Sommaire
Présidence de M. Georges Patient
Secrétaires :
Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
création d’une ligue alsace de tennis
Question n° 1779 de M. Christian Klinger. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; M. Christian Klinger.
Question n° 1794 de Mme Corinne Imbert. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; Mme Corinne Imbert.
passe sanitaire dans les stades, clubs et associations sportives
Question n° 1807 de Mme Christine Lavarde. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; Mme Christine Lavarde.
conséquences du ségur de la santé pour les établissements privés de santé
Question n° 1795 de M. Gilbert Bouchet. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement.
Question n° 1686 de M. Bruno Belin. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; M. Bruno Belin.
déploiement des bracelets anti-rapprochement
Question n° 1739 de Mme Martine Filleul. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; Mme Martine Filleul.
agrément aux associations spécialisées dans l’aide aux femmes victimes de violences
Question n° 1806 de Mme Laurence Rossignol. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement ; Mme Laurence Rossignol.
secteur des services à domicile
Question n° 1375 de Mme Anne-Catherine Loisier. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Anne-Catherine Loisier.
Question n° 1811 de Mme Laure Darcos. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Laure Darcos.
exonération de taxe sur le foncier non bâti pour les agriculteurs en conversion biologique
Question n° 1826 de M. Alain Cazabonne. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; M. Alain Cazabonne.
projet d’amendement gouvernemental relatif au financement de l’électrification rurale
Question n° 1802 de M. Guillaume Chevrollier. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Question n° 1810 de Mme Florence Blatrix Contat. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Florence Blatrix Contat.
circulation des poids lourds dans la commune du Bonhomme et dans le massif des vosges
Question n° 1769 de Mme Patricia Schillinger. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; Mme Patricia Schillinger.
baisse de l’offre de transport ferroviaire à destination du sud-ouest
Question n° 1718 de Mme Nathalie Delattre. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
conditions de raccordement électrique des parcs éoliens
Question n° 1774 de M. Yves Bouloux. – M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Suspension et reprise de la séance
dysfonctionnement des services chargés de l’égalité entre les sexes
Question n° 1827 de M. Jean Louis Masson. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; M. Jean Louis Masson.
stratégies « de la ferme à la table » et « biodiversité »
Question n° 1696 de Mme Pascale Gruny. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; Mme Pascale Gruny.
Question n° 1787 de M. Patrice Joly. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
aide financière dans le cadre de la lutte contre la bactérie « xylella fastidiosa »
Question n° 1804 de Mme Gisèle Jourda. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; Mme Gisèle Jourda.
dispositions applicables aux agents bénéficiant d’une autorisation spéciale d’absence
Question n° 1813 de M. Laurent Burgoa. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; M. Laurent Burgoa.
ambition pour le site renault de choisy-le-roi
Question n° 1831 de M. Laurent Lafon. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; M. Laurent Lafon.
automatisation de la garantie jeunes pour les majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance
Question n° 1778 de M. Rémi Cardon. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; M. Rémi Cardon.
situation des urgences à l’hôpital bicêtre
Question n° 1788 de Mme Laurence Cohen. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
pénurie de médecins et classement des communes en zone de vigilance
Question n° 1591 de M. Bernard Bonne. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; M. Bernard Bonne.
prise en charge chirurgicale en mode hyper-ambulatoire
Question n° 1829 de Mme Catherine Deroche. – Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances ; Mme Catherine Deroche.
conséquences du report du recensement sur la dotation globale de fonctionnement des collectivités
Question n° 1808 de M. Pierre-Antoine Levi. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; M. Pierre-Antoine Levi.
devenir des régies publiques après les fermetures administratives successives
Question n° 1678 de M. Jean-Michel Arnaud. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; M. Jean-Michel Arnaud.
Question n° 1454 de M. Dominique Théophile. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville.
protection et législation applicable à un dolmen
Question n° 1770 de M. Philippe Bonnecarrère. – Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville ; M. Philippe Bonnecarrère.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
3. Mise au point au sujet d’un vote
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Candidatures à des commissions mixtes paritaires
6. Les droits des personnes en situation de handicap sont-ils effectifs et respectés ? – Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste
7. Harcèlement scolaire et cyberharcèlement. – Débat organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires
Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Georges Patient
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
création d’une ligue alsace de tennis
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 1779, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports.
M. Christian Klinger. Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre chargée des sports sur le projet de création d’une ligue de tennis Alsace et sur les difficultés rencontrées sur ce sujet par les instances du tennis alsacien avec la Fédération française de tennis, la FFT.
À la suite des accords de Matignon et de la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, depuis le 1er janvier 2021, les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont été regroupés sous le nom de « Collectivité européenne d’Alsace », ou CEA.
L’article 5 de cette loi dispose que les fédérations sportives agréées ont la possibilité de créer des organes infrarégionaux à l’échelle de la CEA. Le projet de création d’une ligue Alsace était donc en cours et avait obtenu l’accord de l’ancienne équipe dirigeante de la FFT et du ministère chargé des sports.
Cette ligue devait voir le jour le 1er septembre 2021. L’actuel président de la FFT, M. Gilles Moretton, s’était également déclaré en faveur de la ligue Alsace, durant la campagne de renouvellement des instances dirigeantes.
Toutefois, les nouvelles instances dirigeantes de la FFT ont opéré un revirement après les élections et ont mis un terme à ce projet. Ce rétropédalage est parfaitement regrettable, car il ne respecte ni les engagements pris par la FFT ni la volonté des clubs alsaciens, qui se sont exprimés en assemblée générale en faveur de la création de la ligue Alsace, à près de 95 % pour le Haut-Rhin et de 97 % pour le Bas-Rhin.
Aussi, que compte faire Mme la ministre chargée des sports pour que les fédérations sportives respectent l’esprit de la loi du 2 août 2019 et la volonté exprimée démocratiquement par les clubs ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Christian Klinger, permettez-moi de vous apporter la réponse de la ministre chargée des sports, qui est malheureusement retenue et dont je me fais la porte-parole.
À l’issue d’un large processus démocratique et sous l’impulsion du Premier ministre, la loi du 2 août 2019 a créé la Collectivité européenne d’Alsace, qui regroupe les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin depuis le 1er janvier 2021.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, des compétences spécifiques ont été confiées à la nouvelle collectivité territoriale, mais les circonscriptions administratives de l’État dans les deux départements ne sont pas modifiées. Les services préfectoraux, d’une part, et ceux de l’éducation nationale, d’autre part, demeurent l’échelon départemental.
Dans le domaine du sport, monsieur le sénateur, l’article 5 de cette loi prévoit que « les fédérations culturelles et sportives agréées peuvent créer des organes infrarégionaux à l’échelle de la collectivité européenne d’Alsace ». Il s’agit donc pour ces organes infrarégionaux de trouver une place dans l’organisation territoriale de la région Grand Est.
En l’occurrence, l’annexe du code du sport prévoit déjà la possibilité pour des fédérations sportives agréées de solliciter auprès du ministère chargé des sports une dérogation pour que le ressort territorial des ligues régionales ou des comités départementaux diffère de celui des services déconcentrés du ministère. Il s’agit ainsi de créer un régime d’exception.
En outre, le code du sport précise que cette dérogation est envisageable, sous réserve de justification et en l’absence d’opposition motivée du ministère chargé des sports.
Comme Mme la ministre chargée des sports le confirme régulièrement, ce cadre réglementaire préexistant dans le code du sport permet à la loi de du 2 août 2019 de trouver sa pleine application sans qu’un nouveau décret d’application soit nécessaire.
Dans ce contexte, la Fédération française de tennis avait initialement envisagé de saisir le ministère chargé des sports d’une demande de création d’une ligue régionale d’Alsace de tennis, et le ministère avait confirmé qu’il examinerait toute demande motivée que la fédération lui adresserait en ce sens, l’organisation territoriale des fédérations relevant de la responsabilité souveraine du mouvement sportif, par l’intermédiaire du choix de chaque fédération sportive qui exerce son activité en toute indépendance.
La ministre chargée des sports ne peut que confirmer que le ministère instruira toute demande motivée qui lui sera présentée par la FFT et souhaite accompagner toute demande issue du consensus trouvé entre les acteurs.
M. le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Madame la secrétaire d’État, nous attendons du ministère chargé des sports qu’il intercède auprès de la FFT pour qu’une réponse positive soit apportée à cette demande, qui émane d’un processus démocratique – 95 % des clubs du Haut-Rhin et 97 % de ceux du Bas-Rhin formulent ce souhait, on peut difficilement faire mieux !
Certes, les fédérations sportives sont indépendantes, mais l’État exerce un devoir de contrôle sur ces instances et veille aussi au respect des lois et des règlements en vigueur par les fédérations, comme le précise l’article L. 111-1 du code du sport.
Nous attendons donc un geste de la part du Gouvernement.
éligibilité au pass’sport
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, auteure de la question n° 1794, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports.
Mme Corinne Imbert. Le Pass’Sport est une allocation de rentrée sportive de 50 euros par enfant, dont l’objectif est de financer l’inscription dans une structure sportive. Il s’adresse aux enfants de 6 à 17 ans, bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire ou de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.
On estime que ce dispositif permet l’inscription sportive de 5,4 millions d’enfants chaque année. Cependant, on note que le Pass’Sport ne peut être utilisé qu’auprès des associations volontaires affiliées à une fédération sportive et, dans les quartiers prioritaires de la ville, auprès de toutes les associations sportives agréées participant au dispositif.
Or, en milieu rural, des associations ne sont pas affiliées à une fédération sportive. Je pense notamment au comité sportif départemental des foyers ruraux. De fait, ces structures se retrouvent exclues du dispositif, ce qui crée une iniquité territoriale évidente.
Madame la secrétaire d’État, ma question est très simple. Le Gouvernement entend-il rectifier cette situation et permettre l’accès au dispositif Pass’Sport dans l’ensemble du territoire national ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice, vous l’avez rappelé, le Pass’Sport est bien une allocation de rentrée sportive. Elle a été dotée de 100 millions d’euros, et ce budget sera reconduit dans le projet de loi de finances pour 2022.
Il s’agit là d’une véritable avancée, qui illustre l’engagement du Gouvernement pour démocratiser l’accès au sport et la pratique sportive. Ces 100 millions d’euros servent à soutenir la prise de licence dans les clubs sportifs, à favoriser la reprise des activités pour le plus grand nombre, mais aussi à lutter contre les inégalités et ce fléau sanitaire qu’est la sédentarité.
Le dispositif Pass’Sport a été coconstruit depuis l’origine avec le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF.
Pour la première année de sa mise en œuvre, il a principalement été adressé aux associations affiliées et aux fédérations sportives agréées par le ministère chargé des sports, ce qui représente plus de 150 000 associations sportives. Il a également été ouvert aux associations bénéficiant d’un agrément sport ou jeunesse éducation populaire délivré par le préfet, installées ou implantées dans des quartiers politique de la ville ou des territoires dits « cités éducatives ».
Cela concerne donc les associations sociosportives qui œuvrent déjà pour le bénéfice des jeunes, mais aussi, plus largement, madame la sénatrice, des structures qui sont éligibles au Pass’Sport, l’idée étant de s’appuyer sur un réseau d’associations ayant reçu un agrément.
Il s’agit là d’une mesure de simplification à destination des fédérations sportives agréées, reposant sur le fait que les conditions de fond pour l’agrément préfectoral sont les mêmes que pour l’affiliation aux associations sportives et aux fédérations.
Ce dispositif s’applique naturellement sur l’ensemble du territoire national. Les associations sportives, qu’elles se trouvent en milieu rural ou non, ont la possibilité de s’affilier à une ou plusieurs fédérations sportives et de devenir ainsi éligibles au dispositif Pass’Sport. Celles qui font le choix de ne pas s’affilier à une fédération sportive agréée, parce qu’elles ne se reconnaissent pas dans cette organisation par exemple, ne peuvent donc pas, à l’heure actuelle, prétendre au Pass’Sport et en bénéficier.
Cependant, madame la sénatrice, votre question est d’actualité : au regard des demandes et des propositions, il convient d’envisager des évolutions. Dans cette perspective, le 15 octobre prochain, un premier bilan sera dressé et toutes les propositions visant à élargir les structures éligibles au Pass’Sport seront étudiées.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, qui me laisse espérer une suite favorable à cette situation.
La Fédération des foyers ruraux œuvre aussi pour accompagner les jeunes vers des activités sportives. Ne laissez pas de trou dans la raquette, si vous me permettez cette expression sportive. (Sourires.) Ce serait dommage ! Faites en sorte qu’il n’y ait pas d’iniquité territoriale.
Je suivrai avec attention et intérêt l’évolution de ce dispositif, qui est une bonne initiative. Nous sommes tous convaincus de l’intérêt du sport en termes de bienfaits pour la santé comme du point de vue éducatif. Les foyers ruraux jouent un rôle important.
passe sanitaire dans les stades, clubs et associations sportives
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, auteur de la question n° 1807, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée des sports.
Mme Christine Lavarde. Sans transition, nous passons du Pass’Sport au passe sanitaire dans le sport ! (Sourires.)
J’aurais aimé poser ma question à Mme Maracineanu elle-même, dans la mesure où elle a pratiqué d’abord un sport qui nécessite plusieurs entraînements par semaine, puis, dans le même club que moi, un sport qui nécessite de transporter beaucoup de matériel. Ma question n’aurait donc pas manqué de résonner.
Depuis le mois de juillet dernier, les pratiquants d’une activité sportive doivent présenter leur passe sanitaire pour pouvoir entrer sur un terrain, quand bien même l’activité a lieu en plein air. Le décret publié le 7 août dernier prévoit que le contrôle des données est fait une fois et que les données ne sont pas conservées, tant et si bien que les associations doivent contrôler le passe sanitaire à chaque début d’entraînement.
Je relève que, dans la presse, un certain nombre de responsables de fédérations ont fait état des difficultés posées par le dispositif, notamment parce qu’il n’appartient pas aux bénévoles de mener ce type d’activité et que ceux-ci ne peuvent pas tout faire.
Conscient de ces difficultés, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, interviewé sur une radio le 28 septembre dernier, déclarait, parlant du passe sanitaire : « La règle qui a été retenue, c’est qu’on ne le présente qu’une fois. »
Ma question est donc simple : quelle règle les associations, qu’elles soient sportives ou culturelles, doivent-elles appliquer ? Est-ce celle qui est prévue par le décret du mois d’août dernier ou bien celle, non écrite, du ministre, laquelle implique alors en creux que ces structures puissent constituer un fichier leur permettant de recenser les adhérents qu’elles ont déjà contrôlés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice Lavarde, vous connaissez en effet la ministre Roxana Maracineanu, qui m’a écrit une réponse spécialement pour vous ! (Sourires.)
La situation épidémique que nous connaissons exige la présentation d’un passe sanitaire et le respect des gestes barrières. C’est en effet aujourd’hui le seul moyen de maintenir l’ensemble des activités sportives dans les conditions de sécurité sanitaire nécessaires.
Comme vous avez pu le constater, madame la sénatrice, pour cette rentrée sportive, le passe sanitaire est un sésame qui permet la pratique de toutes les disciplines sportives, même celles qui impliquent du contact ou qui se déroulent en intérieur, sans imposer de jauges ni de règles trop restrictives dans les stades pour les spectateurs.
