Mardi 28 février 2006
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -Télécommunications - Audition de M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom
La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom.
M. Jean-Paul Emorine, président, a ouvert la séance en rappelant que le sujet de la couverture du territoire en téléphonie mobile avait fait l'objet, la semaine dernière, d'une question orale avec débat au Sénat. Il a estimé qu'après cet échange entre les sénateurs et le Gouvernement, il était apparu utile d'entendre les opérateurs de téléphonie mobile directement intéressés par le sujet.
M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a commencé par présenter l'entreprise qu'il dirige. Il a ainsi précisé que Bouygues Télécom fêtait ses dix ans, qu'elle comptait 8 millions de clients, dont 5,5 millions abonnés à des forfaits téléphoniques, et que son personnel se composait de 7.300 personnes, dont 2.500 conseillers de clientèle, tous localisés en France.
Il a relevé que, malgré un chiffre d'affaires de 4,5 milliards d'euros, Bouygues Télécom ne dégageait qu'un résultat net de 352 millions d'euros. Surtout, il a fait valoir que le cumul des résultats nets de Bouygues Télécom sur dix ans restait négatif, ce qui traduisait bien le risque énorme qu'avait pris l'entreprise et les investissements très lourds qu'elle avait consentis. Il a rappelé que Bouygues Télécom avait dynamisé le marché de la téléphonie mobile en le développant en direction du grand public, notamment grâce à la création des forfaits. Il a observé que la difficulté rencontrée par Bouygues Télécom tenait à la faible couverture de son réseau initial et au fait que ses concurrents, dotés d'une couverture territoriale plus large, s'étaient empressés d'imiter ses innovations commerciales. Revenant sur le positionnement de l'entreprise à l'égard de ses deux concurrents principaux, Orange et SFR, il a relevé que le chiffre d'affaires de Bouygues Télécom représentait le seul résultat opérationnel d'Orange France et a déploré, de ce fait, que le régulateur du secteur, sur les différents dossiers qu'il avait à instruire, traite les trois opérateurs à égalité plutôt qu'en équité. Il a souligné que, malgré cette difficulté, Bouygues Télécom persistait à innover, par exemple en proposant, depuis novembre 2002, des services i-mode utilisant un réseau national haut débit Enhanced Data rates for Global Evolution (EDGE), et, également, en lançant récemment une offre de téléphonie mobile illimitée vers tous les téléphones fixes ou mobiles de 20 h à 24 h.
Malgré ces efforts d'innovation, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a constaté que la part de marché de son entreprise apparaissait bloquée autour de 17 %, les deux groupes concurrents de Bouygues Télécom freinant la croissance de l'entreprise.
Evoquant les perspectives de l'entreprise, il a estimé qu'elle était confrontée à quatre défis : d'abord, l'entrée sur le marché de la téléphonie mobile des opérateurs virtuels ; ensuite, le développement explosif de la téléphonie sur internet, qui, en raison de sa quasi-gratuité, encourageait une nouvelle substitution, non plus du mobile au fixe, mais du fixe au mobile ; en outre, l'apparition de contraintes réglementaires toujours nouvelles, parmi lesquelles la baisse imposée des tarifs des appels entrants, la mise en oeuvre d'une portabilité des numéros mobiles, certes intéressante pour un troisième opérateur, mais coûteuse à développer, et enfin, la nécessité de déployer de lourds investissements pour le déploiement des réseaux Universal Mobile Telecommunications System (UMTS).
S'agissant de la couverture des zones blanches en téléphonie mobile, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a assuré la commission du fait que son entreprise avait toujours été volontaire pour contribuer au développement rapide de cette couverture, mais en équité, c'est-à-dire conformément à sa part de marché. Or, a-t-il noté, il n'a pas été possible de convaincre les deux autres opérateurs sur ce point, si bien que le poids de l'élargissement de cette couverture mobile repose finalement, à parts strictement égales, sur les trois opérateurs. Il a par ailleurs observé que plus le temps passait, plus le montage des antennes devenait difficile et long -26 mois désormais contre 18 auparavant- en raison de contraintes réglementaires croissantes.
Concernant l'UMTS, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a estimé qu'il serait judicieux de parler dès à présent du projet de couverture des zones rurales en UMTS. Il lui a semblé préférable de prévoir cette couverture par un réseau commun aux trois opérateurs utilisant exclusivement la technologie la plus moderne de transfert de données, ce qui permettrait aussi le transport de la voix sur Internet, et qu'il serait utile de le concevoir d'emblée pour organiser ensuite le déploiement complémentaire du réseau de troisième génération de chacun des trois opérateurs.
A l'issue de cette intervention, M. Charles Revet a souhaité obtenir confirmation du fait que Bouygues Télécom était bien l'opérateur en charge de la couverture de son département de Seine-Maritime et connaître les modalités de ce déploiement.
M. Jean-Pierre Vial a rappelé que le Sénat s'était prononcé, sur l'initiative de son collègue M. Bruno Sido, en faveur du principe d'itinérance locale et qu'un point avait été opportunément fait sur le dossier lors de la question orale avec débat de la semaine passée. Il a rappelé que, dans son département, presque 100 % du territoire était couvert en haut débit, alors que les zones « blanches », non couvertes en téléphonie mobile et identifiées lors du Comité interministériel d'aménagement et développement du territoire (CIADT) de 2001, restaient les mêmes aujourd'hui. Il a pourtant noté que sept pylônes seulement étaient nécessaires pour couvrir toutes ces zones blanches et regretté que Télédiffusion de France (TDF) ne mette pas ces pylônes à disposition des opérateurs de téléphonie mobile dans des conditions acceptables.
M. Jacques Blanc, évoquant la Lozère dont il est l'élu, a rappelé que la phase I du plan de couverture était bien avancée, même s'il espérait que, dans le choix des pylônes, un accord serait trouvé entre les opérateurs, concentrés sur la couverture du centre des communes, et les élus locaux qui souhaitent, plus largement, couvrir le plus de territoire possible, grâce à des pylônes plus grands, mais plus chers. S'agissant de la phase II, dont il a rappelé qu'elle était à la charge des opérateurs, il a exprimé l'attente des élus locaux et suggéré que des efforts soient faits pour que les trois opérateurs s'accordent afin d'utiliser les équipements déjà existants sur le territoire.
M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécomn, a répondu à M. Charles Revet en lui confirmant que Bouygues Télécom était bien le chef de file du plan de couverture mobile de son département en phase I et que 11 pylônes avaient déjà été définis sur ce territoire mais que leur mise en place était longue. A ce sujet, il a rappelé que les trois opérateurs avaient, à fin décembre, implanté 378 pylônes et que ce chiffre serait porté à 1.000 d'ici à la fin de l'année 2006. Il a renvoyé, pour plus de détails, aux documents qu'il avait fait distribuer et qui avaient été établis par l'autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP) pour faire le point, département par département, sur l'avancement du plan de couverture des zones blanches.
En réponse à M. Jean-Pierre Vial, il a précisé, que sur les 6 pylônes de Bouygues Télécom pour la phase I, un pylône allait prochainement ouvrir et que, par ailleurs, cinq pylônes étaient en cours d'autorisation. Il a également déploré les prix pratiqués par TDF pour la location de ces pylônes.
En réponse à M. Jacques Blanc, il a rappelé que si un accord entre les trois opérateurs mobiles était déjà intervenu au plan national, il était possible qu'un nouvel accord soit nécessaire localement pour la mutualisation de certains équipements. Il a aussi précisé que 13 pylônes étaient déjà déployés en Lozère.
M. Gérard Cornu a souligné que Bouygues Télécom faisait figure de « petit Poucet » des opérateurs et qu'il usait des « petits cailloux » de l'innovation pour être à la hauteur des deux autres. Par ailleurs, s'agissant de l'UMTS, il s'est interrogé sur le choix opéré par Bouygues Télécom pour favoriser la technologie EDGE, s'inquiétant notamment d'une pénalisation de Bouygues Télécom dans le temps, alors même qu'Orange s'apprêtait à développer le très haut débit.
M. Pierre-Yvon Trémel a souhaité connaître la raison des difficultés invoquées par M. Philippe Montagner, concernant le montage des antennes de téléphonie mobile, s'interrogeant notamment sur leur lien avec les préoccupations relatives à la santé.
