Proposition de résolution Réformer les méthodes de travail du Sénat
Direction de la Séance
N°7 rect.
12 mai 2015
(1ère lecture)
(n° 428 , 427 )
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G | |
Retiré |
présenté par
MM. COLLOMBAT et MÉZARD
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 15 (CONFLITS D'INTÉRÊTS)
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 45 du Règlement est ainsi rédigé :
« Art. 45. – 1. – Dans le cas prévu à l’alinéa 1 de l'article 28 ter, le Bureau de la commission saisie au fond contrôle la recevabilité, au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, des propositions de loi, amendements et sous amendements en commission. En cas de doute, le Bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales est consulté.
« 2. – Le président de la commission saisie au fond transmet au Bureau de la commission des finances ou au Bureau de la commission des affaires sociales les amendements susceptibles d’irrecevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution ou de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
« Le Bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales se prononce sur leur recevabilité par avis motivé, non tautologique.
« Cette décision peut faire l’objet d’un recours auprès du président du Sénat qui se prononce par avis motivé après avoir entendu le requérant, à sa demande.
« La discussion des amendements en cours d’examen est réservée jusqu’au terme de la procédure.
« Les amendements déclarés définitivement irrecevables ne sont pas mis en distribution.
« 3. – Il est procédé selon les mêmes règles à l'encontre d'un amendement contraire à l'une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.
« 4. – Tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 40 de la Constitution, sur une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ou sur l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. L’examen des propositions de loi, des amendements et sous-amendements en question est réservé tant que le Bureau de la commission des finances ou celui de la commission des affaires sociales ne s’est pas prononcé, conformément à la procédure prévue à l’alinéa 2 du présent article.
« Avec l’accord du président de séance, le représentant du Bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales peut demander au Gouvernement et à l'auteur de l'amendement, qui disposent de la parole durant cinq minutes, de faire valoir leurs arguments.
« En l’absence de conciliation des points de vue, le Sénat se prononce à main levée.
« 5. – L'irrecevabilité tirée de l'article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu'elle est opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat en séance publique, la séance est, s'il y a lieu, suspendue jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué, si l'irrecevabilité est opposée à une proposition ; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l'article sur lequel il porte est réservée jusqu'à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué.
« 6. – Dans tous les cas prévus à l'alinéa précédent, il n'y a pas lieu à débat. Le Président du Sénat peut consulter le président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale ou un membre du Bureau de cette commission désigné à cet effet. L'irrecevabilité est admise de droit lorsqu'elle est confirmée par le Président du Sénat ou, selon le cas, par le Gouvernement. S'il y a désaccord entre le Président du Sénat et le Gouvernement, le Conseil Constitutionnel est saisi à la demande de l'un ou de l'autre et la discussion est suspendue jusqu'à la notification de la décision du Conseil Constitutionnel, laquelle est communiquée sans délai au Sénat par le Président. »
Objet
Imaginé dans un contexte d’instabilité gouvernementale, l’article 40 fait partie de l’arsenal mis en place par la constitution de 1958, sous le nom de « parlementarisme rationalisé » pour protéger le gouvernement d’une guérilla parlementaire entravant son action par le biais d’augmentations de dépenses ou de limitations de recettes, initiatives susceptibles de mettre en péril l’équilibre budgétaire. Plusieurs initiatives en ce sens avaient d’ailleurs été faites antérieurement (cf. projet de loi Félix Gaillard 16/01/1958).
Constatons qu’au fil du temps le Conseil Constitutionnel puis le Parlement lui-même, organisant sa propre obsolescence politique, vont faire prévaloir l’article 40 sur les articles 39 et 44 de la Constitution, réduisant comme peau de chagrin la capacité réelle d’initiative et d’amendement des députés et des sénateurs. Au final, ce n’est plus la Constitution dont le principal objet est d’organiser l’équilibre des pouvoirs, validée par le peuple souverain, qui s’impose mais une construction « juridique » patiemment tissée destinée à neutraliser le Parlement…avec son consentement actif, ce qui n’est pas le moindre des paradoxe.
Dans l’avant-propos à son récent Rapport d'information (N°263 ; 07/01/2014) consacré à la recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat, Philippe Marini, « juge de la recevabilité des initiatives parlementaires au regard de l’article 40 et de la LOLF » selon son expression, explique que « ce rapport ne se veut pas un simple catalogue de décisions. Au contraire, il tente d’expliquer les raisonnements juridiques qui les ont sous-tendues et de faire apparaître la cohérence des analyses, dans lesquelles l’aléa n’a pas sa place. » On ne saurait mieux exposer comment neutraliser, proprement, la démocratie.
L’évolution des modalités d’application de l’article 40 de la Constitution de la Vème République est donc une voie privilégiée pour comprendre comment le Parlementarisme rationalisé de 1958, réponse adaptée aux problèmes politiques d’une époque s’est transformé en Parlementarisme lyophilisé, entravant l’évolution des institutions pour faire face aux problèmes d’aujourd’hui.
Si au départ la fonction de l’article 40 et de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel était de protéger un exécutif encore menacé d’un Parlement fort, à partir des années quatre-vingt-dix cela a été surtout, dans le silence de la Constitution, d’imposer la vulgate financière européenne sédimentée dans les traités. C’est désormais cette logique et non plus celle de la Constitution qui prévaudra dans l’examen de la recevabilité des amendements parlementaires.
Ainsi nous dit Philippe Marini : « il apparaît que le champ de l'article 40 recouvre, à minima, celui des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, dont les règles sont définies par le système européen des comptes nationaux et régionaux (SEC 95) » Autant dire que le général de Gaulle avait anticipé Maastricht !
S’interrogeant sur « les frontières » de l’article 40, autre miracle de l’harmonie préétablie, elles coïncident avec celles du droit européen : « Ainsi, seront en principe dans le champ de l'article 40 les organismes dont le financement repose majoritairement sur une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatif à l'interdiction des aides d'Etat. Pour apprécier le caractère public d'une ressource, le juge européen se fonde notamment sur le contrôle exercé par l'Etat sur la ressource utilisée, le statut de l'organe assurant la gestion de cette ressource et la nature de la ressource. »
Le plus étonnant c’est que ni le Conseil Constitutionnel, ni même le Gouvernement ne seront à l’origine de cette extension à l’infini du champ d’application de l’article 40 mais des parlementaires eux-mêmes, en tous cas au Sénat, des présidents successifs de la commission des lois, depuis que le Conseil Constitutionnel a demandé à la chambre haute d’« assurer un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt », comme c’était le cas à l’Assemblée Nationale.
En principe, au Sénat le contrôle des amendements en séance est assuré par la commission des finances (article 45). En réalité par le président de la commission des finances ou plus exactement par des fonctionnaires de la commission des finances sous la responsabilité du président. Si c’est pour tous une charge, certains y trouvent une occasion d’exercice spirituel.
Constatons donc que la jurisprudence du conseil constitutionnelle n’est pas seule responsable de l’amputation grave du pouvoir d’initiative et d’amendement des parlementaires par le biais de l’irrecevabilité financière de leurs propositions.
Le fonctionnement non transparent et solitaire de la procédure de vérification, l’impossibilité de pouvoir faire appel des décisions en est de plus en plus la cause.
C’est à cela que vise à remédier cet amendement.
NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.