Pour mettre en œuvre de manière fluide et efficace le passe sanitaire dans tous les établissements sportifs et dans tous les clubs de sport, le ministère chargé des sports est très régulièrement en contact avec tous les acteurs du sport, notamment le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF.
Le ministère chargé des sports accompagne en particulier l’ensemble des réseaux du sport, grâce à la création d’une cellule covid-19. Il communique des directives claires et transparentes via tous les canaux disponibles, qu’ils soient numériques ou en relais interne au sein des fédérations sportives, écoute et ajuste en fonction des problématiques de terrain soulevées.
Le contrôle du passe sanitaire est confié selon l’organisation la plus pertinente définie à l’échelon local aux personnes chargées de contrôler l’accès à un équipement sportif ou aux bénévoles ou professionnels qui organisent l’activité sportive au sein du club.
Dans le domaine sportif, les clubs connaissent bien leurs membres, leur identité figurant sur la licence sportive. Les clubs house et autres points de restauration sont soumis au passe sanitaire dans les conditions définies par le secteur café, hôtel, restaurant.
En conséquence, si le passe sanitaire doit être systématiquement contrôlé pour la pratique sportive, le pragmatisme de terrain pour les adhérents possédant un schéma vaccinal complet doit être de mise.
En ce qui concerne les jeunes licenciés qui auront 12 ans dans les semaines à venir, le passe sanitaire leur sera applicable à 12 ans et 2 mois ; à défaut de schéma vaccinal complet, les tests PCR et antigéniques, qui resteront gratuits pour ces jeunes, ou autotests sous contrôle d’un personnel de santé habilité, devront être présentés pour leur permettre de pratiquer leur activité.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Madame la secrétaire d’État, vous avez rappelé des éléments que l’on connaît déjà…
Vous parlez de pragmatisme, mais j’aurais voulu une réponse claire pour les associations : peuvent-elles, ou non, constituer une liste avec les adhérents qu’elles ont déjà contrôlés ? En l’état, c’est le décret qui s’applique !
conséquences du ségur de la santé pour les établissements privés de santé
M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet, auteur de la question n° 1795, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Gilbert Bouchet. Ma question est relative aux conséquences de la mise en œuvre du Ségur de la santé pour le secteur privé non lucratif. Ce secteur rassemble un grand nombre d’établissements ; je citerai en particulier le cas de l’institut La Teppe, dans mon département de la Drôme, spécialisé dans le traitement de l’épilepsie.
J’ai noté trois impacts négatifs majeurs.
Le premier impact est financier. Les décisions issues des accords du Ségur de la santé ont été transposées pour le personnel non médical sans compensation financière suffisante pour les organismes de tutelle. Ces nouvelles dispositions prévoient une revalorisation des salaires à hauteur de 238 euros bruts par mois, qui entraîne un surcoût important en termes de charges sociales patronales, ce qui met en difficulté financière ces établissements.
Le deuxième impact touche l’attractivité des maisons de santé, en particulier pour les personnels médicaux. Ces derniers ayant connaissance d’une revalorisation des salaires dans le secteur public demandent leur transfert dans des établissements de ce secteur, où l’augmentation est en vigueur.
Voilà qui pénalise les établissements privés, car le soutien habituel entre les structures hospitalières en cas d’absence de personnel ne pourra plus être assuré si les agents perdent leur prime en venant prêter main-forte dans les structures médico-sociales privées.
Le troisième impact concerne les médecins. L’évolution de leur salaire et la possibilité d’exercer une activité privée au sein des hôpitaux publics créent une distorsion avec le secteur privé à but non lucratif.
Qui plus est, je souhaite évoquer les oubliés du Ségur, ces professionnels qui exercent dans les structures accompagnant les personnes handicapées. Les dispositions prévues pour 2022 ne les satisfont pas, car seules certaines professions, qui plus est uniquement sous compétence de l’assurance maladie, verront leur situation évoluer.
Aussi, ces structures hospitalières privées comptent sur les orientations issues de la mission Laforcade et souhaitent que l’extension prévue se poursuive, pour permettre de travailler sur l’évolution de la rémunération des autres métiers et des établissements sociaux non concernés par ce protocole.
Ma question est la suivante : face à l’inquiétude grandissante pour la survie de ces établissements de santé, quelle aide peuvent-ils espérer afin de pouvoir continuer à exister ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Bouchet, je vous fais part de la réponse que le ministre des solidarités et de la santé m’a transmise.
L’attractivité des métiers du soin est évidemment le pilier central du Ségur de la santé. Ce dernier, il faut le rappeler, c’est plus de 9 milliards d’euros de revalorisations pour le système de santé, les établissements de santé, les établissements médico-sociaux publics et privés, ce que vous pourrez constater dans quelques semaines dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Toutes les mesures du Ségur sont financées dans le cadre de l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.
Monsieur le sénateur, vous évoquez les revalorisations dans le secteur privé, en particulier en ce qui concerne les établissements de santé privés. Dès la conclusion des accords du Ségur au mois de juillet 2020, la transposition a été prévue pour les personnels non médicaux, et elle a été mise en œuvre pour plus d’un million de professionnels.
Le complément de traitement indiciaire a été transposé pour les établissements de santé privés, et il en est de même de la revalorisation des grilles de soignants.
Si le Ségur de la santé ne prévoyait qu’une revalorisation des médecins de l’hôpital public, le Premier ministre a annoncé au mois de mars dernier une revalorisation salariale des médecins des hôpitaux privés non lucratifs. En ce qui concerne le secteur médico-social, un travail complémentaire entre l’État, les organisations syndicales et les employeurs a été mené pour favoriser l’attractivité des métiers du secteur, via la mission confiée à Michel Laforcade, que vous avez saluée, monsieur le sénateur.
Les personnels soignants et les accompagnants éducatifs et sociaux qui exercent aujourd’hui dans ces structures percevront une rémunération supplémentaire de 183 euros à compter du 1er janvier 2022. L’impact financier important induit par ces revalorisations sera entièrement pris en compte par l’assurance maladie.
Au-delà, monsieur le sénateur, le ministre des solidarités et de la santé, auquel je me joins, souhaitait préciser que les salariés et les agents des établissements médico-sociaux bénéficieront des revalorisations consécutives à la refonte des grilles de rémunérations des personnels paramédicaux – infirmiers, aides-soignants, filières de rééducation et microtechniques. Cette refonte interviendra cette année pour la fonction publique hospitalière et, dès 2022, pour le secteur privé.
agents du secteur sanitaire, social et médico-social privé et de la fonction publique territoriale oubliés du ségur
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, auteur de la question n° 1686, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Bruno Belin. Madame la secrétaire d’État, j’ai écouté avec attention la réponse que vous venez d’apporter à la question précédente.
Je reviens à mon tour sur les oubliés du Ségur, car le compte n’y est pas. Je serai très pragmatique, avec une question et un exemple simples : les résidences autonomie dans nos départements ne sont pas dans le dispositif Ségur.
Par conséquent, afin d’éviter des distorsions entre les différents emplois du secteur médico-social dans ces territoires, quand envisagerez-vous la revalorisation des salaires des personnels travaillant dans ces structures ? Quand celle-ci sera-t-elle mise en place, et avec quels montants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur, votre question est extrêmement directe et technique. Permettez-moi de vous faire part de la réponse du ministre des solidarités et de la santé.
Évidemment, le ministre des solidarités et de la santé est conscient des difficultés rencontrées par les professionnels du secteur social et médico-social. Le Gouvernement a pris des engagements forts, qui visent à reconnaître leur engagement et à leur apporter une meilleure reconnaissance.
Dans la continuité des travaux confiés à Michel Laforcade, un premier accord a été signé le 11 février dernier pour revaloriser l’ensemble des personnels non médicaux rattachés aux établissements publics de santé relevant de la fonction publique hospitalière, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur.
À la demande du Gouvernement, Michel Laforcade a ensuite poursuivi les discussions avec les organisations syndicales ; y sont intégrés, notamment, les auxiliaires de soins relevant de la fonction publique territoriale.
Ces travaux ont abouti à un nouveau protocole signé le 28 mai dernier, qui étend le bénéfice du complément de traitement indiciaire à l’ensemble des personnels soignants et accompagnants éducatifs et sociaux, titulaires et contractuels de ces structures financées. Les auxiliaires de soins relevant de la fonction publique territoriale sont donc bien intégrés dans cette mesure et bénéficieront pleinement de cette revalorisation à compter du 1er octobre 2021.
S’agissant du secteur privé, le second accord de méthode, signé le même jour, étendra le bénéfice de la mesure socle aux mêmes professionnels et établissements à compter du 1er janvier 2022. Cette revalorisation était indispensable. Le Gouvernement a conscience des attentes légitimes qu’elle a pu créer chez d’autres catégories de personnel.
Dans les autres secteurs, toute éventuelle revalorisation doit faire l’objet d’une discussion approfondie avec les conseils départementaux dont dépendent ces politiques.
Le Gouvernement reste bien sûr mobilisé et travaille sur ces enjeux.
M. le président. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de réponse.
Je découvre depuis peu de temps le fonctionnement parlementaire, mais je sais que le contrôle de l’action du Gouvernement relève d’un droit constitutionnel et, sur des sujets aussi importants, il serait bon que ce soient les ministres concernés par les questions posées qui répondent ! En effet, la réponse à la question simple sur les résidences autonomie que je vous ai posée ne figurait pas dans la fiche que vous avez lue…
Des oubliés du Ségur, il y en a 67 millions en France, madame la secrétaire d’État ! Ce sont tous les habitants de ce pays. Venez constater les déserts médicaux dans les territoires ou dans les quartiers.
Le Ségur de la santé, cela devait être aussi des postes, des lits, des praticiens dans des établissements et des réponses au problème des déserts médicaux. Aujourd’hui, si vous souhaitez un rendez-vous avec un chirurgien-dentiste, vous comprendrez combien souffrance rime avec patience…
En guise de conclusion, je tiens à apporter un message de solidarité à l’ensemble des sages-femmes. Nous assistons à un mouvement de grève aujourd’hui. On dénombre en France quasiment 800 000 naissances chaque année, soit 800 000 actes pour lesquels elles sont indispensables. Il est grand temps que le Gouvernement réagisse et soutienne cette profession. (Marques d’approbation.)
déploiement des bracelets anti-rapprochement
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 1739, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Martine Filleul. Ma question s’adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, qui, à l’évidence, n’a pas pu lui non plus être présent aujourd’hui.
Depuis 2019 et, plus récemment encore, depuis la crise sanitaire, les violences conjugales et les féminicides se multiplient : on en dénombre 7 dans le Nord en 2020 et déjà 86 à l’échelon national pour l’année en cours.
À la suite du Grenelle des violences conjugales, le bracelet anti-rapprochement permettant l’éloignement des conjoints et ex-conjoints violents devait être généralisé à tous les tribunaux. La France en possède 1 000, mais une poignée seulement est ordonnée par la justice à destination des conjoints violents.
Dans les affaires de Mérignac et d’Hayange, les hommes condamnés pour violences conjugales n’avaient jamais été équipés de ce dispositif. À la suite de ces événements, M. le garde des sceaux a déclaré que ces bracelets n’avaient pas vocation à rester dans les tiroirs. Pourtant, selon les chiffres, dans le Nord, seuls 32 bracelets anti-rapprochement ont été déployés, principalement à Douai.
Par ailleurs, au mois de juin dernier, les procureurs ont demandé des moyens supplémentaires pour lutter contre les violences conjugales, notamment la création d’assistants spécialisés ou de juristes dédiés à cette cause. Ces postes seraient nécessaires par exemple pour vérifier qu’une mesure d’interdiction d’entrer en contact est bien respectée ou pour prescrire un bracelet anti-rapprochement, si tel n’est pas encore le cas.
Quand M. le garde des sceaux donnera-t-il à la justice les moyens nécessaires pour que les femmes victimes puissent être protégées de leur agresseur de façon effective ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux, qui ne peut malheureusement pas être parmi vous aujourd’hui, m’a transmis sa réponse.
Les violences intrafamiliales sont un véritable fléau. Le 27 septembre dernier, 414 mesures d’équipement d’un bracelet anti-rapprochement ont été prononcées, alors qu’il n’y en avait que 55 à la fin du mois de mars. En Espagne, plus de 1 000 dispositifs ont été déployés en dix ans.
Certes, 414 bracelets anti-rapprochement en moins d’un an en France, ce n’est pas encore suffisant, mais cela reste un encouragement fort. Depuis le début du déploiement de la mesure, on dénombre 426 demandes d’intervention des forces de sécurité intérieure au déclenchement d’une alarme, qui ont permis d’éviter des crimes.
Il faut rappeler que ce dispositif est déployé de manière opérationnelle dans toutes les juridictions, mais que son attribution dépend des décisions de l’autorité judiciaire.
Par une dépêche du 27 mai dernier, le garde des sceaux a expressément invité les parquets à renforcer la mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement.
D’autres dispositifs ont aussi été déployés pour assurer la protection des victimes de violences conjugales.
Le téléphone grave danger est ainsi largement mis en œuvre par les parquets. Actuellement, 2 514 téléphones sont déployés, dont 1 768 sont actifs, et nous venons de décider de porter leur nombre à 3 000, soit une augmentation de plus de 60 % en un an. C’est un instrument de protection efficace. En 2020, il y a eu 1 185 déclenchements des forces de sécurité intérieure à la suite d’une alerte.
Par ailleurs, le nombre d’ordonnances de protection est en constante augmentation. En 2020, 3 254 ordonnances de protection ont été délivrées, contre 1 388 en 2017. Comme la question des moyens est également essentielle, le garde des sceaux a décidé de prévoir des emplois supplémentaires spécifiques pour traiter les violences conjugales, madame la sénatrice. Très concrètement, 61 juristes assistants seront déployés sans délai et pour trois ans, ainsi que 106 agents de catégorie A, avec un contrat de quatre mois, renouvelable en cas de besoin.
Je peux vous garantir, madame la sénatrice, que le Gouvernement est déterminé à lutter efficacement et pied à pied contre ce fléau. Il mettra pour cela en œuvre tous les moyens nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Je vous remercie de ces précisions, mais j’aurais aimé avoir des informations sur ce qui se passe précisément dans le département du Nord, où la situation est alarmante. Les moyens n’y sont pas à la hauteur de la situation, qui est gravissime.
En tant que parlementaires, nous manquons d’informations sur ce qui est effectivement fait par la justice pour lutter contre ce fléau. J’attends donc des informations complémentaires.
agrément aux associations spécialisées dans l’aide aux femmes victimes de violences
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1806, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Laurence Rossignol. Je souhaite attirer l’attention du garde des sceaux sur ce qu’on peut appeler un loupé dans la mise en œuvre de la loi du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application concernant les associations d’aide aux victimes.
Le décret d’application de la loi de 2019 prévoit que seules les associations généralistes peuvent bénéficier d’un agrément pour accompagner les victimes d’infractions pénales. En conséquence, des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), qui sont indispensables et expérimentés dans l’accompagnement des victimes de violences, se voient refuser l’agrément au motif que seules les associations généralistes peuvent l’obtenir.
