- Mardi 3 juin 2008
- Sécurité publique - Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale - Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et M. Jean-Claude Mallet, président de la commission du Livre blanc
- Union européenne - Droit des sociétés - Rectification et examen des amendements
- Constitution - Modernisation des institutions - Audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice et de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement
- Mercredi 4 juin 2008
Mardi 3 juin 2008
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.Sécurité publique - Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale - Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et M. Jean-Claude Mallet, président de la commission du Livre blanc
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur le projet de Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Après avoir indiqué que le projet de Livre blanc était consultable par les membres de la commission depuis une semaine, M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé que le compte rendu de la réunion de la commission resterait confidentiel jusqu'à ce que le Livre blanc soit définitivement adopté et présenté par le Président de la République. Il a salué cet effort de consultation préalable des commissions parlementaires compétentes. Enfin, il a souligné que les questions de sécurité et de défense civile occupaient une place importante dans la réflexion du Livre blanc.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, des collectivités territoriales et de l'outre-mer, a déclaré que la situation internationale et les risques stratégiques avaient profondément changé depuis le début des années 90 et le dernier Livre blanc sur la défense de 1994. Elle a en particulier expliqué que la frontière entre sécurité intérieure et sécurité extérieure était de plus en plus poreuse et qu'il convenait plutôt de parler d'un continuum de la sécurité. Dans ce cadre, elle a indiqué que le Livre blanc confortait le rôle du ministère de l'intérieur.
Rappelant que le ministère de l'intérieur disposait d'un réseau important à l'étranger par le biais de ses attachés de sécurité intérieure ou de ses actions de formation de services étrangers, elle a souligné que la lutte contre le terrorisme, les menaces sur nos approvisionnements énergétiques ou les trafics de toute sorte ne pouvait se concevoir sans des relais efficaces dans les pays d'origine ou de transit.
Elle a également mis en exergue la vocation interministérielle de son ministère, via les préfets, pour gérer des crises majeures sur le territoire national.
A cet égard, elle a rappelé que le rapprochement de la police et de la gendarmerie sous l'égide du ministère de l'intérieur permettrait de mutualiser encore plus les savoir-faire, tout en confortant le statut militaire de la gendarmerie. Un projet de loi devrait être examiné à l'automne.
Enfin, elle a annoncé la création de la délégation à la prospective et à la stratégie au sein du ministère pour accroître ses capacités analytiques des menaces à moyen et long termes. Les effectifs de cette délégation seraient réduits et s'appuieraient sur des organismes extérieurs.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, des collectivités territoriales et de l'outre-mer, a expliqué que l'action préventive était essentielle face aux nouvelles menaces, en particulier le risque NRBC (Nucléaire, Radiologique, Bactériologique et Chimique) et la cyber-criminalité.
Elle a jugé qu'une action préventive efficace requérait une coopération internationale très développée. Au plan européen, elle a cité la création récente à Lisbonne d'un centre opérationnel de lutte contre les flux criminels par voie maritime en océan atlantique. Elle a précisé que la France devrait proposer lors de la présidence française de l'Union européenne la création d'un centre similaire en Méditerranée.
Concernant la gestion de crise, elle a indiqué que le Livre blanc mettait l'accent sur la planification. Le rôle du préfet de zone de défense devrait être renforcé et une salle de commandement de crise sera créée place Beauvau.
Enfin, elle a conclu en soulignant que :
- le renseignement économique était désormais une priorité pour défendre notre patrimoine ;
- dans les départements et les collectivités d'outre-mer, le ministère de l'intérieur sera plus présent pour notamment prendre le relais de l'armée. Un protocole avec le ministère de la défense devra être élaboré pour déterminer les conditions dans lesquelles l'armée apportera des soutiens à la gendarmerie nationale et à la sécurité civile.
M. Jean-Claude Mallet, président de la commission du Livre blanc, a jugé que Mme Michèle Alliot-Marie, en raison de son expérience passée de ministre de la défense, avait beaucoup contribué à ce que le Livre blanc traite de la sécurité nationale dans sa globalité, et non sous l'angle unique de la défense.
Il a rappelé que le concept de sécurité nationale était nouveau dans la pensée française et qu'il serait codifié dans le code de la défense et dans le futur code de la sécurité intérieure. Il l'a défini comme l'ensemble des moyens de l'Etat pour faire face aux risques pesant sur la vie de la Nation.
Il a indiqué que le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République comportait plusieurs dispositions tendant à mieux associer le Parlement aux décisions et à faire du domaine de la défense un domaine partagé.
Il a ensuite présenté la situation internationale et les nouveaux enjeux stratégiques. Il a rappelé que lors de l'élaboration du dernier Livre blanc en 1994, aucun risque ne semblait plus peser directement sur notre territoire, les défis se situant en dehors de nos frontières. Il a expliqué qu'aujourd'hui cette analyse était caduque, de nouvelles menaces étant apparues pour notre territoire national : le terrorisme, la cyber-criminalité et les attaques informatiques, la menace balistique et la prolifération nucléaire, les pandémies, la criminalité organisée et les catastrophes naturelles.
Sur les pandémies, en dépit de progrès importants, il a estimé que nos capacités de réponse étaient encore trop limitées.
Sur la menace balistique, il a indiqué que le Livre blanc proposait de développer une capacité d'alerte avancée afin, d'une part, de nourrir une analyse autonome de la menace balistique dans certains pays et, d'autre part, de détecter le plus rapidement et exactement possible chaque tir. Il a rappelé que la durée du vol d'un missile tiré entre 3000 et 4000 km était de 15 minutes environ.
Il a également insisté sur la dimension européenne, en particulier en matière de renseignement, de lutte contre la criminalité organisée et de protection civile. Toutefois, s'il a salué l'intensité des relations bilatérales en Europe sur ces sujets, il a constaté que les démarches européennes proprement dites restaient en retrait.
S'agissant des opérations extérieures, il a indiqué que le ministère de l'intérieur était appelé à y prendre une part de plus en plus importante en raison du développement des opérations mêlant le civil et le militaire. Il a précisé que le Livre blanc contenait plusieurs propositions à cet égard.
Enfin, il a indiqué qu'outre-mer, les moyens de l'Etat seraient redéployés avec un engagement renforcé de la gendarmerie et de sécurité civile.
M. Pierre Fauchon a estimé que les instruments européens de coordination restaient rudimentaires. Il a demandé si la présidence française de l'Union européenne serait l'occasion d'avancées sur ces sujets.
Il a également insisté sur le rôle des maires, notamment en matière de sécurité civile, et la nécessité de clarifier leurs responsabilités par rapport à celles du préfet.
M. Jacques Gautier a salué l'initiative consistant à consulter les parlementaires en amont en leur permettant de prendre connaissance du projet de Livre blanc.