M. Michel Teston a rappelé qu'au sein de l'Association des départements de France (ADF), il suivait le dossier de l'avancement de la couverture mobile du territoire et a fait observer le rôle majeur que tenaient les départements dans ce projet. Il a noté que, lors de la phase I, les collectivités territoriales prenaient en charge les infrastructures passives et que l'essentiel de leur déploiement serait réalisé d'ici à la fin de l'année 2006. Il a ensuite souligné les difficultés que représentaient le financement par l'Etat de ce plan de couverture ainsi que la persistance de zones grises, sujet sur lequel les opérateurs semblaient ne pas vouloir s'entendre, ce qui devait inciter le Gouvernement à se rapprocher de l'autorité de régulation et du Conseil de la concurrence, afin que l'ensemble du territoire soit desservi par les trois opérateurs et que les zones déjà couvertes en téléphonie mobile ne bénéficient pas d'un service de qualité moindre que les zones nouvellement couvertes grâce au plan actuellement en cours de déploiement.
M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a répondu à M. Gérard Cornu en lui indiquant que le choix de Bouygues Télécom de retenir la technologie EDGE était un choix d'optimisation dans la mesure où il était apparu nettement moins coûteux de déployer sur l'ensemble du territoire cette technologie, d'un débit à peine deux fois moindre que celui de l'UMTS, pour ensuite consacrer des investissements importants au développement de la nouvelle génération de débit qui sera trois à cinq fois supérieur à celui des technologies EDGE et UMTS. Il a donc considéré qu'il s'agissait d'un risque commercial maîtrisé et convenu qu'il serait impératif pour Bouygues Télécom de ne pas manquer la prochaine génération.
Répondant ensuite à M. Pierre-Yvon Trémel, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a expliqué que le temps nécessaire au montage des antennes de téléphonie mobiles se passait en obtention de permis et d'autorisations divers et en enquêtes et contre-enquêtes variées pour répondre aux préoccupations d'environnement et de santé. S'agissant des conflits entre opérateurs et clients, il a convenu que, dans ces débuts, Bouygues Télécom avait pu rencontrer des difficultés dans la gestion de la croissance forte de sa clientèle mais que, cette croissance étant désormais maîtrisée, Bouygues Télécom faisait l'objet de beaucoup moins de plaintes de la part de ses clients suite à l'annonce de l'amende du Conseil de la concurrence (seulement 700 appels sur 7 millions de clients), les plaintes des clients s'orientant plutôt, aujourd'hui, vers les fournisseurs d'accès à internet. Il a donc considéré que les actions menées par les associations de consommateurs, à commencer par UFC-Que Choisir, ne mettaient pas fondamentalement en cause Bouygues Télécom. Toutefois, il a reconnu que le discours consumériste, consistant à dénoncer l'entente entre les trois opérateurs et le niveau élevé des prix en téléphonie mobile, lui paraissait difficile à comprendre à l'heure où nul ne souhaite acquérir la quatrième licence UMTS, malgré son faible prix -619 millions d'euros- et malgré le fait qu'elle s'assortissait d'une itinérance sur les trois autres opérateurs, qui la rendait très attractive.
Quant aux interrogations de M. Michel Teston, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a estimé que les deux autres opérateurs français semblaient considérer qu'ils n'avaient pas intérêt à favoriser l'itinérance en zone grise, dans la mesure où ils jugeaient qu'un tel développement serait à l'avantage de Bouygues Télécom. Il a souligné en outre les difficultés d'interopérabilité des systèmes, qui n'avaient pas été conçus en même temps ni dans cette perspective. Il en a conclu à la nécessité d'anticiper sur les problèmes similaires que poserait le déploiement de la troisième génération de téléphonie mobile. Il a estimé que le transport de la voix sur Internet pourrait constituer une solution au problème, pour peu que les réflexions sur ce thème aient été menées suffisamment en amont.
M. Daniel Raoul, après avoir rappelé qu'il avait présenté un rapport sur les antennes de téléphonie mobile, a souhaité savoir si l'on assistait à une évolution en matière d'acceptation des implantations d'antennes. Il a jugé que la situation opposait les villes, où celles-ci étaient mal accueillies, et les zones rurales, où on se plaignait au contraire d'une implantation insuffisante. Il a souhaité savoir à ce titre si les chartes élaborées entre les villes et les opérateurs facilitaient l'implantation des antennes. M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a indiqué en réponse que le phénomène de rejet existait toujours en matière d'implantation des antennes-relais, bien que leur innocuité ait été établie. Il a estimé que la mise en place des chartes évoquées par M. Daniel Raoul permettait d'améliorer les conditions d'implantation des antennes téléphoniques, même si cette démarche allongeait les procédures d'installation. Il a jugé qu'au niveau global, l'implantation des antennes téléphoniques semblait susciter un rejet moins important que par le passé, même si des difficultés demeuraient sur certains sites en particulier en zones urbaines.
M. Dominique Mortemousque, après s'être félicité de la qualité des documents fournis par M. Philippe Montagner, a rappelé l'importance de la question des zones grises.
M. Gérard Bailly ayant souhaité obtenir des précisions, d'une part, sur la définition des notions de mutualisation et d'itinérance et, d'autre part, sur la raison des coupures de liaisons sur les autoroutes, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a rappelé que la mutualisation consistait à installer sur un pylône commun aux trois opérateurs les équipements de chacun d'entre eux ; l'itinérance consistait, elle, à ce qu'un opérateur propriétaire d'un pylône autorise les autres à utiliser son infrastructure pour relayer leurs communications. Concernant la couverture des autoroutes, il a estimé que celle-ci était plutôt de bonne qualité. Il a indiqué que les terminaux, en revanche, étaient plus ou moins sensibles aux conditions d'émission. Il a fait valoir que la question se posait différemment en matière de trains, la vitesse de ceux-ci étant souvent un obstacle à des communications de bonne qualité. Dans ces conditions, la solution consisterait sans doute à développer une autre technologie. M. Daniel Reiner ayant souhaité savoir ce qu'il en serait lors de la mise en place du train TGV-Est, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a estimé que les technologies actuellement en oeuvre ne permettraient pas une couverture parfaite de ce dernier en téléphonie mobile.
M. Paul Raoult a vivement déploré les dégradations commises par les sous-traitants des opérateurs sur les châteaux d'eau sur lesquels étaient implantées des antennes-relais. Il a souligné que ces incidents étaient d'autant plus graves que les châteaux d'eau étaient soumis à des contrôles de sécurité très stricts. Il a également regretté que l'impact visuel des antennes-relais installées sur ces châteaux d'eau ne soit pas pris en compte, alors même que cet élément l'avait été lors de l'édification de l'ouvrage. Il a enfin estimé que la cartographie des zones blanches ne reflétait pas la réalité, certaines zones étant considérées comme couvertes bien que les communications ne fussent possibles que depuis des points élevés.
M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a fait part de sa très grande attention à la question des châteaux d'eau. Il a exprimé son accord de principe pour l'élaboration d'un code de bonne conduite entre les opérateurs et les collectivités sur ce point. Il a indiqué que les sous-traitants de Bouygues Télécom étaient plus souvent en charge de l'installation du matériel que de sa maintenance, celle-ci étant effectuée directement par Bouygues Télécom. Quant aux questions d'esthétique, il a souligné que son entreprise y prêtait une attention croissante. Pour ce qui était, enfin, de la cartographie des zones blanches, il a rappelé que les cartes recouvraient des réalités différentes. En effet, certaines zones permettaient les communications en plein air, d'autres des communications à l'intérieur des bâtiments et d'autres enfin des communications dans les voitures en mouvement.
M. François Fortassin a déclaré que les aspects techniques et la cartographie du territoire en zones de couleurs différentes ne présentaient à ses yeux aucun intérêt, la seule question importante étant de savoir si le téléphone mobile fonctionnait ou non. Il a estimé à ce titre que les autres pays parvenaient à des résultats bien meilleurs que ceux de la France dans ce domaine.
M. Jean-Marc Pastor, après avoir abondé dans le sens de M. François Fortassin, a estimé que le chiffre de couverture de la population masquait le fait que 60 % du territoire n'était pas couvert. Il a cité en exemple une zone de 78 kilomètres entre Albi et Toulouse, où la connexion au réseau était impossible. Il en a conclu que les opérateurs privés n'étaient pas parvenus à mettre en place une couverture du territoire satisfaisante et que cela pourrait conduire à réfléchir à l'opportunité de l'intervention d'une entreprise publique dans ce domaine.
