et qu'il paraissait légitime, que ce soit en matière de sécurité incendie ou, par exemple, de sécurité routière, d'imposer des règles pour éviter des décès ou des dommages corporels graves, rappelant que les incendies domestiques provoquaient chaque année des drames dans de nombreuses familles.
Répondant ensuite aux intervenants, M. René Beaumont, rapporteur, a notamment apporté les précisions suivantes :
- la détection du monoxyde de carbone exige des appareils spécifiques. On aurait pu songer à introduire dans la proposition de loi des dispositions relatives à la prévention des intoxications au monoxyde de carbone, mais cela aurait encore retardé l'adoption du texte, déjà attendue depuis près de trois ans. Il conviendra donc de traiter ultérieurement cette question, qui fait l'objet d'une proposition de loi récemment déposée au Sénat, et qui pourrait également être abordée dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif au logement qui sera prochainement soumis au Parlement ;
- il est vrai qu'il peut sembler plus efficace de confier au propriétaire la maintenance des détecteurs de fumée, solution que le Sénat avait d'ailleurs préconisée en première lecture, mais la responsabilité en ce domaine de l'occupant est conforme aux principes des rapports entre bailleurs et locataires ;
- en ce qui concerne le contrôle de l'application de la loi, les personnes concernées devront pouvoir établir qu'elles se sont conformées à leurs obligations, par exemple, pour les propriétaires, en produisant les factures correspondant à l'installation des détecteurs ;
- les détecteurs de fumée à usage domestique sont soumis à une nouvelle norme européenne qui vient d'entrer en vigueur. En prévoyant que les détecteurs installés dans les logements devraient être normalisés, le Sénat a souhaité garantir le recours à des matériels fiables. Par ailleurs, le développement du marché devrait conduire à améliorer la qualité -et aussi à abaisser le coût- des équipements disponibles.
La commission est ensuite passée à l'examen des articles.
Elle a adopté l'article premier (coordination) dans le texte de l'Assemblée nationale, M. René Beaumont, rapporteur, ayant observé que la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture lui semblait plus heureuse, mais que celle issue de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale ne posait pas de problème majeur.
A l'article 2 (obligation d'installer des détecteurs de fumée dans les logements), la commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction des dispositions introduites par cet article dans le code de la construction et de l'habitation, afin :
- de rétablir les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture pour supprimer la référence aux DAAF, imposer l'installation de détecteurs de fumée normalisés dans tous les locaux à usage d'habitation et mettre cette installation à la charge de leurs propriétaires ;
- de confier aux occupants des locaux le soin de veiller à l'entretien et au bon fonctionnement des détecteurs de fumée ;
- de prévoir que les textes d'application de la proposition de loi préciseraient les responsabilités respectives des propriétaires et des occupants et les modalités de l'information de ces derniers sur les caractéristiques, le fonctionnement et l'entretien des détecteurs de fumée installés dans leur logement.
Elle a adopté sans modification l'article 4 (entrée en vigueur de la loi -information du Parlement).
La commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
Responsabilité environnementale - Désignation des candidats appelés à faire partie de la commission mixte paritaire
La commission a ensuite désigné les candidats appelés à faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement.
Ont été désignés comme membres titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Jean Bizet, Jackie Pierre, Dominique Braye, Marcel Deneux, Mme Odette Herviaux et M. Thierry Repentin.
Ont été désignés comme membres suppléants : M. Gérard Bailly, Mme Jacqueline Panis, M. Paul Raoult, Mme Evelyne Didier et M. François Fortassin.
Organisme extraparlementaire - Désignation de deux membres
La commission a ensuite désigné MM. Dominique Braye et Thierry Repentin pour siéger au sein de la commission nationale chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux.