Mardi 30 mars 2010
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -La Poste - Audition de M. Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste
La commission a tout d'abord entendu M. Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste.
Après que M. Jean-Paul Emorine, président, eut invité M. Jean-Paul Bailly à présenter un bilan de son action à la tête du groupe et les orientations qu'il envisagerait de lui donner dans le cadre d'un nouveau mandat, M. Daniel Raoul a rappelé que le groupe socialiste, qui avait voté contre la loi du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, était présent par respect pour la personne de son président.
M. Jean-Paul Bailly a tout d'abord exposé les mutations de l'environnement dans lequel évolue le groupe La Poste. Il a commencé par commenter les changements sociétaux profonds découlant de la révolution numérique et affectant les attentes, les comportements et les méthodes de travail. La Poste, a-t-il poursuivi, est affectée certes négativement par ces évolutions, s'agissant notamment de la baisse du volume de courrier due au développement de l'Internet, dans une proportion de 30 % entre 2009 et 2015, mais également de façon positive, avec le développement de l'e-commerce ou l'explosion du multicanal, qui concerne toutes les activités de l'enseigne.
Il a ensuite évoqué l'ouverture à la concurrence qui, après avoir touché le livret A, concernera au 1er janvier 2011 le courrier de moins de 50 grammes. Il a estimé que la concurrence, source d'opportunités, s'exercerait à l'échelle européenne et sur l'ensemble de la chaîne de valeur, même si elle n'affectait le secteur du courrier que sur quelques niches où les marges sont les plus importantes.
Évoquant ensuite la crise économique et la période de croissance molle ainsi que la crise de confiance qui s'en sont suivi, il y a vu pour les entreprises la source d'une accélération des mutations passant notamment par la réduction des coûts.
Voyant dans la montée des enjeux environnementaux une tendance fondamentale que La Poste souhaite pleinement intégrer, il a observé, par ailleurs, que les répercussions de la crise financière dans le monde bancaire se traduiraient par de plus grandes exigences en matière prudentielle, l'augmentation de capital dont bénéficiera La Poste étant, à cet égard, la bienvenue. L'État a engagé à cet effet des discussions avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et devrait bientôt notifier le dispositif aux instances européennes, pour une mise en oeuvre effective avant la fin de l'année. En l'absence d'une telle augmentation de capital, la société verrait son investissement immanquablement fléchir ou sa dette augmenter dans des proportions considérables.
La Poste se trouve actuellement dans la phase ultime de mise en place de sa nouvelle gouvernance, qui doit être achevée au 15 avril 2010 et se traduire par la constitution de son conseil d'administration et de ses comités, la désignation de son candidat à la présidence après son audition par les instances compétentes, ainsi que l'établissement d'un business plan.
Puis M. Jean-Paul Bailly a fait porter ses propos sur l'évolution respective des trois métiers de La Poste, dont l'équilibre, a pu être constaté, y compris en période de crise. Ainsi, La Poste a obtenu de meilleurs résultats que ses concurrents européens, à l'exception de l'Italie, dont la société postale ne gère toutefois presque exclusivement que des activités bancaires. Ayant renforcé sa qualité de service entre 2002 et 2007, ainsi que son accessibilité, La Poste a aujourd'hui pour ambition d'occuper la première place sur le marché européen.
Le métier du courrier, tout d'abord, s'est caractérisé par un respect intégral des obligations de service public lui incombant, ainsi que par une poursuite de sa modernisation et un développement de l'innovation, comme l'illustre que l'offre de prestations globales. Le groupe se donne à présent pour objectif de tirer pleinement profit de l'externalisation de l'activité courrier des entreprises et de développer certaines activités accessoires, telles que les fonctions annexes des facteurs ou le rôle de tiers de confiance sur Internet. Il envisage également de se développer en Europe au moyen de partenariats ou d'acquisitions, ces dernières demeurant toutefois de faible ampleur. Au final, l'objectif est de conserver une activité courrier positive à l'horizon 2015.
S'agissant de l'activité colis-express, qui bénéficie d'un marché porteur, elle se caractérise par une montée en puissance du segment « business to consumer » (B to C) de nature à faire de La Poste l'un des chefs de file européens.
L'activité bancaire, quant à elle, est aujourd'hui parfaitement intégrée au sein du groupe et a très bien résisté à la crise. Elle connaît le lancement, ce jour même, d'une offre de crédit à la consommation dont l'exemplarité sera garantie ainsi que, avant la fin de l'année, de produits d'assurance non vie. Par ailleurs, la Poste travaille, à la demande de la ministre en charge de l'économie, sur le thème du financement de l'économie locale.
Enfin, l'enseigne postale se caractérise également par le respect intégral de ses missions de service public. Le contrat tripartite 2011-2013 traite de la nouvelle organisation de la présence territoriale, tandis qu'une réflexion est actuellement menée sur les commissions de présence postale territoriale (CPPT). Par ailleurs, la modernisation des bureaux de poste va se poursuivre à un rythme élevé et une montée en compétence des guichets est en cours en vue de répondre à l'évolution de la demande.
Au final, La Poste s'est fixé les cinq grandes priorités que sont la parfaite exécution de ses missions de service public ; la réalisation d'une performance économique durable et responsable, avec le retour à une dynamique de croissance analogue à celle précédant la crise avant 2012 ; l'amélioration de la qualité de service ; le renforcement des investissements et de l'innovation ; et, enfin le développement d'activités nouvelles devant trouver leur équilibre économique.
Elle se fixe, en vue de les atteindre, deux règles de conduite : outre un développement durable et responsable, elle s'attachera à se réformer de façon consensuelle. A ce dernier égard, elle ne mettra pas en place de programme de départ imposé, procédera à un remplacement partiel des sorties d'activité, veillera à la qualité contractuelle des emplois, procédera à des embauches et développera les compétences de ses salariés ainsi que leur intéressement, une réflexion étant en cours sur l'actionnariat salarié.
M. Jean-Paul Emorine, président, a interrogé l'intervenant sur la part respective des trois secteurs d'activité du groupe en termes de chiffre d'affaires et de personnel, ainsi que sur sa capacité à prendre des participations dans de grandes entreprises européennes.
M. Jean-Paul Bailly a précisé que l'activité courrier concentrait, en chiffre d'affaires comme en personnel, un peu plus de la moitié de l'activité totale du groupe, le colis-express et la banque en représentant chacun un peu moins du quart. L'objectif pour 2015 est de contenir la baisse de l'activité courrier légèrement sous les 50 %, d'augmenter quelque peu l'activité bancaire et de stabiliser celle du colis-express.
Rapportant la situation catastrophique de l'acheminement du courrier dans le département du Jura, dont il est l'élu, et les conséquences du changement de statut sur celui-ci, M. Gérard Bailly s'est interrogé sur l'impact environnemental du transfert du tri dans des centres régionaux.
Se disant surpris par la notification à la Commission européenne du dispositif d'augmentation de capital, M. Daniel Raoul s'est interrogé sur la pérennité de la participation de la CDC à ce dernier.
Mme Bariza Khiari a questionné l'intervenant sur la compatibilité d'une offre de crédit renouvelable (revolving) avec le discours éthique de l'entreprise. Elle s'est déclarée étonnée de la signature d'un pacte d'actionnaire dans le cadre d'un capital entièrement public, y percevant à terme la possible arrivée d'actionnaires privés.
M. Jean-Jacques Mirassou a interrogé l'intervenant sur les garanties d'une affectation des capitaux injectés à l'activité courrier, ainsi que sur la présence territoriale de La Poste.
Relatant les problèmes de présence postale territoriale dans son département, qu'il a attribués à un désengagement du groupe laissant les communes désemparées, M. Marc Daunis a questionné l'intervenant sur les garanties apportées par l'État au financement du service public postal.
Mme Mireille Schurch s'est interrogée sur les moyens de consolider l'activité courrier à l'avenir, sur les garanties apportées par les instances communautaires en faveur du maintien des agences postales communales, sur la pérennité d'un actionnariat à 100 % public et sur l'existence de discussions avec la SNCF en vue d'acheminer le courrier vers les centres de tri de façon plus durable.
Jugeant positivement les changements d'orientation de La Poste, M. Marcel Deneux a souligné la conjoncture particulièrement favorable des deux derniers exercices pour l'activité bancaire et a questionné l'intervenant sur des demandes de dérogation à la réglementation Bâle III, la part de la masse salariale affectée aux dépenses en personnel et l'état d'avancement des commandes publiques de véhicules électriques que La Poste devait se charger de regrouper.