En réponse à ces deux interventions, M. Philippe Montagner, président de Bouygues Télécom, a rappelé que le choix avait été fait en France de mettre en place trois réseaux différents, ce qui pouvait paraître une solution peu efficace. Il a estimé que cette faiblesse de conception était naturellement difficile à surmonter parfaitement. Quant à l'impression que pouvaient avoir certains clients que les réseaux étaient plus efficaces dans les pays étrangers, il a souligné le fait que, lorsqu'un étranger passait un appel hors de son pays, sa communication était prise en charge par l'ensemble des opérateurs mobiles opérant sur le territoire où il se trouvait, selon le principe du roaming, qui voulait que, dans ce cas, les communications soient acheminées au mieux. Il s'ensuivait qu'il était vraisemblable que des étrangers se trouvant en France avaient le même sentiment d'une plus grande efficacité du réseau en France que dans leur pays d'origine. S'ajoutait en outre le fait que la géographie de la France en faisait un pays très difficile à couvrir. Il en a conclu qu'afin d'éviter d'être confronté au même problème en matière de haut débit, il fallait entamer dès à présent une réflexion sur la mise en place d'un réseau unique de haut débit qui serait interopérable par tous les opérateurs. M. Daniel Raoul a ajouté que les normes d'émission des ondes radio pouvaient en outre être plus élevées à l'étranger qu'elles ne l'étaient en France, ce qui accroissait la couverture du réseau.
M. Michel Teston a estimé que le cahier des charges de la couverture du territoire en téléphonie mobile défini en 2003 était trop restrictif et aboutissait à une couverture imparfaite. Il a déclaré que les opérateurs devraient trouver une solution, les collectivités territoriales n'ayant pas l'intention de financer une phase III du plan de couverture en téléphonie mobile.
Mercredi 1er mars 2006
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -Energie - Transparence et sécurité en matière nucléaire - Examen du rapport
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a examiné le rapport de MM. Henri Revol et Bruno Sido sur le projet de loi n° 326 (2001-2002) relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
M. Jean-Paul Emorine, président, a tout d'abord excusé l'absence de M. Henri Revol pour la présentation du rapport en raison de soucis de santé, ne devant toutefois pas l'empêcher d'être présent lors de la séance publique.
S'associant aux voeux de prompt rétablissement formulés par le président, M. Bruno Sido, rapporteur, a précisé qu'il résultait de leur répartition du travail que M. Henri Revol était chargé des titres IV et V du projet de loi et que lui-même rapporterait les trois premiers titres du texte. Il a, en conséquence, souligné que les propositions d'amendements présentées sur les titres IV et V avaient été élaborées par M. Henri Revol.
Puis considérant que les réalisations françaises dans le domaine nucléaire constituaient une véritable réussite technique, économique, et aussi environnementale eu égard à l'enjeu majeur du réchauffement climatique, il a insisté sur le haut niveau de sécurité des installations nucléaires et sur l'amélioration progressive de la transparence de ce secteur.
Après avoir rappelé que la notion de sécurité nucléaire regroupait quatre composantes distinctes (sécurité civile en cas d'accident, protection des installations contre les actes de malveillance, sûreté nucléaire et radioprotection), le rapporteur a jugé que la France était devenue un pays de référence en la matière, grâce à une administration très compétente dans le suivi des installations et le contrôle de la sûreté ; il a précisé que le principal point faible du système de contrôle avait longtemps été la faiblesse des effectifs des services de l'Etat chargés de la radioprotection, mais il a fait valoir que la situation s'était considérablement améliorée depuis, dans la mesure où les effectifs étaient passés de cinq inspecteurs en 1999 à plus d'une centaine aujourd'hui.
Abordant la question de la transparence, M. Bruno Sido, rapporteur, a rappelé que le souvenir de Tchernobyl était encore prégnant dans les mémoires, mais que, là encore, la situation avait sensiblement évolué depuis le début des années 1980, notamment avec la création des commissions locales d'information (CLI) qui associent la population vivant autour de chaque installation nucléaire de base aux procédures de débat public. A ce titre, il a souligné que deux débats publics concernant le nucléaire avaient été menés depuis plusieurs mois, l'un au sujet de la centrale « European Pressurized Reactor » (EPR) de Flamanville et l'autre au sujet des déchets nucléaires.
En revanche, il a reconnu que toutes les réalisations françaises en matière de sûreté nucléaire et de transparence avaient été effectuées avec une base législative restreinte, se résumant à un article de la loi du 2 août 1961 sur la pollution de l'air et les odeurs, qui a permis aux installations nucléaires de disposer de règles spécifiques, distinctes de celles appliquées aux installations classées.
A l'inverse du régime de la radioprotection, qui a constitué l'un des volets de la loi de santé publique d'août 2004, l'essentiel des règles relatives à la sûreté des installations repose essentiellement sur un décret de 1963 et sur des bonnes pratiques de l'administration et des exploitants qui se sont progressivement érigées en doctrine, a-t-il ajouté.
Le rapporteur a enfin estimé qu'en matière de transparence les pratiques reposaient, pour leur plus grande partie, sur des circulaires. Quant à la loi de 1978 relative à l'accès aux documents administratifs qui institue la CADA, il a fait valoir qu'elle ne s'appliquait qu'aux services publics stricto sensu.
Après avoir affirmé que le nucléaire français répondait aux meilleurs standards de sécurité technique, il a déploré le manque de sécurité juridique, tout en se félicitant de l'existence d'un consensus sur la nécessité de consolider ce cadre légal, comme le prouve la reprise partielle du texte élaboré par le gouvernement de M. Lionel Jospin en 2001, qui avait, entre temps, été déposé au Sénat par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.
M. Bruno Sido, rapporteur, a noté que le texte examiné aujourd'hui, tout en reprenant très largement le projet de loi initial, allait plus loin dans la recherche d'un cadre légal dans lequel les missions des différents intervenants sont clairement définies. A ce titre, il a indiqué que le projet de loi proposait de transformer les actuels services interministériels de l'autorité de sûreté nucléaire en une autorité administrative indépendante dénommée « Haute autorité de sûreté nucléaire » (HASN), également compétente en matière de radioprotection.
Il a rappelé que la création de cette haute autorité répondait au souhait formulé par le Président de la République, lors de ses voeux, de donner au nucléaire français le maximum de sécurité juridique afin d'accompagner ses nouveaux projets comme le lancement effectif de l'EPR, la préparation des réacteurs de quatrième génération et la fusion nucléaire avec l'International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER). Il a aussi relevé que cette proposition avait pour objectif d'aborder la question des déchets nucléaires de façon plus transparente et donc plus sereine.
Après avoir mis en exergue que ce texte proposait aux Français un véritable « pacte de confiance », M. Bruno Sido, rapporteur, a appelé l'attention des membres de la commission sur trois points :
- comme pour la quasi-totalité des autorités administratives indépendantes, la haute autorité n'aura pas la personnalité morale et l'Etat reste pleinement responsable du bon fonctionnement des installations nucléaires ;
- le rôle principal de la haute autorité ne consiste pas en la définition de la réglementation générale en matière nucléaire, mais de sa bonne application par ses contrôles sur le terrain ;
- enfin, l'innovation réelle que constitue la haute autorité ne constitue qu'un des volets du projet de loi, qui permet par ailleurs au législateur de se prononcer sur le régime juridique des installations nucléaires, pour la première fois en quarante ans.
Abordant ensuite la présentation du projet de loi, qui se décompose en cinq titres regroupant 53 articles, il a tout d'abord décrit son titre Ier, comprenant des dispositions générales, c'est-à-dire les principes que doivent respecter toutes les activités nucléaires, dont les principes de précaution et d'information. Evoquant ensuite le titre II, introduit par lettre rectificative pour créer la haute autorité de sûreté nucléaire, le rapporteur a indiqué que cette dernière serait dirigée par un collège de cinq membres, trois étant nommés par le Président de la République et les deux autres par les présidents des Assemblées. Il a précisé, que sous l'autorité de leur président, ces cinq membres travailleront à plein temps à édicter les règles techniques d'application de la réglementation générale et à diriger les services de contrôle de la sûreté et de la radioprotection, qui regroupent environ 450 personnes aujourd'hui, a-t-il constaté.
Puis M. Bruno Sido, rapporteur, a fait valoir que le titre III renforçait le droit à l'information, en étendant à tous les exploitants des installations nucléaires l'obligation de communiquer les informations ayant trait à la sûreté nucléaire et à la radioprotection, qu'il donnait une véritable base législative à l'existence des commissions locales d'information et instituait un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire.
Poursuivant la présentation des articles, il a ajouté que le titre IV instituait le régime légal des installations nucléaires de base et des transports de matières radioactives, en adaptant, lorsque nécessaire, le régime déjà existant pour les installations classées pour la protection de l'environnement. Sont ainsi désormais définis dans la loi l'ensemble des actes, allant des autorisations de création jusqu'au démantèlement des installations, en passant par les contrôles réalisés par les inspecteurs et les sanctions pénales applicables, a-t-il précisé.
Enfin, il a déclaré que le titre V comprenait des dispositions diverses tendant essentiellement à prendre en compte l'existence de la haute autorité dans le code de la santé publique et dans le code du travail.
