Projet de loi Croissance et transformation des entreprises
Direction de la Séance
N°288 rect. quater
29 janvier 2019
(1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 255 , 254 )
AMENDEMENT
C | Sagesse du Sénat |
---|---|
G | Défavorable |
Adopté |
présenté par
M. TEMAL, Mme CONWAY-MOURET, MM. JACQUIN, KERROUCHE, SUEUR, RAYNAL et MAZUIR, Mme Gisèle JOURDA et MM. DAUDIGNY, TISSOT, MANABLE, CABANEL et ÉBLÉ
ARTICLE 71
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Après l’alinéa 151
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Aux premier et deuxième alinéas du I de l’article L. 211-16 du code du tourisme, les mots : « de plein droit » sont supprimés.
Objet
Afin de prémunir la France contre toute procédure d’infraction de la Commission européenne pour surtransposition, le présent amendement vise à conformer les dispositions relatives à la responsabilité de l’organisateur de voyage prévues à l’article L. 211-16 du code du tourisme au régime de responsabilité prévu à l’article 13 de la directive du 25 novembre 2015 sur les voyages à forfait et prestations de voyage liées, qui est un régime pour non-conformité.
Il s’agit, dans un marché largement dématérialisé, d’une surtransposition inutile ayant pour conséquence de conduire les voyagistes français à payer des cotisations d’assurance plus élevées que celles de leurs concurrents étrangers dont les pays ont, sans exception, opté pour une transposition fidèle de la directive.
La directive du 25 novembre 2015, qui abroge la précédente, prévoit un régime d’harmonisation maximale (art. 4) au terme duquel « les Etats membres s’abstiennent de maintenir ou d’introduire, dans leur droit national, des dispositions s’écartant de celles fixées par la présente Directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différente de protection des voyageurs ».
L’article 13§1 de la directive 2015/2302/UE qui traite de la responsabilité de l’exécution du forfait touristique ne mentionne nulle part une notion de responsabilité de plein droit : « Les États membres veillent à ce que l'organisateur soit responsable de l'exécution des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait, indépendamment du fait que ces services doivent être exécutés par lui-même ou par d'autres prestataires de services de voyage. Les États membres peuvent conserver ou introduire dans leur droit national des dispositions en vertu desquelles le détaillant est aussi responsable de l'exécution du forfait (…). » Le maintien de ce régime dans le code du tourisme, dans le cadre de la transposition de cette directive, pose donc un problème juridique.
La disparition de la responsabilité « de plein droit » n’entraînera pas une moindre protection du consommateur par rapport à la situation actuelle.
Le consommateur pourra, tout autant qu’aujourd’hui, mettre en œuvre la responsabilité des professionnels en cas de manquements de ceux-ci à leurs obligations contractuelles ou de manquements aux obligations que la jurisprudence a mis à la charge des agences de voyages (conseil, sécurité, assistance, prudence et diligence dans le choix des prestataires …).
Le professionnel sera donc débiteur de fautes présumées, étant responsable de l’élaboration ou la vente des prestations touristiques. Cela signifie qu’il sera le premier mis en cause par le consommateur et ne pourra, le cas échéant, s’exonérer de sa responsabilité que dans la limite des moyens énumérés par la directive : fait du client, d’un tiers ou circonstances exceptionnelles et inévitables.
La disparition de la responsabilité « de plein droit » évitera aux juges de condamner systématiquement l'agence alors qu'aucune faute n'a pu être démontrée, comme par exemple dans les accidents de ski, au seul motif que l’activité sportive a été vendue avec un forfait touristique. Pour les juges, le participant à une activité sportive bénéficie d'une protection différente selon que l'activité est vendue avec un forfait touristique ou non. Cette jurisprudence rend l'organisateur responsable du préjudice subi par le client, alors même qu'aucun manquement n'a été commis, ni par l'organisateur du séjour, ni par son éventuel prestataire. Le juge se contente de constater que l'accident a eu lieu lors d'une activité sportive vendue par l’organisateur pour entrer en voie de condamnation. Les activités sportives ne sont pas seulement en cause. Par exemple, la responsabilité de plein droit du tour-opérateur a été retenue pour le cas de la chute d’une cliente dans un escalier à Agadir (Maroc), en raison du caractère rustique des marches en grès de l’escalier alors que la cliente était libre de ses mouvements. Les juges exigent du professionnel qu’il démontre la faute du client, ce qui est parfois impossible.
La responsabilité de plein droit est une source de distorsion de concurrence au détriment des professionnels français du voyage avec les opérateurs de voyage des autres Etats membres :
Elle accroit le montant de la police d’assurance pour les professionnels, organisateurs et détaillants, ce qui est un facteur de renchérissement du prix pour le consommateur. Le même séjour sera vendu plus cher en France qu’en Espagne ou en Allemagne. Grâce à internet, la mobilité du consommateur est généralisée : le consommateur français n’a plus de réticence à acheter un forfait touristique proposé par une agence en ligne espagnole, surtout si les informations sont en français, au lieu d’un opérateur hexagonal.
De plus, les tour-opérateurs et agences de voyages français sont confrontés à la disparition progressive des assureurs de responsabilité civile professionnelle. Il n’existe plus aujourd’hui que deux compagnies qui acceptent d’assurer les nouveaux entrants.
NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.