C’est à mon sens – je l’espère, du moins – un véritable loupé de légistique. Le garde des sceaux entend-il réparer rapidement cette erreur et permettre aux CIDFF d’exercer la mission qui est la leur depuis plus de quarante ans ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice Rossignol, vous l’avez dit, les centres d’information sur les droits des femmes et des familles sont des associations dont l’expertise et le travail sont évidemment reconnus par tous, en particulier par le ministère de la justice et l’ensemble des partenaires. D’importantes subventions sont chaque année allouées à ces structures par le ministère de la justice.
Il est exact que, au regard des critères actuellement en vigueur, les associations spécialisées dans la prise en charge des femmes victimes ne peuvent pas obtenir l’agrément du ministère de la justice, le texte prévoyant que, pour être agréée, l’association doit être en mesure de proposer à toute personne victime d’une infraction pénale qui en fait la demande une prise en charge globale et pluridisciplinaire – l’association, comme vous l’avez dit, doit être « généraliste », madame la sénatrice.
Le fait que les associations spécialisées ne puissent pas obtenir un agrément les prive effectivement de la possibilité de réaliser des évaluations et d’offrir un accompagnement personnalisé aux victimes alors même qu’elles ont une véritable expertise.
Madame la sénatrice, j’irai droit au but : au vu de cet état des lieux, le garde des sceaux vous annonce qu’il a demandé à ses services de travailler à une solution juridique qui, tout en permettant aux associations déjà agréées de conserver leur agrément et d’exercer les missions qui leur sont actuellement confiées, autorisera les parquets à saisir les associations spécialisées en matière de violences faites aux femmes pour réaliser des évaluations personnalisées des victimes et pallier ainsi les difficultés que vous avez clairement décrites.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Si je comprends bien la réponse du garde des sceaux, les CIDFF en particulier pourront rapidement se voir de nouveau attribuer l’agrément pour accompagner les femmes victimes de violences conjugales et intraconjugales. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.)
Je vous remercie de bien vouloir dire de ma part au garde des sceaux que c’est une bonne idée. Je souhaite ensuite que le Parlement soit rapidement informé de la publication des décrets d’application afin que les associations puissent en être informées à leur tour.
secteur des services à domicile
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 1375, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur les oubliés du Ségur et de faire un zoom particulier sur les services de maintien à domicile et les personnes âgées dépendantes qui sont, je pense, une priorité pour le Gouvernement.
Les personnes âgées dépendantes accueillies dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ne représentent que 40 % des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Les 60 % restants sont des personnes maintenues à domicile – et je ne compte pas les personnes âgées dépendantes non bénéficiaires de l’APA qui, elles aussi, restent à domicile.
Si l’on peut se réjouir qu’un peu plus de 1,4 milliard d’euros soient prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 afin de revaloriser les salaires des personnels des Ehpad, il est difficilement compréhensible, monsieur le ministre, que seuls 200 millions d’euros soient prévus pour les acteurs de l’accompagnement à domicile. Si on leur avait appliqué le même ratio qu’aux personnels des Ehpad, il aurait fallu prévoir plus de 2 milliards d’euros.
Ces acteurs n’ont bénéficié à ce jour d’aucune mesure de revalorisation dans le cadre du Ségur, notamment de leur point de secteur. Ils sont tributaires des décisions des agences régionales de santé et des conseils départementaux. Nous le savons tous : au quotidien, cette situation les met dans de grandes difficultés financières, qui pourraient les conduire à fermer purement et simplement un certain nombre de services dans les prochains mois.
Nous le savons, une immense majorité des Français souhaitent rester à domicile. Nous devons les y aider. Mais force est de constater qu’un certain nombre de services d’accompagnement ne pourront pas survivre aux tensions et aux crises qu’ils connaissent actuellement.
Je rappelle enfin qu’une journée d’hospitalisation coûte en moyenne plus de 1 200 euros, contre 550 euros environ pour une journée de prise en charge à domicile.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour accompagner ces établissements et répondre à la demande croissante des Français de services d’accompagnement à domicile ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice Loisier, le ministre de la santé ne pouvant être présent, il m’a chargé de vous répondre.
Cela faisait longtemps que les aides à domicile du secteur associatif espéraient une revalorisation salariale, alors qu’il leur fallait compter dix-sept ans d’expérience pour obtenir un salaire supérieur au SMIC, ce qui n’était pas acceptable.
Pleinement révélé pendant la crise, l’engagement de ces professionnels les honore. Ils exercent un métier noble, qui mérite d’être davantage reconnu. Dès l’été 2020, l’État a donc acté le financement de la prime covid. Nous aurons de plus en plus besoin de ces métiers : des emplois devront être créés par dizaines de milliers pour accompagner nos concitoyens, qui souhaitent massivement vieillir à domicile.
Il fallait donc apporter une première réponse aux salariés de la branche de l’aide à domicile : ils l’attendaient depuis quinze ans. Des négociations conventionnelles avaient été ouvertes et la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) a permis à l’État d’accompagner le financement de cette revalorisation historique de 15 % en moyenne, laquelle est entrée en vigueur il y a quelques jours et concerne pour l’instant les aides à domicile exerçant dans un réseau associatif.
Le coût de cette revalorisation pour les départements, dont relève cette compétence, sera allégé de moitié, et même de 70 % en 2021. C’est historique, tant par les montants mobilisés que par la démarche partenariale engagée.
Nous avons besoin d’accompagner toutes les structures du secteur de l’aide à domicile, y compris celles du secteur privé commercial, afin de leur permettre de mieux rémunérer et de mieux former leurs salariés. Il s’agit ainsi de rendre ces emplois d’avenir plus attractifs.
C’est pourquoi, comme le Premier ministre l’a annoncé il y a quelques jours, il sera proposé au législateur de créer un tarif plancher national applicable par tous les départements afin de valoriser les plans APA et PCH (prestation de compensation du handicap). Cette disposition figurera dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le tarif plancher, fixé à 22 euros par heure, sera applicable à compter du 1er janvier prochain et garanti par un financement d’État. Cette mesure permettra aux services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), quels que soient leur statut et leur département d’implantation, d’être mieux financés, ce qui favorisera les augmentations salariales légitimes des aides à domicile.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Je remercie, monsieur le ministre, le Gouvernement pour ces engagements. Nous serons attentifs, sur le terrain, à ce que les départements les respectent.
inefficacité des politiques de lutte contre le démarchage téléphonique non sollicité et les appels frauduleux
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 1811, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.
Mme Laure Darcos. Ma question s’adressait à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Monsieur le ministre, s’il existe une pratique commerciale que nos concitoyens ne supportent plus, c’est bien le démarchage téléphonique non sollicité. Dans mon département, l’Essonne, ils sont nombreux à me demander d’agir pour mettre fin à ce qui s’apparente souvent à du harcèlement.
Le nombre d’appels reçus quotidiennement est tel qu’on ne fait plus la différence entre le sondeur qui étudie l’opinion, l’opérateur téléphonique qui tente de récupérer un nouveau client mobile, l’entrepreneur qui propose ses produits, pas toujours innovants, ou encore le cabinet de conseil en investissements immobiliers. À ces pratiques, parfois à la limite de la légalité, s’ajoutent le démarchage par automate d’appel et la fraude aux numéros surtaxés. Cette dernière n’a pas disparu, tant s’en faut, et continue à déstabiliser les publics vulnérables, comme les personnes âgées ou handicapées, ainsi que les adolescents.
Certes, le législateur est intervenu à plusieurs reprises ces dernières années pour tenter de juguler ces pratiques, mais force est de constater que la réponse des pouvoirs publics est bien trop faible. L’inscription sur la liste Bloctel d’opposition au démarchage téléphonique ne garantit pas de ne pas être contacté et la fraude aux numéros surtaxés continue allègrement à prospérer.
En voulant préserver coûte que coûte l’activité des professionnels vertueux, on laisse se développer à la marge des comportements frauduleux qui pénalisent irrémédiablement le consommateur. La loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux tarde à produire ses premiers effets. Et pour cause, plusieurs mesures réglementaires prévues par cette loi n’ont toujours pas été prises par le Gouvernement, comme le décret déterminant les jours, les horaires et la fréquence auxquels la prospection commerciale peut avoir lieu, ainsi que le décret précisant le code de bonnes pratiques élaboré par les professionnels du secteur.
Ma question sera très précise, monsieur le ministre : pouvez-vous m’indiquer l’échéancier de mise en œuvre des mesures réglementaires que doit prendre le Gouvernement ? Pouvez-vous également faire un bilan exhaustif sur la lutte contre la fraude aux numéros surtaxés et sur les moyens que les pouvoirs publics y consacrent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice Darcos, la ministre déléguée chargée de l’industrie ne pouvant être présente, elle m’a chargé de vous répondre.
Pour protéger les consommateurs, le code de la consommation interdit le démarchage téléphonique des abonnés inscrits sur la liste d’opposition Bloctel. La violation de cette interdiction est punie d’une amende. Ce dispositif compte aujourd’hui 4 millions d’inscrits.
La loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux renforce ce dispositif. Elle aggrave l’amende encourue en portant son montant à 375 000 euros. Elle introduit également une interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, où les abus étaient particulièrement prononcés ces dernières années. Elle permet aussi de lutter plus efficacement contre les usurpations de numéros de téléphone, qui complexifient les enquêtes des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Nous sommes en cours de finalisation des décrets d’application de cette loi, en particulier du décret qui viendra prochainement encadrer les jours et les horaires auxquels le démarchage téléphonique est autorisé, ainsi que la fréquence des appels. Ce décret, vous le savez, a fait l’objet d’une consultation des parties prenantes durant l’été.
La DGCCRF poursuit une action répressive résolue pour sanctionner les professionnels qui ne respectent pas leurs obligations légales. Ainsi, en 2020, 1 503 établissements ont été contrôlés et ont conduit à sanctionner 108 démarcheurs ne respectant pas le dispositif d’opposition au démarchage téléphonique, pour un montant total d’amende de 4,3 millions d’euros, soit le double de l’année 2019.
Par ailleurs, une modernisation du service Bloctel est en cours avec un nouveau délégataire et l’interface sera bientôt plus intuitive.
Enfin, la lutte contre les fraudes aux numéros surtaxés a été renforcée. La dernière enquête de la DGCCRF a permis de constater que, sur dix-neuf entreprises visitées, sept ne respectaient pas un ou plusieurs points de la réglementation applicable. Vous pouvez compter, madame la sénatrice, sur la mobilisation du Gouvernement en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. Je vous remercie, monsieur le ministre. Si je pose cette question, c’est que ces appels sont encore si nombreux…
Je ne sais pas exactement qui a été sanctionné jusqu’à présent. En tout cas, ou bien ce n’est pas encore assez, ou c’est inefficace, car de gros opérateurs et de grosses entreprises continuent à démarcher en permanence, à tel point que lorsque s’affiche un numéro en 09 sur mon portable, je le bloque systématiquement, comme mes collègues, je pense. On imagine ce que vivent des personnes plus vulnérables !
Je vous remercie donc de poursuivre cette lutte et de nous tenir au courant de la publication des décrets.
exonération de taxe sur le foncier non bâti pour les agriculteurs en conversion biologique
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, auteur de la question n° 1826, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
M. Alain Cazabonne. Monsieur le ministre, j’ai été alerté par le maire d’une commune de 497 habitants, qui s’inquiète du manque à gagner qui résulterait de la mise en place d’une exonération du paiement de la taxe foncière pour un agriculteur en conversion biologique.
Bien que cette mesure aille dans le bon sens, car elle encourage nos agriculteurs à se convertir à l’agriculture biologique, certaines de nos communes, les plus petites, ne peuvent l’appliquer, compte tenu du manque à gagner qu’elle représenterait pour leur budget.
Dès lors, le Gouvernement envisage-t-il une compensation pour les communes mettant en place cette exonération, même conditionnée, de taxe sur le foncier non bâti pour les agriculteurs en conversion biologique, soit de la part d’État, soit de la part de la région ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Cazabonne, M. le ministre chargé des comptes publics ne pouvant être présent, il m’a chargé de vous répondre.
La loi de finances initiale de 2009 a permis aux collectivités territoriales d’instaurer, sur délibération, une exonération de taxe foncière au profit des agriculteurs en conversion biologique. Elle visait ainsi à mettre à disposition des collectivités un outil incitatif au développement des surfaces exploitées selon un mode de production biologique.
Cette exonération de taxe foncière, prévue à l’article 1395 G du code général des impôts, relève de la seule décision des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Toute compensation de l’État a donc été écartée. L’exposé des motifs de l’article 52 du projet de loi de 2009 le précisait. Le dispositif respectait les principes défendus alors par la commission des finances du Sénat, en vertu desquels les décisions d’allégement d’impôts locaux devaient être prises par les collectivités concernées afin de leur permettre de conserver la maîtrise de l’assiette de leur fiscalité. Par ailleurs, le rapporteur général de ladite commission précisait que les collectivités devaient supporter le coût des allégements afin de préserver leur pleine responsabilité décisionnelle.
D’une manière plus générale, il convient de rappeler que, en matière de compensation des pertes de recettes induites par les exonérations ou abattements de fiscalité locale, l’État n’est soumis à aucune obligation de nature juridique. En pratique, lorsque ces exonérations ou abattements résultent d’une décision de l’État, ce dernier fait le choix de compenser les collectivités à l’euro près. Depuis 2017, le Gouvernement l’a fait à la suite de la réforme de la suppression de la taxe d’habitation ou, plus récemment, de celle des impôts de production.
À l’inverse, lorsque ces exonérations ou abattements résultent d’une délibération des collectivités, ils ne sont pas compensés par l’État, mais sont à la charge des collectivités elles-mêmes.
Conformément à cette pratique, il n’est pas envisagé de revenir sur l’absence de compensation de l’exonération prévue à l’article 1395 G du code général des impôts. Le recours à cette exonération est le fruit d’une décision des collectivités concernées.
Enfin, l’État cherche également à favoriser le développement de l’agriculture biologique, notamment à travers le crédit d’impôt prévu par l’article 244 quater L du code général des impôts, dont l’existence a été prorogée par la loi de finances pour 2021.
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.
M. Alain Cazabonne. Je vous remercie de cette encourageante réponse ! Très souvent, l’État, dans le domaine de l’écologie, soit par des incitations, soit par des pressions, soit par des règlements, provoque sur le terrain des difficultés financières pour les petites collectivités.
Votre réponse, monsieur le ministre, me fait penser à cette célèbre citation de Coluche : « Si vous avez besoin de quelque chose, appelez-moi. Je vous dirai comment vous en passer » !
projet d’amendement gouvernemental relatif au financement de l’électrification rurale
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 1802, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, ma question porte sur le projet de réforme du Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ), qui entraînerait une baisse des taux de subvention de cet outil pourtant indispensable à l’aménagement du territoire et à l’équité territoriale.
J’ai été alerté par le syndicat mixte Territoire d’énergie Mayenne. Cette autorité organisatrice de la distribution d’électricité craint une réduction du volume total des aides alors que le niveau de péréquation prévu pour l’électrification rurale est fortement rationné. Son inquiétude est d’autant plus forte que la Mayenne est un département à dominante rurale, qui compte 27 communes de plus de 2 000 habitants, dont le territoire est couvert à 80 % de terres agricoles – un peu moins de 8 % de la surface est urbanisée – et où la densité de la population est deux fois plus faible que la densité nationale.