Puis le rapporteur a terminé sa présentation en présentant l'économie générale des 125 amendements, élaborés par M. Henri Revol et lui-même, qu'il présentait à la commission.
Sur le titre Ier, il a proposé de soumettre les activités nucléaires au principe d'action préventive et d'établir sur des bases plus solides le régime spécifique des installations nucléaires intéressant la défense nationale.
Sur le titre II, il a souhaité, par ses amendements, clarifier les compétences respectives du Gouvernement et de la haute autorité et préciser le statut des membres du collège en termes de limite d'âge, de rémunération et de cessation de fonctions.
S'agissant du titre III, M. Bruno Sido, rapporteur, a indiqué que ces propositions visaient essentiellement à mieux définir les conditions dans lesquelles tout citoyen a accès aux informations détenues par les exploitants nucléaires. Il a également jugé nécessaire de mieux prendre en compte les expériences menées depuis 25 ans par les commissions locales d'information (CLI) et aménager les règles d'attributions et de composition du Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire.
Puis présentant les amendements de M. Henri Revol sur le titre IV, il a souligné que ces derniers traduisaient concrètement, en matière de décisions individuelles, le partage des rôles entre la haute autorité et le ministre chargé de la sûreté nucléaire, dans le droit fil des orientations proposées au titre II, qu'il s'agisse des autorisations ou des décisions de suspension d'installations pour non-respect des règles. Il a également ajouté que deux amendements tendaient à ce que les sanctions pénales applicables aux exploitants nucléaires soient davantage proportionnées à la gravité des faits. Enfin, il a relevé que plusieurs amendements au titre V permettaient d'assurer une meilleure coordination avec le travail réalisé sur le reste du texte.
En définitive, M. Bruno Sido, rapporteur, a appelé les membres de la commission à adopter, ainsi amendé, ce projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
M. Bernard Piras a marqué son accord avec l'idée selon laquelle la France pouvait être fière de ses réalisations en matière nucléaire d'une part, et avec la nécessité de disposer d'un cadre législatif d'autre part. Il a toutefois tenu à faire part de ses interrogations quant aux rôles respectifs du Gouvernement et de la haute autorité de sûreté nucléaire et quant au devenir des structures actuelles, qu'il s'agisse de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (DGSNR) du conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire (CSSIN), ou de l'association nationale des commissions locales d'information (ANCLI). Il a aussi souhaité obtenir des précisions sur la façon dont seraient données les instructions en matière de communication des documents des exploitants nucléaires.
M. Daniel Raoul a débuté son intervention en indiquant qu'il ne partageait pas le satisfecit du rapporteur sur les délais d'examen du texte. Il a noté que ce dernier n'avait été disponible que vendredi dernier et surtout que le titre II créant la haute autorité avait été introduit très tardivement, alors même qu'il modifiait fondamentalement l'équilibre du projet de loi. Il s'est déclaré surpris que le Conseil d'Etat ait rendu un avis favorable sur la création d'une autorité administrative indépendante remplissant à la fois les missions de prescripteur, de contrôleur et de détenteur des informations. Il a estimé nécessaire que le Parlement s'implique davantage dans les décisions qui seront prises, notamment s'agissant de la création et du démantèlement des installations, ainsi que de la politique de sûreté.
M. Yves Coquelle a considéré que le fait de conférer un cadre légal aux activités nucléaires était dans son principe une excellente chose. Il a cependant noté que la composition prévue pour le haut comité ne prévoyait que deux parlementaires et surtout, aucun représentant du monde ouvrier. Il a, de plus, estimé qu'il existait aujourd'hui un besoin de transparence sur les questions du vieillissement et du renouvellement du parc électronucléaire français. Il a enfin tenu à replacer le débat dans la perspective du projet annoncé de fusion entre Gaz de France et Suez, faisant valoir qu'une telle logique risquait un jour de conduire à confier les centrales nucléaires à des opérateurs privés.
M. Bruno Sido, rapporteur, a répondu à ces interventions en faisant valoir que le domaine nucléaire était bien un de ceux dans lequel le principe d'une autorité administrative indépendante se justifie, d'une part, parce qu'elle est de nature à améliorer l'acceptabilité de l'énergie nucléaire par les Français et, d'autre part, parce qu'elle crée un cadre de transparence indispensable à l'examen serein de la loi sur les déchets nucléaires, qui interviendra prochainement. Il a aussi souligné que plusieurs grands pays intervenant dans le domaine nucléaire s'étaient déjà dotés d'autorités administratives indépendantes, s'inscrivant dans un mouvement plus général observé au niveau international.
S'agissant de l'organisation de la haute autorité, il a rappelé qu'elle avait vocation à se voir affecter la majeure partie des moyens de l'actuelle DGSNR, tout en rappelant que le Président Jean-Paul Emorine, M. Henri Revol et lui-même avaient fait part solennellement au Gouvernement de leur souci de voir les ministres conserver auprès d'eux les compétences qui leur seront nécessaires dans l'exercice de leurs attributions. Il a précisé qu'en conséquence, les services de la DGSNR seraient scindés en deux avant l'entrée en fonctions du collège de la haute autorité.
En ce qui concerne ce collège, il a souligné que confiance devrait être faite au Président de la République et aux présidents des assemblées pour respecter une certaine diversité dans les nominations, qui ne devront pas se limiter à des personnalités proches d'un quelconque « lobby nucléaire ». Il a indiqué que la haute autorité devait être bien distinguée du haut conseil. Il a reprécisé que la première était en charge des réalisations des contrôles de sûreté nucléaires sur le terrain, en application des lois et de la réglementation gouvernementale, alors que le second consistait en un forum de discussion et de concertation. Il a estimé que, pour ces raisons, il considérait que la création du haut comité équivalait à une transformation de l'actuelle CSSIN, tout en rappelant qu'il présenterait des amendements visant à élargir cet espace d'échanges en y associant des représentants syndicaux et en y faisant passer de deux à quatre le nombre de parlementaires présents.
En matière de règles de transmission de documents, il a spécifié que le projet de loi permettait d'appliquer à l'essentiel des documents détenus par les exploitants nucléaires dans le domaine de la sûreté et de la radioprotection les règles d'accès déjà existantes en matière de documents administratifs.
Concernant l'avenir de la filière électronucléaire française, il a estimé que la sécurité de ce secteur n'était pas affectée par les questions posées par la fusion entre Gaz de France et Suez, puisque l'ensemble des installations nucléaires françaises sont contrôlées par les mêmes autorités, quel que soit le statut des opérateurs. Il a ensuite fait valoir que la date d'arrêt définitif des centrales nucléaires était décidée au cas par cas, mais que la France avait déjà apporté des réponses quant à l'avenir de ce secteur, au travers du réacteur EPR -plus puissant et laissant subsister 20 % de déchets en moins- et de la préparation des centrales de quatrième génération.
M. François Fortassin, tout en se félicitant de l'adoption d'une loi en matière nucléaire, a insisté sur le rôle pédagogique que celle-ci devait jouer vis-à-vis de la population. Il a, en effet, noté que si une très grande majorité de Français était favorable au développement du secteur nucléaire dans un cadre plus transparent, ils étaient à l'inverse beaucoup moins nombreux à accepter qu'une centrale soit construite près de chez eux. Il a considéré que la question de la confiance ne se posait pas tant vis-à-vis de l'énergie nucléaire elle-même que vis-à-vis de la façon dont les autorités les informent. Il s'est aussi interrogé sur le risque de complexité et d'illisibilité des dispositifs que pourrait occasionner la création d'une haute autorité et d'un haut comité venant s'ajouter à l'action des ministères, ce qui serait contraire à l'effet recherché en matière de transparence.
Le président Jean-Paul Emorine a souligné qu'il partageait cette triple préoccupation de pédagogie, de confiance et de transparence.
M. Christian Gaudin a tenu à souligner l'importance revêtue par ce texte qui s'inscrit dans le cadre plus général de la relation entre la science et la société et qui est de nature à améliorer encore la légitimité du développement du secteur nucléaire. Il s'est aussi félicité que le projet de loi mette en place des relations fortes entre, d'une part, les commissions des assemblées et l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et, d'autre part, la haute autorité de sûreté nucléaire. Il a toutefois estimé que ces nombreuses avancées ne levaient pas toutes les interrogations sur la composition et le positionnement du collège. Enfin, en termes de méthode, il a regretté que ce projet de loi n'ait pas été rassemblé avec celui traitant des déchets nucléaires et que les délais d'examen des modifications introduites par la lettre rectificative aient été aussi courts.