Sur le volet défense du Livre blanc, il a regretté que la réflexion ne soit pas allée plus loin dans la définition des bases de défense. En revanche, il a jugé que l'approche transversale était excellente et il s'est félicité de ce que le concept de résilience soit mis en avant - la résilience étant la capacité de résistance à une crise et de retour le plus rapidement possible à un fonctionnement normal ou acceptable de la société.
Plus ponctuellement, il a rappelé la nécessité d'actualiser en permanence les plans de secours, notamment la liste des bénévoles mobilisables, l'expérience démontrant que ces listes étaient très souvent surévaluées. Il a enfin estimé qu'il fallait désigner dans chaque commune un correspondant défense bien identifié.
Mme Catherine Troendle, rapporteur des crédits de la mission « sécurité civile », a indiqué que le volet sécurité civile était très développé dans le projet de Livre blanc.
Elle a demandé comment la question des volontaires était prise en compte, ceux-ci étant pour l'essentiel sous le contrôle des collectivités territoriales, et non de l'Etat.
Elle a enfin demandé si la présidence française de l'Union européenne serait l'occasion d'avancées en faveur de la création d'une force européenne de sécurité civile.
M. Simon Sutour s'est inquiété des projets de fermeture de la base aérienne de Nîmes Garons. Il a contesté la pertinence de ce choix, notamment pour les missions de protection civile dans la région. Il a également souhaité qu'une méthode claire de concertation soit mise en place afin que les erreurs de la réforme de la carte judiciaire ne se répètent pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a indiqué que la présence militaire outre-mer était une garantie solide de la protection de ces territoires par la France. Il a ensuite demandé si le service militaire adapté (SMA) serait remis en cause du fait des redéploiements militaires dans ces régions.
S'agissant de la protection civile, il a regretté que la culture de la défense civile soit encore trop peu développée en France. Il a déclaré que notre système souffrait moins d'un manque de moyens que d'une coordination insuffisante des différents acteurs. Il a en particulier pointé les faiblesses des réflexes interministériels. Il a demandé quelles mesures étaient envisagées pour impliquer les acteurs privés dans la défense civile.
Répondant à M. Pierre Fauchon, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, des collectivités territoriales et de l'outre-mer, a partagé le constat de l'insuffisance de la coopération européenne.
Elle a indiqué que la présidence française s'attacherait à faire converger les bases juridiques afin d'éviter que les délinquants ne profitent des différences de législation.
A propos de la responsabilité des maires, elle a déclaré qu'ils devaient être associés naturellement à la gestion des crises. Elle a évoqué quelques pistes de travail, notamment le renforcement de la formation de ces élus.
Répondant à Mme Catherine Troendle, elle a écarté l'idée d'une force de protection civile dédiée et permanente. En revanche, elle a jugé nécessaire, en cas de crise, d'être capable de mobiliser des moyens européens sur le modèle des groupements tactiques. Sur chaque risque, un Etat membre serait chef de file en fonction de son expertise et pourrait mobiliser des moyens européens le plus vite possible en amont, la réactivité étant le facteur décisif en matière de protection civile. Elle a ajouté qu'il fallait développer l'interopérabilité des moyens et a souhaité que chaque pays fasse l'inventaire de ses capacités humaines et techniques.
Répondant à M. Jacques Gautier, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, des collectivités territoriales et de l'outre-mer, a indiqué qu'il reviendrait au préfet de zone de répertorier exactement les bénévoles mobilisables. Elle a ajouté que la future loi d'orientation pour la sécurité tendrait à revaloriser le rôle des volontaires et réservistes.
Répondant à M. Simon Sutour, elle a déclaré que le Livre blanc avait pour principal objectif de proposer les réformes nécessaires afin d'assurer la sécurité et la protection des citoyens. Dans ce cadre, elle a souligné que l'efficacité résultait souvent d'une meilleure concentration des moyens, les conséquences de la professionnalisation des armées n'ayant pas toutes été tirées.
Néanmoins, elle a jugé essentiel que la fermeture de certains sites obéisse à une méthode précise avec un calendrier à moyen terme et un travail avec les élus pour gérer les conséquences économiques. Elle a cité en exemple la restructuration du Groupement des industries d'armement terrestre (GIAT).
Enfin, répondant à M. Jean-Jacques Hyest, président, elle a indiqué qu'en dépit du redéploiement des armées, 6000 hommes resteraient dans les DOM-COM et que les moyens de projection permettront de réagir rapidement en cas de besoin. Elle a également précisé que le SMA serait maintenu, ses excellents résultats n'étant plus à démontrer.
En complément, M. Jean-Claude Mallet, président de la commission du Livre blanc, a indiqué que la formation des élus locaux et leur information devaient être approfondies, le Livre blanc replaçant la fonction de protection au premier rang des priorités.
A propos du risque NRBC, il a annoncé que la future loi d'orientation pour la sécurité prévoirait un effort significatif d'équipements.
Concernant les DOM-COM, il a expliqué qu'un travail de coordination très fin entre les moyens militaires et civils serait nécessaire.
Union européenne - Droit des sociétés - Rectification et examen des amendements
Puis la commission a examiné les amendements sur le projet de loi n° 314 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire.
Après avoir rectifié son amendement n° 23 portant article additionnel après l'article 22 ter, afin d'effectuer une coordination, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 30 de Mme Catherine Dumas, tendant à créer un article additionnel après l'article 22 ter afin d'aligner le régime de dévolution de l'actif net en cas de dissolution d'une coopérative agricole sur celui prévu tant par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération que par le projet de loi relatif à la société coopérative européenne.
Puis elle a examiné l'amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, tendant à créer un article additionnel après l'article 26 B portant habilitation à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la fusion des professions d'avocat et de conseil en propriété industrielle.
M. Jacques Gautier, rapporteur, a indiqué que cette fusion était souhaitée par les deux professions et que l'habilitation permettrait de conserver l'unité de la profession d'avocat tout en aménageant les conditions d'accès à cette profession et les structures d'exercice professionnel.
M. Patrice Gélard a regretté que le Gouvernement présente au dernier moment un tel amendement. Il a exprimé son scepticisme sur le principe même de la fusion de ces professions, soulignant que la fusion des professions d'avocat et de conseil juridique, en 1991, avait soulevé de grandes difficultés.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que la réforme de 1991 avait au contraire été utile.
Puis la commission a donné un avis favorable à l'amendement.
Constitution - Modernisation des institutions - Audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice et de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, et de M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a considéré que si la Constitution avait fait l'objet de vingt-trois révisions depuis 1958, jamais aucune n'avait redéfini l'équilibre général de nos institutions. Elle a souligné que le Président de la République, convaincu de la nécessité de moderniser la vie politique de notre pays, avait, dès le mois de juillet 2007, confié à un comité présidé par M. Edouard Balladur le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage de nos institutions.