Rappelant que l'audition de M. Jean-Paul Bailly portait, non sur les problématiques liées au changement de statut de La Poste, mais sur la candidature de ce dernier à sa présidence, M. Pierre Hérisson a noté l'incidence importante du fonctionnement des CPPT sur la présence postale dans les départements.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Paul Bailly a indiqué que :
- des éléments de précision relatifs au département du Jura seront apportés ultérieurement ;
- la configuration des centres de tri régionaux, alliée à l'optimisation des moyens et méthodes de transport du courrier, permet in fine d'améliorer le bilan environnemental global ;
- la notification à la Commission européenne du projet d'augmentation de capital constitue une obligation communautaire ;
- la CDC est une personne publique en capacité d'agir comme un investisseur durable ;
- la recapitalisation permettra, conformément aux décisions de la maison-mère, d'allouer des fonds aux activités en ayant le plus besoin ;
- la mise en place de partenariats dans les communes en cas de baisse de l'activité postale est le plus souvent une solution favorable à l'ensemble des acteurs. Elle sera toutefois réexaminée lors de la renégociation du contrat de plan État-région ;
- La Poste gagne des parts de marché dans le colis-express ;
- la Banque postale a consenti d'importants efforts de modernisation de ses bureaux et est aujourd'hui première en termes d'image et de satisfaction des clients ;
- la qualité de service liée au courrier restera la même, comme la loi le garantit. Une péréquation interne au budget de La Poste s'effectue à cette fin avec d'autres activités dégageant des bénéfices, et notamment l'activité bancaire ;
- les agences postales communales ne posent aucun problème vis-à-vis du droit communautaire ;
- la présence d'un actionnariat salarié est parfaitement envisageable dans des entreprises entièrement publiques ;
- un appel d'offres auprès de la SNCF, qui n'a pas encore fait l'objet de réponse, a été lancé en matière de transport du courrier ;
- la Banque postale bénéficie d'une importante dynamique de croissance source d'optimisme pour l'avenir, les normes Bâle III n'ayant pas fait l'objet d'une demande de dérogation ;
- des travaux ont été menés sur la manière de réaliser des commandes groupées de véhicules électriques. Les acteurs s'entendent aujourd'hui sur cette procédure et une commande de plus de 10 000 véhicules devrait être bientôt passée ;
- l'existence d'un pacte d'actionnaires est parfaitement normale dès lors que le capital est partagé entre différents acteurs, y compris publics ;
- La Poste a décidé pour l'instant de ne pas commercialiser de crédit renouvelable (revolving). Elle pourrait revoir sa position au regard des discussions actuellement menées sur le crédit-consommation, en conservant toutefois une approche entièrement responsable.
Loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche - Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche
La commission a ensuite entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur le projet de loi n° 200 (2009-2010) de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Après avoir indiqué que la Conférence des Présidents avait décidé qu'un débat en commission élargie serait organisé fin avril sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, M. Jean-Paul Emorine, président, a salué le travail des rapporteurs sur ce texte. Il s'est également réjoui de l'accord conclu entre industriels et producteurs de lait.
Indiquant que l'examen du projet de loi au Sénat commencerait en séance durant la semaine du 17 mai 2010, M. Bruno Le Maire, ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a souligné qu'il ne fallait pas tout attendre du projet de loi. La crise qu'a connue l'agriculture française en 2009 n'est pas conjoncturelle mais structurelle : elle a marqué la fin d'un cycle de trente ans de l'histoire agricole. Une nouvelle donne doit donc être aujourd'hui définie en France et en Europe.
Le contexte d'examen du projet de loi est ainsi marqué par deux exigences : répondre à la situation d'urgence des producteurs et se battre pour une politique agricole commune (PAC) plus forte et plus juste.
Pour répondre aux situations d'urgence, le Gouvernement s'est fortement mobilisé :
- un plan de soutien a été annoncé par le Président de la République à Poligny le 27 octobre 2009 ;
- un plan d'urgence a été mis en place à la suite de la tempête Xynthia afin de soutenir les agriculteurs et les ostréiculteurs ;
- s'agissant du prix du lait, l'interprofession a été réunie et est parvenue à un accord ce jour-même. Ce dernier, portant sur l'ensemble du trimestre d'avril à juin, se traduira par une nouvelle hausse du prix du lait comprise entre 5,8 % et 10 % par rapport au deuxième trimestre 2009.
Au-delà de ces mesures d'urgence, le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche constitue une réponse à la crise structurelle de l'agriculture française, en s'appuyant sur quatre piliers.
Le premier pilier vise à établir un nouveau contrat entre la société française et ses agriculteurs. L'agriculture doit figurer de nouveau au centre des préoccupations sociales et politiques françaises, avec l'objectif de garantir la sécurité alimentaire française.
Le projet de loi vise ainsi à remettre l'alimentation au coeur du projet agricole. Afin de garantir l'équilibre nutritionnel des consommateurs, il prévoit la définition d'un programme national pour l'alimentation, rendant par exemple obligatoire le respect des règles nutritionnelles dans les cantines et les lieux de restauration collective.
Le second pilier est la stabilisation du revenu agricole. Les agriculteurs sont en effet confrontés à des dettes importantes liées au coût de l'installation mais aussi à une imprévisibilité de leurs revenus à court terme. Afin d'assurer une stabilisation de leurs revenus, le projet de loi comprend les dispositions suivantes :
- la négociation de contrats écrits, sous le contrôle de l'État, par des interprofessions plus fortes. Ces contrats fixeront une durée (en année et non pas en mois), un volume et un prix. Les interprofessions pourront fixer des indicateurs de tendance de marché, afin d'aboutir à un prix suffisamment rémunérateur pour les producteurs. Cela suppose cependant une adaptation du droit de la concurrence au niveau européen ;
- le renforcement des dispositifs de protection contre les aléas, s'appuyant sur l'épargne individuelle mais aussi sur l'extension des assurances publiques et privées. Le fonds national des garanties des calamités agricoles sera adapté pour couvrir non seulement les risques climatiques mais aussi les risques sanitaires et environnementaux ;
- le rééquilibrage des relations commerciales : le projet de loi prévoit le renforcement de l'observatoire de la formation des prix et des marges dont les compétences sont étendues à l'ensemble des produits agricoles. Les parlementaires disposeront d'un droit de suite. Le texte prévoit aussi l'interdiction, en période de crise, des remises, rabais et ristournes, encourage le regroupement des producteurs et encadre la publicité hors lieu de vente.
Le troisième pilier est la préservation du potentiel de production agricole. M. Bruno Le Maire, ministre, a dénoncé le scandale de la destruction des terres agricoles. Chaque jour, 200 hectares de terres agricoles disparaissent. Face au risque de dilapidation du capital français, trois mesures figurent dans le projet de loi :
- la création d'un observatoire national de la consommation des terres agricoles ;
- la création de commissions départementales donnant un avis sur les déclassements de terres agricoles dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (SCOT) ;
- l'instauration d'une taxe sur la vente de terrains agricoles nus devenus constructibles. La valeur de ces terrains peut être multipliée par 100 par un simple acte administratif. M. Bruno Le Maire, ministre, a indiqué être favorable, à titre personnel, à l'affectation d'une partie du produit de cette taxe au financement de l'installation des jeunes agriculteurs.
S'agissant du développement durable, si les dispositifs environnementaux figurent essentiellement dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement (dit « Grenelle II »), le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche encourage cependant la méthanisation, l'introduction possible à la demande des professionnels de critères de respect de l'environnement et du bien-être animal dans les signes de qualité et vise à améliorer l'exploitation des forêts et à développer l'assurance tempête.
Le quatrième pilier porte sur la réforme de l'organisation de la pêche et de l'aquaculture. Prenant acte du fait que 85 % de la consommation française de produits piscicoles est importée, le projet de loi comprend les dispositifs suivants :
- le regroupement des comités des pêches et la clarification de leurs compétences notamment en matière de gestion des licences ;
- l'élaboration de schémas régionaux pour le développement de l'aquaculture ;
- l'institution d'un comité de liaison scientifique et technique favorisant le dialogue entre professionnels et scientifiques et permettant notamment d'avoir des avis contradictoires sur les quotas autorisés.