M. François Gerbaud a rappelé le rôle essentiel du secteur nucléaire producteur de 85 % de l'électricité française. Il s'est toutefois interrogé sur la capacité des membres du collège d'une autorité indépendante à résister aux pressions et aux mouvements de l'opinion sur un sujet aussi passionnel. Il a aussi fait part de ses questions sur l'avenir de l'agence nationale des déchets radioactifs (ANDRA), considérant que l'essentiel des inquiétudes de la population touchait à la question des déchets nucléaires.
M. Bruno Sido a indiqué qu'il partageait complètement l'idée selon laquelle cette loi devait avoir un rôle pédagogique, notamment dans la perspective du débat sur les déchets. Il a fait valoir qu'une des garanties essentielles de transparence et de sécurité accordée par le projet de loi était la mise en place d'une chaîne décisionnelle dont aucun des maillons ne détenait d'exclusivité, l'ensemble préservant toutefois la responsabilité globale de l'Etat sur ces sujets.
En ce qui concerne les interrogations qui ont pu être formulées sur les membres du collège, il a indiqué que ceux-ci étaient nommés pour six ans, mais qu'un amendement devait permettre qu'il puisse être mis fin à ce mandat au cas où ils manqueraient gravement à leurs obligations.
S'agissant de l'ANDRA, il a indiqué qu'elle n'était pas directement affectée par le présent texte, mais qu'elle le serait probablement par le projet de loi relatif aux déchets.
Enfin, M. Bruno Sido, rapporteur, s'est félicité des conditions dans lesquelles la préparation de ce débat avait pu se faire, le ministère de l'environnement ayant très largement associé les rapporteurs à la rectification du projet de loi. A ce titre, il a tenu à adresser des remerciements très appuyés à M. Jean-Paul Emorine, président, pour son intervention directe auprès du Premier ministre qui a permis d'obtenir des délais d'examen supplémentaires et de créer ainsi de meilleures conditions de travail.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par les rapporteurs :
A l'article 1er (définition de la sécurité nucléaire et de ses composantes), après l'intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté un amendement visant à réaffirmer le rôle de l'Etat dans la définition et la mise en oeuvre de la politique de sécurité nucléaire.
A l'article 2 (principes applicables aux activités nucléaires et régime des installations intéressant la défense), après les interventions de MM. Daniel Raoul et François Gerbaud, outre deux amendements rédactionnels, elle a adopté trois amendements visant à soumettre les activités nucléaires au principe d'action préventive, à poser les bases du régime spécifique des installations intéressant la défense et à inscrire dans la loi le principe de responsabilité des exploitants, moyennant un déplacement de l'insertion de cet amendement et l'ajout d'une référence, suite à une demande de M. Daniel Raoul.
A l'article 2 bis (création de la haute autorité de sûreté nucléaire et définition de ses compétences), après une intervention de M. Daniel Raoul qui a fait part de sa désapprobation quant au fait de confier à une autorité administrative indépendante le soin de définir les règles, d'en contrôler leur application et de procéder à l'information du public, la commission a adopté quinze amendements, ayant, outre huit amendements rédactionnels, ou de précision, respectivement pour objet de :
- soumettre à homologation ministérielle l'ensemble des décisions réglementaires de la haute autorité et en prévoir la publication au Journal Officiel ;
- prévoir la communication des décisions individuelles de la HASN au ministre chargé de la sûreté nucléaire ;
- charger l'autorité de participer à l'information du public ;
- supprimer les dispositions lui confiant la compétence de veiller à l'application des textes relatifs à l'information sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants ;
- supprimer les dispositions obligeant la haute autorité à participer au financement des activités des CLI ;
- autoriser la participation d'enquêteurs techniques de nationalité étrangère aux enquêtes de la HASN en cas d'accident ;
- supprimer la possibilité pour l'autorité de créer une commission d'enquête.
Puis la commission a adopté l'article 2 ter (conditions de la saisine de la haute autorité pour des demandes d'études), sans modification.
A l'article 2 quater (compétences de la haute autorité dans les négociations internationales), la commission a voté deux amendements de précision.
A l'article 2 quinquies (composition du collège de la haute autorité de sûreté nucléaire), après les interventions de MM. Jean-Paul Emorine, président, François Gerbaud et Daniel Raoul, la commission a adopté trois amendements visant à prévoir la démission volontaire des membres du collège, à rendre impossible la nomination de membres ayant un âge supérieur à 65 ans ainsi qu'un amendement de coordination avec ceux proposés pour l'article 2 octies.
Puis la commission a adopté les articles 2 sexies (validité des délibérations) et 2 septies (règlement intérieur et délégations au président de la haute autorité) sans modification.
A l'article 2 octies (obligations des membres du collège), après les interventions de MM. Daniel Raoul, François Gerbaud et Charles Revet, la commission a adopté quatre amendements visant à indiquer que les membres du collège perçoivent une rémunération et à en fixer le montant, à imposer qu'une majorité qualifiée de trois voix soit réunie pour constater la démission d'office de ces derniers, à mettre en place une procédure d'exclusion des membres dans des conditions strictement définies ainsi qu'à mieux sanctionner l'éventuel manquement à leur obligation d'impartialité.
Après une intervention de M. Daniel Raoul, la commission a voté l'article 2 nonies (actions en justice) sans modification.
A l'article 2 decies (services de la haute autorité), après l'intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté un amendement rédactionnel.
Puis la commission a adopté sans modification les articles 2 undecies (compétences budgétaires de la haute autorité et de son président) et 2 duodecies (décret d'application du titre II).
La commission a ensuite adopté un amendement modifiant l'intitulé du titre III (information).
Avant l'article 3, la commission a voté un amendement créant un article additionnel définissant le rôle de l'Etat en matière d'information du public dans le secteur du nucléaire.
A l'article 3 (droit d'accès aux informations détenues par les exploitants nucléaires), la commission s'est prononcée en faveur de l'adoption d'un amendement faisant reposer l'obligation de transmission des informations dans le domaine nucléaire sur les seuls exploitants d'installations nucléaires de base (INB) et les personnes responsables de transport de matières radioactives, transportant des quantités supérieures à un seuil.
A l'article 4 (modalités d'exercice du droit d'accès à l'information), après les interventions de MM. Daniel Raoul et Yves Coquelle, la commission a adopté, outre un amendement rédactionnel, quatre amendements tendant à :
- préciser la définition des modalités d'accès aux informations dans le domaine nucléaire ;
- supprimer le III de cet article ;
- confier à la CADA la compétence relative aux litiges ayant trait au droit d'accès à l'information ;
- exclure les informations visées à cet article de l'application des dispositions en matière de réutilisation des données publiques.
Après l'article 4, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel pour effectuer une coordination dans la loi du 17 juillet 1978.
A l'article 5 (définition de la sécurité nucléaire et de ses composantes), la commission a voté quatre amendements rédactionnels et de précision.
A l'article 6 (commissions locales d'information) après les interventions de MM. François Gerbaud et Daniel Raoul, elle a adopté 12 amendements aboutissant à une réécriture complète de l'article et visant notamment à :
- concentrer l'action des CLI sur des fonctions d'information, de concertation et de suivi ;
- permettre la création de CLI communes à plusieurs installations nucléaires de base ;
- améliorer la composition de ces commissions, de façon à mieux garantir leur indépendance ;
- confier la création des CLI au président du conseil général ;
- instituer la présidence de la commission par un élu local, tout en prévenant les risques de gestion de fait ;
- transformer en CLI les commissions d'information et de surveillance existant auprès des sites de stockage de déchets radioactifs ;
- donner aux CLI la faculté de se doter de la personnalité morale, sous forme d'association ;
- permettre une communication aussi large que possible de la CLI avec les exploitants d'une part, et avec la haute autorité et les autres services de l'Etat, d'autre part ;
- organiser le financement des CLI ;
- prévoir la possible création d'une fédération nationale des CLI et son financement.
Avant l'article 7, elle a adopté un amendement modifiant l'intitulé du chapitre III (haut comité de transparence pour la sécurité nucléaire) afin de changer la dénomination de cette instance.
Après les interventions de MM. Daniel Raoul, Yves Coquelle et Daniel Reiner, la commission a voté un amendement de rédaction globale de l'article 7 (création du haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire) afin de modifier la composition du haut comité.
Outre un amendement rédactionnel, elle a adopté deux amendements à l'article 8 (missions du haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire) pour :
- conférer au haut comité le caractère d'instance de concertation et de débat ;
- préciser les missions de cet organisme.
A l'article 9 (activités du haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire), la commission a voté un amendement rédactionnel et deux amendements permettant de mieux définir les conditions d'accès du haut comité aux informations dans le domaine nucléaire et retirant la faculté de faire réaliser des contre-expertises.