En laissant 20 % à la charge des collectivités, maîtres d’ouvrage sur les travaux d’électrification rurale, il est garanti, par la péréquation financière, une égalité dans les coûts d’accès au réseau de distribution d’électricité entre les consommateurs ruraux et les consommateurs urbains. La remise en question à la baisse de la participation de l’État est aggravée par la proposition d’établir un lien entre le compte d’affectation spéciale « FACÉ » et le Fonds de péréquation de l’électricité (FPE), qui assure la péréquation des ressources tarifaires au profit de certaines entreprises locales de distribution d’électricité, ce qui accroît les inquiétudes des élus.
Les orientations à la baisse de ces taux d’intervention suscitent l’incompréhension des élus de nos collectivités rurales, qui vont voir le niveau de la péréquation financière dont elles bénéficient en matière électrique diminuer, alors qu’il leur est demandé un effort fiscal bien supérieur à celui que doivent dégager les collectivités urbaines dans ce domaine. J’ajoute que les territoires ruraux se voient jouer un rôle décisif dans la transition énergétique.
Ma question est simple, monsieur le ministre : allez-vous reconsidérer ce projet de réforme afin de maintenir le modèle de solidarité entre urbains et ruraux et d’assurer un indispensable service de l’électricité de qualité sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones les plus fragiles ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Chevrollier, Mme la ministre de la transition écologique ne pouvant être présente, elle m’a chargé de vous répondre.
Avec le compte d’affectation spéciale « FACÉ » que vous avez décrit, l’État finance des opérations visant à améliorer la qualité de la distribution d’électricité dans les zones rurales et à contribuer à leur transition énergétique. Ces opérations sont sous maîtrise d’ouvrage des autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE).
Le décret du 10 décembre 2020 relatif aux aides pour l’électrification rurale prévoit que le taux de subvention pour chaque aide est fixé par arrêté de la ministre chargée de l’énergie, dans la limite de 80 % du coût du projet. L’arrêté pris le 13 avril 2021 fixe d’ailleurs pour 2021 les taux de subvention à ce plafond.
Un travail technique a été engagé avec les représentants de l’administration et des AODE pour évaluer les taux nécessaires à la bonne réalisation des opérations sur chacun des sous-programmes du FACÉ. En fonction des résultats de ce travail, les taux de subvention pour 2022 ou les années ultérieures pourraient évoluer. Il ne s’agit cependant, à ce stade, que d’un examen, afin de s’assurer de la pertinence des taux. Aucune décision sur une éventuelle baisse des taux pour certains types d’opérations n’a été prise. L’administration sera particulièrement attentive à la bonne prise en compte des surcoûts liés à la ruralité.
L’amendement visant à modifier les règles de calcul du Fonds de péréquation de l’électricité qui a été déposé par le Gouvernement lors de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale a été déclaré irrecevable avant son examen. Le Gouvernement a entendu les inquiétudes des AODE et n’envisage plus de créer de lien entre le FPE et le FACÉ.
Le Gouvernement réaffirme son attachement au dispositif des aides à l’électrification rurale, outil crucial pour assurer une bonne qualité de distribution d’électricité sur tout le territoire. Cet attachement se manifeste notamment par le maintien, depuis plusieurs années, d’une aide d’un montant de 360 millions d’euros par an.
qualité de l’eau
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, auteure de la question n° 1810, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le ministre, ma question porte sur la diffusion de l’ESA-métolachlore dans notre environnement et sur ses effets sur la qualité de l’eau. Ce métabolite du S-métolachlore est un herbicide utilisé pour le désherbage de nombreuses cultures de printemps, notamment le maïs et le soja.
Depuis le 1er janvier 2021, ce métabolite fait partie des molécules recherchées dans l’eau mise en distribution. L’eau est considérée comme étant non conforme dès que la limite de qualité réglementaire de 0,1 microgramme par litre est dépassée, alors même que la valeur sanitaire maximale définie par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est de 510 microgrammes par litre.
De nombreuses collectivités – communes, EPCI, syndicats des eaux – sont confrontées à des dépassements réguliers de la norme réglementaire. Même s’ils ne présentent pas de risque pour la santé des consommateurs, ces dépassements inquiètent et préoccupent légitimement nos collectivités territoriales, qui doivent s’adapter, trouver des solutions et mettre en place des mesures préventives et curatives.
La maîtrise de l’aire de captage d’eau potable est un enjeu. D’ailleurs, l’un des principaux fabricants de produits sanitaires indique que ces produits ne doivent pas être utilisés dans les aires de captage.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour restreindre, voire interdire l’utilisation de ces produits dans les aires de captage ?
Alors que la permanence de ces molécules dans l’eau peut dépasser dix ans, envisagez-vous d’étendre la durée des dérogations accordées aux collectivités, notamment celles dont le dépassement est faible ?
Enfin, quels accompagnements financiers des collectivités et des agriculteurs envisagez-vous afin de rendre soutenables ces adaptations ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice Blatrix Contat, la ministre de la transition écologique ne pouvant être présente, elle m’a chargé de vous répondre.
Vous avez raison, les ressources en eau des captages sont trop souvent contaminées par les pollutions diffuses. La dernière alerte concerne la présence du métabolite du S-métolachlore, herbicide fréquemment utilisé, notamment sur le maïs. Les premières données recueillies par les agences régionales de santé montrent que l’eau distribuée dépasse la norme de potabilité dans de nombreuses unités de distribution. Demain, d’autres métabolites pourraient entraîner de nouveaux dépassements de cette norme.
Fermer les captages contaminés ou traiter l’eau ne constituent pas des solutions durables et ont un coût trop important. Restaurer la qualité des eaux à la source doit être la priorité pour assurer l’accès à une eau potable de qualité, à un prix abordable dans la durée.
Il existe d’autres solutions efficaces que l’utilisation de ce pesticide, comme le désherbage mécanique. Les financements de la politique agricole commune seront mobilisés pour déployer ces solutions en priorité sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable.
Les ministres de l’écologie, de la santé et de l’agriculture ont d’ores et déjà engagé plusieurs actions. En avril, ils ont ajouté le S-métolachlore à la saisine de l’Anses et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), et demandé, dans la continuité des travaux menés sur le glyphosate, que soient explorées des voies de substitution à ces molécules. Les résultats sont attendus pour la fin de l’année. Ils ont également mobilisé l’Anses au mois de mai, en tant qu’autorité de gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et responsable de la phytopharmacovigilance.
Il est par ailleurs indispensable que les préfets se saisissent de ce problème et accompagnent plus activement les collectivités. Le Gouvernement va donc leur adresser une instruction afin qu’ils accélèrent la transition agroenvironnementale sur les aires de captage et qu’ils mobilisent l’ensemble des outils disponibles pour reconquérir la qualité de l’eau et prévenir sa dégradation. Ainsi, les collectivités organisatrices des services d’eau seront accompagnées par l’État pour définir les stratégies d’un retour rapide et durable à la distribution d’une eau de qualité.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Il est indispensable de laisser du temps à l’ensemble des acteurs de mettre en place ces mesures préventives, voire curatives, et surtout de les accompagner financièrement.
circulation des poids lourds dans la commune du bonhomme et dans le massif des vosges
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1769, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Mme Patricia Schillinger. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.
Monsieur le ministre, depuis quarante ans, la commune du Bonhomme, située sur la route départementale 415 dans le massif vosgien, est une zone de transit majeur pour les transports routiers. Près de 900 poids lourds la traversent chaque jour, ce qui la rend invivable, nuit et jour, pour les habitants du village.
En quatre décennies, des centaines d’actions ont été organisées par les associations et les élus, qui réclament, en vain, des solutions. Or le problème dépasse le périmètre du Haut-Rhin. Aujourd’hui, l’exaspération est à son comble. Les riverains sont épuisés par cet enfer routier permanent : le bruit des camions qui montent le col du Bonhomme, la vitesse de ceux qui descendent, les vibrations sur les maisons, l’état de la route et des réseaux souterrains, tout n’est que pollution, contrainte, danger et stress.
Ce secteur magnifique est pris en otage par le transit routier. Les conséquences sur l’économie locale et sur l’immobilier sont désolantes. Les longs courriers et les longs discours n’ont rien changé et les riverains se sentent abandonnés. Aujourd’hui, ils expriment une colère légitime et les élus sont démunis. Cela ne peut plus durer.
À l’heure où nos concitoyens repensent leurs déplacements, la traversée du Bonhomme devient un enjeu majeur de la politique de transport local. Il faut maintenant trouver des solutions adaptées et pérennes, car notre territoire ne peut plus attendre ni se contenter des mesures qui ne règlent pas le problème. Plusieurs comités de pilotage ont été mis en place, sans succès à ce jour.
Aujourd’hui, il faut agir rapidement. Ma question est la suivante : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour régler ce problème et donner enfin aux habitants de la vallée la sérénité à laquelle ils aspirent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la circulation des poids lourds sur la route départementale 415 dans la commune du Bonhomme, ainsi que dans le massif des Vosges. Ce sujet fait l’objet d’une attention forte de l’État depuis de nombreuses années.
Je souligne tout d’abord que les restrictions de circulation pour les poids lourds prises sur les autres franchissements des Vosges lors de la fermeture du tunnel Maurice-Lemaire en 2000 sont toujours actives. La réouverture du tunnel en 2008 n’a pas levé les contraintes sur les autres franchissements, dont le col du Bonhomme. La situation évoluera avec l’ouverture de la déviation de Châtenois, opération largement financée par l’État, dont les travaux doivent s’achever en 2023. Cela rendra cet itinéraire plus attractif et soulagera les autres franchissements vosgiens, dont le col du Bonhomme.
Dans cette attente, l’État ne souhaite pas voir les poids lourds circuler davantage dans la commune de Châtenois, où les bouchons, vous l’avez dit, sont déjà importants. Brider le trafic local ne semble pas non plus adapté de part et d’autre de la route des crêtes. Cela entraverait l’activité économique des Vosges, alors que les besoins sont réels, notamment pour le transport de grumes.
J’ai donc demandé, en cette rentrée, aux services de mon ministère de relancer les travaux du comité de pilotage en lien avec toutes les parties prenantes, dont les collectivités locales et les acteurs économiques. Nous avons, grâce à ces échanges, réussi par le passé à trouver des solutions concrètes, comme la diminution drastique du péage du tunnel Maurice-Lemaire ou la déviation de Châtenois.
Je souhaite que ce travail soit poursuivi pour anticiper les futures modalités de franchissement vosgien par les poids lourds au travers de mesures très concrètes.
Soyez assurée, madame la sénatrice, de la pleine mobilisation de l’État et de mes services sur ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, je connais votre engagement, mais il faut aussi que le comité de pilotage soit actif et que les gens se sentent soutenus sur le terrain.
baisse de l’offre de transport ferroviaire à destination du sud-ouest
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la question n° 1718, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le ministre, du fait de la crise du covid, la fréquentation ferroviaire s’est effondrée. SNCF Voyageurs a perdu 97 % de son chiffre d’affaires sur le TGV au plus fort de la pandémie.
À l’heure de la reprise, la densité des flux de mobilité de la SNCF est centrale, parce qu’il lui faut, stratégiquement et économiquement, accueillir davantage d’usagers et parce que la transition énergétique et environnementale l’impose.
Mais patatras ! Le train-train qui lui sied n’est pas au rendez-vous : trains bondés par le surbooking, usagers assis par terre, plages horaires réduites. J’en fais l’expérience toutes les semaines sur la LGV Sud Europe Atlantique (LGV SEA), entre Bordeaux et Paris. Les changements de train avec place assise sont pour ainsi dire impossibles le jour même.
Avant la crise, la qualité de service de cette ligne était remarquable, mais, aujourd’hui, le niveau de l’offre est dégradé. La forte fréquentation de cette rentrée n’a pas été accompagnée par la réouverture des sillons annulés avant l’été. Il manque la bagatelle de cinq allers-retours quotidiens pour revenir au cadencement de 2019 toutes les trente minutes.
Comment expliquer cela ? Comment expliquer à des milliers d’Aquitains que la suppression brutale et incompréhensible de la liaison aérienne Bordeaux-Orly n’ait pas été suivie de l’accroissement mécanique du report modal sur le train ?
Que dire des propos sur le nombre de dessertes quotidiennes promis aux collectivités, celles qui ont mis la main au portefeuille pour financer cette ligne voilà quelques années ? Le groupe SNCF Voyageurs ne se sent plus lié par l’engagement pris lors des négociations originelles avec SNCF Réseau. L’État n’a pas tenu sa parole à cet égard.
Une telle situation n’est pas tenable. Elle est même injustifiable. Monsieur le ministre, comment comptez-vous peser pour inverser la trajectoire et permettre aux usagers de retrouver un niveau de service en rapport avec le prix souvent très élevé du billet qu’ils ont acheté ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’offre de transports, notamment ferroviaires, à destination du Sud-Ouest.
L’offre de service grande vitesse a été fortement perturbée en 2020 et 2021 du fait de la crise sanitaire. La SNCF a constamment dû, en lien avec l’État, adapter le plan de transports aux restrictions de déplacement mises en place et au protocole sanitaire. À cet égard, je tiens à saluer l’engagement de la SNCF et de tous ses salariés, qui ont été à pied d’œuvre chaque jour.
Avec souplesse, la SNCF a adapté en permanence le niveau d’offre à la réalité des besoins de déplacements de nos concitoyens. Toutes les adaptations réalisées ont été temporaires.
Vous le savez, je suis en permanence attentif à ce que le niveau de service ferroviaire soit adapté aux besoins de nos concitoyens. Dès la fin du dernier confinement, l’offre sur l’axe Atlantique Sud-Ouest a été augmentée de 50 % pour faire face à la reprise progressive des voyages. Pendant l’été 2021, l’offre à grande vitesse est remontée à 95 % du niveau de 2019, soit plus de 40 000 places offertes chaque jour. Pour 2022, je peux vous confirmer que le niveau d’offre prévu sur la liaison Paris-Bordeaux s’élèvera à dix-neuf allers-retours quotidiens. Il ne présente donc pas de diminution.
Par ailleurs, pour tenir compte des évolutions sur la liaison aérienne Orly-Bordeaux, j’ai missionné Mme la préfète de région, qui a déjà commencé à réunir les acteurs locaux, pour voir si des améliorations routières ou de transports en commun étaient nécessaires, notamment pour faciliter l’accès à la gare bordelaise. Elle me rendra compte dans les prochains jours.
Telles sont les informations que je peux vous communiquer à ce stade, madame la sénatrice.
conditions de raccordement électrique des parcs éoliens
M. le président. La parole est à M. Yves Bouloux, auteur de la question n° 1774, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Yves Bouloux. Monsieur le ministre, le raccordement électrique des parcs éoliens suppose bien souvent la traversée du territoire de plusieurs communes. Si l’effet du raccordement au poste source est intégré à l’évaluation environnementale, l’étude sur ce point est souvent insuffisante.
Un projet peut être autorisé sans que le tracé du raccordement soit connu. Or il n’est pas sans conséquence pour les territoires traversés.
Les habitants seront confrontés aux nuisances liées aux travaux, qui, s’ils affectent les voies publiques, pourront représenter un coût pour la commune, lequel ne sera pas systématiquement compensé. D’autres travaux pourront succéder aux travaux, chaque projet étant élaboré individuellement. Les habitants devront ensuite vivre avec.
