Projet de loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure

Direction de la Séance

N°87

18 octobre 2021

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 47 , 46 )


AMENDEMENT

C Défavorable
G  
Rejeté

présenté par

Le Gouvernement


ARTICLE 2

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Alinéa 24

Rétablir le 7° dans la rédaction suivante :

7° La section 2 du chapitre II du titre II du livre III est complétée par un article 322-11-2 ainsi rédigé :

« Art. 322-11-2. – Est puni des peines suivantes le fait pour une personne d’avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à mettre délibérément autrui en danger, lorsque cette consommation a entraîné un trouble psychique ou neuropsychique temporaire sous l’empire duquel elle a commis un crime de destruction par l’effet d’une substance explosive ou d’un incendie ayant entrainé des atteintes aux personnes, dont elle est déclarée pénalement irresponsable en application du premier alinéa de l’article 122-1 :

« 1° Dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, si ces faits ont entraîné la mort de la victime ou une mutilation ou une infirmité permanente ;

« 2° Sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, si ces faits ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

« Si l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent article a été commise par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d’un homicide volontaire en application du premier alinéa de l’article 122-1 en raison d’une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique provoqué par la même consommation volontaire de substances psychoactives, la peine prévue au 1° du présent article est portée à quinze ans de réclusion criminelle et celle prévue au 2° est portée à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. »

Objet

La commission des lois du Sénat a supprimé le délit d’intoxication volontaire ayant conduit à une abolition du discernement à l’occasion de laquelle un incendie volontaire a été commis, au motif qu’elle a souhaité restreindre le champ des nouvelles infractions aux atteintes aux personnes.

Toutefois, les incendies volontaires ayant provoqué des morts ou des blessés, qui sont punis par les articles 322-7, 322-8 et 322-9 du code pénal, même s’ils figurent dans le livre III du code pénal relatif aux atteintes aux biens, constituent en réalité des atteintes aux personnes.

En effet, la personne qui, sans vouloir aucunement causer des victimes, provoque volontairement un incendie – par exemple en mettant le feu à des poubelles, qui enflamment ensuite tout un immeuble – encourt la réclusion criminelle à perpétuité si cet incendie a provoqué la mort d’une victime, 30 ans de réclusion s’il a provoqué une mutilation ou une infirmité permanente  et 20 ans de réclusion s’il a provoqué une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

L’importance des peines encourues – toutes ces peines sont criminelles et l’incendie ayant provoqué la mort est puni aussi lourdement qu’un assassinat – montre ainsi clairement que ces actes sont assimilés de fait par le législateur à des atteintes aux personnes.

Pour autant, malgré la gravité extrême de son acte, si  l’auteur d’un incendie volontaire criminel a agi alors que son discernement était aboli, même si cette abolition résulte d’une intoxication volontaire – par exemple la personne est atteinte d’un delirium tremens provoqué par l’alcool, ou d’une bouffée délirante due à l’absorbtion de crack - il sera, en l’état actuel du droit, déclaré totalement irresponsable, ce qui ne paraît pas acceptable.

Pour l’ensemble de ces raisons, il importe donc de maintenir une incrimination spécifique pour pouvoir réprimer ces faits, comme le prévoyaient les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale.

Il convient cependant de mieux définir l’infraction, en mettant en évidence que la personne a, pendant l’abolition temporaire de son discernement résultant d’une intoxication, commis un crime d’incendie volontaire ayant entrainé des atteintes à la personne, et de simplifier la répression : si l’incendie a provoqué la mort d’une victime, une mutilation ou une incapacité permanente, la peine sera de dix ans d’emprisonnement (au lieu de la réclusion à perpétuité ou de 30 ans, encourue à l’encontre d’une personne dont le discernement n’est pas aboli) ; s’il a provoqué une ITT de plus de 8 jours, elle sera de 7 ans d’emprisonnement (au lieu de la réclusion de 20 ans encourue).

Les peines seront ainsi exactement similaires à ce qui est prévu en cas d’intoxication volontaire suivie d’un viol, incrimination qui a été acceptée par la commission des lois du Sénat.

L’utilité  pratique de ces dispositions est certaine. Même si le ministère de la justice ne dispose pas de statistiques précises sur le nombre de déclarations d’irresponsabilité pénale prononcées par une juridiction pour des incendies volontaires criminels, 190 déclarations d’irresponsabilité pénale ont été prononcées de 2012 à 2019 pour infractions prévues par le livre III du code pénal, parmi lesquelles il y avait des incendies volontaires, et dont certains étaient commis à la suite d’une intoxication volontaire, notamment par des personnes en état d’alcoolisation ayant aboli leur discernement.

Il est donc indispensable qu’à l’avenir les auteurs de ces actes ne puissent rester impunis, spécialement lorsqu’ils ont provoqué la mort d’une ou plusieurs victimes.