En conclusion, M. Bruno Le Maire, ministre, a souligné que la nouvelle donne induite par le projet de loi n'aurait de sens que si la bataille agricole est gagnée au niveau européen. Le modèle de la PAC, instauré après 1945 pour nourrir l'ensemble des Européens puis consacré comme un élément de la puissance économique de l'Europe, n'est plus efficient. Les aides européennes sont trop complexes et jugées illégitimes par certains États ; le système européen n'apporte pas de réponse à la volatilité des prix, multipliée par quinze en l'espace de dix ans ; même le citoyen n'adhère plus au contenu du modèle.
Il convient donc de redonner un sens à la PAC en fixant l'objectif d'assurer la sécurité alimentaire des 500 millions de citoyens européens. Une véritable régulation des marchés agricoles est indispensable, comme l'a montré la crise laitière. Sur ce point, la crise a d'ailleurs fait évoluer les positions de certains de nos partenaires européens. La préservation de la diversité des paysages et des territoires européens doit enfin être au coeur de la PAC, assorti d'un effort financier correspondant.
M. Gérard César, rapporteur, s'est réjoui de l'intitulé du projet de loi mais aussi de celui du ministère, illustrant la place centrale de l'alimentation dans la politique agricole. Il a interrogé le ministre sur les points suivants :
- la contractualisation constitue un des outils de régulation centraux mis en place par le projet de loi : peut-on appliquer au contrat obligatoire le principe de subsidiarité en ne l'imposant par décret qu'en dernier recours, faute d'accord interprofessionnel ?
- s'agissant de la crise du lait, l'accord interprofessionnel sera-t-il accepté par la Commission européenne ?
- en ce qui concerne les remises, rabais et ristournes, pourrait-on envisager de les généraliser, même en dehors des cas de crise conjoncturelle ?
- la gestion des risques est un sujet de préoccupation récurrent de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat. Dans quelle mesure pourrait-on améliorer le dispositif de la dotation pour aléas (DPA), en complément de l'assurance ?
- quelle sera la situation exacte des personnes ayant adopté le statut de l'agriculteur-entrepreneur ?
Rappelant que la France est loin d'être autosuffisante en matière de pêche, M. Charles Revet a interrogé le ministre sur les points suivants :
- la réorganisation de l'interprofession des pêches maritimes est-elle en mesure de dynamiser les pêches françaises ?
- comment mieux harmoniser le travail des scientifiques et des pêcheurs dans l'évaluation des stocks de poisson ?
- alors que des volumes importants de poissons sont rejetés après avoir été pêchés parce qu'ils ne remplissent pas les critères requis, peut-on aider à mettre en place de nouveaux outils de transformation et de valorisation ?
- s'agissant de l'aquaculture, son développement est entravé par le classement de la quasi-totalité de l'espace littoral. Est-il envisageable d'étendre le schéma de développement prévu par le projet de loi à l'aquaculture continentale ?
- alors que les instituts de recherche français travaillent le plus souvent pour des pays étrangers, est-il possible de faire mieux profiter la France de la qualité de leur contribution ?
- quel rôle auront les organisations de producteurs en matière de gestion des droits à pêcher ?
- peut-on définir dans la loi et non renvoyer à une ordonnance, les conditions de l'information ou de la participation du public aux décisions publiques encadrant l'exercice de la pêche maritime ?
En réponse aux deux co-rapporteurs, M. Bruno Le Maire, ministre, a apporté les précisions suivantes :
- le principe de subsidiarité est intéressant pour la conclusion des contrats, dans le cadre du renforcement des interprofessions, l'État prenant le relais en cas de nécessité ;
- en ce qui concerne le secteur laitier, l'accord du 3 juin 2009 courait seulement jusqu'au 31 décembre de la même année ; le ministre cherchera à obtenir des instances européennes une autorisation afin que les interprofessions puissent se mettre d'accord sur la définition d'indicateurs de tendance de marché. Trois indices devraient être mis en place, en concertation avec les organisations professionnelles : le premier serait un indicatif d'écart de prix entre l'Allemagne et la France, car il ne faut pas continuer à perdre des parts de marché face à ce pays ; le deuxième porterait sur les prix des produits « beurre poudre » et des produits valorisés ; le troisième mesurerait le coût de revient des producteurs français ;
- une suppression générale des remises, rabais et ristournes doit faire l'objet de discussions et paraît envisageable ;
- l'extension de la déduction pour aléas à l'aléa économique paraît suffisante et une élévation du plafond, actuellement déjà élevé à 23 000 euros, pourrait représenter un signal négatif pour les petits exploitants. La réassurance publique doit intervenir en dernier recours, après un examen de toutes les possibilités de réassurance privée. Le statut d'agriculteur-entrepreneur doit par ailleurs encourager les agriculteurs à adopter les meilleurs outils de gestion de risque ;
- s'agissant enfin de la pêche et de l'aquaculture, le Gouvernement a soutenu la mise en place de l'association France Filière Pêche qui devrait préfigurer une interprofession. Au niveau européen, le système d'allocation des quotas entre les pays de l'Union doit être radicalement modifié afin de reposer non sur les négociations de fin d'année entre pays, mais sur des propositions validées en commun par les pêcheurs et les scientifiques ; une gestion collective paraît préférable à un système de quotas individuels transférables, ceux-ci risquant d'être récupérés en fin de compte par les grandes pêcheries industrielles. Par ailleurs, le schéma national de l'aquaculture, décliné dans chaque région, devrait lever les obstacles au développement de cette activité. Enfin le recours aux ordonnances doit être limité au maximum.
M. Jean-Paul Emorine, président, s'est alors réjoui de l'élection d'un membre de la commission de l'économie, M. Jean Bizet, à la présidence de la commission des affaires européennes, ce qui favorisera la coopération entre les deux commissions dans la perspective de la négociation sur la nouvelle PAC.
M. Daniel Soulage a regretté la longueur et le coût des procédures pour la réalisation de retenues d'eau. Par ailleurs, le programme Ecophyto 2018, mis en oeuvre par le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, rencontre des difficultés d'interprétation qu'il conviendrait de clarifier. S'agissant de l'écart de prix constaté entre la France et l'Allemagne, il convient de souligner qu'il est lié dans certains secteurs à une différence entre les coûts de main d'oeuvre. Enfin, si la méthanisation reçoit la qualification d'activité agricole dans le projet de loi, il serait souhaitable d'aller plus loin pour soutenir la valorisation des effluents d'élevage : les agriculteurs allemands bénéficient ainsi de revenus importants grâce aux activités de production d'énergie.
Mme Odette Herviaux a craint que le projet de loi ne réponde pas au souci des agriculteurs d'obtenir non seulement une stabilisation mais surtout une garantie de revenus. Elle a demandé comment faire en sorte, l'adoption définitive du projet de loi portant engagement national pour l'environnement prenant du retard, de transformer les contraintes environnementales en source de bénéfices possibles pour les agriculteurs, notamment par l'instauration d'un étiquetage environnemental des produits. S'agissant de la pêche, il est nécessaire de clarifier la structuration des comités locaux, régionaux et nationaux mais aussi de garantir leur représentativité. Enfin, l'aquaculture ne pourra être développée qu'à la condition de garantir aux alentours le bon état écologique des eaux.
Évoquant les relations commerciales entre les producteurs et les distributeurs, Mme Élisabeth Lamure a souligné qu'elles s'étaient dégradées depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie et a demandé quels éléments apportait le présent projet de loi sur ce point. Elle a souhaité savoir ce que l'on pouvait attendre d'une modification du droit de la concurrence européen à cet égard.
Sur le même sujet, M. François Fortassin a fait part de son absence de confiance envers les transformateurs et les distributeurs. Il a proposé de mettre en place un triple étiquetage des produits qui indiquerait le prix payé au producteur, l'origine du produit et le prix payé par l'acheteur.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis de la commission des finances, a remarqué que le projet de loi contenait peu de dispositions à portée financière. Il a souhaité savoir quelles économies le nouveau système de gestion des aléas pouvait apporter dans le domaine des calamités agricoles. Il s'est montré par ailleurs réservé à l'égard de l'institution, à l'article 13, d'une nouvelle taxe en faveur de l'État sur les plus-values de cession de terrains rendus constructibles, une taxe similaire ayant déjà été créée en 2006 au profit des communes.
