Projet de loi PLF pour 2020
Direction de la Séance
N°I-1212
22 novembre 2019
(1ère lecture)
PREMIÈRE PARTIE
(n° 139 , 140 , 141, 142, 143, 144, 145, 146)
AMENDEMENT
C | Favorable |
---|---|
G | Défavorable |
Adopté |
présenté par
M. de MONTGOLFIER
au nom de la commission des finances
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2 QUINQUIES
Après l’article 2 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 119 bis A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. – 1° Est soumis à une retenue à la source dont le taux est fixé par le dernier alinéa du 1° du 1 de l’article 187 pour les personnes morales et au 2° du même 1 pour les personnes physiques tout versement effectué, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, par une personne qui est établie ou a sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, d’une personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« a. Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;
« b. Le versement est lié, directement ou indirectement :
« – à une cession temporaire desdites parts ou actions d’une durée inférieure à une durée fixée par décret réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;
« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;
« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions.
« 2° La retenue à la source est appliquée par l’établissement payeur lors de la mise en paiement des versements mentionnés au 1° du présent I.
« 3° Le bénéficiaire des versements mentionnés au même 1° peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que ceux-ci ne constituent pas indirectement des produits d’actions et de parts sociales ou des produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis et qu’ils correspondent à des opérations qui ont principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« Lorsque les versements mentionnées au 1° du présent I constituent indirectement des produits d’actions et de parts sociales ou des produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, le bénéficiaire de ces versements peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que ceux-ci correspondent à des opérations qui ont principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal. Le remboursement est minoré du montant qui résulte de l’application à ces versements de la retenue à la source dans les conditions prévues par le 2 de l’article 119 bis ou, le cas échéant, par les dispositions de la convention d’élimination des doubles impositions signée entre la France et l’État ou territoire où il est établi ou a sa résidence.
« 4° L’établissement payeur des versements mentionnées au 1° du présent I adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements.
« II. – 1° Lorsque les produits des actions et parts sociales et les produits assimilés visés aux articles 108 à 117 bis sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits, l’établissement payeur des produits applique, lors de la mise en paiement, le taux de retenue à la source prévu au 1 de l’article 187.
« Le présent 1° n’est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale dans les conditions prévues à l’article 119 ter.
« 2° Le bénéficiaire des produits mentionnés au 1° du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que la distribution de ces produits dans cet État ou territoire a principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« 3° L’établissement payeur des produits mentionnés au même 1° adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2020.
Objet
L’an dernier, le Sénat avait adopté six amendements identiques instituant un mécanisme complet de lutte contre les opérations d’« arbitrage de dividendes » mises en lumière par le Monde et plusieurs médias internationaux dans le cadre de l’enquête sur les « CumEx Files », en s’inspirant de dispositifs existants aux États-Unis et en Allemagne ayant fait leurs preuves.
En effet, alors que les versements de dividendes aux actionnaires non-résidents d’une société française sont en principe soumis à une retenue à la source, deux types de montages sont massivement utilisés pour échapper à l’impôt : un montage dit « interne », substituant temporairement au non-résident un résident français (souvent une banque), et un montage dit « externe », qui tire avantage des conventions fiscales plus favorables. Ces opérations représenteraient une perte comprise entre un et trois milliards d’euros par an pour le Trésor public.
Si le dispositif anti-abus du Sénat a été en partie repris par l’Assemblée nationale et est désormais codifié à l’article 119 bis A du code général des impôts, il a en réalité été vidé de l’essentiel de sa portée, en excluant de son champ les montages faisant appel à des instruments financiers complexes ainsi que ceux reposant sur des cessions temporaires au profit de résidents d’un pays lié à la France par une convention fiscale prévoyant une retenue à la source de 0 %.
Afin d’avoir connaissance de l'application de cette mesure entrée en vigueur depuis le 1er juillet, il a été demandé au Gouvernement d’indiquer le nombre de personnes ayant supporté une retenue à la source au titre du dispositif anti-abus et les montants concernés.
Le Gouvernement a indiqué qu’il n’était pas en mesure de fournir les informations demandées, dès lors que cette retenue à la source ne fait pas l’objet d’une case spécifique dans les déclarations des établissements payeurs.
Le 4 de l’article 119 bis A du code général des impôts prévoit toutefois que l’administration fiscale peut demander auxdits établissements de lui transmettre sous format dématérialisé « le montant, la date, l’émetteur des parts ou actions objets de l’opération mentionnée (…) et le destinataire du versement ».
Dans ces conditions, alors que tout laisse à penser que le dispositif adopté l’an dernier n’est pas de nature à faire réellement obstacle aux opérations d’« arbitrage de dividendes », le présent amendement propose de revenir au mécanisme initialement adopté par le Sénat.