Projet de loi République numérique
Direction de la Séance
N°62 rect.
25 avril 2016
(1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 535 , 534 , 524, 525, 526, 528)
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G | |
Non soutenu |
présenté par
M. KALTENBACH
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 40 AA
Après l'article 40 AA
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° L'article L. 57-1 est abrogé ;
2° Le dernier alinéa de l'article L. 313 est supprimé ;
3° Au 1° de l'article L. 562, la référence : « L. 57-1, » est supprimée.
II. – Au deuxième alinéa de l'article 4 de la loi n° 2003–486 du 10 juin 2003 organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse, la référence : « L. 57-1 » est supprimée.
Objet
Le présent amendement vise à supprimer le recours aux machines à voter pour toutes les élections visées à l'article 3 de la Constitution.
Pour s'exercer, la démocratie requiert ces éléments fondamentaux que sont le débat public et le vote. Pour garantir le caractère démocratique du scrutin, un contrôle s'impose sur les opérations de vote. C'est en ce sens, que le législateur a prévu des opérations de vote équilibrées permettant une organisation officielle du scrutin par la commune d'inscription de l'électeur, une marge de libertés pour les candidats dans leur campagne et un contrôle démocratique du déroulement du scrutin par les représentants des candidats et/ou des citoyens assesseurs ou délégués de liste.
L'article L. 57-1 du code électoral introduit par l'article 72 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées autorise l'utilisation de machines à voter dans les bureaux de vote des communes de plus de 3 500 habitants et précise les modalités d'agrément :
« Des machines à voter peuvent être utilisées dans les bureaux de vote des communes de plus de 3 500 habitants figurant sur une liste arrêtée dans chaque département par le représentant de l'État.
Les machines à voter doivent être d'un modèle agréé par arrêté du ministre de l'intérieur et satisfaire aux conditions suivantes :
- comporter un dispositif qui soustrait l'électeur aux regards pendant le vote ;
- permettre aux électeurs handicapés de voter de façon autonome, quel que soit leur handicap ;
- permettre plusieurs élections de type différent le même jour à compter du 1er janvier 1991 ;
- permettre l'enregistrement d'un vote blanc ;
- ne pas permettre l'enregistrement de plus d'un seul suffrage par électeur et par scrutin ;
- totaliser le nombre des votants sur un compteur qui peut être lu pendant les opérations de vote ;
- totaliser les suffrages obtenus par chaque liste ou chaque candidat ainsi que les votes blancs, sur des compteurs qui ne peuvent être lus qu'après la clôture du scrutin ;
- ne pouvoir être utilisées qu'à l'aide de deux clefs différentes, de telle manière que, pendant la durée du scrutin, l'une reste entre les mains du président du bureau de vote et l'autre entre les mains de l'assesseur tiré au sort parmi l'ensemble des assesseurs. »
Trois types de machines sont aujourd'hui agréés par le ministère de l'intérieur :
- Le modèle iVotronic de la société ES&S ;
- Le modèle 2.07 de la société NEDAP-France élection ;
- Le modèle Point & Vote de la société Indra Sistemas S.A.
Toutes ces machines offrent les garanties proposées par l'agrément du ministère de l'intérieur.
Toutefois, elles ne permettent pas le contrôle démocratique par les candidats ou leurs représentants et les citoyens sur la nature du code source utilisé. L'une des machines utilisées en France n'a plus d'agrément aux États-Unis suite à une fraude au Texas, lors de l'élection présidentielle de 2004. Aucune preuve n'a pu formellement être apportée d'une manipulation du scrutin sauf la trace d'une altération du code source pendant le déroulement du scrutin. En substance, la preuve que l'urne électronique garantit l'intégrité des données dont elle est le support fait défaut. Une corruption de la donnée, indétectable lors du scellé et du paramétrage, qui modifie le déroulement du scrutin en altérant son résultat.