M. Gérard Le Cam a regretté l'impossibilité d'instaurer des prix minimum indicatifs, dans la mesure où les indicateurs de tendance de marché, notion moins contraignante, sont déjà interdits par le droit européen. Par ailleurs, il a estimé nécessaire de négocier avec la grande distribution pour améliorer la situation des agriculteurs. Enfin, il a souhaité que le produit de la nouvelle taxe sur les plus-values de cession de terres agricoles devenues constructibles revienne aux collectivités locales, dans un contexte où le prix des terrains devient trop élevé pour elles et freine leur développement.
M. Bruno Le Maire, ministre, a apporté les réponses suivantes :
- annoncé par le Président de la République lors du salon de l'agriculture, le groupe de travail chargé de concilier agriculture et environnement proposera une nouvelle méthode consistant à ce que toute mesure environnementale tienne compte d'une part de la situation économique des filières agricoles et d'autre part des contraintes environnementales également imposées à leurs producteurs par les autres pays européens. S'il est nécessaire de poursuivre l'application du plan Ecophyto 2018 et la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, qui est de l'intérêt des agriculteurs, le retrait récent de l'autorisation de deux molécules défavorise les producteurs de fruits et légumes français par rapport à leurs concurrents européens et doit donc être réexaminé ;
- votée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010, l'exonération de charges patronales pour les salariés occasionnels, qui représentent 40 % des coûts de main d'oeuvre dans le secteur des fruits et légumes, a permis de ramener le coût du travail occasionnel de 11,30 €/heure à 9,26 €/heure, réduisant ainsi le différentiel de compétitivité avec les autres pays européens. Une réflexion est en cours pour étendre ce dispositif aux salariés permanents, tout en restant dans le cadre du droit du travail français.
- la sortie du régime des quotas laitiers s'effectue de manière non coopérative en Europe : alors que la France gelait son quota en 2009, l'Allemagne a produit au-delà de son quota, prenant des parts de marché à la France. Ce phénomène doit être pris en compte lors de la discussion entre l'État et l'interprofession qui va prochainement être engagée sur l'augmentation de 2 % des quotas en 2010 ;
- le classement en activité agricole de la méthanisation devrait permettre de développer cette activité. De même, davantage de diagnostics énergétiques devront pouvoir être effectués dans le cadre du plan de performance énergétique ;
- les agriculteurs doivent pouvoir valoriser leurs efforts environnementaux par un étiquetage positif ;
- le projet de loi vise à lutter contre une urbanisation qui consomme les meilleures terres agricoles, à travers plusieurs outils comme l'observatoire de la consommation des espaces agricoles ou encore la taxe sur les plus-values de cession ;
- le projet de loi met en place une nouvelle organisation pyramidale des pêches, donnant une légitimité et un véritable pouvoir de décision au niveau national ;
- l'amélioration des relations commerciales suppose autant un encadrement législatif renforcé qu'une volonté de coopérer plus étroite entre producteurs et distributeurs, mise en oeuvre dans certaines filières comme la viande bovine ;
- le droit européen de la concurrence doit évoluer pour permettre un regroupement plus large des producteurs, limité aujourd'hui, et permettre ainsi de négocier des prix plus rémunérateurs, supérieurs au coût de production ;
- le système du double étiquetage, mis en place en 1999, a été vite abandonné car, trop compliqué et coûteux, il renchérissait le prix des produits ;
- l'augmentation à 65 % du niveau de subvention communautaire et nationale aux primes d'assurance versées par les agriculteurs pour se couvrir contre les aléas liés à leur activité devrait être fortement incitative et porter le taux d'assurance des exploitations à 55 % dans le secteur des grandes cultures, 35 % dans la vigne et 35 % dans les fruits et légumes. L'amélioration de la couverture assurantielle réduira à due concurrence la part des indemnisations prises en charge par le fonds national de gestion des calamités agricoles.
- la nouvelle taxe sur les plus-values foncières constitue un outil dissuasif pour la spéculation foncière, du fait notamment de son caractère progressif. Elle s'ajoutera aux autres taxes qui, cumulées, ne dépasseront pas 48 % de la plus-value. Le Gouvernement n'a pas encore défini les parts de la taxe devant revenir aux collectivités locales et à l'aide à l'installation des agriculteurs ;
- si certains États-membres de l'Union européenne souhaitent une réduction voire une disparition du soutien communautaire au secteur agricole, les efforts déployés par la France depuis plusieurs mois ont permis d'une part de stopper le démantèlement des instruments d'intervention, et d'autre part la mise en place, concernant le lait, d'un groupe de travail de haut niveau. Ces travaux devraient aboutir à une proposition législative européenne, mais qui n'ira pas jusqu'à permettre la fixation de prix minimum indicatifs.
M. François Patriat a déploré la situation économique désastreuse des agriculteurs, certains exploitants déposant leur bilan et s'inscrivant au revenu de solidarité active (RSA). Il a souligné que les réformes successives de la PAC ainsi que celle de l'Indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) avaient fait perdre des soutiens financiers essentiels aux zones intermédiaires. On peut alors s'interroger sur les possibilités de faire coexister une agriculture productive orientée vers les marchés et un modèle d'agriculture familiale traditionnelle. Il a demandé enfin quelles aides les régions pourraient obtenir afin de soutenir les circuits courts et l'agriculture de proximité.
M. Yannick Botrel a tout d'abord insisté sur l'utilité de l'observatoire des prix et des marges, qui a permis d'éclairer les responsabilités des transformateurs et des distributeurs dans la crise laitière. Évoquant le projet de reprise de la société Entremont par le groupe Sodiaal, il a estimé que l'enjeu majeur en matière laitière reste le déséquilibre des rapports entre producteurs et collecteurs. La contractualisation est suspectée d'entraîner les producteurs dans l'intégration. En matière d'organisations interprofessionnelles, il serait souhaitable d'encourager le pluralisme des producteurs. Le développement de l'aquaculture d'eau douce pourrait être également encouragé dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Le volet foncier du texte conduit à sanctionner les communes rurales, alors que la consommation des espaces agricoles provient de l'urbanisation autour des grandes communes et des aménagements routiers. Enfin, la disparition en quelques années de nombreux laboratoires publics est préoccupante.
M. Marcel Deneux a appelé à une plus grande cohérence entre, d'une part, les actions conduites notamment en matière de politique des structures et d'appui à la coopération agricole et, d'autre part, le choix politique de conserver une agriculture de structures moyennes. Par ailleurs, l'observatoire des prix et des marges n'est pas satisfaisant car il n'apportera pas la connaissance des revenus des agriculteurs alors que ceux-ci sont retracés à travers les données informatisées des centres de gestion. Il serait en outre nécessaire d'étudier si l'aquaculture présente réellement un bilan positif. Enfin, les revenus des agriculteurs français doivent pouvoir être complétés par des recettes provenant de production d'énergie, à l'instar des concurrents allemands ou danois.
Évoquant le volet du projet de loi relatif à l'alimentation, M. Jean-Jacques Mirassou a mis l'accent sur les difficultés des consommateurs, souhaitant qu'ils ne subissent pas toutes les conséquences des difficultés du secteur alors qu'ils sont eux aussi soumis à la crise.
Mme Jacqueline Panis a recommandé d'intégrer un nombre plus élevé de propriétaires au sein de la commission de consommation des espaces agricoles, dont le projet de loi propose la création dans les zones non couvertes par un SCOT.
M. Denis Detcheverry a demandé au ministre si l'outre-mer, et en particulier Saint-Pierre et Miquelon, était couvert par le schéma de développement de l'aquaculture institué par le projet de loi.
M. Pierre Bordier a souhaité connaître le but recherché par les ordonnances prévues par l'article 2, soulignant la nécessité de maintenir un nombre minimum de vétérinaires dans les espaces ruraux.