A l'article 10 (moyens financiers du haut comité et obligations reposant sur ses membres), elle a adopté un amendement excluant les représentants des personnes responsables d'activités nucléaires au haut comité de l'obligation de faire une déclaration mentionnant leur lien avec les domaines de compétence de cette instance.
Puis la commission a voté l'article 11 (décret d'application des dispositions relatives au haut comité), sans modification.
Elle a ensuite adopté cinq amendements ayant pour objet de modifier l'articulation interne de l'article 12 (définition des installations nucléaires de base et du régime juridique applicable), sans en modifier le sens ni la portée.
A l'article 13 (procédures d'autorisation des installations nucléaires de base), après une intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté vingt-deux amendements tendant à préciser les conditions de mise en service des installations nucléaires de base, mieux articuler les rôles respectifs du Gouvernement et de la haute autorité de sûreté nucléaire et à aligner certains éléments du régime INB sur celui des installations classées pour la protection de l'environnement.
Puis à l'article 13 bis (règles techniques générales relatives aux installations nucléaires de base), elle a voté un amendement de coordination et un amendement de précision.
Elle a adopté un amendement rédactionnel à l'article 13 ter (détermination de servitudes d'utilité publique autour des INB).
A l'article 14 (modalités particulières s'appliquant aux INB pour la conduite des enquêtes publiques), la commission a aligné, avec l'adoption d'un amendement, le régime d'autorisation des travaux pour les installations nucléaires de base soumises à enquête publique sur celles applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement.
A l'article 14 bis (mesures transitoires pour les installations existantes et régulièrement mises en service), elle a voté trois amendements de précision.
A l'article 14 ter (arrêt et démantèlement des INB par décret en Conseil d'Etat), la commission a voté trois amendements rédactionnels et un amendement de simplification.
A l'article 15 (décret fixant les modalités d'application des dispositions du chapitre), après l'intervention de M. Daniel Raoul, elle a adopté un amendement de simplification et un amendement rédactionnel.
A l'article 16 (attributions des inspecteurs de la sûreté nucléaire), un amendement rédactionnel a été adopté par la commission.
A l'article 17 (mise en demeure des exploitants par la haute autorité de sûreté nucléaire), après l'intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté trois amendements tendant à :
- rendre plus efficaces les consignations financières imposées aux exploitants ;
- clarifier la portée des mesures transitoires décidées par la haute autorité ;
- encadrer très strictement la faculté du ministre de s'opposer à une décision individuelle prise par la haute autorité.
A l'article 18 (régime des consignations financières), elle a adopté un amendement rédactionnel.
Puis la commission a voté sans modification les articles 19 (obligations de l'exploitant en cas de suspension du fonctionnement de l'installation ou des opérations non conformes à la réglementation), 20 (application des mesures de police en cas de défaillance de l'exploitant) et 21 (recours contre les décisions prises en matière de sûreté).
Elle a ensuite adopté quatre amendements rédactionnels sur l'article 22 (constatation des infractions par les inspecteurs de la sûreté nucléaire).
Elle a amélioré, par le vote d'un amendement à l'article 23 (autorisation d'effectuer des prélèvements d'échantillons), les conditions dans lesquelles des prélèvements d'échantillons peuvent être réalisés.
A l'article 24 (sanctions pénales en cas d'infraction à la réglementation relative à l'exercice des activités nucléaires), après l'intervention de M. Daniel Raoul, la commission a adopté deux amendements améliorant la proportionnalité des sanctions pénales à la gravité des fautes.
Elle a ensuite adopté conformes l'article 25 (sanctions complémentaires encourues par les personnes physiques), l'article 26 (sanctions complémentaires en cas de création ou d'exploitation sans autorisation d'une installation nucléaire de base), l'article 27 (sanctions pénales applicables aux exploitants nucléaires en leur qualité de personne morale) et enfin l'article 28 (application des dispositions sur l'ajournement avec injonction).
Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel à l'article 29 (possibilité pour les associations agréées de protection de l'environnement d'exercer les droits reconnus à la partie civile).
Sur l'article 30 (obligations d'information en cas d'accident ou d'incident), la commission a voté un amendement tendant à encadrer les déclarations d'incidents. Puis, après une observation de M. Daniel Raoul et à la demande de M. Jean-Paul Emorine, président, le rapporteur a accepté de retirer un amendement qui portait sur les délais dans lesquels les exploitants doivent procéder à de telles déclarations, afin de trouver une rédaction plus satisfaisante d'ici à la discussion du projet de loi en séance publique.
A l'article 31 (coordination avec le code de la santé publique), en plus d'un amendement rédactionnel, la commission a adopté un amendement visant à rétablir le parallélisme des procédures en matière de retrait des autorisations d'exercice d'activités nucléaires de faible importance.
Elle a adopté les articles 32 (coordination avec le code du travail) et 33 (coordination avec le code de l'environnement) sans modification.
Après l'article 33, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à mieux inscrire les installations nucléaires dans le cadre des mesures de défense prises en période de crise.
La commission a enfin voté conformes les articles 35 (coordination avec les textes relatifs aux différents modes de transport), 36 (mesures transitoires), 37 (entrée en vigueur des attributions de la haute autorité de sûreté nucléaire) et 38 (personnels de la haute autorité de sûreté nucléaire).
Puis la commission a adopté le rapport de MM. Bruno Sido et Henri Revol, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen ne le votant pas.
Union européenne - Bâtiment et travaux publics - Rapport d'information - Nomination d'un rapporteur
La commission a ensuite désigné M. Francis Grignon comme rapporteur pour le rapport d'information sur le secteur du BTP et la concurrence des nouveaux membres de l'Union européenne.
Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président, puis de M. Gérard Cornu, vice-président. -
Economie, finances et industrie - Audition de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Invité par M. Jean-Paul Emorine à présenter le bilan de son action au ministère et les perspectives pour 2006, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué avoir voulu mobiliser Bercy sur le chantier de la politique économique, après avoir fait le constat, lors de sa prise de fonctions, d'un ministère totalement absorbé par des difficultés structurelles et quasi quotidiennes en matière de finances publiques et de déficits budgétaires.
Soulignant que moins d'attention à l'économie de la part de son ministère, cela veut dire moins de pédagogie vis-à-vis des citoyens, une moindre prise de conscience, par ceux-ci, des enjeux et des solutions à adopter, et donc plus de difficultés à accepter des décisions parfois contraignantes, il a justifié l'ouverture d'un débat public sur les finances publiques, mettant en lumière la réalité de la dette résultant d'erreurs de gestion passées. Faisant valoir que les intérêts de la dette publique s'élèvent à environ 50 milliards d'euros, soit l'équivalent du produit de l'impôt sur le revenu, il a rappelé que les mesures sur la retraite à 60 ans, les 35 heures de travail hebdomadaire ou les embauches massives de fonctionnaires entre 1981 et 2002 se retrouvent aujourd'hui dans la dette publique, les allégements de charge assumés par l'Etat pour compenser le passage aux 35 heures représentant, à eux seuls, environ 100 milliards d'euros en cumulé. C'est la première fois, a-t-il ajouté, que dans l'histoire économique de notre pays, des acquis sociaux ne sont pas financés par la croissance, mais mis à la charge des générations futures, à travers le remboursement de la dette publique. Il a également tenu à souligner qu'entre 1997 et 2002 la plupart des pays européens avaient réduit significativement le montant de leur dette, hormis l'Allemagne, en raison du coût économique lié à l'intégration de l'Allemagne de l'Est et la France, dont l'endettement public avait continué à progresser.
Il a considéré que la mission confiée à M. Michel Pébereau et à laquelle avaient participé des hommes politiques de différentes tendances, des syndicalistes et des représentants de la société civile, avait aidé à l'acceptation d'une politique budgétaire « vertueuse » à travers l'adoption du programme de désendettement et de croissance adopté pour les cinq ans à venir. Celui-ci, a-t-il fait valoir, redonne un cap économique à la France, en permettant de revenir en dessous du seuil de 60 % du PIB pour le niveau de l'endettement public, sur la base d'un taux de croissance réaliste et d'un niveau de contraintes acceptable.
Evoquant la comparaison avec un ménage voulant réduire son endettement, il a considéré qu'il n'y avait que trois solutions possibles, la réduction des dépenses, la vente d'actifs non essentiels et l'augmentation du temps de travail pour dégager des revenus supplémentaires.
Il a, en conséquence, justifié les décisions récentes permettant de résorber certains points de blocage freinant le retour à l'activité, évoquant les mesures concernant le travail des seniors ou encore les réformes liées au contrat de travail.
Présentant ensuite les perspectives de son ministère pour les mois à venir, il a déclaré vouloir approfondir ce besoin de pédagogie et s'intéresser aux différents secteurs d'activité de l'économie française, qui relèvent chacun d'un fonctionnement particulier.