Après avoir relevé que M. Jean-Jacques Hyest, président, avait, lors de son audition par le comité, utilement contribué à la réflexion de ce dernier par son analyse des institutions et son expérience d'élu, elle a indiqué que le comité avait formulé soixante dix-sept recommandations, soumises ensuite aux différentes forces politiques du pays avant d'aboutir au projet de loi constitutionnelle.
Elle a ensuite présenté les trois principales orientations du texte, complété sur certains points par l'Assemblée nationale « en pleine intelligence avec le Gouvernement » :
- un pouvoir exécutif mieux contrôlé ;
- un pouvoir législatif profondément renforcé ;
- des droits nouveaux pour les citoyens.
Au titre de la première orientation, elle a souligné qu'il visait à encadrer les pouvoirs du Président de la République par différentes évolutions majeures :
- limitation à deux mandats successifs, afin que le Président de la République travaille « à agir plutôt qu'à durer » ;
- encadrement du pouvoir de nomination par la saisine pour avis d'une commission parlementaire, qui serait, en application d'un amendement adopté par les députés, titulaire d'un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;
- encadrement du recours à l'article 16 de la Constitution, d'une part, en permettant qu'au-delà d'un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel puisse être directement saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou sénateurs, d'autre part, en prévoyant qu'au-delà d'un délai d'application de plus de soixante jours, le Conseil constitutionnel puisse s'autosaisir afin de vérifier si les conditions de mise en oeuvre des pleins pouvoirs sont toujours réunies ;
- modernisation du régime du droit de grâce, afin qu'il ne s'exerce plus qu'à titre individuel et après avis d'une commission dont la composition serait fixée par la loi ;
- instauration d'un droit d'expression du Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès. Elle a relevé que le chef d'Etat pouvait s'exprimer devant tous les Parlements du monde à l'exception du Parlement français et a souligné que l'allocution pourrait être suivie d'un débat hors sa présence, mais non d'un vote, afin de ne pas remettre en cause la nature même du régime.
Abordant la deuxième orientation de la réforme, à savoir le renforcement des pouvoirs du Parlement, elle en a cité les principales avancées :
- une plus grande souplesse des modalités d'exercice de ses missions et dans son organisation interne ;
- une meilleure maîtrise de l'ordre du jour ;
- la discussion en séance plénière sur le texte adopté en commission, à l'exception des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que des projets de révision de la Constitution ;
- une plus longue durée d'examen des textes ;
- la revalorisation des fonctions de contrôle et d'évaluation, au travers du vote de lois de programmation pluriannuelle des finances publiques et de l'assistance de la Cour des Comptes dans l'exercice de la mission d'évaluation des politiques publiques du Parlement ;
- la possibilité d'organiser des séances de questions d'actualité pendant les sessions extraordinaires ;
- une information du Parlement, éventuellement suivie d'un débat sans vote, en cas de décision d'intervention des forces armées à l'étranger et une autorisation expresse du Parlement si l'intervention se prolonge au-delà de quatre mois ;
- la possibilité d'adopter des résolutions sur toutes les propositions d'actes et tous les documents émanant d'une institution de l'Union européenne ;
- la constitutionnalisation d'une commission chargée des affaires européennes.
Enfin, au titre du troisième volet de la réforme, à savoir conférer des droits nouveaux aux citoyens, elle en a cité quatre :
- l'instauration, par les députés, d'un référendum d'initiative populaire permettant à un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, de présenter une proposition de loi, qui devrait être examinée par le Parlement, faute de quoi elle serait soumise à référendum ;
- la création d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, afin de permettre aux justiciables de contester, devant les juridictions ordinaires, la constitutionnalité de dispositions législatives qu'ils estiment contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle a souligné que le juge pourrait, en cas de doute sur l'inconstitutionnalité alléguée, saisir le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation, qui pourraient, à leur tour, saisir le Conseil constitutionnel ;
- l'institution d'un défenseur des droits du citoyen. Signalant que si la création en 1973 du Médiateur de la République a constitué un progrès notable en matière de protection des droits des administrés, il convenait aujourd'hui de remplacer cette autorité par un défenseur des droits du citoyen, doté de pouvoirs plus étendus et que toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public pourrait saisir directement. Elle a ajouté que le périmètre exact d'intervention de cette nouvelle instance devrait être défini par le législateur organique mais qu'en tout état de cause, le gouvernement, qui avait bien noté la volonté de la commission des lois du Sénat de maintenir l'autonomie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne souhaitait pas attendre l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle pour nommer le Contrôleur pour lequel la commission, a-t-elle rappelé, a donné un avis favorable, unanime, à la candidature de M. Jean-Marie Delarue.
- l'obligation de consulter les Français, par référendum, sur tout projet d'adhésion à l'Union européenne d'un pays qui représente plus de 5 % de la population de l'Union, eu égard à l'impact d'une telle adhésion sur le fonctionnement des institutions européennes.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a conclu par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Elle a expliqué que la réforme répondait aux reproches régulièrement adressés à cette instance. D'une part, elle propose que le CSM ne soit plus présidé par le Président de la République, ni par le garde des sceaux, mais par les deux plus hauts magistrats de France et que son avis soit sollicité pour les nominations de procureurs généraux, afin de ne plus faire peser sur le CSM un soupçon de dépendance à l'égard du pouvoir exécutif ; d'autre part, elle prévoit que le CSM serait majoritairement composé de non-magistrats, et ce, afin de ne plus susciter de critiques de corporatisme.
Elle a ajouté que le projet de loi constitutionnelle consacrait l'existence de la formation plénière du CSM, qui réunit les formations compétentes pour les magistrats du siège et pour ceux du parquet.
Elle a précisé enfin que le texte prévoyait la possibilité pour les justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature en cas de dysfonctionnement allégué de la justice.
Après avoir salué la qualité du travail et le souci de consensus du comité Balladur, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, a souligné que le projet de loi constitutionnelle marquait également la volonté du Gouvernement de dépasser les clivages politiques pour faire aboutir des réformes souhaitées depuis des années, voire des décennies, par tous les groupes parlementaires.
Jugeant peu satisfaisant le système actuel de législation, il estimé nécessaire d'évoluer vers un système de coresponsabilité qui permette au gouvernement, à la majorité, mais aussi à l'opposition, de jouer son rôle au profit de tous les Français. C'est pourquoi le projet de loi initial et les amendements adoptés par les députés ont, en grande partie, porté sur le renforcement des droits du Parlement, renforcement marqué par trois orientations :
- améliorer la représentativité du Parlement ;
- faire du contrôle et de l'évaluation une mission essentielle du Parlement ;
- rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif.
