
Lancée le 19 mars 2025 et confiée à Viviane Artigalas, Martine Berthet et Yves Bleunven, la mission d’information sur le logement des jeunes a rendu ses conclusions le mercredi 15 octobre.
Pourquoi ce contrôle ?
17,6 % : c'est la part que représentent les jeunes âgés de 18 à 29 ans dans la population française en 2024. Ils représentent une population plurielle : 37,4 % des jeunes de 15 à 24 ans sont étudiants, 42,5 % sont en emploi, quand 18,1 % ne sont ni en étude ni en emploi - ces chiffres recouvrant également des situations hybrides.
Si les jeunes étudiants sont bien identifiés par les politiques du logement, les jeunes non-étudiants ou les jeunes actifs le sont beaucoup moins, alors qu'ils représentent une population vulnérable, affectée davantage que d'autres catégories par la crise du logement, notamment par les loyers de plus en plus élevés et par la concurrence de la location saisonnière dans les zones tendues.
Ils subissent aussi davantage le mal-logement (surpeuplement, passoires énergétiques notamment) et rencontrent des difficultés dans l'accès au logement du fait des garanties demandées par les bailleurs.
Compte tenu des spécificités des besoins des jeunes et de la longueur des procédures d'attribution, la mobilisation du parc social en faveur du logement des jeunes reste limitée.
La mission d'information sur le logement des jeunes s'attachera donc à proposer des outils visant à renforcer l'accès au logement des étudiants, des jeunes en apprentissage mais aussi des jeunes actifs, notamment dans un contexte de marché locatif. Elle s'intéressera également à l'accès à la propriété des jeunes ménages.
Quels constats et recommandations ?
Entre mars et octobre 2025, la mission d’information a entendu 22 organisations : associations, administrations, bailleurs sociaux, gestionnaires de résidences ou encore représentants d’élus locaux.
Elle dresse le constat d’une situation économique et sociale alarmante de la jeunesse. Entre 2002 et 2019, le taux de pauvreté des 18-29 ans a augmenté de plus de quatre points. Hormis les moins de 18 ans, aucune autre tranche d’âge n’a connu une telle hausse.
La crise du logement frappe les jeunes de plein fouet. Ils cumulent en effet des « facteurs de précarité » à l’égard du logement : ils sont à la recherche de logements de petite taille, pour des courtes durées, dans des zones où la demande explose. Sur le marché locatif privé, ils se heurtent à la concurrence de ménages plus solvables à laquelle s’ajoute la pression de la location touristique meublée.
Au terme de leurs travaux, les rapporteurs formulent 25 propositions, qui peuvent être résumées en 3 actions : programmer, accompagner et innover.
Programmer :
Les rapporteurs recommandent de créer les conditions d’une véritable programmation du logement pour tous les jeunes, allant au-delà du public étudiant pour inclure aussi les jeunes actifs ou encore les saisonniers dont plus de 40 % ont moins de 26 ans. La politique du logement des jeunes est effectivement centrée sur les étudiants, dont les besoins sont indéniables. Néanmoins, à partir de 21 ans, les jeunes non-étudiants sont majoritaires au sein de la classe d’âge des 18-29 ans !
Pour ce faire, ils sont en faveur de la généralisation des observatoires territoriaux du logement étudiant (OTLE), outils précieux de l’élaboration des programmes locaux de l’habitat et de la planification des aides à la pierre.
- Les rapporteurs recommandent aussi d’améliorer la lisibilité de l’offre et de cesser la segmentation stricte entre étudiants et jeunes actifs, de moins en moins adaptée à la porosité des statuts des jeunes, pour expérimenter des modèles mixtes.
Accompagner :
- Les rapporteurs estiment indispensable d’engager une réflexion sur le modèle économique des gestionnaires de résidences « jeunes » qui est fragilisé face à des besoins grandissants. Plus particulièrement, le modèle du FJT doit être valorisé car il est un véritable tremplin vers l’autonomie.
- Dans le parc privé, les rapporteurs invitent le Gouvernement à faire preuve de prudence concernant les APL qui sont le principal outil de solvabilisation des jeunes.
- Pour faire face à la concurrence de la location meublée touristique, ils recommandent de rendre possible, pour les collectivités volontaires, la création d’un régime de déclaration des baux mobilité pour mieux document les dévoiements.
Innover :
- Les rapporteurs recommandent de consacrer un droit des collectivités de déroger, par convention avec l’État, à certaines normes lorsqu’elles expérimentent des solutions adaptées à leur territoire. Les territoires sont en effet au premier rang pour déployer des solutions, parfois dans l’urgence, pour répondre à une demande localisée liée à l’implantation d’entreprises. Malgré leur volontarisme, ils se heurtent souvent à un cadre juridique inadapté qui est un frein à l’innovation. De récents projets de tiny houses en témoignent.
- L’innovation peut aussi permettre de favoriser l’accès des jeunes au logement social. Le parc social compte peu de petits logements et ils sont extrêmement demandés. Comme la commission des finances en juillet 2025, les rapporteurs encouragent le développement d’un modèle de financement pour ces logements dont le loyer au mètre carré ne permet pas d’équilibrer l’opération.
- Enfin, les rapporteurs soulignent que la propriété reste une aspiration pour les jeunes, synonyme de stabilité et de réussite sociale. Ils recommandent de mener une réflexion sur un dispositif de soutien ciblé sur les jeunes générations, alliant, comme dans certains pays du nord de l’Europe, encouragement à l’épargne, garanties de l’État et bonifications de taux d’intérêts qui permettent d’assurer une action contracyclique.