L’inquiétude est là. Comment peut-on ainsi enterrer des câbles de 20 000 volts sans aucune évaluation préalable des risques sur la santé des personnes et des animaux ? Les élus locaux et les habitants ne sont ni consultés ni suffisamment informés en amont de l’existence et du tracé du raccordement. Pis encore, il n’est souvent pas tenu compte des avis formulés par les élus ni, plus généralement, de l’intérêt des communes traversées. Dans mon département, la Vienne, plusieurs communes n’ont pas eu d’autre choix que d’interdire l’enfouissement de câbles sur leur territoire.
On parle beaucoup de décentralisation et d’acceptabilité des projets. Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour tenir compte de l’avis des communes concernées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme la ministre de la cohésion des territoires et Mme la ministre de la transition écologique sur les conditions de raccordement électrique des parcs éoliens.
Il est important de le rappeler, le développement des énergies renouvelables, dont l’énergie éolienne, est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques.
Les conditions de raccordement électrique des parcs éoliens sont très encadrées.
Depuis 2011, les éoliennes terrestres sont soumises à la réglementation exigeante des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et à une procédure d’autorisation permettant de s’assurer que les risques et inconvénients pour les riverains et l’environnement peuvent être efficacement prévenus.
Leur raccordement fait l’objet d’une consultation des maires et des services. Les modalités sont adaptées selon que l’installation est raccordée au réseau de distribution, au réseau de transport ou à un réseau de distribution de plus de 50 000 volts.
Par ailleurs, les adaptations à venir du réseau de transport de l’électricité sont identifiées par Réseau de transport d’électricité (RTE) dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables. En application du code de l’environnement, ces schémas sont soumis à évaluation environnementale et font l’objet d’une consultation du public.
Pour l’éolien en mer, les possibilités de raccordement sont présentées en même temps que le projet de parc lors de la procédure de participation du public, qui a lieu très en amont de la réalisation du projet. Le raccordement fait de plus l’objet d’une autorisation environnementale, qui donne lieu à une enquête publique et permet aux élus de s’exprimer une nouvelle fois.
Il faut le noter, l’arrêté du 17 mai 2001 précise les contraintes techniques qui s’imposent aux gestionnaires de réseau pour tenir compte des risques sur la santé des personnes et des animaux.
Enfin, l’occupation du domaine public communal, notamment de la voirie, par les ouvrages électriques fait l’objet de redevances, dont la fixation relève, dans la majorité des cas, de la compétence du conseil municipal.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants, en attendant l’arrivée de Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons les réponses à des questions orales.
dysfonctionnement des services chargés de l’égalité entre les sexes
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 1827, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
M. Jean Louis Masson. Madame le ministre, il existe dans les communes de l’ancien comté de Dabo une discrimination flagrante en matière d’héritage entre les hommes et les femmes. Cette discrimination provient d’un arrêt de la cour d’appel de Colmar, confirmé par la cour d’appel de Leipzig à l’époque de l’Alsace-Lorraine.
Je vous avais interrogée une première fois le 19 novembre en vous demandant pourquoi vous tolériez que certains droits ne puissent pas être hérités par les femmes. Vous ne m’avez pas répondu. Je vous ai de nouveau posé une question écrite le 5 août 2021. Vous ne m’avez toujours pas répondu.
C’est ce qui m’a amené à poser la question orale publiée au Journal officiel du 30 septembre 2021. Il vous suffit de lire les questions concernées pour comprendre le problème. Maintenant, j’attends une réponse !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur, ma collaboratrice parlementaire a reçu une demande de prise de contact par mail, sans autre indication – c’était simplement une prise de contact –, le 26 août dernier. À son retour de congé, le 2 septembre, elle a immédiatement répondu à votre message. Vous ne lui avez pas indiqué en retour ce que vous attendiez.
Si je comprends bien, vous vous plaignez de ne pas avoir eu de réponse de la part de mon cabinet alors que vous avez adressé des questions au ministère de l’agriculture. Vous savez que je suis ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Je ne pouvais donc pas répondre à un message envoyé à un ministère autre que le mien.
Sur le fond, vous attirez mon attention sur le régime dit du « bois bourgeois », qui est en vigueur dans les communes de l’ancien comté de Dabo.
Les droits d’usage forestier sont un héritage du droit féodal, que le code forestier de 1827 fait perdurer jusqu’à nos jours, excluant toute nouvelle possibilité de reconnaître de nouveaux droits d’usage dans les bois et forêts de l’État, sous quelque prétexte que ce soit.
Parmi ces droits d’usage, il existe un droit dit du « bois bourgeois », qui consiste en la délivrance de tronçons d’arbres résineux, et ce par tirage au sort annuel, au bénéfice des usagers remplissant les conditions de délivrance. Datant de l’Ancien Régime, ce droit ne reconnaît la qualité d’usagers qu’aux hommes. Malheureusement, ce n’est pas le seul.
Il est effectivement très étonnant que, de nos jours, persiste un dispositif excluant les personnes de sexe féminin non mariées. Seules les veuves peuvent conserver le droit acquis par leur mari, dans une mesure réduite, jusqu’à leur remariage.
De telles dispositions portent clairement atteinte au principe de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Vous pouvez donc imaginer combien j’aurais été heureuse de répondre à votre question.
Il apparaît nécessaire de faire évoluer les pratiques en la matière. C’est la raison pour laquelle de telles dispositions seront réinterrogées à l’occasion d’une prochaine loi forestière.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.
M. Jean Louis Masson. Tout d’abord, madame le ministre, la question écrite initiale, c’est à vous que je l’avais posée. Et c’est vous qui l’avez transmise au ministère de l’agriculture. Cela figure clairement au Journal officiel !
Ensuite, j’avais contacté votre directrice de cabinet, Mme Martin, ancienne sous-préfète de Sarrebourg ; elle ne m’a jamais répondu. Je l’ai eue au téléphone ; elle ne m’a jamais répondu. Et je n’ai eu aucun contact avec la personne dont vous parlez.
De toute manière, si vous aviez répondu dans le Journal officiel à la question écrite que je vous avais posée, comme c’est la règle, il n’y aurait eu aucun problème.
Sur le fond, je trouve tout de même stupéfiant que la ministre de l’égalité entre les hommes et les femmes ne soit pas choquée par une discrimination et ne fasse rien pour y mettre un terme, car ce sont bel et bien les femmes qui n’ont pas accès au droit à hériter des droits d’affouage ! Renvoyer le règlement de cette question à une loi forestière – vous n’avez même pas pris l’engagement de déposer un amendement en ce sens –, c’est tout de même un peu léger !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Nous parlons d’un problème très grave, peut-être pas sur les montants, mais au moins sur le principe !
M. le président. Concluez, monsieur Masson !
M. Jean Louis Masson. La France, qui donne des leçons au reste du monde, ferait bien de commencer par balayer devant sa porte !
stratégies « de la ferme à la table » et « biodiversité »
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 1696, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Pascale Gruny. Pierre angulaire de la future politique agricole commune (PAC), le Green Deal ou Pacte vert suscite de vives inquiétudes chez nos agriculteurs.
En renonçant à l’horizon 2030 à 10 % de la surface agricole utile européenne, tout en diminuant de 50 % les pesticides et en quadruplant les terres bio, la nouvelle PAC pénalisera immanquablement l’agriculture traditionnelle, qui représente pourtant l’essentiel de la production européenne.
Cette transition agroenvironnementale entraînera une augmentation des prix des produits, que seuls les consommateurs les plus aisés des grands centres urbains accepteront d’acquitter. Les autres achèteront des produits importés depuis des pays extra-européens qu’ils trouveront en grande distribution !
Ce Green Deal se traduira aussi par une baisse sans précédent de la production agricole européenne : de 12 % d’ici à 2030 selon le ministère américain de l’agriculture et de 5 % à 15 % selon l’étude d’impact des stratégies « De la ferme à la fourchette » et « Biodiversité », rendue publique discrètement en plein cœur de l’été par la Commission européenne, après plus d’un an de tergiversations.
Le Green Deal annonce donc la décroissance et la fin de la souveraineté alimentaire de notre continent. Comment la France entend-elle empêcher un tel désastre et sauver notre modèle agricole traditionnel ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice, le Pacte vert de la Commission, dont deux des stratégies – « De la ferme à la table » et « Biodiversité » – s’intéressent plus particulièrement à l’agriculture, à la pêche, à l’alimentation et à la forêt, comporte un programme de travail en termes de stratégies et de propositions législatives. Il propose des objectifs chiffrés à l’horizon 2030 en termes de part de la surface consacrée à l’agriculture biologique, soit 25 % à l’horizon 2030, ou de réduction de l’usage et des expositions aux produits phytopharmaceutiques, soit une baisse de 50 % à l’horizon 2030.
Une étude d’impact partielle a enfin été publiée au cœur de l’été par la Commission. Son bilan montre que, sans action forte en politique commerciale, l’on risque une décroissance verte. Or ce n’est l’intérêt de personne. Je regrette le manque de transparence de cette publication tardive de l’étude, après l’accord sur la réforme de la PAC.
Les propositions législatives annoncées dans les stratégies doivent être présentées par la Commission dans l’année à venir. Chacune devra s’accompagner d’une étude d’impact, conformément aux procédures européennes. Vous pouvez donc être rassurée à cet égard.
Il est clair que la PAC doit contribuer à l’atteinte des objectifs du Pacte vert. Julien Denormandie, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, s’est battu pour que cette dimension soit prise en compte de manière adaptée et que toutes les politiques européennes y contribuent. Il s’est aussi battu pour une articulation avec les objectifs du Pacte vert, mais dans le respect des objectifs propres que le traité fixe à la PAC : assurer notre souveraineté alimentaire et un niveau de revenu décent aux agriculteurs.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je regrette que M. le ministre de l’agriculture ne soit pas présent.
Je tenais à rappeler que nous avons besoin de la souveraineté alimentaire ; d’elle dépend aussi notre souveraineté économique. La participation de l’agriculture à notre balance commerciale n’est plus la même qu’autrefois. Nous devons être réellement vigilants sur ce point.
Au demeurant, avec le bio, les produits seront plus chers, mais les revenus des agriculteurs seront insuffisants. Aujourd’hui, des fermes cessent leur activité pour des raisons de trésorerie : elles ont effectivement choisi une agriculture plus verte, mais les subventions n’arrivent pas, ce qui est d’ailleurs hallucinant !
Enfin, vous le savez, les nitrates, les pesticides sont des médicaments. La plante a parfois besoin d’être soignée et nourrie. Elle a besoin des nitrates. La France doit préserver notre agriculture !
versement d’une contribution supplémentaire des communes forestières pour financer l’office national des forêts
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1787, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Patrice Joly. Monsieur le ministre, la forêt a un rôle central dans la construction de l’identité de notre pays. Elle participe à la fois à son histoire, à son actualité et à son avenir. Il s’agit d’un patrimoine naturel aux enjeux économiques, culturels et de loisirs.
Sur le plan environnemental, la forêt demeure le plus riche des réservoirs de biodiversité et permet chaque année l’absorption de 15 % des émissions françaises de carbone.
Aujourd’hui, la filière forêt-bois est en crise pour plusieurs raisons, liées notamment au changement climatique et aux invasions de parasites, mais surtout à l’obsession de la rentabilité rapide, qui a abouti à des exportations massives des grumes françaises vers l’Asie et les États-Unis. La crise sanitaire et la reprise économique ont aggravé la situation.
Ce bien commun est reconnu de longue date par le vicomte de Martignac. En effet, dans son exposé des motifs du projet de code forestier de 1826, celui-ci considérait déjà : « La conservation des forêts est l’un des premiers intérêts des sociétés et, par conséquent, l’un des premiers devoirs des gouvernements. »
Ainsi, la gestion de forêts ne peut reposer que sur des logiques de long terme, dans lesquelles les communes forestières jouent un rôle reconnu.
Or le Gouvernement envisagerait une nouvelle contribution des collectivités au financement de l’Office national des forêts (ONF), laquelle aurait des conséquences sur les budgets des communes, qui seraient une fois encore fragilisées. Ce n’est pas acceptable dans le contexte actuel, alors que les communes ont déjà contribué au soutien de l’ONF. De même, il est dangereux de démanteler le service public forestier en le dépouillant de ses agents et de moyens.
La forêt exige une gestion planifiée et adaptée à la spécificité de chaque milieu. L’expertise acquise par les agents de l’ONF depuis plus de cinquante ans et leur rôle de conseil auprès des décideurs locaux sont indispensables et ne sauraient être sacrifiés.
Aussi, je vous demande de bien vouloir envisager de revenir sur ce projet d’augmentation des contributions des communes forestières tout en maintenant les moyens de l’ONF pour la gestion de nos forêts.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à la pérennité de l’ONF et entend conserver l’unité de gestion des forêts publiques domaniales et communales par l’Office.
Pour mener une politique forestière ambitieuse et de développement des usages du bois, l’État a besoin d’un ONF fort et performant au regard des défis que rencontre la forêt face au changement climatique et de son potentiel en termes de valorisation du bois et d’atténuation du changement climatique.
La gestion durable et multifonctionnelle est au cœur du modèle de l’ONF et doit le rester. Ce principe est un élément central du nouveau contrat entre l’État et l’ONF pour la période allant de 2021 à 2025.
Pour autant, l’ONF connaît depuis plusieurs années une situation financière déséquilibrée, ce qui appelle des réponses conjoncturelles, mais aussi structurelles, notamment sur son modèle de financement.
Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de renouveler, dans le cadre du contrat État-ONF pour les années 2021 à 2025, sa confiance en l’Office, tout en engageant des mesures importantes visant à lui redonner des perspectives soutenables. L’État maintient le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial de l’ONF et réaffirme qu’il n’existe aucun projet de privatisation. Ce contrat conforte les missions d’intérêt général portées par l’ONF et consacre la notion de prise en charge à coût complet de ses missions, quel qu’en soit le commanditaire.
L’État revalorise substantiellement ses missions à hauteur de plus de 12 millions d’euros dès cette année 2021 et de 22 millions d’euros en 2024, ce qui portera le financement par l’État de ses missions à 55 millions d’euros par an.
En outre, le Gouvernement décide de mobiliser 60 millions d’euros complémentaires dès cette année et sur les deux années à venir, à raison de 30 millions d’euros en 2021, de 20 millions d’euros en 2022 et de 10 millions d’euros en 2023 pour soutenir l’établissement tout en renforçant la subvention d’équilibre. Cela vient en plus des 140 millions d’euros de versement compensateur annuel.
Enfin, dans le cadre du volet forestier du plan de relance, une dotation de 30 millions d’euros a été allouée pour 2021 à l’ONF afin de financer la reconstitution des forêts domaniales atteintes par les crises sanitaires.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. L’État a demandé à l’établissement un effort de réduction de ses charges, afin d’atteindre l’équilibre financier en 2025.
aide financière dans le cadre de la lutte contre la bactérie « xylella fastidiosa »
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, auteure de la question n° 1804, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Gisèle Jourda. Comment M. le ministre de l’agriculture compte-t-il aider financièrement les collectivités qui luttent contre la bactérie Xylella fastidiosa ?
Cette bactérie, présente dans le département de l’Aude, et plus particulièrement concentrée sur le territoire de l’agglomération de Carcassonne, est phytopathogène. Elle est transmise et véhiculée par des insectes vecteurs. Elle possède un large spectre de végétaux hôtes et peut s’attaquer à plus de 300 espèces végétales.