Sur le premier point, il a indiqué que le projet de loi constitutionnelle :
- préservait opportunément la mission spécifique du Sénat de représentation des collectivités territoriales, jugeant nécessaire de ne pas faire du Sénat le clone de l'Assemblée nationale, ce qui ferait perdre au bicamérisme toute utilité. Le texte précise, a-t-il ajouté, que le Sénat représente les collectivités territoriales « en tenant compte de leur population » afin que le mode d'élection des sénateurs ne conduise pas à une disproportion excessive du poids de certaines collectivités territoriales au regard de leur population, sans aboutir pour autant à ce que les sénateurs ne soient plus élus essentiellement par des élus ;
- prévoyait que les Français établis hors de France seraient représentés également à l'Assemblée nationale ;
- fixait, à l'initiative de l'Assemblée nationale, un nombre maximum de députés (577) en laissant au Sénat le soin d'examiner cette question pour lui-même. Il a précisé que le Gouvernement souhaitait que, de ce point de vue, la Constitution conserve une certaine cohérence ;
- prévoyait que le redécoupage des circonscriptions à l'Assemblée nationale serait effectué de manière régulière après avis d'une commission indépendante et que, pour le Sénat, cette commission aurait à se prononcer sur la répartition des sièges entre les circonscriptions ;
- permettait aux membres du Gouvernement de retrouver leur siège au Parlement après l'exercice de leurs fonctions ministérielles.
Abordant le deuxième volet du renforcement des droits du Parlement, à savoir les missions de contrôle et d'évaluation, M. Roger Karoutchi a indiqué que le texte prévoyait :
- la consécration du rôle du Parlement en matière de contrôle de l'action du gouvernement et, par un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable du gouvernement, d'évaluation des politiques publiques ;
- la possibilité, pour les assemblées, d'adopter des résolutions en matière européenne ;
- la création d'une commission chargée des affaires européennes ;
- la possibilité, pour soixante parlementaires, d'obtenir un débat pour engager un recours devant la Cour de justice européenne pour violation du principe de subsidiarité ;
- l'organisation en séance plénière, une semaine par mois, de travaux prioritairement consacrés au contrôle parlementaire, précisant que si le Gouvernement n'était pas hostile à cette mesure, il craignait une « rigidification » des conditions de fixation de l'ordre du jour.
Au titre du troisième et dernier volet du renforcement du rôle du Parlement (rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif), il a précisé que :
- les assemblées auraient désormais la maîtrise de la moitié de leur ordre du jour, indiquant que les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que les textes qui demeureraient trop longtemps en navette, resteraient prioritaires ;
- le rôle des commissions permanentes serait renforcé par plusieurs mesures : possibilité de créer jusqu'à huit commissions permanentes, débat en séance plénière sur le texte adopté en commission, publicité des auditions des commissions. Il s'est toutefois demandé si le principe de cette publicité ne relevait pas plus des règlements des assemblées que de la Constitution ;
- le recours à l'article 49-3 de la Constitution serait limité à un texte par session, ainsi qu'aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ;
- le droit d'amendement serait renforcé au travers d'une disposition, adoptée par les députés, prévoyant que tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il a un lien, même indirect, avec le texte déposé, et ce, afin de prévenir une jurisprudence trop restrictive du Conseil constitutionnel ;
- le Parlement disposerait de plus de temps pour examiner les textes, soulignant, d'une part, que les députés avaient allongé les délais prévus par le projet de loi initial à six semaines en première lecture devant la première assemblée saisie et trois semaines devant la seconde assemblée, d'autre part, que la procédure d'urgence serait plus encadrée avec un droit de veto des conférences des présidents des deux assemblées ;
- les présidents des assemblées pourraient, sur des questions juridiques ponctuelles et délicates, saisir le Conseil d'Etat pour examiner une proposition de loi en vue de son passage en commission ;
- le gouvernement pourrait, y compris à la demande des groupes parlementaires, faire une déclaration devant les assemblées, suivie d'un vote sans mise en jeu de sa responsabilité, et ce, afin de permettre au Parlement de marquer une volonté politique sans adopter une loi dénuée de portée normative. Il a indiqué que le Gouvernement avait souhaité créer un mécanisme de résolutions afin de permettre aux assemblées de prendre position sur certaines orientations politiques sans avoir à les insérer dans un dispositif normatif, mais que la formule proposée par l'Assemblée nationale avait recueilli l'accord du Gouvernement, qui l'avait jugée conforme à l'objectif poursuivi ;
- le Président de chaque assemblée pourrait opposer l'irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative ;
- le champ des lois de programmation serait étendu en dehors du champ économique et social ;
- les lois rétroactives seraient interdites, sauf motif déterminant d'intérêt général ;
- les ratifications implicites d'ordonnances seraient désormais impossibles ;
- des lois de programmation définissant des orientations pluriannuelles pour les finances publiques pourraient être adoptées ;
- les projets de loi seraient élaborés dans les conditions prévues par une loi organique, sorte de LOLF pour les lois non budgétaires, précisant que si le Gouvernement n'est pas défavorable à un tel dispositif, il estime qu'il doit pouvoir encore être amélioré.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, s'est demandé :
- si la procédure d'avis prévue par le nouvel article 13 de la Constitution était susceptible de concerner les magistrats ;
- si les propositions de loi soumises à référendum en vertu du nouvel article 11 de la Constitution pouvaient faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité a priori ;
- si le dispositif adopté par l'Assemblée nationale tendant à limiter les lois rétroactives ne risquait pas de remettre en cause le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, posé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ;
- s'il ne serait pas opportun de prévoir à l'article 61-1 de la Constitution que des juridictions -comme le Tribunal des conflits ou la Cour de justice de la République- qui ne relèvent ni de l'ordre administratif, ni de l'ordre judiciaire, puissent saisir directement le Conseil constitutionnel dans le cadre du renvoi préjudiciel destiné à assurer un contrôle de constitutionnalité a posteriori ;
- si la saisine du défenseur des droits des citoyens serait soumise à une condition de nationalité, comme sa dénomination pourrait le laisser supposer.
Il a également rappelé la volonté de la commission des lois de ne pas faire disparaître le Contrôleur général des lieux de privation de liberté au profit du défenseur des droits du citoyen, au moins jusqu'au terme du premier mandat de six ans du Contrôleur.
Il s'est enfin interrogé sur l'intérêt de trois amendements adoptés par les députés :
- celui tendant à remplacer, par un débat thématique, le mécanisme des résolutions proposé par le projet de loi, en particulier pour éviter le vote de lois mémorielles ;
- celui visant à faciliter la création par le législateur de « blocs de contentieux », relayant l'inquiétude de nombreux magistrats de l'ordre administratif sur ce point ;
- celui tendant à préciser, à l'article 34 de la Constitution, que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales », alors que le principe selon lequel la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives avait été inscrit à l'article 3 de la Constitution en 1999.
