COM(2023) 338 FINAL  du 20/06/2023

Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)


Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant la facilité pour l'Ukraine - COM(2023) 338

La création d'une facilité pour l'Ukraine, représentant un montant de 50 milliards d'euros (en prix courants) au cours de la période 2024-2027, est l'une des principales mesures présentées par la Commission européenne dans sa proposition de révision du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. Elle serait financée par des prêts garantis au-delà des plafonds du CFP et par un nouvel instrument spécial, toujours au-delà des plafonds du CFP, intitulé « la réserve pour l'Ukraine », destinée à financer toutes les dépenses autres que celles destinées aux prêts (aide non remboursable, subventions, provisionnement de garanties...).

Sur le fondement des articles 2121(*) et 3222(*) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la proposition de règlement COM(2023) 338 final définit ce nouvel instrument que la Commission propose d'établir pour répondre à la fois aux besoins de redressement à court terme ainsi qu'à la reconstruction et à la modernisation à moyen terme de l'Ukraine.

Cette nouvelle facilité s'articulerait autour de trois piliers :

· un premier pilier couvrant le soutien financier apporté à l'Ukraine à la fois sous forme d'une aide non remboursable et sous forme de prêts ;

· un deuxième pilier conçu comme un cadre d'investissement pour l'Ukraine en vue d'attirer des investissements privés et publics en faveur du redressement et de la reconstruction de ce pays. Il compléterait l'ensemble des instruments financiers existants (financements mixtes et garanties) ;

· un dernier pilier destiné à fournir une assistance technique et d'autres mesures d'appui, y compris la mobilisation de l'expertise en matière de réformes, les subventions aux municipalités ou d'autres formes d'aide bilatérale. Ce pilier couvrirait également les bonifications d'intérêts pour les prêts accordés à l'Ukraine au titre du premier pilier.

Afin que l'aide prévue par le premier pilier puisse être versée, le gouvernement ukrainien préparera, en étroite concertation avec la Commission européenne, un plan présentant à la fois sa vision pour le redressement du pays, sa reconstruction et sa modernisation, ainsi que les réformes qu'il entend entreprendre dans le cadre du processus d'adhésion à l'Union. Ce plan, qui sera ensuite approuvé par l'Union européenne, comportera des conditions, assorties d'un calendrier de réalisation, liées à des exigences essentielles (stabilité macrofinancière, contrôle budgétaire, gestion des finances publiques...) ainsi qu'à des réformes sectorielles et structurelles ou encore à des investissements.

Des conditions3(*) devront être respectées pour permettre le décaissement des fonds, selon un calendrier qui sera également préétabli.

Selon l'exposé des motifs, ce nouvel instrument vise à doter l'Union d'une base juridique lui permettant « d'exercer un effet de levier financier à la mesure de son ambition politique, conformément à son engagement à long terme. Adossé à un plan proposé par l'Ukraine et approuvé avec elle qui sert de cadre global pour les réformes et les investissements, l'instrument proposé va au-delà de ce que peuvent offrir les instruments existants, tels que l'assistance macrofinancière ou l'IVCDCI4(*) - Europe dans le monde ».

Dès le début de l'agression de l'Ukraine par la Fédération de Russie, l'Union européenne a apporté un soutien très significatif à l'Ukraine. Des prêts très avantageux ont été octroyés par l'intermédiaire de l'assistance macrofinancière d'urgence (1,2 milliard d'euros en 2022), de l'assistance macrofinancière exceptionnelle (6 milliards d'euros en 2022) et du programme d'assistance macrofinancière Plus (AMF+, pour un montant de 18 milliards d'euros en 2023). En outre, un train de mesures d'un milliard d'euros combine des fonds au titre de l'IVCDCI - Europe dans le monde et de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) soutenus par le budget de l'Union.

Les droits de douane ont été supprimés dans le cadre de la zone de libre-échange approfondi et complet (DCFTA) et l'Union européenne a inclus l'Ukraine dans son programme pour le marché unique dans le but de soutenir ses petites et moyennes entreprises. Un plan d'action prioritaire révisé pour une meilleure mise en oeuvre de la zone de libre-échange entre l'Union et l'Ukraine au cours de la période 2023-2024 a été adopté dans le but d'accélérer l'intégration de l'Ukraine au marché unique. L'Union a également ouvert à l'Ukraine la possibilité de présenter des projets communs avec ses États membres pour le développement de points de passage frontaliers dans le cadre du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) et pris des mesures pour faciliter la participation des personnes déplacées ukrainiennes au programme Erasmus pour jeunes entrepreneurs.

L'exposé des motifs de la proposition de règlement avance ainsi que « les dommages causés à l'Ukraine par la guerre d'agression menée par la Russie sont d'une ampleur telle que l'Ukraine nécessitera un soutien important et durable qu'aucun État membre à lui seul ne pourrait fournir. L'Union dispose d'une position unique pour fournir une aide extérieure à l'Ukraine qui soit à la fois inscrite dans le long terme et fournie en temps utile, de manière coordonnée et prévisible. L'Union peut mobiliser sa capacité d'emprunt pour prêter à l'Ukraine à des conditions avantageuses et couvrir le coût des taux d'intérêt; elle peut aussi allouer des subventions et des garanties dans une perspective pluriannuelle ». La proposition de la Commission précise également que « l'objectif consistant à préparer les pays candidats et les candidats potentiels à l'adhésion à l'Union peut également être mieux pris en compte au niveau de l'Union ».