Par arrêté préfectoral du 19 février 2021, il a été demandé aux collectivités concernées de réaliser les actions d’assainissement des foyers pour en limiter au maximum la propagation.
Conformément aux prescriptions des services de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), des actions ont été immédiatement menées sur les périmètres concernés par les services de l’agglomération et des communes durant le mois d’avril dernier.
Face à l’enjeu sanitaire, économique et social, la mobilisation des collectivités audoises concernées est totale dans la réalisation des interventions. Je tiens ici à les saluer. Mais le financement est problématique, car les moyens n’étaient pas inscrits dans la loi de finances pour 2021. À ce jour, aucun fonds n’est prévu pour aider les collectivités dans la mise en œuvre des mesures.
Le programme d’indemnisation élaboré par le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire environnemental pour les préjudices relatifs à la destruction de végétaux et aux restrictions de circulation n’est pas ouvert aux collectivités territoriales.
Des modalités de soutien financier doivent donc de toute urgence être envisagées pour traiter au plus vite l’ensemble des sites et éviter autant que possible la propagation.
Madame la ministre, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre face à la gravité de la situation et au coût qu’elle représente pour les collectivités concernées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Jourda, au mois de septembre 2020, la présence de Xylella fastidiosa a été confirmée dans le département de l’Aude, en région Occitanie, région jusqu’alors indemne. La bactérie est présente dans douze communes. Les services de l’État mettent en place des mesures de lutte afin de l’éradiquer, ainsi qu’une surveillance renforcée, conformément au règlement d’exécution du 14 août 2020.
Ce règlement, dont la mise en œuvre est détaillée dans le plan national d’urgence, exige un enlèvement immédiat des végétaux infectés, ainsi que des végétaux sensibles à la bactérie dans la zone infectée, qui correspond à une zone de cinquante mètres de rayon autour d’un végétal contaminé.
L’État a pris en charge la gestion du premier foyer détecté en pépinière en 2020. Un programme d’indemnisation de la section pépinières et horticulture a été depuis déposé, afin d’indemniser l’opérateur professionnel concerné.
Les végétaux contaminés trouvés dans les autres zones infectées en 2020 ont été arrachés par les propriétaires et, afin d’accélérer leur destruction, une entreprise est intervenue aux frais de l’État au printemps 2021 pour les végétaux restant à détruire. La destruction des végétaux trouvés contaminés en 2021 est en cours.
Les services de l’État sont pleinement mobilisés pour mettre en œuvre les mesures d’éradication et sensibiliser l’ensemble des propriétaires sur leurs obligations au travers de plusieurs canaux de communication.
Dans un objectif d’acceptabilité des mesures d’éradication rapide, et sur le modèle de la gestion des foyers en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), un marché public national a été attribué au mois de juillet 2021 pour la réalisation des mesures de destruction chez les particuliers.
Cependant, la situation en Occitanie est bien différente de celle que l’on observe en région PACA : de nombreux foyers sont situés en zones semi-naturelles et nécessitent parfois des travaux de grande ampleur. Ainsi, vingt et une zones infectées sur les cinquante-neuf concernent à ce stade des collectivités.
Au-delà des mécanismes d’indemnisation possibles et du marché déjà attribué pour la prise en charge des arrachages chez les particuliers, les services du ministère chargé de l’agriculture travaillent à d’autres pistes afin d’accompagner les collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour la réplique.
Mme Gisèle Jourda. Malheureusement, les collectivités n’ont pas accès à ces fonds, alors même que les phénomènes naturels sont nombreux dans notre région et que les communes doivent consentir des investissements importants pour rectifier le tir.
Nous serons donc particulièrement vigilants.
dispositions applicables aux agents bénéficiant d’une autorisation spéciale d’absence
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 1813, transmise à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, ma question porte sur les dispositions applicables aux agents qui bénéficient encore d’une autorisation spéciale d’absence, communément appelée ASA.
Face à l’épidémie, il était indispensable de protéger les agents les plus vulnérables. Mais, aujourd’hui, à l’issue du déconfinement, la question des agents dans l’impossibilité d’exercer leurs missions en télétravail reste posée.
Si votre ministère a déjà été sollicité via une question écrite, le dispositif qu’il a décrit dans sa réponse ne concerne malheureusement qu’une petite partie des fonctionnaires. De fait, il n’est pas applicable aux situations dans lesquelles se trouvent de nombreuses collectivités.
Les nouvelles dispositions parues récemment prévoient là encore de nombreuses exceptions, laissant penser que le dispositif est amené à perdurer.
Par manque de personnel, certaines communes doivent désormais sous-traiter leurs travaux, alors qu’elles prennent en charge le salaire de leurs fonctionnaires, et ce sans compensation de l’État. Ce dispositif fragilise les moyens d’action et les finances des collectivités.
Plusieurs questions se posent.
La vaccination permet-elle de lever le risque de vulnérabilité ? Quid si l’agent en ASA ne souhaite pas se faire vacciner ? Est-il possible de vérifier si un agent est vacciné ou non et selon quelles modalités ? Les congés non pris durant cette période sont-ils perdus ou reportés ? Enfin, quelles sources de financement les collectivités peuvent-elles mobiliser pour maintenir un équilibre financier ?
Pour ne prendre qu’un exemple, madame la ministre, j’évoquerai le cas d’un agent en attente d’une greffe et fort probablement vacciné. Il a été durant de longs mois en ASA et non en arrêt maladie. Les assurances des collectivités n’ont donc pas fonctionné. Cette situation malheureuse pourrait être amenée à s’étendre.
D’avance, je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je suis convaincu qu’elle intéressera de nombreux directeurs généraux des services (DGS).
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur Burgoa, l’amélioration de la situation sanitaire a conduit le Gouvernement à faire évoluer très récemment le dispositif de prise en charge des agents territoriaux considérés comme vulnérables, susceptibles de développer des formes graves d’infection au covid-19.
Il convient de distinguer la situation des agents vulnérables sévèrement immunodéprimés de celle des agents vulnérables qui ne le sont pas.
Premier cas : les agents sévèrement immunodéprimés. Il appartient à l’employeur, après présentation d’un certificat médical par les intéressés, de placer ces agents en autorisation spéciale d’absence (ASA) lorsque leurs missions ne peuvent être exercées en télétravail.
Second cas : les agents vulnérables non sévèrement immunodéprimés. Ces agents sont placés en ASA, sur présentation d’un certificat médical, lorsqu’ils sont affectés à un poste où ils sont susceptibles d’être exposés à de fortes densités virales et lorsque le télétravail n’est pas possible, ainsi que lorsqu’ils justifient d’une contre-indication à la vaccination.
Cette prise en charge spécifique des agents vulnérables est effectuée à leur demande, sur présentation à l’employeur territorial d’un certificat établi par un médecin.
Lorsque l’employeur estime que la demande de placement en autorisation spéciale d’absence n’est pas fondée, au motif que le poste sur lequel l’agent est affecté n’est pas susceptible d’exposition à de fortes densités virales, il saisit le médecin du travail, qui se prononce sur l’exposition à de fortes densités virales du poste et vérifie la mise en œuvre des mesures de protection renforcée.
Par ailleurs, les employeurs territoriaux ne sont pas habilités à contrôler le statut vaccinal de leurs agents, à l’exception de celui des agents territoriaux soumis à l’obligation vaccinale en application de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.
Enfin, les congés annuels des agents vulnérables placés en ASA sont posés dans les conditions de droit commun. Pour ce qui concerne les congés non pris, l’employeur peut, le cas échéant, reporter la date limite à laquelle ils peuvent être posés. Les agents territoriaux conservent en outre la possibilité d’alimenter leur compte épargne temps dans les conditions de droit commun.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, je regrette réellement que, sur une question aussi pratico-pratique aux conséquences financières lourdes, il ait fallu autant de temps pour réagir.
Les services des collectivités ont dû se débrouiller, ce qui a fait naître d’inévitables tensions. In fine, les maires ont encore été obligés de faire face.
Nous sommes le 7 octobre ; ils peuvent enfin avancer…
ambition pour le site renault de choisy-le-roi
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 1831, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Laurent Lafon. Madame la ministre, ma question porte sur le devenir du site Renault de Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne.
L’entreprise Renault a confirmé la fermeture de son usine de reconditionnement de pièces détachées à Choisy-le-Roi, dans l’Est parisien, et son transfert à Flins, dans l’Ouest parisien. Cette cessation d’activité est une perte lourde pour le Val-de-Marne, qui voit ainsi partir un site industriel installé depuis plus de soixante-dix ans, avec les emplois qui lui sont liés.
Sans baisser les bras, les acteurs locaux – le maire Tonino Panetta en tête, le département, la région et la chambre de commerce et d’industrie – ont engagé avec l’État et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) une étude de faisabilité et d’opportunité pour réaliser sur ce site d’une quinzaine d’hectares un grand projet d’économie circulaire, dont le rayonnement aura des effets sur tout le sud du Val-de-Marne, voire au-delà.
Les premiers résultats de cette étude seront présentés au début de l’année prochaine, mais les premières analyses montrent tout l’intérêt de cette démarche et de ce projet.
Pour l’heure, Renault, qui est toujours propriétaire et occupant du site, reste silencieux sur le devenir du foncier et sur sa participation au projet autour de l’économie circulaire.
Madame la ministre, comment l’État entend-il accompagner la reconversion de ce site labellisé « territoire industriel du futur » ? En particulier, comment l’État actionnaire de Renault compte-t-il intervenir pour que cette entreprise accompagne le projet et permette, à travers la maîtrise foncière, la réalisation dans les meilleures conditions et les plus brefs délais de ce projet ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur Lafon, Renault a dévoilé le 25 novembre 2020 son projet de transformation de Flins, afin d’en faire la première usine dédiée à l’économie circulaire de la mobilité. Dans le cadre de ce projet, Renault a décidé de rapatrier à Flins les activités jusqu’ici réalisées à Choisy et de procéder à la fermeture du site.
Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre du plan de réduction des coûts et de la stratégie révisée de Renault, a fait l’objet d’une attention particulière de l’État, actionnaire de l’entreprise, plus précisément concernant l’avenir des salariés et l’enjeu de préservation de l’activité en France.
Renault a signé le 25 mai 2020 un accord avec les organisations syndicales qui encadre les modalités de transfert de l’activité et le reclassement de la totalité des personnels selon trois options : le transfert vers Flins, le reclassement interne au sein du groupe ou le départ de l’entreprise avec un accompagnement pour reclassement.
La majorité des salariés a choisi de poursuivre au sein du groupe, à Flins. Cela témoigne de la pertinence du projet et de l’intérêt d’une activité qui pourra garantir la pérennité de l’emploi.
Enfin, Renault s’est engagé, une fois la situation des salariés réglée, à travailler avec les élus locaux pour la reprise du site de Choisy.
J’ajoute pour terminer que le transfert des activités débutera au mois de décembre et qu’il est appelé à se poursuivre au cours du premier semestre 2022.
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Je vous remercie de ces éléments de réponse, madame la ministre.
Compte tenu de l’ampleur du site et de sa localisation, vous comprendrez qu’une implication forte de l’État et de Renault est extrêmement importante pour la réussite de ce projet de reconversion autour de l’économie circulaire.
Nous serons évidemment très attentifs à ce que tous les acteurs participent activement à cette reconversion.
automatisation de la garantie jeunes pour les majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 1778, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, « plus aucun jeune de l’aide sociale à l’enfance atteignant sa majorité ne se retrouvera sans solution ». Ces mots ont été prononcés par l’un de vos collègues du Gouvernement au début du mois de juillet à propos de l’automatisation de la garantie jeunes pour les jeunes sortant de l’ASE. De nombreux motifs d’inquiétude subsistent cependant sur la faisabilité de cette mesure, qui risque de se heurter à la réalité du terrain.
Au 31 décembre 2019, 312 500 mineurs étaient pris en charge par l’ASE. Par ailleurs, un million de jeunes ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation : ce sont les fameux NEET – Neither in Employment nor in Education or Training.
Or, moins de 100 000 jeunes ont pu bénéficier en 2020 de la garantie jeunes, l’objectif étant de compter 200 000 bénéficiaires en 2021. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la garantie jeunes, malgré son extension, ne touchera pas une majorité de jeunes Français.
L’heure est grave, pourtant ! Un million de jeunes ont basculé dans la pauvreté lors de la crise du covid et plus d’un jeune sur cinq est au chômage.
Je connais vos arguments sur le dispositif « 1 jeune, 1 solution », madame la ministre, pour avoir longuement échangé avec vos collègues du Gouvernement.
Les retours que j’ai des élus locaux ou des acteurs de terrain mettent plutôt en lumière une volonté de faire sortir sans accompagnement les jeunes des dispositifs de l’ASE lorsqu’ils deviennent majeurs. Plusieurs jeunes sont d’ailleurs dans ce cas dans les rues d’Amiens, la ville d’origine du Président de la République.
Le risque est donc double : que la mesure soit inapplicable et que certains jeunes se retrouvent sans solution, contrairement à vos annonces.
La solution, madame la ministre, c’est une réponse universelle, simple à mettre en œuvre et finançable. Qu’en est-il du revenu d’engagement ? Est-ce encore un acte manqué ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur Cardon, vous le savez, l’accompagnement des jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance fait partie des priorités du Gouvernement. Il mobilise depuis maintenant plusieurs années l’attention du ministère des solidarités et de la santé, du ministère du travail et d’un grand nombre d’acteurs publics, associatifs ou privés.
Cette question est centrale depuis la présentation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, qui a conduit au déploiement d’actions nationales en faveur de l’insertion professionnelle et de l’autonomie. J’en rappelle quelques-unes : automatisation des bourses de l’enseignement supérieur à l’échelon le plus élevé, soit 680 euros par mois, et accès prioritaire au logement étudiant ; signature en novembre 2020 d’un accord-cadre avec l’Union nationale des missions locales, l’Union nationale pour l’habitat des jeunes et la Convention nationale des associations de protection de l’enfant pour mobiliser tous les acteurs en faveur de l’insertion sociale et professionnelle de ces jeunes, via un accompagnement personnalisé dès l’âge de 17 ans ; accès automatique, depuis janvier 2021, à la garantie jeunes pour un accompagnement professionnel renforcé et à une aide financière de 500 euros par mois – cet accompagnement est prévu dans le cadre d’un contrat d’engagement mentionnant les objectifs, tant de la mission locale que du jeune concerné.
En plus de ces mesures, le Gouvernement a souhaité aller plus loin afin de garantir à chaque jeune sortant de l’ASE, sur tout le territoire et quelle que soit sa situation, qu’il bénéficiera d’une solution pérenne et adaptée. C’est ce qui a conduit l’Assemblée nationale, dans le cadre des débats sur le projet de loi relatif à la protection des enfants, au vote de l’amendement que vous avez mentionné.
En l’occurrence, la question du lien entre les conseils départementaux et les missions locales avait été travaillée bien en amont de ce vote, comme en attestent les initiatives que je viens de rappeler.