En réponse, Mme Rachida Dati a indiqué que :
- le Conseil supérieur de la magistrature continuerait à donner un avis sur la nomination des magistrats et serait désormais consulté sur la nomination des procureurs généraux, procédure a priori exclusive de la nouvelle procédure d'avis prévue à l'article 13 de la Constitution ;
- le contrôle du Conseil constitutionnel exercé a priori dans le cadre du projet de référendum d'initiative populaire pourrait porter sur la conformité du contenu du projet à la Constitution ;
- le dispositif tendant à limiter les lois rétroactives est parfaitement compatible avec l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- le Tribunal des conflits, ne statuant pas au fond, n'était pas concerné par la procédure d'exception d'inconstitutionnalité et la Cour de justice de la République pourrait poser une question préjudicielle à la Cour de cassation ;
- la question d'une fusion du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au sein du Défenseur des droits du citoyen ne se poserait effectivement qu'à l'expiration du premier mandat du Contrôleur ;
- le principe d'égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales avait plus sa place dans le préambule de la Constitution que dans la Constitution elle-même ;
- la saisine du Défenseur des droits du citoyen ne devrait pas être réservée aux seuls citoyens français ;
- l'amendement sur les blocs de contentieux était né de la volonté des députés de clarifier la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction ; le Gouvernement préfèrerait attendre les conclusions de la commission de réflexion sur la répartition des contentieux, dite « Commission Guinchard ».
Abordant la question des résolutions, M. Roger Karoutchi a fait part des craintes exprimées par les députés que le mécanisme proposé par le projet de loi ne ressuscite la pratique de la IVe République, facteur d'instabilité ministérielle.
M. Jean-Pierre Sueur a douté de la volonté du Gouvernement d'admettre l'alternance politique au Sénat, observant que le Gouvernement multipliait les signes de refus de rééquilibrage du corps électoral, en premier lieu, parce que le projet de loi précisait que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de la population », alors que le comité Balladur avait proposé l'expression : « en fonction de la population », en second lieu, parce que M. Roger Karoutchi avait indiqué, dans son intervention, que les sénateurs devaient être élus « essentiellement par des élus ». Par ailleurs, constatant que Mme Rachida Dati avait exprimé le souhait qu'un étranger puisse saisir le défenseur des droits du citoyen, il a appelé de ses voeux l'inscription dans la Constitution du droit de vote des étrangers, sous certaines conditions, relevant que ce droit, promis par le Président de la République lors de la campagne électorale, était reconnu dans la majorité des pays européens.
M. Jean-René Lecerf a mis en avant l'insuffisante visibilité de nombreuses dispositions du texte, compte tenu des fréquents renvois à des lois organiques ou aux règlements des assemblées, citant les exemples du Défenseur des droits du citoyen, dont le périmètre précis d'intervention n'est pas encore arrêté, et de l'examen en séance plénière sur le texte adopté en commission, qui pourrait avoir pour conséquence non souhaitable la présence du gouvernement aux séances de commission, en particulier celles d'examen des amendements extérieurs.
Mme Alima Boumediene-Thiery a regretté l'adoption par les députés de l'amendement tendant à rendre obligatoire la consultation des Français par référendum sur tout projet d'adhésion à l'Union européenne d'un pays qui représente plus de cinq pour cent de la population de l'Union, notant que cette disposition visait implicitement la Turquie. Elle s'est, par ailleurs, interrogée sur l'intérêt de créer un défenseur des droits du citoyen eu égard au nombre des instances actuellement chargées de la protection des droits et des libertés fondamentales. Elle a enfin exprimé la crainte que l'amendement sur la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridiction, adopté par les députés alors que les commissions Mazeaud et Guinchard n'ont pas encore rendu leurs conclusions, n'ait pour effet de créer une juridiction d'exception pour le contentieux des étrangers.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a pointé la contradiction entre l'ambition du projet de loi - moderniser et rééquilibrer nos institutions - et le refus de le soumettre à référendum. Après s'être déclarée sceptique quant à la volonté du Gouvernement de mieux respecter à l'avenir le travail parlementaire, elle a jugé peu satisfaisantes les modifications du texte en matière de fixation de l'ordre du jour. Elle a regretté que, telle qu'elle a été prévue par les députés, la déclaration thématique du Gouvernement donne lieu à un débat et à un vote, mais sans conduire à une possibilité de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement. Elle s'est interrogée sur les compétences qui seraient dévolues à la commission pour les affaires européennes et sur l'articulation de ses travaux avec ceux des commissions permanentes. Elle a estimé peu pertinent de fixer un seuil démographique de 5 % dans la Constitution, a demandé plus de précisions sur les contours exacts de la mission du défenseur des droits du citoyen, indiquant au passage partager le souhait de M. Jean-Pierre Sueur d'instaurer le droit de vote des étrangers en France.
Après avoir noté que le Gouvernement n'envisageait pas initialement de modifier l'article 34 de la Constitution, M. François Zocchetto s'est étonné que les députés aient souhaité y inscrire le principe de non-rétroactivité de la loi, au risque de créer des difficultés d'articulation avec l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Relevant que le projet de loi constitutionnelle prévoyait que le garde des sceaux pourrait, sauf en matière disciplinaire, assister aux séances du Conseil supérieur de la magistrature, il s'est demandé quel serait son rôle. Il s'est enfin interrogé sur l'apport de l'amendement, adopté par les députés, substituant à l'expression « comité chargé des affaires européennes » celle de « commission chargée des affaires européennes », alors que le terme « commission » est aujourd'hui réservé aux six commissions permanentes.
Regrettant certaines modifications apportées au texte par les députés, M. Patrice Gélard s'est déclaré gêné que les ministres les endossent dans leur discours, donnant le sentiment d'une faible marge de manoeuvre pour le Sénat. Il a annoncé son intention de déposer quelques amendements, parmi lesquels la suppression de la disposition qui fait des anciens présidents de la République des membres de droit du Conseil constitutionnel et l'encadrement du référendum d'initiative populaire par un quorum de participation de 50 %. Il s'est par ailleurs inquiété de ce que le texte oblige désormais les parlementaires à ratifier explicitement les ordonnances, évolution qui, compte tenu de la perte de maîtrise de l'ordre du jour par le gouvernement, pourrait conduire à une forte insécurité juridique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a regretté que les ministres donnent l'impression, dans leur propos, que le projet de révision constitutionnelle est d'ores et déjà adopté par le Congrès.
Observant que le texte vise à rééquilibrer les institutions et à rétablir la séparation des pouvoirs, M. Pierre Fauchon s'est demandé s'il n'eût pas été préférable d'aller au bout de cette logique et de créer un véritable régime présidentiel en supprimant la possibilité pour l'Assemblée nationale de mettre en cause la responsabilité du gouvernement.
M. Nicolas Alfonsi a noté que l'encadrement du recours au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution était présenté comme un progrès, alors qu'en raison de l'avènement du fait majoritaire depuis 1962, renforcé par le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral en 2002, il était en pratique faiblement utilisé.
