Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025
Direction de la Séance
N°810
15 novembre 2024
(1ère lecture)
(n° 129 , 138 , 130)
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G | Défavorable |
Rejeté |
présenté par
Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE 30
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Supprimer cet article.
Objet
L’article 30 de la Branche Famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 répond insuffisamment aux enjeux prioritaires concernant la politique familiale et la petite enfance.
Le PLFSS 2025 ne comprend aucune mesure nouvelle, il se limite à enregistrer la dépense en année pleine des mesures positives votées lors des lois précédentes (CMG etc.).
Le HCFEA regrette ainsi le manque d’ambition pour la petite enfance.
La branche famille représentait 2,2 % du PIB en 2024, elle est excédentaire et se stabilisera à l’équilibre, cependant les besoins à satisfaire demeurent considérables.
Plusieurs points sont à souligner :
- Sur la réforme du service public de la petite enfance – SPPE -.
Bien que nous soutenions la réforme du service public de la petite enfance et le changement de gouvernance – nous tenons à préciser que cette réforme aurait dû faire l’objet d’une loi à part, et non être insérée dans la loi Plein emploi. Certes, la garde d’enfants constitue un des freins à l’emploi pour de nombreuses familles dont les familles monoparentales - notamment les mères de famille - et la gouvernance complexe diluait la responsabilité en ne désignant aucun chef de file – mais œuvrer sur la gouvernance n’est qu’une première étape.
En effet, la crèche ou tout autre mode d’accueil doit d’abord être pensé du point de vue du développement de l’enfant, de son autonomie et émancipation et non comme principalement un mode de garde pour permettre aux parents de travailler.
Aussi, nous appelons à une Loi sur l’enfance, les trois premières années de l’enfant devant être enchâssées dans le projet d’éducation que poursuit l’éducation nationale. La politique prioritaire des 1000 premiers jours devrait se traduire dans cette loi.
Cette réflexion participera à une des réponses à la crise d’attractivité du secteur de la petite enfance en réévaluant le sens du travail des professionnels.
Notons que sans une politique ambitieuse pour prendre à bras-le-corps la crise du recrutement et de la fidélisation, une partie du plan de création des places d’EAJE restera lettre morte. Dès à présent, faute de professionnels, des berceaux « sont gelés ». Bien entendu, l'attractivité des métiers passe aussi par des revalorisations salariales importantes et l’ouverture d’une réflexion et négociation sur les conditions de travail. La pénurie de personnel dans les métiers de la petite enfance traduit cette crise aigüe d’attractivité dans ce secteur aussi : selon une enquête conduite par la CNAF à la demande du Comité de filière « Petite enfance », auprès de l’ensemble des éducatrices et éducateurs de Jeunes enfants (EAJE) en avril 2022, 48,6 % des Établissements d’accueil du jeune enfant déclarent qu’ils ont des postes vacants depuis au moins 3 mois. Le nombre de postes vacants auprès d’enfants s’élève à 8 908 Etp. Il est estimé que ces postes vacants ou non remplacés à la date du 1er avril 2022, représentent entre 6,5 % et 8,6 % de l’effectif total des professionnels auprès d’enfants. A noter que 41% des postes vacants sont situés sur la région Ile-de-France. 45 % des besoins de recrutement concernent des postes d’auxiliaires de puériculture et 17 % des postes d’éducateurs de jeunes enfants. Enfin, l’enveloppe financière fléchée sur la mise en place du SPPE est jugée insuffisante par les collectivités territoriales, commune et intercommunalités.
- Un manque d’ambition sur le congé parental : Il est des excédents non vertueux qui assigne encore les femmes au travail « reproductif ». Le congé parental, plutôt que d’être forfaitaire, devrait garantir un meilleur taux de remplacement de la rémunération.
En effet, nous savons aujourd’hui que seulement 1 % des pères prend un congé parental contre 14 % des mères, ainsi plus de 95 % des personnes qui prennent des congés parentaux sont des femmes !
Il s’agit aussi d’envisager à terme une nouvelle prolongation du congé paternité qui rencontre une réelle adhésion car « à l’arrivée des enfants, pour concilier vie privée et vie professionnelle, les femmes sont toujours plus nombreuses que les hommes à interrompre leur activité » tel que dit précédemment mais aussi « à réduire leur temps de travail : en 2020, celles qui travaillent sont trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes ».
- Une absence de mesures concernant les crèches malgré les scandales récents. À la suite des révélations accablantes contenues dans le livre de Victor Castanet, des mesures fortes concernant les crèches auraient dû être prises, et une réflexion s’engager sur la place du privé lucratif et de son modèle économique. En premier lieu, il faut réformer la prestation de service unique (PSU) et surtout mettre fin à la tarification horaire.
- Nous proposons également que la branche famille participe financièrement à la mission de contrôle des établissements d’accueil du jeune enfant qui est aujourd’hui assurée par les Protections maternelles et infantiles, PMI, qui ont une mission d’agrément, de contrôle, d’accompagnement et de suivi des modes d’accueils, donc des crèches et des haltes garderies. De plus, il faudrait aligner les obligations d’encadrement et de qualifications des micro-crèches sur les autres établissements d’accueil du jeune enfant et donc supprimer l’article R2324-46-5 du code de la santé publique qui dispense les micro-crèches de nombreuses dispositions réglementaires concernant les crèches, dont l’obligation de désigner un.e directeur ou directrice. Enfin, les crèches ont un besoin d’apport de qualification. Or, 3155 postes de professeurs des écoles ont été supprimés par le gouvernement. Les moyens pourraient être redéployés en partie vers la petite enfance en développement des classes passerelles et en favorisant des formations communes aux professionnels des crèches et de la maternelle. D’autant que la part de l’éducation nationale des moins de 3 ans (à travers ses « très petites sections ») a chuté (du tiers en 2000 à 10 % aujourd’hui) et qu’il n’est pas aberrant que des moyens soient redéployés sur les EAJE.
- Le soutien financier accru aux familles les plus pauvres devrait également constituer une priorité. Les mesures de lutte contre la pauvreté des familles et des enfants devraient encore être renforcées car ce n’est pas acceptable qu’en France, selon l’INSEE (en 2018), 21 % des enfants de moins de 18 ans soient pauvres, contre 14,8 % de la population globale et que 2,9 millions d’enfants vivent dans des ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.
Ainsi, les moyens prévus de dépenses de la branche famille sont insuffisants pour répondre aux besoins des familles et des enfants, aux attentes légitimes en matière d’ambition pour de petite enfance.
C’est l’objet de notre amendement de suppression.