En réponse aux intervenants, M. Bruno Le Maire, ministre, a exposé les éléments suivants ;
- les propositions de la Commission européenne relatives aux zones défavorisées simples ne sont pas satisfaisantes, car elles risqueraient de conduire à la disparition de ces zones en France ; un groupe de travail réuni par le ministère doit élaborer des contre-propositions. Il est par ailleurs nécessaire de défendre la politique agricole commune au niveau européen, où les propositions françaises constituent la base des discussions. Enfin les mêmes règles doivent être appliquées à tous, car il ne peut être demandé aux producteurs européens d'appliquer des règles plus strictes si les pays de l'Union continuent à importe librement les produits des autres continents ;
- s'agissant de la reprise de la société Entremont, Sodiaal a été le seul groupe à déposer une offre constructive dans un premier temps ; de nouvelles offres ont ensuite été acceptées, mais celle de Sodiaal est finalement apparue comme la plus satisfaisante ; cette solution équilibrée permet de limiter la concentration des acteurs dans le domaine du lait ;
- les contrats n'impliquent pas une intégration entre les producteurs et les industriels, qui n'est d'ailleurs pas souhaitable ;
- s'agissant du pluralisme syndical, le ministère discute avec toutes les organisations ;
- le développement de l'aquaculture en eau douce étant contraint par certaines normes environnementales, il convient d'examiner la capacité de manoeuvre que laissent éventuellement celles-ci en tenant compte de l'incidence de cette pratique sur l'environnement ;
- le renforcement du rôle des laboratoires publics départementaux sera mis à l'étude ;
- les schémas de développement de l'aquaculture couvriront les départements d'outre-mer ;
- la connaissance des revenus agricoles doit être affinée ; l'observatoire prévu par le projet de loi mesurera le coût de production filière par filière, qui sera intégré dans les nouveaux indices ;
- les consommateurs ont été associés à l'élaboration du projet de loi et sont représentés au conseil national de l'alimentation ;
- les propriétaires seront représentés dans les commissions départementales de consommation des espaces agricoles ;
- s'agissant enfin des ordonnances prévues par l'article 2, leur contenu ne sera pas finalisé avant la conclusion des États généraux du sanitaire.
Mercredi 31 mars 2010
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Audition de M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français
La commission a tout d'abord entendu M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF).
En préambule, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé qu'il avait l'opportunité de suivre de manière approfondie la situation de cette entreprise grâce à sa participation à son conseil d'administration.
M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, a indiqué que la France connaissait actuellement une demande très forte et sans précédent de développement du transport ferroviaire et collectif. Il existe en effet un besoin de financement très important pour assurer l'extension du réseau TGV, le développement d'un réseau de fret écologique, un renouveau du transport collectif dans les villes et les grandes agglomérations ainsi que la rénovation du réseau ferroviaire classique.
Puis il a souligné que, compte tenu des lois de décentralisation, les élus sont en première ligne pour réaliser l'ambition ferroviaire de notre pays. Or, le bouclage financier de celle-ci est loin d'être réalisé puisque les infrastructures de transport ferroviaire ne peuvent pas être seulement financées par ses usagers. En outre, le ferroviaire ne peut à lui seul financer le ferroviaire. C'est pourquoi la participation de la collectivité publique au financement des infrastructures de transport est indispensable, comme d'ailleurs pour le transport quotidien de personnes. Toutefois, cette participation ne peut s'étendre au fret ferroviaire, ouvert à la concurrence, conformément aux règles communautaires.
Il a ensuite souhaité apporter les précisions suivantes :
- en matière de trains d'aménagement du territoire d'abord, il a indiqué que l'Etat avait souhaité engager des travaux avec la SNCF en vue de conclure avant juin 2010 un contrat de service public conforme aux règles européennes et permettant de donner un avenir à ces trains. Ce contrat doit justement permettre de définir les trains Corail du futur, maillon essentiel du ferroviaire entre TGV et TER, et les modalités de leur financement. La SNCF pourrait, à l'avenir, ne pas être le seul exploitant car d'autres opérateurs pourront exploiter ces lignes lorsque l'Etat aura décidé de les mettre en concurrence ;
- s'agissant de l'ouverture à la concurrence, M. Guillaume Pepy, président, a fait valoir que la SNCF était très attentive à la définition de ses modalités concrètes, s'agissant notamment des questions sociales, de matériels et de qualité de service. A cet égard, il a constaté que l'ouverture à la concurrence dans le fret ferroviaire n'avait pas produit les résultats escomptés, mettant en évidence le risque que l'instauration de règles concurrentielles inéquitables nuise au développement du transport de voyageurs. Aussi a-t-il souhaité une augmentation de l'attractivité des transports ferroviaires de voyageurs et préconisé une amélioration de la qualité de service ;
- concernant le transport écologique de marchandises enfin, il s'est félicité de son développement croissant faisant valoir que les autoroutes ferroviaires ont multiplié leurs fréquences et que les autoroutes atlantique et alpine se mettent en place grâce à des opérateurs locaux de fret ferroviaire, opérateurs qui se développent également dans les places portuaires. Il s'est également félicité du développement des trains rapides de marchandises sur les voies à grande vitesse, observant que le transport écologique de marchandises était devenu un concept opérationnel. Toutefois, il a reconnu que ce développement prenait du temps en raison de sa complexité technique et surtout de son coût, bien plus élevé que celui de la route, surtout en période de crise. En définitive, il a réitéré l'engagement total de la SNCF en faveur du fret écologique et a appelé au concours de tous les acteurs concernés pour assurer son succès.
- rappelant son soutien au projet de loi sur le Grand Paris, il a insisté sur la nécessité absolue de moderniser rapidement les réseaux actuels de métro et de RER afin de répondre aux préoccupations quotidiennes des usagers. En outre, il a souligné la nécessité de promouvoir le fret ferroviaire dans la région francilienne.
S'agissant du résultat financier « très contrasté » de la SNCF, il a rappelé que le résultat courant était à l'équilibre grâce à une discipline financière stricte tandis que le résultat après éléments comptables exceptionnels affiche un déficit d'un milliard d'euros. A cet égard, il a indiqué que la SNCF souhaitait s'inscrire dans une politique de vérité des chiffres et estimer à leur prix de marché ses matériels. Ainsi, la dépréciation d'actifs de Fret SNCF, conséquence de la diminution importante des volumes transportés et du déficit structurel, s'élève à 721 millions d'euros. Les déprécations d'actifs de maintenance du réseau ferroviaire, conséquences du manque de rentabilité de la convention de gestion liant la SNCF et Réseau Ferré de France (RFF), s'élèvent à 245 millions d'euros.
Puis un large débat s'est instauré.
M. Francis Grignon a insisté sur les spécificités du monde ferroviaire avec lesquelles la direction de la SNCF devait composer. Ainsi, la gestion du travail dans l'entreprise publique doit être décrite par arrêté du ministre du travail en vertu d'un texte réglementaire du 3 octobre 1940. En outre, le paysage institutionnel comprend de trop nombreux acteurs (SNCF, RFF, Autorité de régulation des activités ferroviaires) dont les compétences devraient être revues et coordonnées. S'agissant du coût des trains express régionaux (TER), il a indiqué que, selon ses propres calculs, les voyageurs ne paient que 20 % du coût global de ce transport, les 80 % restants étant supportés par la région. Dès lors, il apparaît que cette activité ne sera jamais rentable mais que la question essentielle à laquelle la SNCF doit apporter une réponse est celle de la qualité du service rendu. Dans ce cadre, il a souhaité savoir si la SNCF souhaitait s'engager dans l'établissement systématique de « comptes de lignes », synthétisant l'ensemble des coûts d'exploitation d'une ligne de transport, à l'instar de ce que fait déjà la RATP. Par ailleurs, M. Francis Grignon a souhaité savoir ce que recouvrait concrètement le résultat opérationnel excédentaire de la SNCF pour 2009. En outre, il a souhaité savoir si la direction envisageait de supprimer des lignes TGV. Il a ensuite demandé des précisions sur les 3,3 milliards d'euros d'investissements réalisés par la SNCF l'an passé. Il s'est également interrogé sur la possibilité de développer en France le « cadencement symétrique horaire » actuellement utilisé en Suisse avec succès. Enfin, il a demandé si le directeur du nouveau service chargé de la gestion des trafics et des circulations au sein de la SNCF avait été nommé.
M. Michel Teston, rappelant les impératifs de service public de la SNCF ainsi que le grand professionnalisme de ses agents, s'est demandé pourquoi autant de locomotives anciennes étaient encore en circulation alors qu'il semblerait que certaines locomotives récentes soient peu ou pas utilisées. Il a estimé que la disparition des résultats très excédentaires de l'activité TGV s'expliquait essentiellement par la crise économique actuelle et par la hausse des péages d'infrastructures payés à RFF. La branche infrastructures ne dégage pour sa part qu'une marge opérationnelle très faible malgré une forte hausse du chiffre d'affaires, tandis que la branche fret voit son déficit sérieusement s'aggraver. Il a déploré à cette occasion l'abandon par la SNCF de 70 % de l'activité du wagon isolé ainsi que la fin de la participation de l'entreprise au groupement européen réunissant les autres compagnies ferroviaires dont l'objet est la promotion du fret ferroviaire. Rappelant les rapprochements actuels entre les grands opérateurs ferroviaires en France, il s'est demandé dans quel état d'esprit la SNCF travaillait avec la Deutsche Bahn, certains observateurs estimant que les deux compagnies ferroviaires nationales alternaient les phases de concurrence et celles de compétition au gré de leurs intérêts particuliers.