Mme Rachida Dati a déclaré que :
- l'amendement sur la création de « blocs de contentieux » n'aurait pas pour effet de créer une juridiction d'exception spécialisée en droit des étrangers ;
- la révision constitutionnelle pouvait parfaitement être adoptée par les représentants du peuple réunis en Congrès, en vertu de l'article 89 de la Constitution ;
- la présence du garde des sceaux aux séances du CSM se justifiait par le fait que cette instance devrait se réunir pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 de la Constitution, mais qu'en tout état de cause le garde des sceaux n'aurait pas de voix délibérative, comme c'est le cas aujourd'hui ;
- le chiffre de 5 % ne visait pas spécifiquement la Turquie, mais tout pays dont l'adhésion, compte tenu de son poids démographique, risquait de déséquilibrer les institutions européennes ;
- l'amendement sur la non-rétroactivité de la loi était plus strict que la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel ; il ne concerne pas les lois pénales, pour lesquelles les règles actuelles fondées sur l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 restent valables ;
- l'encadrement du recours au référendum d'initiative populaire était nécessaire, mais sans le vider de sa substance ;
- la question du droit de vote des étrangers ne faisait pas consensus ;
- le défenseur des droits du citoyen avait vocation à regrouper toutes les autorités chargées de recueillir les plaintes de personnes s'estimant lésées par le fonctionnement d'un service public.
En réponse à MM. Bernard Frimat et Robert Badinter, qui s'étonnaient qu'on puisse proposer au pouvoir constituant de créer une institution aussi fondamentale sans en préciser clairement les contours, Mme Rachida Dati a insisté sur le fait qu'il appartiendrait au législateur organique de préciser son périmètre d'action selon une approche pragmatique et progressive. Elle a souligné qu'outre celles de l'actuel Médiateur de la République pourraient notamment être reprises les attributions de la commission nationale de déontologie de la sécurité.
M. Roger Karoutchi a, quant à lui, indiqué que :
- la réforme consistant principalement à renforcer les pouvoirs du Parlement, il était légitime de la soumettre au Congrès ;
- l'allongement des délais d'examen des textes par le Parlement permettrait de mettre un terme à certaines pratiques actuelles ;
- la suppression, par les députés, de l'article du projet de loi ouvrant la possibilité d'adopter des résolutions politiques ne remettait pas en cause les mécanismes existants d'engagement de la responsabilité du gouvernement ;
- le changement terminologique comité-commission opéré par les députés ne signifiait pas que l'instance chargée des affaires européennes serait dotée de pouvoirs comparables à ceux à des commissions permanentes ;
- l'expression « élus essentiellement par des élus » utilisée à propos de l'élection des sénateurs était directement tirée de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000 ;
- il était nécessaire de prévoir des réunions de commission à huis clos ;
- l'insécurité juridique résultant de l'obligation de ratification explicite des ordonnances était relative, une ordonnance ne pouvant plus être contestée devant le Conseil d'Etat à l'expiration d'un délai de deux mois ;
- ni le comité Balladur, ni le Gouvernement n'avaient jugé opportun d'instaurer un régime présidentiel en France ;
- l'encadrement de la procédure du troisième alinéa de l'article 49 traduisait la volonté de renforcer le rôle du Parlement, tout en maintenant cet outil utile, en cas de majorités étroites.
Enfin, en réponse à M. Jacques Gautier qui s'inquiétait des risques de limitation du nombre des membres du Conseil économique et social à 233 au regard de ses attributions nouvelles en matière d'environnement, M. Roger Karoutchi a fait valoir que cette extension de compétence, souhaitée par le Conseil économique et social, ne déséquilibrait pas l'institution.
Mercredi 4 juin 2008
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.Cour des comptes et chambres régionales des comptes - Examen des amendements
La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 283 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
M. Bernard Saugey, rapporteur, lui a tout d'abord proposé de rectifier les dispositions des amendements n°s 7, 11 et 14 relatives aux modalités de décharge des comptables publics.
Il rappelé que les dispositions initialement prévues par la commission avaient un double objet :
- permettre à l'ordonnateur concerné de saisir la formation de jugement de la juridiction financière lorsque le parquet conclut à la décharge, afin de lui accorder le bénéfice du double degré de juridiction ;
- prévoir qu'à défaut de saisine de la formation de jugement par l'ordonnateur, le comptable serait déchargé de sa gestion par arrêté du ministre dont il relève, afin de supprimer la compétence liée du magistrat du siège à l'égard du ministère public, jugée contraire au principe d'indépendance de la justice.
Il a indiqué que la Cour des comptes, très attachée à conférer au ministère public près chaque juridiction financière le monopole de la saisine de sa formation de jugement, avait fait observer que cette procédure destinée à assurer la garantie d'un procès équitable serait peut être trop lourde, eu égard au fait que plus de 90 % des décisions des juridictions financières prononcent la décharge des comptables publics sans jamais prêter à contestation.
Il a expliqué que les rectifications envisagées, suggérées par cette même Cour des comptes, consistaient à maintenir la suppression de la compétence liée du magistrat du siège à l'égard du représentant du ministère public, mais à prévoir qu'à défaut d'accord entre ces deux magistrats, dans un délai de deux ans à compter de la notification de l'examen des comptes, le « doute » profiterait au comptable public, qui serait automatiquement déchargé de sa gestion et pourrait obtenir un certificat de décharge auprès du greffe de la juridiction. Il a ajouté que, dans ce délai, l'ordonnateur concerné aurait la possibilité de faire valoir auprès du ministère public les arguments justifiant, à ses yeux, la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public.
M. Pierre-Yves Collombat s'est étonné qu'en cas de refus du magistrat du siège de rendre une ordonnance de décharge du comptable public, la décharge puisse être automatique, au terme d'un délai de deux ans, sans voie de recours pour l'ordonnateur concerné.
La commission a alors rectifié les amendements n° s 7, 11 et 14 conformément aux propositions du rapporteur.
Après l'article 1er, elle a demandé le retrait de l'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Christian Cambon et François Pillet, ayant pour objet d'insérer un article additionnel afin de soustraire au contrôle de la Cour des comptes les organismes professionnels habilités à percevoir des cotisations obligatoires, dont la loi a consacré l'indépendance, en particulier les conseils de l'ordre des avocats.
M. Bernard Saugey, rapporteur, a exposé que, comme l'avait reconnu le Conseil d'Etat dans un avis du 8 mars 2007, la Cour des comptes avait actuellement le droit d'effectuer un contrôle sur les finances des conseils de l'ordre des avocats, ce contrôle étant distinct du contrôle exercé par l'autorité judiciaire sur leurs décisions.