Il a fait valoir le rôle stratégique du secteur agricole, qui emploie 5 % des actifs, pour répondre aux enjeux de sécurité alimentaire et contribuer à l'aménagement des territoires. A cet égard, il a considéré comme indispensable le maintien de la politique agricole commune.
Après avoir relevé, pour s'en féliciter, que l'emploi industriel représentait encore 20 % des emplois, et que le choix d'une politique industrielle ambitieuse s'imposait pour soutenir l'innovation et la recherche, il a évoqué l'importance du secteur des services de proximité et des services à la personne.
Indiquant ensuite qu'environ la moitié du secteur tertiaire relevait désormais du secteur de l'immatériel et des savoirs et qu'il s'agissait d'emplois à très forte valeur ajoutée, il a considéré qu'il s'agissait d'une véritable révolution du système productif, qu'il fallait accompagner.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a ensuite déclaré vouloir suivre attentivement les questions de l'énergie, faisant valoir la nécessité d'une politique énergétique ambitieuse et moderne pour répondre de façon adaptée à la disparition programmée des énergies fossiles.
Il s'est félicité, à ce titre, que le G7 ait accepté, sur la demande de la France il y a déjà près d'un an, de réfléchir aux modalités d'une politique commune de l'énergie et a annoncé par ailleurs qu'il avait remis tout récemment aux autorités communautaires un mémorandum sur l'énergie.
Il a enfin souligné, à propos de la fusion envisagée de GDF et de Suez, qu'il s'agissait d'un projet industriel cohérent, permettant d'anticiper sur la nécessaire restructuration du secteur de l'énergie, pour faire face à l'ouverture à la concurrence et à l'ampleur des investissements à prévoir en ce domaine. Soulignant que les deux entreprises avaient, depuis plusieurs mois, identifié des synergies communes et des complémentarités fortes, il a indiqué que l'Etat actionnaire avait donné son feu vert à l'ouverture d'une phase de concertation approfondie sur ce projet industriel, à laquelle les syndicats étaient invités à participer. Ensuite, a-t-il ajouté, le Parlement aura à donner son accord à travers l'examen du projet de loi autorisant l'Etat à réduire sa participation dans le capital de GDF.
Au cours de la discussion générale, M. Gérard Cornu est intervenu pour s'interroger sur les limites à l'interventionnisme de l'Etat en matière d'offres publiques d'achat, dès lors, qu'à l'inverse, on se félicite des acquisitions des entreprises françaises à l'étranger. Il s'est également interrogé sur l'avenir d'EDF et sur la viabilité économique de deux groupes énergétiques français sur le marché européen, voire mondial.
M. Marcel Deneux, évoquant un stage accompli il y a quelques mois chez GDF, a confirmé que ce projet de fusion constituait un véritable projet industriel. A propos du niveau très élevé de la dette publique, il a jugé impossible de le faire diminuer sans un taux de croissance élevé du PIB, hypothèse qu'il a considérée comme totalement irréaliste. Il a souligné la nécessité absolue d'améliorer la productivité de la sphère publique. Puis il a voulu connaître la position du Gouvernement sur les conséquences de la politique d'émission des droits à polluer, notamment pour les économies des pays en voie de développement.
Relevant enfin le retard français en matière de recherche sur toutes les formes d'énergie renouvelable, il a souhaité que le Gouvernement prenne mieux en compte les objectifs de développement durable en matière de recherche et d'innovation.
M. Gérard César, rappelant son engagement envers les territoires ruraux et le secteur agricole, s'est inquiété des moyens budgétaires supplémentaires prévus pour faire face aux conséquences de la grippe aviaire sur la filière et les exportations dans le secteur de la volaille. S'agissant de la production de biocarburants, il a jugé impératif de dépasser le stade expérimental et d'abaisser le niveau des taxes parafiscales pour encourager le développement de ce secteur.
Rappelant que l'acquisition de Péchiney avait laissé de biens mauvais souvenirs, M. André Ferrand a tout d'abord soutenu la démarche du ministre consistant à privilégier l'intérêt du projet industriel de la fusion Suez-GDF plus que la notion de patriotisme industriel. Puis faisant part de ses préoccupations quant aux difficultés du commerce extérieur et à la dégradation de la balance commerciale, il a rappelé les caractéristiques expliquant cette situation : un nombre insuffisant d'entreprises de taille moyenne présentes sur les marchés internationaux, une pénétration beaucoup trop discrète des marchés en expansion, ce que la récente mise en place du Plan Cap'Export devrait sans doute corriger, et enfin une structure sectorielle de l'industrie qui interdit, contrairement à l'Allemagne ou à l'Italie, de répondre à la forte demande des pays émergents en biens d'équipement. Pour amoindrir les handicaps de l'industrie française à l'exportation, il a souhaité que les pouvoirs publics reconnaissent le rôle essentiel des chambres de commerce françaises à l'étranger et leur accordent davantage de moyens au titre de la politique d'appui à l'export des entreprises, de préférence aux soutiens régaliens, moins efficaces. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la place accordée à l'international dans la mise en oeuvre des pôles de compétitivité qui, selon lui, devraient se tourner essentiellement vers l'accès aux grands marchés des pays industrialisés et des pays émergents.
Ayant fait le constat qu'en récusant toute idée de relance, le ministre développait une analyse libérale de la situation économique et non une analyse néo-keynésienne, M. Michel Teston a estimé que les tentatives d'OPA récemment menées sur Danone, Arcelor ou encore GDF démontraient l'absence de politique industrielle en France comme en Europe. Considérant que la définition de secteurs stratégiques justifiant, si nécessaire, l'intervention publique devenait une question essentielle, il a préconisé le développement des participations croisées entre les grands groupes de ces secteurs et l'engagement de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour garantir la pérennité de certaines entreprises françaises et susciter des partenariats équilibrés avec des entreprises européennes.
Se félicitant de l'importance accordée par le ministre à l'économie agricole, Mme Yolande Boyer a exprimé ses inquiétudes quant aux conséquences sociales et économiques de la grippe aviaire sur les salariés relevant de la filière avicole, particulièrement développée dans son département, notamment au travers du premier exportateur français de la filière avicole, le groupe Doux. Au-delà de ces graves difficultés conjoncturelles, dont elle a dit espérer qu'elles susciteraient une aide spécifique des pouvoirs publics, elle a demandé au ministre comment, au plan structurel, l'Etat préparait la future interruption des mécanismes de restitutions à l'exportation, prévue pour 2013, estimant que la mobilisation des fonds structurels européens pour accompagner ce processus serait opportune.
Tout en se félicitant vivement du langage de vérité tenu par le ministre, M. Gérard Bailly a regretté qu'il ne soit pas encore bien entendu par nos concitoyens. Se demandant combien d'entre eux savaient que l'application des 35 heures avait alourdi la dette de 100 milliards d'euros et se désolant que cette législation conduise à la délocalisation à l'étranger de toute la petite production qualitative française de province, il a souhaité que le Gouvernement fasse mieux comprendre aux Français l'état objectif de la situation économique.
Ayant observé que l'actuel gouvernement était plus resserré que celui de M. Jean-Pierre Raffarin, M. Philippe Dominati a tout d'abord demandé quelles étaient les conséquences de cette réduction du nombre des ministres sur les administrations, ainsi que le montant des économies réalisées à ce titre. Puis soulignant que la France était le moins libéral des pays du G7 et se distinguait par un taux de prélèvements obligatoires des plus élevés, ainsi que par un déficit public et une dette qui ne l'étaient pas moins, il a rappelé que le Président de la République s'était engagé, lors de la dernière campagne présidentielle, à réduire les prélèvements obligatoires de 30 % sur la législature. Regrettant que l'argument de la dette publique soit venu contrarier cette perspective, pourtant de nature à favoriser le développement économique par l'enrichissement des différents acteurs, il a demandé au ministre quels signes le Gouvernement pourraient donner pour indiquer qu'il poursuivra l'objectif de réduction des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire une politique qui distingue une économie libérale d'une économie socialiste.
Tout en soulignant qu'il serait personnellement favorable à la réduction des prélèvements obligatoires et à la totale liberté des acteurs économiques si ces mesures étaient suivies d'effets positifs, M. Jean-Marc Pastor a fait état de deux situations lui semblant démontrer qu'un système libéral ne pouvait pas se passer, dans certaines circonstances, d'une régulation publique : le secteur de la téléphonie mobile, dont les trois plus grands opérateurs privés sont parfois en concurrence féroce tandis qu'en d'autres endroits du territoire, ils sont tous absents, au détriment des citoyens ; le secteur de la médecine ambulatoire, qui connaît le même phénomène, des médecins généralistes gagnant à peine le SMIC dans certaines zones urbaines alors qu'il ne s'en installe plus dans diverses zones rurales. Exprimant ses doutes quant à l'existence d'un modèle économique parfait et récusant le passage d'un modèle théorique à l'autre, il a souligné la nécessité de l'intervention de l'Etat dans certaines circonstances et estimé qu'il convenait de trouver, pour parvenir à satisfaire les citoyens, dans un cadre de développement économique libéral, le bon niveau de régulation publique.