Ces différents éléments, cohérents avec la stratégie déployée jusqu'ici par l'Union européenne et notamment avec l'octroi à l'Ukraine du statut de pays candidat, permettent de justifier l'intérêt de ce nouvel instrument au regard du respect du principe de subsidiarité.

En outre, pour pouvoir entrer en vigueur, ce nouvel instrument suppose une révision du cadre financier pluriannuel, elle-même subordonnée à une ratification par les parlements nationaux, qui auront donc à approuver cette décision.

Compte tenu de ces éléments et justifications, et notamment du nécessaire examen par le Parlement français du projet de loi de ratification de l'éventuelle révision du cadre financier pluriannuel qui conditionne le déploiement de cette facilité pour l'Ukraine que propose de créer la Commission, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Cet article stipule notamment que « l'Union mène des actions de coopération économique, financière et technique, y compris d'assistance en particulier dans le domaine financier, avec des pays tiers autres que les pays en développement. Ces actions sont cohérentes avec la politique de développement de l'Union et sont menées dans le cadre des principes et objectifs de son action extérieure. Les actions de l'Union et des États membres se complètent et se renforcent mutuellement ».

* 2 Cet article stipule que le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, et après consultation de la Cour des comptes, adoptent par voie de règlements les règles financières qui fixent notamment les modalités relatives à l'établissement et à l'exécution du budget et à la reddition et à la vérification des comptes, ainsi que les règles qui organisent le contrôle de la responsabilité des acteurs financiers, et notamment des ordonnateurs et des comptables.

* 3 Réforme de l'administration publique, bonne gouvernance, État de droit, bonne gestion financière (systèmes de gestion et de contrôle adaptés, lutte contre la corruption et la fraude), rapprochement avec l'acquis de l'Union...

* 4 Instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale.


Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 13/07/2023


Budget de l'Union européenne

Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE, Euratom) 2020/2093 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027 

COM (2023) 337 final - Texte E 17938

Proposition de règlement du Parlement européen
et du Conseil établissant la facilité pour l'Ukraine

COM (2023) 338 final - Texte E 17972

(Procédure écrite du 11 décembre 2023)

Ces deux propositions de règlement, ainsi que la proposition COM(2023) 335 final relative à la plateforme STEP, détaillée dans une note ci-dessous (rubrique Marché intérieur, économie, finances et fiscalité), visent à réviser à mi-parcours le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027.

Le règlement fixant le cadre financier pluriannuel (CFP) de l'UE pour la période 2021-2027 a été adopté par le Conseil, après approbation du Parlement européen, le 17 décembre 2020. Le CFP prévoit pour ces sept ans 1 074 milliards d'euros, auxquels se sont ajoutés 750 milliards d'euros du plan de relance européen Next Generation EU.

L'accord conclu en 2020 excluait explicitement le principe d'une révision à mi-parcours1(*). La Commission a cependant estimé indispensable de réaliser une révision du CFP 2021-2027, compte tenu de la situation particulière liée à la guerre en Ukraine depuis plus d'un an et de l'évolution du contexte macro-économique. Présentées le 20 juin 2023, ces propositions sont composées de trois textes législatifs :

- une proposition de règlement sur la mise en place d'une facilité pour l'Ukraine, fondée sur des prêts, des subventions et des garanties, d'une capacité globale de 50 Md€ ;

une proposition de règlement COM(2023) 335 final sur la mise en place d'une plateforme européenne des technologies stratégiques (STEP) dotée d'un budget de 10 Md€ et destinée à promouvoir la compétitivité à long terme de l'UE et à encourager les investissements dans les technologies critiques ;

- une proposition de règlement visant à modifier le règlement (EU, Euratom) 2020/2093 fixant le CFP pour les années 2021-2027 qui, outre les conséquences budgétaires des deux propositions législatives, prévoit :

· Un nouvel instrument « EURI » pour faire face à la hausse des coûts de financement de Next Generation EU due à l'augmentation des taux d'intérêt ;

· Un renforcement du budget de l'UE de 18 Md€ pour faire face aux crises migratoires ;

· Un financement supplémentaire des dépenses administratives de 1,9 Md€ afin notamment de tenir compte de l'inflation et des missions supplémentaires confiées à la Commission.

· Si les mesures de soutien à l'Ukraine font globalement consensus, des critiques ont en revanche été émises, notamment par la France, sur le montant de la révision du CFP consacré aux dépenses administratives de la Commission. Par ailleurs, plusieurs États, dont l'Espagne, demandent à ce que des pistes concrètes de redéploiements budgétaires soient identifiés pour financer les besoins additionnels. De leur côté, les États frugaux, dont l'Allemagne, ont appelé à se concentrer sur le plus urgent, à savoir le soutien à l'Ukraine, quand d'autres États font pression pour la prise en compte d'autres priorités, en particulier les enjeux migratoires.

Fin novembre 2023, alors qu'un accord sur le budget pour 2024 de l'UE a été obtenu, la position du Conseil sur la révision du CFP 2021-2027 était toujours attendue.

Compte tenu de ces éléments, la commission a décidé de ne pas intervenir plus avant sur ces textes.


* (1) 1 À l'inverse, pour le CFP 2014-2020, une révision à mi-parcours avait été actée et constituait même une des conditions à l'accord trouvé entre le Conseil et le Parlement.