Il a rappelé, d'une part, que la commission des finances du Sénat avait récemment demandé à la Cour des comptes de réaliser un contrôle sur la mise en oeuvre des crédits de l'aide juridictionnelle par les caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA), d'autre part, que la Cour des comptes et le rapporteur spécial de la commission des finances avaient jugé nécessaire que des contrôles fussent conjointement menés sur les barreaux en raison de leurs étroites relations financières avec les CARPA. Ces contrôles étant en cours, il a estimé qu'il pourrait sembler paradoxal, pour le Sénat, d'en remettre en cause le principe.
M. Bernard Saugey, rapporteur, a souligné en revanche la nécessité de rappeler à la Cour des comptes, comme l'avait d'ailleurs fait le Conseil d'Etat, qu'elle devait veiller, d'une part, à respecter les exigences découlant des principes d'indépendance de l'avocat et de la profession d'avocat, de secret professionnel et d'autonomie des conseils de l'ordre, d'autre part, à ne pas empiéter sur la compétence exclusive reconnue à l'autorité judiciaire en matière de contrôle des décisions des conseils de l'ordre.
Après l'article 29 bis, la commission a examiné un sous-amendement n° 20 à son amendement n° 16, présenté par M. Yves Détraigne ayant pour objet, d'une part, de ramener de dix à six ans, et non pas de dix à cinq ans, le délai de prescription de l'action en responsabilité contre les gestionnaires de fait devant les juridictions financières, ce délai commençant à courir à compter des faits, d'autre part, de maintenir à six ans, à compter de la production des comptes, le délai de mise en jeu de la responsabilité pécuniaire d'un comptable patent.
M. Bernard Saugey, rapporteur, a rappelé que l'objet tant de l'amendement n° 16 adopté par la commission des lois que de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile en cours d'examen était d'harmoniser les délais de prescription, en retenant des durées de cinq, dix, voire trente ans.
La clarté lui a semblé commander d'opter soit pour le délai de cinq ans retenu par la commission, soit pour le maintien du délai actuel de dix ans, mais non pour un délai de six ans.
Il a alors exposé les raisons pour lesquelles la commission avait opté pour le délai de cinq ans :
- ce délai est conforme à la solution retenue par le Sénat, à l'initiative du groupe socialiste, lors de l'examen de la loi du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes ;
- ce délai est également conforme à la volonté exprimée par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale, dans la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, de fixer à cinq ans la durée du plus grand nombre possible de délais de la prescription extinctive ;
- ce délai est compatible avec le rythme triennal, voire quadriennal, des contrôles menés par les juridictions financières conjointement sur les comptes des comptables publics et la gestion des ordonnateurs ;
- en cas d'infraction pénale, l'intéressé sera poursuivi selon les règles inchangées du code de procédure pénale.
En conséquence, il a souhaité le retrait du sous-amendement.
M. Yves Détraigne a exposé que le délai de prescription d'une gestion de fait avait pour point de départ la commission des faits, et non leur découverte. Il a observé que les magistrats financiers commençaient l'examen des comptes et des gestions quatre ans après leur clôture et qu'une éventuelle gestion de fait n'était découverte qu'après des investigations, et non de manière directe. En conséquence, il a jugé très probable que la réduction du délai de prescription proposée par la commission rende inopérante cette procédure.
Or, a-t-il souligné, cette procédure a pour objet de réintégrer dans une comptabilité publique des opérations qui n'auraient pas dû lui échapper et d'obtenir, le cas échéant, le remboursement à la collectivité publique des fonds lui appartenant qui ont pu être maniés à son insu.
Enfin, observant que l'ouverture d'une procédure contentieuse serait désormais de la compétence exclusive du ministère public, il a estimé qu'il y aurait moins lieu de redouter l'ouverture abusive, ou mal fondée, d'une procédure de gestion de fait que précédemment.
Pour toutes ces raisons, M. Yves Détraigne a déclaré qu'il serait regrettable, pour la bonne gestion des fonds publics, de se priver de cette utile procédure.
Soutenant l'amendement de la commission, M. Jean-Jacques Hyest, président, a déploré que les juridictions financières puissent mettre en jeu la responsabilité d'un comptable de fait bien des années après les faits.
M. Bernard Saugey, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile tendait à harmoniser à cinq ans la durée du plus grand nombre possible de délais de la prescription extinctive. Il a observé que les juridictions financières contrôlaient simultanément les comptes des comptables publics et la gestion des ordonnateurs, tous les trois ou quatre ans, ce qui devait permettre de déceler les actes constitutifs de gestion de fait avant l'écoulement du délai de prescription quinquennal prévu par la commission.
M. Yves Détraigne a fait valoir que son sous-amendement prévoyait d'harmoniser à six ans la durée des délais de prescription des actions tendant à mettre en jeu la responsabilité pécuniaire des comptables publics et des comptables de fait.
La commission a alors décidé de demander le retrait du sous-amendement n° 20 à l'amendement n° 16.
Droit civil - Réforme de la prescription - Examen des amendements
Puis la commission a procédé à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 323 (2007-2008), modifiée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile.
A l'article 1er (réforme des règles de la prescription extinctive), elle a décidé de demander le retrait de l'amendement n° 1, présenté par M. Francis Grignon, ayant pour objet de déplacer dans le code civil les dispositions relatives à la prescription des actions en responsabilité contractuelle dirigées contre les constructeurs d'ouvrage et leurs sous-traitants, afin d'éviter qu'elles ne soient considérées comme d'ordre public et ne puissent plus faire l'objet d'un aménagement contractuel.
M. Laurent Béteille, rapporteur, a observé que la place de ces dispositions dans le code civil serait sans incidence sur la jurisprudence. Il a ajouté que, contrairement à ce que laissait entendre l'exposé des motifs de l'amendement, de nombreux auteurs considéraient que l'action en responsabilité contractuelle de droit commun dirigée contre les constructeurs d'ouvrage et leurs sous-traitants obéissait aux mêmes règles de prescription, d'ordre public, que l'action tendant à faire jouer la responsabilité de plein droit de ces mêmes constructeurs d'ouvrage ou et de leurs sous-traitants, plus connue sous le nom de « garantie décennale ».
A l'article 8 (prescription en matière salariale et en matière de discrimination au travail), la commission a examiné l'amendement n° 2, présenté par Mme Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à modifier, d'une part, la durée et le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination au travail, d'autre part, à prévoir la réparation intégrale de ce préjudice sans faire référence au versement de dommages et intérêts.
M. Laurent Béteille, rapporteur, a rappelé que le texte adopté par l'Assemblée nationale sur ce point constituait la reprise exacte des dispositions introduites par le Sénat dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Il n'a pas jugé nécessaire de les modifier.
S'agissant de la durée du délai de prescription, il a estimé que cinq ans suffisaient amplement pour engager une action en justice dès lors que ce délai ne commençait à courir qu'à compter de la révélation de la discrimination.
