Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025
Direction de la Séance
N°809
14 novembre 2024
(1ère lecture)
(n° 129 , 138 , 130)
AMENDEMENT
C | |
---|---|
G |
présenté par
Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE 31
Consulter le texte de l'article ^
Supprimer cet article.
Objet
L’article 31 fixe pour 2025 les objectifs de dépenses de la branche autonomie de la sécurité sociale à 42,4 milliards d’euros. Le présent amendement propose de la supprimer pour alerter sur son insuffisance.
Confronté au vieillissement de notre population et aux besoins de compensation du handicap, le secteur social et médico-social souffre en France d’un manque structurel et durable de moyens humains et financiers auquel ni la progression insuffisante de l’ONDAM médico-social ne permet de répondre, ni les mesures de la branche Autonomie.
La transition démographique n’est pas financée.
Sur le plan financier, le PLFSS pour 2025 prévoit pour la branche autonomie un solde presque à l’équilibre (-0,4%).
Cet équilibre est en réalité un trompe-l’œil tant les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) connaissent des difficultés financières importantes. Une enquête réalisée par la Fédération Hospitalière de France en avril 2024 révèle que près de 85 % des EHPAD ont enregistré un résultat déficitaire pour l’exercice 2023.
Les services domiciliaires, SAAD et SAD, et dans une moindre mesure SSIAD, sont dans une situation financière dramatique encore plus ancienne et ne recrutent plus, ce qui entraine une baisse d’activité faute de personnel qui les portent en dessous de leur point d’équilibre budgétaire étant financés à l’activité horaire. De nombreux services domiciliaires disparaissent à l’heure du discours dominant sur la nécessité du virage domiciliaire.
Aucune mesure concernant le secteur domiciliaire hormis une aide à la mobilité n’est présente dans ce PLFSS !
En attente d’une véritable loi pluriannuelle pourtant votée dans la Loi Bien vieillir et de la grande Loi Autonomie promise depuis des années, face à l’urgence, 13 organisations du secteur grand âge alertent sur la situation budgétaire critique des établissements et services autonomie à domicile et appellent à un nouveau fonds d'urgence pour les établissements et services à la hauteur des déficits constatés pour éviter les cessations de paiement et les trésoreries négatives. L’estimation des besoins de ce fonds pour les établissements et services est proche de 1,4 milliard euros.
L’ensemble des établissements médico-sociaux souffrent d’une pénurie de professionnels ainsi que d’un taux d’encadrement insuffisants. C’est le cas en particulier dans les EHPADs où un établissement sur deux exprime des difficultés majeures pour recruter. Ce manque d’attractivité crée une tension importante dans les établissements : le ratio moyen de personnel soignant est de seulement 0,63 équivalent temps plein pour 1 résident en France (cour des comptes), un ratio en deçà des standards de nos voisins européens.
Cette pénurie s'explique par la difficulté à recruter des professionnels qualifiés dans un secteur perçu comme peu attractif en raison de salaires faibles et de conditions de travail pénibles.
Reconnus comme « essentiels » pendant la crise du Covid, la situation des travailleurs du secteur du médico-social (aides-soignants, aides à domicile…) ne s’est pas améliorée depuis.
En particulier, la promesse de revalorisation salariale du « Ségur de la santé » (183 euros net par mois) - étendue à une branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale par un accord des organisations professionnelles du 4 juin 2024 - n’est pas totalement appliquée et financée.
Tout aussi grave, les services d’aide et d’accompagnement à domicile relevant de la CCN de la Branche Associative d’Aide à domicile, relevant eux aussi de la compétence des départements, sont exclus de cette mesure, entrainant un écart important des rémunérations pour un même poste et une même ancienneté, aggravant leur perte relative d’attractivité et le départ de leurs salariés.
Faute de personnel, les personnes en situation de handicap et les personnes âgées voient leur accès aux droits à l’APA ou à la PCH entravé.
Selon l’union nationale des centres communaux d’action sociale (en 2022), le secteur médico-social se caractérise par un nombre de journées d’arrêt de travail, du fait d’accidents de travail ou de maladies professionnelles (AT-MP), trois fois supérieur à la moyenne constatée pour l’ensemble des secteurs d’activité en France.
En 2019, d’après l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap), ce nombre a atteint 3,5 millions, en augmentation de 41% par rapport à 2016. Cela correspond à 17 000 postes équivalents temps plein (ETP) par an.
Alors que 4 millions de personnes seront en situation de dépendance en 2050 selon l’INSEE, le vieillissement de la population nécessite de créer des emplois durables en France - 109 000 emplois supplémentaires devraient être dédiés à l'accompagnement des personnes âgées dépendantes à l'horizon 2030 selon l’INSEE - sur lesquels il est urgent d’investir. L'enjeu est ainsi de faire collectivement face à ce défi démographique et de faire du vieillissement de la population une opportunité pour créer des emplois durables, non délocalisables.
Dans ce contexte, le groupe écologiste défend un investissement massif dans l'ensemble des établissements et services médico-sociaux en charge de la perte d’autonomie.
Les sous-effectifs entraînent aujourd’hui une dégradation des conditions de vie et de travail et les accidents du travail.
Enfin, si nous nous félicitons de la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant, après une expérimentation de 5 ans du dispositif, demeure la question de son financement et de la maitrise du reste à charge.
Les porteurs de projets engagés dans cette expérimentation reçoivent dans ce cadre un soutien financier de la CNSA destiné à l’ingénierie et l’évaluation du dispositif ; en revanche, il ne couvre pas les frais liés à la mise en œuvre des prestations de relayage.
En 2017, la députée Joelle Huillier pointait déjà la nécessité de rendre le reste à charge du relayage soutenable si nous souhaitons que tous les aidants puissent en bénéficier : elle insistait sur le besoin de proposer un système financièrement acceptable.
Il est donc temps de flécher un modèle de financement pour ce dispositif qui constitue un outil de prévention particulièrement précieux, permettant à la fois de prévenir l’état d’épuisement de l’aidant et de retarder, voire d’éviter l’hospitalisation de la personne malade ou son entrée en structure d’hébergement faute de réponses de répit à domicile.
Considérant tous ces besoins non satisfaits, nous contestons l'objectif de dépenses de la branche autonomie de la sécurité sociale proposé par le gouvernement. C'est le sens de notre amendement de suppression.