M. François Patriat a insisté pour que la qualité du service rendu dans les TER soit à la hauteur des sommes très importantes investies par les conseils régionaux et à cet égard il a souhaité que la SNCF communique des évaluations réelles et détaillées des prestations demandées et prenne des engagements forts en matière de qualité du service. Il a estimé que la route bénéficiera constamment d'un avantage compétitif décisif par rapport au rail, notamment grâce à sa flexibilité plus importante, sauf si les pouvoirs publics obligent les transporteurs routiers à payer le coût total de leurs prestations. En outre, il a regretté que les régions disposant de faibles ressources budgétaires soient obligées de financer, plus largement que la moyenne des autres régions, les projets de construction des lignes à grande vitesse.
M. Jean-Jacques Mirassou a souligné l'importance de la participation financière des collectivités territoriales qui supportent parfois la moitié du coût d'un projet de ligne ferroviaire. L'implication des collectivités territoriales dans le projet de ligne à grande vitesse reliant Bordeaux à Tours ne doit pas occulter les difficultés quotidiennes rencontrées par les usagers des lignes locales. Il est essentiel que le transport routier de marchandises paie l'intégralité des coûts qu'il engendre.
M. Louis Nègre a estimé que la France avait besoin d'acteurs ferroviaires puissants pour remporter des marchés à l'étranger. S'agissant de la qualité du service rendu par les trains TER, il a rappelé les très grandes difficultés rencontrées par des usagers de la région PACA, ce qui nuit gravement à l'image de la SNCF. On peut se demander pourquoi le coût au kilomètre et par voyageur d'un TER en France est le double de celui observé en Allemagne. L'activité du wagon isolé est en plein essor aux Etats-Unis et connaît un développement satisfaisant en Europe. A ce sujet, la SNCF encourage-t-elle effectivement le développement d'opérateurs ferroviaires de proximité de droit privé ? Enfin, il faut pouvoir organiser des appels d'offres ouverts pour les trains d'aménagement du territoire.
M. Dominique Braye a souligné qu'il ne fallait pas opposer le projet de double boucle prévu par le projet de loi sur le Grand Paris aux mesures d'amélioration du réseau actuel car la seule préoccupation qui doit prévaloir est celle de l'intérêt général des usagers. Il s'est en outre interrogé sur le tracé de la future ligne à grande vitesse reliant Paris au Havre qui devrait à ses yeux passer par le Mantois.
M. Didier Guillaume a relevé que les agressions des contrôleurs SNCF étaient très nombreuses, sous-estimées et concernaient également les lignes de TGV. Par ailleurs, il a déploré que certaines entreprises aient renoncé à conclure des contrats de fret ferroviaire suite à la politique d'abandon du wagon isolé initiée par la SNCF. En outre, il faut veiller à une meilleure articulation entre les directions régionales et la direction nationale de la SNCF. Enfin, on peut regretter que les bénéficiaires des billets ID-TGV soient contraints systématiquement d'utiliser les places réservées dans une rame spécifique sans aucune dérogation possible.
Mme Mireille Schurch a déploré les récents dysfonctionnements des trains de la gare d'Austerlitz en direction de l'Auvergne. Par ailleurs la disparition de plateformes de tri ainsi que la suppression de 2 600 postes d'agents SNCF font craindre à terme l'abandon de l'activité fret par la SNCF. A ce titre, la mise en place d'outils statistiques pour calculer l'ensemble des coûts externes provoqués par le transport routier de marchandises est indispensable. Enfin, il convient de savoir combien d'années une ligne de chemin de fer peut rester désaffectée sans obérer définitivement toute possibilité de réutilisation.
M. Philippe Dominati a souhaité connaître le montant des investissements nécessaires pour remettre à niveau l'ensemble du réseau ferroviaire national en Ile-de-France. En outre, quelle est l'articulation entre les projets de contournement ferroviaire de Paris par TGV et le projet de double boucle défendu par le secrétaire d'Etat Christian Blanc ?
M. Jean Boyer a rappelé que les critiques dont fait l'objet la SNCF ne doivent pas occulter ses très bonnes performances en termes de ponctualité et de sécurité. Au-delà, il conviendrait que la SNCF propose des offres nouvelles, notamment à destination du public scolaire. Enfin, l'avenir du fret ferroviaire dépend de la capacité de la SNCF à réduire au maximum les ruptures de charges.
M. Martial Bourquin, évoquant le projet de ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, a souhaité savoir si la branche sud de cette ligne serait raccordée à Lyon. En outre, il a considéré que la bataille du rail contre la route n'était pas perdue d'avance à condition de privilégier le fret ferroviaire sur les distances supérieures à 300 km. A cet égard, quelle serait la position du président de la SNCF si le Parlement votait une disposition interdisant le transfert de marchandises par camions sur des distances supérieures à 300 km, dès lors qu'il existe une autoroute ferroviaire permettant d'assurer cette prestation ?
M. Jean-François Mayet a souhaité savoir si la SNCF s'était fixé des objectifs de parts de marchés par rapport à ses concurrents. En outre, s'agissant de la ligne grande vitesse Lille-Paris-Clermont Ferrand, il a insisté sur la nécessité d'assurer un maillage territorial cohérent.
M. Alain Fouché a estimé que la SNCF avait réalisé des progrès remarquables en matière de communication mais il a souhaité que les messages à destination des usagers soient plus nombreux, plus explicites et si possible diffusés également en langue étrangère.
M. Marc Daunis a souhaité connaître l'état d'avancement du projet de TGV sud et le montant des pénalités imposées à la SNCF par les régions pour les retards dont elle est directement responsable. Enfin, il s'est demandé qui, de l'Etat, de la SNCF ou des collectivités territoriales, devait prendre en charge les dépenses liées à la sécurité à bord des trains.
M. Rémy Pointereau a mis en garde contre le risque d'un « désert français ferroviaire de la grande vitesse ». A cette occasion, il a rappelé que dans la loi dite Grenelle I, avait été inscrit le projet de construire, après 2020, une nouvelle ligne grande vitesse reliant Paris à Lyon en passant par Orléans et Clermont-Ferrand, afin de répondre à la saturation prochaine de la ligne TGV Paris-Lyon.
M. Roland Courteau s'est également interrogé sur l'avenir du wagon isolé et a souhaité savoir sur quels postes de dépenses la SNCF avait réalisé des économies. Par ailleurs, il a souhaité connaître l'état d'avancement de la ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan.
M. Pierre Hérisson a appelé de ses voeux le vote de dispositions législatives permettant d'ouvrir à la concurrence la création des trains d'aménagement du territoire. En outre, il s'est dit favorable à un partenariat entre la Deutsche Bahn et la SNCF, afin de promouvoir le fret ferroviaire en Europe. Enfin, abordant le projet de tunnel Lyon-Turin, il s'est dit hostile au projet intermédiaire actuellement évoqué par les autorités politiques italiennes nouvellement élues.