S'agissant précisément du point de départ de la prescription, il a indiqué que le terme de « révélation » constituait la reprise de la jurisprudence de la Cour de cassation et désignait le moment où la victime de la discrimination a pu en prendre la mesure exacte, par exemple avec la communication par son employeur des éléments de comparaison nécessaires, ou encore, selon l'expression du président de la chambre sociale de la Cour de cassation, M. Pierre Sargos, « le moment où elle a eu connaissance à la fois du manquement de l'employeur et du préjudice en résultant pour elle ». Il a estimé que la rédaction proposée par les auteurs de l'amendement risquait d'être moins protectrice des salariés victimes de discrimination.
Enfin, il a estimé que la formulation de l'amendement n° 2 concernant la réparation intégrale du préjudice subi par la victime d'une discrimination n'était pas plus protectrice que celle retenue par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale.
Sur ce dernier point, Mme Josiane Mathon-Poinat a indiqué qu'il s'agissait de permettre au juge d'ordonner également le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination ayant conduit à son licenciement.
M. Laurent Béteille, rapporteur, a indiqué que le code du travail disposait déjà que toute mesure prise par l'employeur en violation de l'interdiction de prendre en considération l'exercice d'une activité syndicale, par exemple, « est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts ». Il a ajouté que, selon la Cour de cassation, ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée.
La commission a alors demandé le retrait de l'amendement n° 2.
Sécurité - Chiens dangereux - Examen du rapport en troisième lecture
Puis la commission a examiné le rapport, en troisième lecture, de M. Jean-Patrick Courtois, sur le projet de loi n° 344 (2007-2008), modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé que le nombre et la nature des points demeurant en discussion entre les deux assemblées ne justifiait pas la convocation d'une commission mixte paritaire, mais plutôt l'organisation d'une troisième lecture au Sénat.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a rappelé que le projet de loi avait été examiné en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 15 mai et que les députés avaient accepté la majorité des apports du Sénat.
Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait consenti à encadrer par une qualification professionnelle spécifique l'activité des agents de surveillance et de gardiennage utilisant des chiens, de faciliter la mise en oeuvre du permis de détention des chiens de catégories 1 et 2 en excluant les détenteurs temporaires de l'obligation de permis ou encore de mieux définir l'objet du fichier national canin.
Il a précisé que les députés s'étaient aussi ralliés à la création d'un observatoire national du comportement canin, initiée par le groupe socialiste du Sénat.
Il a constaté qu'à l'article 5 ter du projet de loi, les députés avaient précisé les sanctions applicables aux agents de sécurité et de surveillance et qu'ils avaient supprimé pour la seconde fois à l'unanimité les articles 4 bis et 13 bis, institués par le Sénat en première lecture à l'initiative de M. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour prévoir l'évaluation comportementale de chiens n'appartenant pas aux catégories légales de chiens dangereux et répondant à un critère de poids.
Il a noté que les professionnels et les sénateurs étaient partagés sur l'opportunité de cette extension du dispositif de l'évaluation comportementale aux chiens concernés et a proposé à la commission d'adopter le projet de loi sans modification.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que l'adoption du projet de loi était urgente en vue de permettre son application dès l'été prochain.
La commission a adopté sans modification le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, en troisième lecture.
Parlement - Commissions d'enquête - Examen du rapport
La commission a, enfin, examiné le rapport de M. René Garrec sur la proposition de loi n° 260 (2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, complétant l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Le rapporteur a expliqué que ce texte avait été déposé par le président de l'Assemblée nationale à la suite de nombreuses actions en diffamation, engagées contre des personnes ayant témoigné devant la commission créée, par les députés, pour enquêter sur l'influence des mouvements à caractère sectaire.
Il a retracé l'évolution du régime des commissions d'enquête parlementaires pour expliquer que la dernière modification, intervenue en 1991, pour introduire le principe de la publicité des auditions auxquelles elles procèdent, avait influé sur la situation des personnes entendues. Tenues de déférer à la convocation et de déposer sous serment, sous peine de sanctions pénales, celles-ci ne bénéficient pas de l'immunité attachée aux discours prononcés au sein des assemblées. ainsi qu'aux rapports et autres documents imprimés. Le rapporteur a indiqué que lorsque le témoignage est recueilli à huis-clos, les propos éventuellement diffamatoires, tenus dans ce cadre, bénéficient, cependant, de la protection attachée au rapport de la commission qui en ferait mention ; ce filtre n'opère pas lorsque le témoin est entendu publiquement.
Il a décrit le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui s'est attachée à concilier les différents intérêts en cause : s'inspirant du statut du témoin devant les tribunaux, il institue une immunité limitée aux cas de diffamation, outrage et injure dans la mesure où les propos tenus ou les écrits produits devant la commission d'enquête ne sont pas étrangers à son objet. Elle est étendue aux comptes rendus de bonne foi de ces réunions publiques.
En réponse aux interrogations de MM. Pierre Fauchon et François Zocchetto, M. René Garrec, rapporteur, a précisé que les dispositions relatives à la répression du faux témoignage et à celle de la subornation de témoins commis par une personne entendue, continueraient à s'appliquer, de même que la sanction de la divulgation ou la publication, dans un délai de trente ans, d'une information tenue secrète par la commission.
Il a précisé à M. Christian Cointat, qui approuvait la proposition, les notions de bonne foi et d'objet de l'enquête.
Rappelant sa propre expérience, à laquelle se sont ajoutées celles de MM. Jean-Jacques Hyest, président, et Jean-Patrick Courtois, comme président et rapporteur de commissions d'enquête, M. René Garrec, rapporteur, a détaillé à M. Pierre-Yves Collombat qui exprimait, par ailleurs, son assentiment au texte, les pouvoirs détenus par les commissions d'enquête pour entendre les personnes dont elles jugent le témoignage utile ainsi que leur exercice.
M. Pierre Fauchon, s'interrogeant sur les droits des tiers face à la protection de ces témoins, a observé que la disposition proposée présentait un caractère novateur.
M. René Garrec, rapporteur, tout en rappelant les garanties assurées aux tiers, a souligné la nécessité de la liberté des témoignages devant les commissions d'enquête pour assurer l'effectivité de leur mission.
M. Laurent Béteille est alors intervenu pour rappeler les règles existantes en matière de preuve pour les cas de diffamation et de faux témoignage.
La commission a, ensuite, adopté les amendements suivants proposés par le rapporteur.
- le premier, pour assurer la lisibilité de la loi, prévoit, dans un article additionnel avant l'article unique, d'introduire le dispositif de l'Assemblée nationale dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui comprend déjà les dispositions relatives, d'une part, à l'immunité parlementaire et, d'autre part, à l'immunité devant les tribunaux. En outre, il renforce l'encadrement du champ de la protection aux seules réunions des commissions d'enquête et exige que les comptes rendus soient fidèles ;
- le second, à l'article unique, complète l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, régissant les commissions d'enquête, par renvoi aux dispositions précitées.
La commission a alors adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.