L’accord de 2020, en particulier, construit à partir de bonnes pratiques existantes localement, avait permis de faciliter, d’améliorer et de pérenniser la coordination entre les acteurs de l’aide sociale et de l’insertion. Dans chaque territoire, il permet depuis de promouvoir et d’assurer l’accompagnement des jeunes avant leur majorité, de sécuriser les parcours des jeunes mineurs relevant de la protection de l’enfance jusqu’à leur majorité et de systématiser par des partenariats renforcés l’anticipation des sorties de l’ASE.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Vous le voyez donc, toutes ces mesures ont pour objectif d’assurer la protection de ces jeunes. La mise en œuvre de l’automatisation pourra, me semble-t-il, être assurée sans difficulté dès la promulgation de la loi, c’est-à-dire dans quelques semaines.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.
M. Rémi Cardon. Je serais curieux de connaître la réaction des jeunes qui sont dans la rue, qui n’ont pas de parents, à votre réponse. Que de temps perdu depuis des mois, voire des années !
situation des urgences à l’hôpital bicêtre
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 1788, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, ma question porte sur la situation inquiétante du service des urgences du centre hospitalier universitaire de Bicêtre, l’un des plus gros CHU d’Île-de-France, où l’on dénombre plus de 60 000 passages par an.
Depuis la démission du docteur Maurice Raphael en septembre 2020, aucun médecin senior n’a été recruté pour le remplacer au poste de chef de service. À la suite de son départ, onze autres urgentistes ont également quitté l’hôpital et tous les cadres de santé sont partis, tant les conditions de travail y sont déplorables.
Le docteur Raphael avait maintes fois alerté sur les dysfonctionnements de ce service. Rien n’a été fait…
La démission de ce médecin expérimenté, que j’ai rencontré et qui avait véritablement le service public chevillé au cœur, a été le symbole du malaise régnant aux urgences et, plus largement, dans tous les services de cet établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), après des années de restrictions budgétaires.
Aujourd’hui, ce sont les internes qui sont contraints d’occuper ce poste à responsabilité, faute de remplaçant et d’encadrement médical suffisant, mais il est évident que ce n’est pas leur rôle.
L’agence régionale de santé (ARS) a fait un rapport sur ces urgences. Malheureusement, celui-ci n’est pas public et, malgré mes demandes, je n’ai pu y avoir accès, y compris en me prévalant de ma qualité de parlementaire. Conséquence logique : le service d’accueil des urgences (SAU) vient de perdre son agrément, au moins jusqu’en mai 2022. Faute d’agrément, il n’y aura plus d’internes à partir du 1er novembre dans cet hôpital universitaire, ce qui mettra encore un peu plus en péril l’établissement. Ce sont des médecins d’autres services qui viendront en aide aux urgences, alors qu’ils ne sont pas urgentistes !
Au regard de cette situation catastrophique, les recrutements se font rares. L’établissement n’est plus assez attractif pour les professionnels. Le service des urgences de l’hôpital Bicêtre est en danger et les patients risquent de l’être aussi. Les professionnels confient eux-mêmes qu’ils n’enverraient pas des proches s’y faire soigner…
Madame la ministre, que compte faire M. Véran face à cette situation catastrophique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Laurence Cohen, je sais combien ce sujet vous tient à cœur.
Depuis plusieurs années, la situation du service des urgences de l’hôpital Bicêtre appelle notre attention. Une démarche de restructuration profonde a été entamée afin de mettre fin aux difficultés de cette structure. Cette démarche vise à retrouver un fonctionnement optimal et une qualité de vie au travail en phase avec l’attractivité et la renommée de l’établissement.
L’ARS d’Île-de-France est mobilisée pour accompagner ce changement et apporter son appui à l’AP-HP.
En novembre 2019, l’ARS et l’AP-HP ont signé le premier contrat « zéro brancard pour les patients en attente d’hospitalisation » de la région. L’Agence a validé entièrement la feuille de route élaborée par les professionnels de santé des urgences et la communauté médicale de l’hôpital Bicêtre. À cette occasion, une aide de 500 000 euros a été débloquée et 22 lits supplémentaires de gériatrie aiguë ont été créés au sein de l’établissement.
Malgré le retrait d’agrément pour l’accueil des internes, le chef de service nommé au printemps dernier a d’ores et déjà pu procéder à des recrutements et à des changements d’encadrement et d’organisation permettant de répondre aux demandes d’amélioration formulées.
L’ARS a proposé de mettre en place et de piloter un comité de suivi mensuel, associant les syndicats d’internes, l’AP-HP et les coordonnateurs des filières de médecine générale et d’urgences. Ce comité permettra de suivre l’amélioration des conditions d’accueil, de travail et de formation des internes, l’objectif étant de permettre au service de retrouver son agrément.
Pour les internes qui prennent en charge la permanence des soins aux urgences, une liste de critères et une charte de qualité ont été établies et partagées ; un premier point de situation sur les améliorations apportées par l’établissement a été tenu.
Comme vous le voyez, nous soutenons fortement l’établissement, en concertation avec l’ensemble des professionnels de santé concernés, pour que le service des urgences retrouve toutes ses capacités et son attractivité.
pénurie de médecins et classement des communes en zone de vigilance
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 1591, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Bernard Bonne. Ma question porte sur le désarroi du maire et des habitants de la commune de Saint-Martin-la-Plaine dans la Loire, qui viennent d’apprendre le prochain départ à la retraite de l’un de leurs trois médecins généralistes.
Ce médecin a une patientèle de 1 600 personnes environ, pour lesquelles aucune solution ne se dessine, les deux autres médecins, débordés, ne pouvant plus prendre de nouveaux patients.
Face à cette situation, le maire est pleinement mobilisé ; il cherche, à ce jour sans succès, à aider à l’installation d’un nouveau médecin et souhaite y participer financièrement. Il a contacté à plusieurs reprises la préfecture de la Loire et l’ARS, qui n’ont pu lui apporter de réponse satisfaisante quant aux moyens à mettre en œuvre.
Surtout, il a appris que le classement par l’ARS en 2018 de sa commune en zone de vigilance ne lui permet pas d’attribuer des aides destinées à favoriser le maintien de professionnels de santé sur son territoire, en application du code de la santé publique. Seules les communes classées en zone d’intervention prioritaire sont concernées.
Face à une telle situation de pénurie, ne serait-il pas envisageable de revoir ce classement ? Quelles solutions pourraient-elles être apportées à ces élus qui sont en première ligne face à la désertification médicale ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Monsieur le sénateur Bernard Bonne, vous avez raison, le zonage arrêté en 2018 confirme les chiffres d’une densité médicale faible. Ce zonage est cependant en cours de révision et l’ARS ambitionne toujours d’aboutir à un nouvel arrêté d’ici à la fin de cette année. À cet égard, les consultations avec la conférence régionale de santé et de l’autonomie et la commission spécialisée pour l’organisation des soins se poursuivent.
Sans avoir attendu ce nouveau zonage, l’ARS, en lien avec l’assurance maladie, travaille depuis quelque temps à la structuration des soins de premier recours, ce qui est indispensable quand on sait que la jeune génération de professionnels de santé – médecins, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes ou autres – souhaite avant tout bénéficier d’un exercice coordonné et travailler en pluriprofessionnalité.
L’ARS accompagne depuis plusieurs années les projets de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et de centres de santé (CDS), afin de diversifier l’offre proposée aux jeunes médecins et de la rendre plus attractive. Ce travail est mené y compris dans les zones de vigilance.
Le département de la Loire compte aujourd’hui une quarantaine de MSP et de CDS. Une MSP a d’ailleurs été créée en juillet 2018 dans la commune de Saint-Martin-la-Plaine.
Par ailleurs, et afin de faciliter l’installation de nouveaux professionnels, l’ARS a œuvré pour le développement de la maîtrise de stage, afin de faire découvrir le département aux futurs médecins généralistes et leur permettre de nouer les contacts qui faciliteront leur installation. C’est un succès, puisqu’on estime que trois quarts des maîtres de stage ont réussi à trouver des remplaçants réguliers ou occasionnels grâce à ce dispositif.
Aujourd’hui, l’ARS, en lien avec l’assurance maladie, poursuit ses travaux de structuration de l’offre de soins de premier recours en accompagnant les professionnels de santé dans le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), lesquelles permettent de créer des passerelles entre la ville et l’hôpital. Deux CPTS ont d’ailleurs vu le jour dans le département de la Loire en 2020.
Nous allons enfin accompagner financièrement les primo-installations de médecins généralistes dans les zones sous-dotées.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.
M. Bernard Bonne. Je vous remercie de cette information, madame la ministre.
L’ARS devrait modifier le plus rapidement possible les critères applicables à ces zones, car je pense que de nombreux territoires situés en dehors des villes, et même au sein de certaines agglomérations, vont vite devenir des zones sensibles. Il faut donc permettre aux maires, où qu’ils soient, de soutenir financièrement l’installation de médecins. Les MSP, c’est bien, mais encore faut-il des médecins pour y exercer !
prise en charge chirurgicale en mode hyper-ambulatoire
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 1829, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Deroche. Ma question porte sur les bénéfices des nouveaux modèles de prise en charge chirurgicale des patients en mode « hyper-ambulatoire ». J’ai reçu au printemps dernier des chirurgiens orthopédistes responsables de centres pilotes, qui ont attiré mon attention sur cette nouvelle technique.
L’offre de soins est en perpétuelle évolution. Le contexte pandémique actuel, qui désorganise les services, impose la recherche et la promotion de nouveaux modèles de prise en charge. Les nouvelles techniques chirurgicales et anesthésiques permettent ce développement.
Des expérimentations d’office surgery ont déjà lieu actuellement. Elles permettent d’optimiser les soins pour les patients et présentent des avantages pour les établissements.
Pour les patients, l’hyper-ambulatoire permet d’améliorer la qualité des soins, en optimisant le recours aux produits anesthésiques et en diminuant les risques de contagion grâce à une baisse des contacts humains durant le parcours.
Pour les établissements de soins, ces nouvelles techniques entraînent une réduction non négligeable des coûts, car elles permettent d’optimiser de façon rationnelle les plages des blocs opératoires et d’adapter le plateau technique à la complexité des gestes.
Dans un contexte où la gestion rationalisée des dépenses publiques et la gestion du personnel soignant sont une priorité, cette pratique est très prometteuse. Le cadre normalisé et les modes de financement restent toutefois à clarifier.
Quelles sont donc les intentions du Gouvernement à cet égard ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la présidente Catherine Deroche, comme vous le relevez dans votre question, les prises en charge chirurgicales impliquent une garantie totale de sécurité et de qualité pour le patient.
Les organisations pour la pratique de la chirurgie ambulatoire en France sont variées, les modèles s’adaptant aux spécialités des territoires.
Il peut d’abord s’agir d’une unité de chirurgie ambulatoire au sein d’un établissement de santé pratiquant également l’hospitalisation avec nuitées. Cette unité peut être intégrée au site géographique de l’établissement pratiquant l’hospitalisation complète ou être située sur un site géographique différent : on parle alors de centre indépendant de chirurgie ambulatoire. Ce premier modèle est le plus répandu en France.
Les établissements de santé ne pratiquant que la chirurgie ambulatoire, dénommés en pratique « centres autonomes de chirurgie ambulatoire », constituent un autre modèle.
Enfin, l’office surgery que vous évoquez est pratiquée par une structure qui ne constitue pas un établissement de santé – il peut s’agir d’un cabinet de ville, par exemple –, mais dont l’environnement chirurgical se rapproche tout de même de l’environnement hospitalier en termes de normes. Ce modèle est très développé aux États-Unis, mais peu en France à ce jour. Ces cabinets doivent obtenir une autorisation de chirurgie ambulatoire et donc disposer d’un secteur opératoire et du personnel adapté.
En outre se pose la question de la réalisation de certains actes chirurgicaux en dehors des blocs opératoires, ce qui permet de rationaliser leur utilisation et les ressources humaines. L’évolution des techniques, notamment anesthésiques, peut en effet permettre, pour certains actes, une prise en charge hors bloc, mais dans un environnement à définir.
Le rôle de la communauté scientifique est essentiel pour préciser ces évolutions et déterminer si un acte chirurgical peut se pratiquer en dehors d’un bloc opératoire.
À ce jour, l’expérimentation fondée sur l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 paraît constituer le vecteur idéal pour envisager à la fois de nouvelles organisations sur cette thématique et un modèle financier adapté, dans un cadre sécurisé, avec une évaluation externe qui, le cas échéant, permettra d’adapter la réglementation.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. C’est précisément là que le bât blesse, madame la ministre… Les chirurgiens que j’ai rencontrés, à l’origine des centres pilotes que j’ai mentionnés, rencontrent des difficultés pour obtenir les autorisations fondées sur cet article 51. Il faut imaginer la lourdeur du montage du dossier et la lenteur de la procédure…
Ces centres permettraient pourtant aux patients d’être accueillis dans des espaces sécurisés et de suivre un parcours de soins optimisé à même de réduire le risque de certaines contaminations. Quand on connaît le problème des infections nosocomiales, cela me semble très important.
conséquences du report du recensement sur la dotation globale de fonctionnement des collectivités
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, auteur de la question n° 1808, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Pierre-Antoine Levi. Madame la ministre, le recensement exhaustif de la population des communes de moins de 10 000 habitants a lieu tous les cinq ans. Le dernier ayant été réalisé en 2016, le suivant devait normalement se tenir en 2021. La covid-19 étant passée par là, ce recensement a été reporté à 2022…
On peut parfaitement le comprendre, mais, compte tenu de l’importance du recensement pour les communes – la dotation globale de fonctionnement (DGF) est calculée à partir des populations légales –, ce report est problématique.
En effet, certaines communes particulièrement dynamiques ont vu leur population augmenter de façon très importante depuis 2016.
C’est le cas notamment du sud du département du Tarn-et-Garonne, qui profite de sa proximité avec l’agglomération toulousaine. De très nombreuses communes sont concernées.
L’exemple de la commune de Pompignan est particulièrement frappant. La population légale au 1er janvier 2017 était de 1 484 habitants. Elle est aujourd’hui estimée par la mairie à plus de 2 000 habitants, soit 25 % de plus, bien loin de l’estimation de la population annuelle faite par l’Insee.
Bien évidemment, cette très forte évolution n’a pas été prise en compte dans le calcul de la DGF, alors que la commune de Pompignan a effectué dans le même temps les investissements nécessaires pour l’accueil de cette nouvelle population.
La situation devient même ubuesque lorsque l’administration fiscale rappelle à l’ordre la commune pour mauvaise gestion, ses charges ayant bien évidemment augmenté…
Madame la ministre, de très nombreux élus locaux attendent une réponse à cette question très simple : quelles mesures compensatoires ont-elles été prises pour pallier les effets du report du recensement de 2021 pour les communes qui ont vu leur population fortement augmenter ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pierre-Antoine Levi, vous le savez, la population constitue le principal critère de répartition des concours financiers de l’État aux collectivités. La population prise en compte dans les calculs est issue du recensement effectué par l’Insee.
Les procédures de recensement sont fixées par la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité. Celle-ci prévoit notamment qu’un décret authentifie chaque année les chiffres des populations recensées. Seules ces données disposent de la fiabilité nécessaire à la répartition des dotations de l’État. Il ne serait en effet pas possible de fonder ces répartitions sur des données estimatives, sauf à risquer de remettre en cause la fiabilité des calculs, ainsi que l’égalité de traitement entre les collectivités.
