Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025

Direction de la Séance

N°707

14 novembre 2024

(1ère lecture)

(n° 129 , 138 , 130)


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

Mmes ROSSIGNOL et LE HOUEROU, M. KANNER, Mmes CANALÈS, CONCONNE et FÉRET, MM. FICHET et JOMIER, Mmes LUBIN et POUMIROL, MM. BOURGI et ROS, Mmes LINKENHELD et NARASSIGUIN, MM. ZIANE et LUREL, Mme BÉLIM, M. FÉRAUD, Mme HARRIBEY, M. GILLÉ, Mme BROSSEL, MM. FAGNEN et CHANTREL, Mme CONWAY-MOURET, MM. DARRAS, MICHAU, MÉRILLOU et MONTAUGÉ, Mme BONNEFOY, M. ROIRON, Mme BLATRIX CONTAT, M. JEANSANNETAS, Mme Gisèle JOURDA, MM. VAYSSOUZE-FAURE et Michaël WEBER, Mme MONIER, MM. Patrice JOLY, MARIE, TISSOT, DURAIN et CHAILLOU, Mme ARTIGALAS, MM. REDON-SARRAZY, OUIZILLE, PLA, UZENAT

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 24

Après l'article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux maladies professionnelles et accidents du travail concernant majoritairement les femmes. Ce rapport permettra d’améliorer les connaissances disponibles en matière de santé au travail et de généraliser l’usage des statistiques sexuées. Il s’attachera en particulier à proposer des pistes permettant d’améliorer l’indemnisation des maladies professionnelles majoritairement féminines, tant en termes de déclaration qu’en termes d’inscription dans les tableaux de maladies professionnelles. Il prendra notamment en compte la prévalence des troubles psychosociaux et des cancers professionnels, le lien entre santé et précarité professionnelle, le lien entre santé et exposition aux violences sexuelles et sexistes, la pénibilité et les risques associés aux secteurs d’activité majoritairement féminins.

 

Objet

Entre 2022 et 2023, la délégation aux droits des femmes du Sénat a travaillé sur la santé des femmes au travail, à travers un rapport intitulé Santé des femmes au travail : des maux invisibles (Laurence COHEN, Annick JACQUEMET, Marie-Pierre RICHER, Laurence ROSSIGNOL, Rapport d’information n°780, session ordinaire de 2022-2023, enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2023), compilant plusieurs déplacements et l’audition d’une soixantaine d’experts et d’expertes.

Pour les professionnel.le.s du droit social, ce document est un outil précieux en ce qu’il recense les difficultés de santé spécifiques rencontrées par les femmes au cours de leur parcours professionnel, les carences d’information et d’adaptation, et les angles morts des politiques publiques. En émergent la sous-reconnaissance des pathologies affectant majoritairement les femmes dans les tableaux relatifs aux maladies professionnelles, entrainant des difficultés persistantes pour les malades à obtenir la prise en compte de leurs pathologies – un phénomène accru par le caractère davantage haché de la carrière des femmes, rendant plus complexe la satisfaction du critère de durée d’exposition ; l’impact délétère de la précarité accrue de l’emploi féminin ; la surexposition des femmes aux troubles musculosquelettiques et aux risques psychosociaux ; la persistance des violences sexuelles et sexistes et des discriminations liées à la grossesse ou au désir de maternité ; ou encore l’angle mort de la ménopause, qui concerne pourtant des millions de femmes.

Comme le souligne le rapport, « la référence implicite suivie en santé au travail, mais aussi dans les connaissances scientifiques produites par l’épidémiologie, a longtemps été celle d’un travailleur masculin, dont le genre était réputé neutre. Par conséquent, les politiques publiques de prévention et réparation, et en particulier la définition de critères de pénibilité et de qualification des maladies professionnelles, suivent cette logique et sont moins efficaces pour les femmes. ».

De nombreuses maladies liées à l’activité professionnelle ne sont pas inscrites dans les tableaux correspondants et la reconnaissance par les CRRMP est un processus long et complexe : à ces circonstances s’ajoutent une sous-déclaration des maladies professionnelles en raison de la méconnaissance du dispositif. Ainsi, la Cour des comptes évalue entre un et deux milliards d’euros le montant de cette sous-déclaration. A titre d’illustration, les femmes sont davantage touchées par les troubles musculosquelettiques (TMS) : 75 % des TMS correspondant à un tableau de maladie professionnelle existant ne font pas l’objet d’une déclaration.

De surcroît, les travaux de la délégation aux droits des femmes soulignent l’incomplétude des tableaux de maladies professionnelles à l’égard des cancers professionnels, lesquels surviennent généralement après la cessation de l’activité. Les rapporteures notent qu’il est « souvent difficile d’attribuer une maladie à une seule exposition, devant être massive pour être prise en compte, alors que la réalité du travail de nombreuses femmes atteintes de maladies professionnelles a été de cumuler des expositions diverses, de faible durée ou intensité, au sein de parcours mouvants ».

En troisième lieu, la souffrance psychique en lien avec le travail n’est reconnue par aucun tableau de maladie professionnelle. Or, la santé des femmes au travail est particulièrement détériorée par le fait que les risques professionnels (usure physique et psychique, risques psychosociaux) auxquels les femmes sont exposées sont davantage invisibles et silencieux que ceux des hommes, ce qui entraine une banalisation et une sous-prise en compte de ces risques, tant dans leur évaluation que dans leur réparation.

En quatrième lieu, la pénibilité et les risques afférents aux activités exercées majoritairement par les femmes sont sous-estimées, et les conséquences en sont dramatiques : les accidents du travail ont augmenté de 42 % chez les femmes entre 2001 et 2019, et il y a davantage d’accidents du travail dans les métiers de service que dans le secteur du BTP.

Il convient de tirer les conséquences de ces observations et analyses sur le plan de l’action publique. Le présent amendement demande donc au Gouvernement d’examiner les pistes d’amélioration de l’indemnisation des maladies professionnelles affectant majoritairement les femmes.