Puis M. Guillaume Pepy, président, a apporté les éléments de réponse suivants :
- les décisions d'investissement dans le réseau ferré national sont prises par l'Etat et les élus et relèvent de la compétence de RFF et non pas de la SNCF ;
- l'ambition de la SNCF est de faire plus de service public, à un coût acceptable pour la collectivité
- la SNCF a réalisé l'an passé plus de 550 millions d'euros de mesures d'adaptations et d'économie dont plus de 300 millions sur le poste des achats, 170 sur la masse salariale. A cet égard, il convient de remarquer que la réduction de la formation continue a permis de poursuivre les embauches et de ne pas bloquer la progression des salaires. Enfin, la SNCF a dégagé 70 millions d'euros d'économies grâce à des actions spécifiques visant à accroître les recettes (billets prem's) ;
- Avant prise en compte des éléments exceptionnels, la SNCF présente un résultat positif pour 2009. Cependant, compte tenu de la faiblesse structurelle des activités fret et infrastructure, la SNCF a procédé à des tests de valeurs pour apprécier ses actifs au prix du marché ;
- il n'est en aucun cas question de supprimer des dessertes de TGV ;
- il n'est pas envisageable de développer en France le « cadencement symétrique horaire » actuellement utilisé en Suisse, la SNCF réfléchissant avec RFF plutôt à introduire à partir de décembre 2011 un « service rythmé », peut-être moins ambitieux mais plus réaliste ;
- la gestion des gares et des postes d'aiguillage est désormais assurée dans des entités autonomes au sein de la SNCF conformément aux prescriptions de la loi d'organisation et de régulation des transports ferroviaires du 8 décembre 2009 ;
- il existe actuellement 800 locomotives immobilisées dans l'Union européenne dont quelques dizaines en France. La SNCF, consciente du vieillissement de celles affectées au transport de voyageurs, poursuit leur renouvellement car il n'est pas possible d'utiliser des locomotives fret sur ce segment ;
- la SNCF ne supprime pas le wagon isolé mais passera d'une logique de transport de « produit à l'unité » à une logique de « transport par lots ». Aucune ligne de fret pour le wagon isolé n'a été supprimée à l'heure actuelle. Le plan de transport de la SNCF sera adopté avant l'automne. En outre, la SNCF maintiendra le wagon isolé pour le transport de marchandises dangereuses, contrairement à l'Italie ;
- s'agissant des relations entre la SNCF et les autres compagnies ferroviaires européennes, l'entreprise historique française privilégie la voie de la coopération. Toutefois, toute décision d'une compagnie étrangère tendant à concurrencer la SNCF en France s'accompagne systématiquement d'une réponse proportionnée de la SNCF pour concurrencer cette entreprise sur son propre territoire ;
- s'agissant des TER, leur succès s'explique par l'implication remarquable des conseils régionaux. Quant à la qualité du service rendu, cinq régions bénéficient actuellement de prestations de très bonne qualité avec un taux de ponctualité atteignant 94 %. Il est vrai toutefois que toutes les régions ne bénéficient pas d'une même qualité de service. Le TER de la région PACA enregistre les performances les moins satisfaisantes, ce qui plaide pour l'organisation rapide de négociations entre les syndicats, les élus locaux et la SNCF qui vient d'ailleurs de nommer un nouveau directeur à Marseille ;
- s'agissant des coûts d'exploitation du TER, ils sont supérieurs seulement de 15 à 20 % par rapport à ceux des trains allemands, notamment en raison d'une plus forte fréquentation. A cet égard, les conseils régionaux pourraient diminuer les dépenses liées aux TER s'ils acceptaient de supprimer la circulation de trains sur certains créneaux horaires peu utilisés ;
- la SNCF est favorable au développement des opérateurs de proximité quel que soit leur statut juridique. A cet égard, il convient d'insister sur les différences entre la situation des États-Unis et celle de la France résultant de la taille du territoire et de la dimension des trains américains de fret qui mesurent jusqu'à 3,5 km de long et comportent deux étages, contrairement aux trains français ;
- la SNCF attend les conclusions du comité des parties prenantes présidé par M. Francis Grignon, relatives aux modalités d'ouverture à la concurrence des services régionaux de voyageurs ;
- concernant le projet de ligne à grande vitesse reliant Paris à la Normandie, le Préfet Jean-Pierre Duport préside un comité de pilotage réunissant notamment les élus normands, et chargé de réfléchir au tracé de la ligne, question qui demeure actuellement totalement ouverte. Il est clair cependant que Mantes la Jolie sera desservie par la ligne RER E, dite Eole ;
- les problèmes de sécurité doivent être réglés par l'État et la police nationale, en coopération avec la Surveillance générale de la SNCF dont les agents assurent principalement des missions de prévention dans les gares et dans les trains ;
- s'agissant des coûts de construction de lignes, il convient de rappeler qu'un kilomètre de ligne nouvelle coûte environ 15 millions d'euros, tandis qu'un kilomètre de rénovation ou d'électrification ne représente qu'un million d'euros. Plus généralement, on estime que les besoins pour mettre à niveau le réseau ferroviaire en Île-de-France dans les dix à quinze prochaines années s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros pour la rénovation des voies et plus de 2 milliards d'euros pour le renouvellement du matériel roulant ;
- le contournement de Paris par les lignes à grande vitesse constitue un avantage comparatif décisif et permet de relier les régions entre elles ;
- le transport combiné possède un fort potentiel de développement en France ;
- s'agissant de l'affectation de la branche sud du TGV Rhin-Rhône, il existe actuellement un débat sur lequel la direction de la SNCF n'a pas encore pris de position : certains plaident pour une ligne réservée au transport de voyageurs à une vitesse moyenne de 320 kilomètres heure, tandis que d'autres défendent l'idée d'une ligne mixte permettant le transport de marchandises mais réduisant la vitesse des trains de voyageurs et engendrant un surcoût de construction de 20 % ;
- dans le cadre du Grenelle de l'environnement, la France s'est fixé comme objectif extrêmement ambitieux d'augmenter de 20 à 25 % les parts de marché du transport fluvial et ferroviaire. Cet objectif doit être poursuivi pour éviter l'asphyxie du pays et notamment de ses métropoles et des points nodaux ;
- il faut veiller à faire payer aux transporteurs routiers de marchandises et aux véhicules particuliers l'ensemble des coûts externes qu'ils génèrent. Dans ce cadre, il est essentiel que la révision de la directive dite « Eurovignette II » réponde aux préoccupations du gouvernement français. En outre, il convient de relancer les investissements sur les lignes dédiées au transport de marchandise ;
- la SNCF poursuit ses efforts pour améliorer l'information de ses clients, en utilisant notamment les outils de communication moderne ;
- à l'échelle du pays, les pénalités payées par la SNCF aux régions lors des disfonctionnements des TER qui lui sont imputables, s'équilibrent avec les bonus qu'elle perçoit dans d'autres régions ;
- le projet d'une nouvelle ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon, qui relève d'une décision de l'Etat et de RFF, est indispensable à terme pour répondre à la saturation de la ligne actuelle. Elle constitue un enjeu majeur d'aménagement du territoire et permettra le désenclavement du Massif central et du Limousin ;
- le projet de ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan, qui constitue le maillon manquant de la ligne européenne reliant Amsterdam à Séville, pourrait voir le jour à l'horizon 2020 ;
- enfin, s'agissant du projet Lyon-Turin, les projets intermédiaires actuellement évoqués par les autorités italiennes méritent une attention toute particulière compte tenu des enjeux économiques et de sécurité de ce dossier très complexe.
Organisme extraparlementaire - Désignation d'un membre
La commission a ensuite désigné M. Alain Chatillon comme titulaire pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'aviation civile, créé en application de l'article D. 370-4 du code de l'aviation civile.
Audition de M. Jean-René Buisson, président de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA)
Enfin, la commission a entendu M. Jean-René Buisson, président de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA).
Dans son intervention liminaire, M. Jean-René Buisson a présenté le point de vue de l'ANIA sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) :
- l'ANIA espérait que ce projet de loi prendrait en compte l'ensemble de la filière agro-alimentaire. Or, le texte présenté est avant tout une loi agricole. Si les questions alimentaires sont présentes, ce dont on peut se féliciter, elles sont néanmoins insuffisamment prises en compte ;
- l'application de la loi de modernisation de l'économie (LME) soulève de graves difficultés et l'examen du projet de LMAP pourrait être l'occasion de les résoudre. En effet, les règles de la négociation commerciale dans la distribution fixées par la LME imposent une contractualisation annuelle prenant pour point de départ les conditions générales de vente du fournisseur. Par rapport à ce point de départ, les remises accordées à un client doivent correspondre à une contrepartie réelle. Or, on constate que les pratiques commerciales de la grande distribution s'affranchissent des règles légales, puisque les fournisseurs se voient imposer une renégociation permanente des tarifs contractuels ou des prix de vente, sans rapport avec les conditions générales de vente. Ces difficultés concernent essentiellement les petites et moyennes entreprises de l'agro-alimentaire ;
- le titre II du projet de loi prévoit la transmission de données techniques et économiques à l'observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, afin de mieux appréhender le processus de formation et de répartition de la valeur au sein de la filière. Cette transparence doit cependant se concilier avec le respect de la confidentialité des informations transmises, car celles-ci sont des éléments déterminants de la compétitivité des entreprises ;
- l'ANIA considère que la contractualisation entre producteurs et transformateurs est souhaitable pour les agriculteurs, car ces derniers ne peuvent prendre de décisions économiques pertinentes s'ils se trouvent dans une incertitude radicale concernant le volume et le prix futurs attendus par leurs clients. Cet effort de contractualisation ne doit cependant pas déboucher sur un système de prix figés, car cela handicaperait les transformateurs qui, soumis à la concurrence internationale, doivent pouvoir s'adapter aux évolutions du marché européen et mondial.