Dans la mesure où aucun contrôle n'est possible sur ce code source, il est demandé aux électeurs comme aux candidats de faire une confiance absolue à ces machines électroniques, sans donnée concrète, quantifiable et vérifiable pour étayer cette confiance.
Le code source ressort de la propriété intellectuelle brevetée. En conséquence de quoi, il ne peut être communiqué aux électeurs : secret industriel oblige.
Les machines à voter ont pu marquer un progrès technique en facilitant les opérations de dépouillement. Mais elles restent contraires à l'esprit de l'article 3 de la Constitution de la Vème République en ce que le « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ne pourrait être soumis au fonctionnement d'une entreprise privée, fut-elle agréée, qui impose son mode de fonctionnement lors d'une élection. Certains types de machines, notamment le modèle iVotronic, ne peuvent reproduire le bulletin de vote tel que dessiné par les candidats dans le cadre de l'article R30 du code électoral et imposent ainsi une recomposition et une interprétation au détriment de la liberté des candidats, et sans que la commission de propagande ne le valide.
Lors des opérations de paramétrage, les urnes électroniques sont scellées par huissier de justice, mais on s'assure juste que les compteurs sont à zéro et que l'interface proposée par la machine est conforme. Aucune analyse de certification du code source de l'urne électronique n'est effectuée, ne permettant pas de garantir avec le niveau d'assurance requis un comportement optimal de la machine pendant le déroulement du scrutin.
En outre, en application du code électoral, les circulaires du ministère de l'intérieur prévoient pour le vote par bulletin papier la diffusion du matériel de propagande suivant : profession de foi et bulletin de vote. Ainsi chaque électeur reçoit à son domicile, notamment pour les scrutins de liste, une profession de foi présentant le programme du candidat et le bulletin de vote du candidat ou de la liste.
Dans le cas où la commune utilise une machine électronique, seules les professions de foi des candidats sont acheminées auprès des électeurs. Des bulletins de vote en format papier se trouvent à disposition des électeurs à l'entrée du bureau de vote, ce qui constitue une discrimination pour les électeurs votant par urne électronique, notamment pour les scrutins de liste dont la circonscription est plus large que le ressort de la commune (régionales, européennes). La propagande est ainsi calibrée pour les électeurs votant par bulletin papier et donc, ceux qui votent par urne électronique ne découvrent bien souvent la liste des candidats que lors du scrutin, dans le bureau de vote. Ce manque d'informations concernant l'élection quant au nom des candidats nuit à la qualité et à la transparence des scrutins que les électeurs sont en droit d'attendre.
Des informaticiens remettent en cause le principe du vote électronique du fait de sa non-fiabilité et de l'absence de contrôles a priori sur les codes sources.
Le ministère de l'intérieur a restreint les conditions d'utilisation de ces machines. Partout en Europe et dans les pays démocratiques, leur usage est en déclin, du fait de l'absence d'infaillibilité et de contrôle citoyen sur les opérations de vote.
Un rapport parlementaire du Sénat (n° 445, 2013-2014), présenté par les sénateurs Alain ANZIANI et Antoine LEFÈVRE, recommande la poursuite du moratoire sur l'extension des machines à voter introduit en 2007. Ce moratoire présente l'avantage de ne pas permettre la prolifération des machines à voter pour les élections générales. Néanmoins, il n'a pas d'incidence sur leur usage par les soixante-quatre communes qui y ont toujours recours.
Aussi, afin de garantir les mêmes conditions d'exercice du droit de vote à l'ensemble des citoyens le présent amendement propose de supprimer l'article L. 57-1 du code électoral et d'interdire le recours à des urnes électroniques dans les futurs scrutins généraux car il revient aux seuls citoyens de contrôler l'ensemble des opérations électorales.
Le présent amendement supprime également les références à l'article L. 57-1 du code électoral pour les différentes opérations de vote.
NB :La rectification consiste en un changement de place d'un article additionnel après l'article 26 vers un article additionnel après l'article 40 AA.