En réponse, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a apporté les précisions suivantes.
Prenant appui sur son expérience passée de chef d'entreprise, et en particulier de responsable de deux entreprises cotées appartenant au CAC 40, il a expliqué que les cessions, fusions et autres OPA étaient des instruments normaux de gestion des affaires. Plus précisément, il a indiqué que l'OPA, loin d'être un terme guerrier, constituait une garantie offerte aux actionnaires, que la plupart de ces offres étaient amicales et qu'en tout état de cause, pour être réussies, ces opérations devaient être favorables autant aux « stakeholders », c'est-à-dire les parties prenantes telles que les clients, les salariés, les collectivités territoriales, les Etats, qu'aux « shareholders », c'est-à-dire les actionnaires, y compris lorsqu'elles étaient hostiles. Rappelant quelques exemples récents d'OPA exclusivement financières, comme le rapprochement d'AOL et de Time Warner ou celui de Vivendi et de Seagram, il a estimé que la réussite d'une OPA s'appuyait sur l'existence d'un véritable projet industriel associé à un projet social, ainsi que l'attention portée au mariage des cultures d'entreprise et à la définition d'une nouvelle gouvernance.
Puis récusant toute idée de protectionnisme du gouvernement français face à l'OPA hostile menée par le groupe de droit hollandais Mittal Steel sur le groupe de droit luxembourgeois Arcelor, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a déclaré que les réserves qu'il avait exprimées visaient à souligner l'absence apparente de projet industriel et à réhabiliter la parole de l'Etat français en tant que « stakeholder » dans une opération aussi lourde. Soulignant que les marchés financiers ne pouvaient pas avoir le monopole de la parole, il a manifesté le souhait que la distinction entre Etat actionnaire, Etat régulateur et Etat « partie prenante », qu'il souhaite voir reconnue, autorise l'examen attentif de la vie des affaires dans les secteurs importants et l'expression de la puissance publique, sachant que la décision de répondre favorablement ou non à une OPA appartenait naturellement in fine aux actionnaires. Observant que les Etats anglo-saxons avaient depuis longtemps adopté cette façon de procéder, il a conclu en indiquant qu'en agissant ainsi, il s'inscrivait dans une démarche moderne, qui n'était ni « ringarde », ni protectionniste.
S'agissant du rapprochement entre Suez et GDF, le ministre a rappelé qu'informé du projet commun sur lequel travaillaient depuis plusieurs mois les directions des deux entreprises, de leur propre initiative, pour assurer leur développement futur, l'Etat n'avait fait que le rendre public afin, précisément, que s'engagent les discussions avec les autres parties prenantes pour garantir la réussite de l'opération. Observant que M. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'industrie, avait publiquement reconnu l'intérêt industriel de ce projet, il a estimé qu'il appartiendrait au Parlement de l'approuver s'il le jugeait crédible et fondé. Quant à la fusion d'EDF et de GDF, il a indiqué que les nombreuses et diverses informations qu'il avait recueillies sur cette option en démontraient l'impossibilité, car le respect des règles communautaires de la concurrence aurait contraint les deux entreprises à se séparer chacune de pans entiers de leurs actifs, tels que des centrales nucléaires ou des terminaux gaziers, au risque de les affaiblir durablement. Relevant que l'ouverture totale du marché de l'énergie en juillet 2007 rendait nécessaire l'ouverture du capital tant d'EDF que de GDF pour être en position favorable à cette échéance et donner à ces entreprises une capacité d'action dans le respect de l'intérêt général, il s'est félicité du projet commun bâti par Suez et GDF et de la situation nouvelle qui en résulterait, deux des plus grands acteurs mondiaux de l'énergie étant Français et européen.
Après avoir rappelé qu'en tant que président de Thomson, puis de France Telecom, entreprise présente sur l'un des marchés les plus concurrentiels, il avait fait des participations croisées l'une de ses priorités, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué que cette politique, aussi nécessaire qu'elle soit pour le développement, n'était pas suffisante, en tant que telle, pour s'opposer à une OPA. De même, relevant que la capitalisation des seules entreprises du CAC 40 s'élevait à plus de 800 milliards d'euros, il a estimé que la capacité d'investissement de la CDC était sans commune mesure. A l'inverse, se déclarant convaincu de la nécessité d'offrir aux entreprises un actionnariat susceptible de les accompagner dans le long terme et de résister aux OPA hostiles, il a justifié ses décisions d'exonérer de fiscalité la détention d'actions au-delà de six ans et d'exonérer d'impôt sur la fortune l'actionnariat salarié.
Abordant ensuite le thème de la fiscalité de l'environnement, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a indiqué qu'avec sa collègue Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, il venait de décider de réexaminer le dispositif des droits à polluer. Par ailleurs, il s'est félicité que le groupe Total ait accédé à sa demande de réinvestir en France une partie significative de ses profits, réalisés à plus de 95 % à l'étranger, soulignant que 3,5 milliards d'euros supplémentaires seraient consacrés à la modernisation des installations de raffinage et que 600 millions d'euros compléteraient la recherche-développement dans le domaine des énergies renouvelables. Il a en outre rappelé que des objectifs avaient récemment été fixés par la loi d'orientation sur l'énergie pour développer l'utilisation des biocarburants, tout en faisant part de l'intérêt qu'il y avait aussi à examiner d'autres pistes, telles que la reprise de l'équipement nucléaire et le renforcement des économies d'énergies.
Indiquant qu'une réunion se tenait au moment même à Matignon pour examiner notamment les moyens à mettre en oeuvre pour aider la filière avicole à surmonter la crise de la grippe aviaire, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a relevé qu'à cet égard, le Gouvernement ne s'interdirait pas d'utiliser, le cas échéant, des crédits mis en réserve en début d'exercice budgétaire 2006.
S'agissant du commerce extérieur, il a annoncé que le Premier ministre venait de demander la mise en oeuvre d'un nouveau train de mesures destinées à faciliter les formalités des petites et moyennes entreprises, souligné la nécessité, pour les grands groupes, d'associer ces dernières à leur pénétration des marchés étrangers, et insisté sur l'importance qu'il y avait à susciter la venue d'étudiants étrangers dans les grandes écoles et les universités françaises. Il a par ailleurs rappelé que les pôles de compétitivité avaient pour finalité de construire une image, pleinement reconnue au plan international, favorable aux entreprises qui y participeraient.
Puis après avoir assuré à Mme Yolande Boyer que ses services suivent de près l'entreprise Père-Dodu appartenant au groupe Doux, dans la présente période critique, il a réaffirmé que le Gouvernement, conformément au principe de précaution, mettait en oeuvre tous les moyens nécessaires pour faire face à la crise ouverte par la grippe aviaire.
Revenant alors sur la situation budgétaire de la France, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a estimé qu'un langage de vérité pouvait être tenu aux Français sans toutefois céder à l'affolement, l'une des clefs de la croissance économique résidant dans la confiance des acteurs. Estimant à cet égard que le plan quinquennal de réduction de la dette s'inscrivait dans cette perspective, puisqu'il fixait un objectif ambitieux tout en évitant de limiter les capacités d'investissement nationales, notamment dans le secteur essentiel de la recherche, il s'est fait le défenseur du pragmatisme et de l'adaptation permanente en récusant l'idéologie de l'appel à la réforme. Ainsi, il a indiqué que la réduction du nombre des fonctionnaires n'était possible qu'en l'accompagnant d'un renforcement de leur formation, d'un recours plus constant aux nouvelles technologies, voire d'une amélioration de leurs rémunérations. De même, il a estimé que les mesures de réduction de l'impôt sur le revenu, de réforme de la taxe professionnelle et du respect de la norme « zéro valeur », malgré les lois de programmation votées par le Parlement, répondaient aux objectifs de rationalisation de la dépense publique, de diminution des prélèvements obligatoires et de réduction du montant de la dette publique.
Enfin, il a conclu en rappelant que, sous sa présidence, France Télécom s'était adaptée aux contraintes d'un marché fortement concurrentiel tout en respectant scrupuleusement l'intérêt collectif, comme le démontrait son implication personnelle dans le développement du haut débit sur le territoire, dont le succès avait conduit la France, avec 9,5 millions d'abonnés à l'Internet haut débit, à la première place mondiale dans ce domaine.