M. Gérard César, rapporteur, a souhaité connaître la position de l'ANIA sur trois points : la possibilité de mettre en place une contractualisation entre producteurs et transformateurs sur des durées plus longues ; l'intérêt d'une organisation interprofessionnelle incluant le segment aval des filières et, enfin, l'insuffisant développement en France des outils de transformation des produits de la pêche.
Mme Odette Herviaux a soulevé trois questions : l'opportunité de mettre en place une organisation « longue » des filières, en y incluant la distribution ; la nécessité de mieux prendre en compte dans la loi le point de vue des consommateurs, notamment en ce qui concerne les facilités d'accès aux aliments ; enfin, l'insuffisance des moyens dont dispose la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Mme Élisabeth Lamure est revenue sur les problèmes d'application de la LME dans le domaine des relations commerciales. Elle a estimé qu'une moralisation de ces relations est indispensable et que la LMAP peut permettre d'apporter les correctifs nécessaires. Concernant le rôle de la DGCCRF, elle a souligné que cette dernière fait son travail, et qu'elle a notamment assigné en justice plusieurs enseignes de la grande distribution en raison de leurs pratiques commerciales. Un des freins à l'action de la DGCCRF est, cependant, que les fournisseurs hésitent à la saisir de crainte d'être déréférencés du catalogue des distributeurs. Enfin, abordant la question de la nutrition, elle a souhaité savoir comment les industriels de l'agro-alimentaire réagissent devant le développement des messages nutritionnels incitant à limiter la consommation de sucre et de graisse.
M. Jean-Paul Emorine, président, a fait part de sa volonté d'inviter Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, à venir devant la commission, pour l'entendre sur les conditions d'application de la LME.
M. Daniel Raoul a formulé les remarques suivantes :
- son groupe politique n'a jamais considéré la LME comme une bonne loi et a attiré l'attention, dès la discussion du texte devant le Parlement, sur des risques de dérives qui se confirment aujourd'hui ;
- les pratiques de la grande distribution s'apparentent, dans certains cas, à du racket et à des pratiques mafieuses. Il est indispensable de faire respecter la loi de la République ;
- la révision générale des politiques publiques sape les moyens de la DGCCRF et l'empêche de mener à bien ses missions ;
- si l'on observe effectivement une réduction des délais de paiement en application de la LME, on constate cependant que le coût de cette réduction est reporté sur les fournisseurs, du fait des pratiques commerciales de la grande distribution.
M. Gérard Cornu a souligné que, si la LMAP n'a pas vocation à corriger les imperfections de la LME, les dysfonctionnements du secteur de la distribution touchent indirectement la production agricole. La LME vise à renforcer les contrôles sur les relations commerciales, dans le nouveau cadre instauré par la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel », mais son application se heurte à la mauvaise volonté des opérateurs. Les difficiles relations commerciales entre la distribution et ses fournisseurs ne se retrouvent d'ailleurs pas dans d'autres pays européens, où les centrales d'achats sont pourtant également très concentrées. Par ailleurs, en matière de délais de paiement, les pratiques de la grande distribution sont moins respectueuses de la loi que celles de l'industrie. Le législateur risque d'être toujours en retard sur les pratiques inventives des distributeurs pour contourner leurs obligations légales.
M. Gérard Bailly s'est inquiété de la répercussion sur le secteur agro-alimentaire des baisses de production agricole en France. Par ailleurs, si les contrats entre producteurs et transformateurs sont nécessaires, le transformateur doit aussi pouvoir écouler sa propre production. Par ailleurs, selon le rapport de l'autorité de la concurrence d'octobre 2009, les transformateurs du secteur laitier ont augmenté leurs marges, mais les chiffres avancés conduisent à mettre en doute la fiabilité du dispositif d'observation des prix et des marges. En outre, face à la compétition internationale, tous les produits ne sont pas soumis à la même pression concurrentielle, et l'étiquetage carbone ou encore l'indication de l'origine pourraient changer la donne. Enfin, il n'est pas certain que les grandes et moyennes surfaces condamnées dans le cadre de contentieux commerciaux aient réellement payé leurs amendes.
M. Yannick Botrel a souligné que les producteurs de lait, après avoir d'abord accusé la politique de marges de la grande distribution, s'en prennent désormais à l'industrie. Le déséquilibre des forces entre les acteurs est tel que les plus faibles ne sont plus en mesure de faire valoir des droits pourtant reconnus par la loi. Enfin, on peut se demander si les règles de la concurrence sont appliquées avec la même sévérité dans tous les pays européens.
M. Jean René Buisson a apporté les réponses suivantes :
- La contractualisation portant sur des quantités et des prix peut être mise en oeuvre pour la durée d'une année, par exemple dans le secteur des légumes. En revanche, sur une période plus longue, la contractualisation sera plus imprécise et, notamment, ne pourra contenir d'engagements fermes de prix, à l'exception de clauses de prix-plancher. Par ailleurs, la contractualisation devrait encourager la mise en réserve des résultats, afin de sécuriser le producteur. Il est cependant illusoire de compter sur une contractualisation longue, allant jusqu'à la distribution, qui serait trop compliquée à mettre en place.
- Les industries agro-alimentaires n'ont pas la maîtrise du prix offert au consommateur. Or la perception du prix normal des produits est brouillée par les stratégies des distributeurs de prix promotionnels permanents, empêchant les comparaisons et tirant les prix industriels vers le bas. Il est donc nécessaire de réguler cette stratégie de prix promotionnels.
- Les difficultés de la grande distribution proviennent de l'épuisement de son modèle économique. Celui-ci est fondé d'une part sur de faibles marges compensées par des volumes de vente importants et croissants et, d'autre part, sur des recettes de trésorerie. Or les ventes de la grande distribution ne progressent plus, et la loi a réduit les délais de paiement. En conséquence, la grande distribution cherche à préserver ses profits en faisant pression sur ses fournisseurs, ce qui est possible en France du fait d'une plus grande concentration de la distribution que dans les autres pays européens. La Grande-Bretagne est un cas particulier, où la grande distribution ne commercialise pratiquement que des marques de distributeurs (MDD).
- Afin de lutter contre l'impunité de fait des distributeurs qui ne respectent pas la loi, l'ANIA a changé ses statuts pour pouvoir ester en justice à la place des industriels. Elle souhaite également que l'État mette en oeuvre, à travers l'action de la DGCCRF, les moyens de contrôle et de sanction dont il dispose.
- La mise en application de l'étiquetage environnemental au 1er janvier 2011 paraissant impossible, un nouveau compromis est en cours d'élaboration à l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit « Grenelle II ». En outre, M. Yves Jégo a été chargé de mener une réflexion sur le label « Made in France », dont l'application paraît également difficile, tant en ce qui concerne les produits bruts que les produits transformés.
M. Jean-Paul Emorine, président, a déploré que des produits importés puissent bénéficier d'une Indication Géographique Protégée (IGP) et estimé qu'afin de mieux informer le consommateur, l'origine des produits bruts devrait figurer sur les étiquettes.
M. Jean-René Buisson a indiqué que ce sujet est loin de faire consensus, et relève par ailleurs de la compétence communautaire, et non nationale. Il a estimé que des efforts doivent être entrepris pour simplifier les mentions figurant aujourd'hui sur les étiquettes devenues illisibles compte tenu de la multitude d'informations demandées par les pouvoirs publics. L'idée de permettre au consommateur d'accéder à une « carte d'identité » du produit semble intéressante.
Enfin, même si des efforts ont été faits, notamment sur le lait, l'observation des prix et des marges reste difficile à mettre en oeuvre et doit être interprétée avec prudence.
Enfin, M. Jean-Paul Emorine a souligné les effets pervers d'une stratégie de prix toujours plus bas, qui ne bénéficie ni aux consommateurs, ni aux producteurs, ni même, finalement, aux transformateurs.