En raison du contexte sanitaire, l’Insee a annoncé le report à 2022 de l’enquête de recensement prévue initialement pour janvier et février 2021, sauf à Mayotte, où elle est maintenue.
Cependant, l’Insee a également indiqué qu’il serait bien en mesure, comme les années précédentes, d’actualiser les populations légales des communes à la fin de l’année 2021. En effet, les chiffres de population sont établis à partir d’un large panel de sources, notamment les enquêtes annuelles de recensement, mais également des sources administratives comme le répertoire d’immeubles localisés (RIL) et les sources fiscales. Ces dernières seront davantage mobilisées pour élaborer les chiffres de population légale.
L’Insee a par ailleurs confirmé au Gouvernement que cette méthode était fiable et qu’elle permettrait de bien mettre à jour à la fin de l’année 2021 la population des collectivités territoriales, donnée qui sera utilisée en 2022, notamment pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. J’avais pu obtenir par courrier ces informations auprès de l’Insee ; elles ne satisfont ni le maire de Pompignan ni ceux des autres communes concernées, pour lesquelles, je vous le garantis, la perte financière est très lourde. Compte tenu de l’attractivité de la métropole toulousaine, l’évolution et l’explosion de la population dans ces communes du sud du département sont de nature, selon moi, à faire mentir les chiffres de l’Insee, trop modeste dans ses projections.
Je vous remercie de porter une attention très particulière à cette question. Ces communes attendent des réponses de votre part.
devenir des régies publiques après les fermetures administratives successives
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 1678, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, la fermeture administrative des remontées mécaniques a mis à l’arrêt toute l’économie touristique de montagne lors de la dernière saison hivernale. Les nombreuses conséquences sociales, économiques et financières de cette décision sont encore perceptibles.
La fermeture de nos stations a nécessité la mise en place de mesures de soutien inédites. Je ne peux que me réjouir des divers dispositifs proposés, notamment dans le cadre du plan Avenir montagnes, par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en particulier par Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la ruralité.
Néanmoins, il faut désormais penser à l’avenir avec, en ligne de mire, la réouverture des stations de sports d’hiver dans quelques semaines. L’enjeu n’est pas anodin, puisqu’il s’agit de relancer l’économie de montagne.
Si les aides économiques et financières sont essentielles, leurs effets sur l’activité ne doivent pas être enrayés par des mesures sanitaires trop restrictives, tant pour les professionnels que pour les touristes.
De plus, la crise sanitaire a créé un véritable déficit de saisonniers, qui met en péril la mise en mouvement de nos stations de sports d’hiver lors de la saison à venir : nous manquerons sans doute de main d’œuvre.
Les modalités de réouverture doivent permettre une reprise sereine de l’activité et favoriser l’attractivité des territoires de montagne.
Dans ce contexte, quelles mesures sanitaires seront applicables aux stations de sports d’hiver ? Le passe sanitaire y sera-t-il applicable ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, la gestion de services ou d’équipements publics en régie par les collectivités compte parmi les modalités d’aménagement du territoire. Elle permet aux élus locaux d’intervenir là où le fonctionnement spontané de l’économie de marché n’assure pas aux habitants des services complets, accessibles à bas coût et maillant tout le territoire. Le Gouvernement y est donc très attaché et surveille avec attention les effets de la crise.
Après la clôture des comptes de 2020, nous avons constaté que les recettes des collectivités tirées de leur tarification avaient baissé de 17 %, alors que les recettes communales n’ont, dans leur ensemble, diminué que de 1,8 %. Ce phénomène touche un nombre restreint de collectivités, notamment celles qui portent des équipements structurants, tels que des piscines, des thermes ou des campings.
C’est pourquoi nous avons instauré et voté dans la loi de finances rectificatives pour 2021 un dispositif de soutien en faveur des collectivités ayant subi des pertes significatives au titre de leurs services publics locaux. Dans le détail, le mécanisme d’aide comporte deux volets, un pour les services publics à caractère industriel et commercial (SPIC), un pour les services publics administratifs (SPA). L’enveloppe totale s’élève à 203 millions d’euros.
Les activités visées sont larges : bases de loisirs et nautiques, équipements sportifs, régies thermales, parcs de stationnement, salles de spectacles, services scolaires et périscolaires, etc. Le décret d’application doit passer au comité des finances locales le 19 octobre et les paiements seront effectués dans la foulée de sa publication.
Par ailleurs, l’État a soutenu les régies gérant des remontées mécaniques, lesquelles ont reçu les mêmes aides que les entreprises privées. Dans les Hautes-Alpes, seize exploitants ont ainsi bénéficié d’aides, dont une majorité de régies ou de sociétés d’économie mixte.
Enfin, les services de transport gérés en régie ont perçu, au début de l’année, 583 millions d’euros d’avances remboursables, en plus des compensations budgétaires attribuées à ceux qui avaient subi les pertes les plus importantes du fait de la non-perception du versement mobilité. Le Gouvernement se préoccupe de leur santé financière, mais cela ne nous exonère pas d’une réflexion à plus long terme sur leur devenir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses concernant les régies.
J’ai légèrement reformulé ma question, dans la mesure où nous avons récemment obtenu des assurances de la part du Gouvernement, dans l’attente de la publication du décret d’application sur les différents dispositifs. Je me réjouis pour notre département, notamment pour certaines stations, que ces dispositions aient pu être appliquées et adaptées.
Ma question portait davantage sur la saison à venir ; vous n’y avez pas répondu, je le regrette. J’ai cru comprendre que Domaines skiables de France avait la certitude que les stations vont rouvrir. Des précisions indispensables doivent cependant être apportées sur les modalités pratiques, notamment pour les personnels saisonniers. Je le répète : le véritable risque cette année est non pas la fermeture des stations, mais plutôt l’impossibilité de les faire fonctionner en raison d’un manque de saisonniers.
Je poserai de nouveau ces questions très prochainement au Gouvernement, lors de l’audition que le groupe d’études Développement économique de la montagne a sollicitée auprès du Premier ministre.
fontenoy du maritime
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 1454, adressée à Mme la ministre de la mer.
M. Dominique Théophile. Madame la ministre, il y a un an ou presque débutaient les concertations du Fontenoy du maritime. Menées avec l’ensemble de l’écosystème français, elles ont pour ambition de faire de la France l’une des dix premières nations du shipping mondial d’ici à la fin de la décennie.
Lors des Assises de l’économie de la mer, qui se sont tenues les 14 et 15 septembre derniers à Nice, la ministre de la mer, Annick Girardin, les armateurs de France et le Cluster maritime français ont pris un engagement commun. Une série de mesures ont ainsi été annoncées. Elles visent à faciliter le financement et le verdissement de la flotte contrôlée par les compagnies maritimes françaises, à améliorer le parcours et la carrière de nos marins et, plus largement, à soutenir le pavillon français, grâce notamment à la création d’une aide à l’emploi maritime ou à l’organisation d’une réflexion sur le dumping social maritime dans le cadre de la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Pour mettre en œuvre ces engagements et asseoir notre position dans le commerce mondial, la France peut, et doit, s’appuyer sur ses territoires ultramarins. En effet, 97 % de ses 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive et d’espace maritime sont liés à ces territoires. Il est inutile de préciser que les concertations du Fontenoy du maritime et les annonces des Assises de la mer ont été attendues et scrutées avec attention dans les outre-mer.
Ma question est donc double, madame la ministre : premièrement, pouvez-vous nous donner le calendrier de mise en œuvre des mesures qui viennent d’être annoncées ? Pouvez-vous également préciser les propositions sur lesquelles vous travaillez et qui pourraient encore être retenues dans le cadre de ces concertations ? Deuxièmement, quelles retombées en termes d’emploi, de financement et de formation les territoires d’outre-mer doivent-ils espérer ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Dominique Théophile, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Annick Girardin, qui est actuellement en déplacement.
Un intense travail de consultation a eu lieu dans le cadre du Fontenoy du maritime, vous l’avez dit. Vous avez également rappelé les annonces faites par le Président de la République lors des Assises de l’économie de la mer à Nice, le 14 septembre dernier.
Une spécialité maritime sera créée au sein du service public de l’emploi. D’ici à la fin de l’année, nous définirons une stratégie d’accompagnement des parcours professionnels des marins. Avec plus de trente-huit implantations territoriales, dont une en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, le Service social maritime (SSM) a sans doute un rôle à jouer pour atteindre cet objectif. La ministre de la mer l’a d’ailleurs confirmé la semaine dernière, à l’occasion de son déplacement à Nantes pour l’inauguration du siège du SSM.
Nous formerons, d’ici à 2027, entre trois cents et quatre cents officiers supplémentaires. Dès la rentrée prochaine, nous accroîtrons de 45 %, soit de 8 millions d’euros, le budget de l’École nationale supérieure maritime (ENSM) et nous augmenterons les promotions d’une cinquantaine de marins. Un travail pourra aussi être engagé avec les bassins de recrutement ultramarins.
De plus, et c’était attendu, le Président de la République a validé la simplification des critères d’éligibilité au suramortissement vert. Cette mesure, incluse dans la première partie du projet de loi de finances pour 2022, permettra aux navires des armateurs français d’exploiter une flotte plus verte, en s’engageant résolument dans la décarbonation du transport maritime et dans la filière du transport à la voile.
Enfin, l’aide à l’emploi maritime est bien entendu applicable aux compagnies exploitant des dessertes ultramarines. Ainsi, la compagnie L’Express des îles, basée à Pointe-à-Pitre, en bénéficiera.
Le Fontenoy s’accompagne de mesures fortes au profit du secteur maritime en général. Je pense notamment aux 175 millions d’euros du plan de relance qui seront consacrés au verdissement des grands ports maritimes et des ports autonomes, dont 23,1 millions d’euros sont dédiés aux outre-mer.
protection et législation applicable à un dolmen
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 1770, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Philippe Bonnecarrère. Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur le dolmen de Saint-Paul, situé sur la très jolie commune tarnaise de Sainte-Cécile-du-Cayrou, en bordure de la forêt de la Grésigne, et vous poser deux questions plus générales.
La première question vise à clarifier la réglementation applicable. Ce dolmen a été classé au titre des monuments historiques en 1889 et nous ne parvenons pas à savoir si la réglementation applicable est celle des monuments historiques ou celle des services de l’archéologie. La conservation départementale du Tarn peine à nous répondre, nous renvoie vers la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), qui nous renvoie habilement vers les services centraux, qui se gardent bien de nous répondre.
Ma deuxième question, s’agissant d’un dolmen situé sur un terrain privé, porte non pas sur la préservation du site – je suppose que le propriétaire a bien l’obligation de préserver le dolmen classé monument historique –, mais sur les modalités d’accès : existe-t-il une possibilité d’accès sur un terrain privé ? À défaut, y a-t-il une possibilité d’accès visuel ? En d’autres termes, est-il envisageable que le propriétaire, soit volontairement, soit involontairement, ne permette pas à tout un chacun d’apercevoir ce dolmen ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, la ministre de la culture vous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd’hui et m’a demandé de vous répondre.
Les mégalithes sont, après les grottes ornées, les plus anciens monuments historiques de France. Le dolmen de Saint-Paul a fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques dès 1889, ce qui montre son intérêt patrimonial majeur. Je me réjouis de l’intérêt que vous-même et le maire de Sainte-Cécile-du-Cayrou portez à ce monument.
Les dispositions du code du patrimoine fixent le régime juridique applicable au titre des monuments historiques et de l’archéologie. Ce dolmen étant classé au titre des monuments historiques, le propriétaire a l’obligation d’assurer les travaux d’entretien, de réparation et de conservation. Il peut, pour ce faire, solliciter l’aide financière de la DRAC territorialement compétente. Par ailleurs, les services régionaux de l’archéologie pourront prescrire la réalisation préalable d’une opération archéologique en lien avec le projet de restauration.
Le propriétaire n’a en revanche aucune obligation de permettre ou de faciliter l’accès du public au monument. Cette décision lui appartient, le dolmen étant situé sur une propriété privée.
Des échanges sont toutefois en cours entre la DRAC Occitanie, les collectivités territoriales et le propriétaire pour intégrer et mettre en valeur le dolmen de Saint-Paul dans un parcours de randonnée actuellement à l’étude.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Le maire de la commune prendra acte de ces indications. Je pense qu’il souhaitera savoir s’il existe une obligation de mettre en œuvre un programme de restauration sur le fondement d’une décision publique ou si cela suppose une décision du particulier.
Peut-être peut-on regretter, même si l’on comprend bien qu’il s’agit d’une propriété privée, que le propriétaire ne soit pas soumis au moins à une obligation d’accès visuel ? La notion d’accès physique est évidente : chacun peut interdire ou non l’accès à sa propriété. Sur l’aspect visuel, je serai plus prudent. J’espère que la réglementation pourra évoluer un jour sur ce point.
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, lors du scrutin n° 1 du 6 octobre 2021 sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi tendant à permettre l’examen par le parlement de la ratification de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État, M. Jean-Louis Lagourgue souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique et de la proposition relative aux lois de financement de la sécurité sociale ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
6
Les droits des personnes en situation de handicap sont-ils effectifs et respectés ?
Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur le thème : « Les droits des personnes en situation de handicap sont-ils effectifs et respectés ? »
Dans le débat, la parole est à Mme Laurence Cohen pour le groupe auteur de la demande.
Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Cathy Apourceau-Poly en raison de problèmes de transport. Cette intervention sera donc à deux voix !
À la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, le Sénat a inscrit à l’ordre du jour ce débat sur les droits des personnes en situation de handicap. Il nous a semblé important et utile d’avoir, à six mois de l’élection présidentielle et des élections législatives, une discussion dans notre Haute Assemblée sur l’effectivité et le respect des droits des personnes en situation de handicap.
Nous aurons, le 12 octobre prochain, l’occasion d’aborder une nouvelle fois la question de l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de débattre avec le Gouvernement de la nature de cette allocation. L’AAH est-elle un revenu minimum de subsistance octroyé par l’État, calculé selon le foyer familial, ou une véritable prestation sociale de compensation du handicap individualisée, selon la situation propre du demandeur ? Pour notre part, la réponse est évidemment la seconde.
Sans la déconjugalisation, que nous sommes nombreuses et nombreux ici à soutenir, il est impossible de sortir d’une situation de dépendance. En effet, notre société enferme en particulier les femmes en situation de handicap qui vivent en couple : 75 % d’entre elles se sentent dépendantes de leur conjoint. De surcroît, on estime que 34 % des femmes en situation de handicap en France ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire ou d’un ex-partenaire.
Tout en abordant la question des aides financières, notre objectif est donc de mener une réflexion globale sur les personnes en situation de handicap, en partant de leurs droits et de leur mise en œuvre effective au quotidien. En effet, la crise sanitaire a mis à rude épreuve notre système de protection sociale. Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, elle a exacerbé les inégalités des publics vulnérables, tels que les personnes en situation de handicap.
Avant toute chose, il faut rappeler qu’il y a, d’un côté, le handicap et, de l’autre, la personne en situation de handicap. Il ne faut pas les confondre. En France, une personne sur quatre souffre d’une incapacité, d’une limitation d’activité ou d’un handicap.
En ratifiant en 2010 la convention relative aux droits des personnes handicapées, la France s’est engagée, sur le plan international, à sortir d’une approche catégorielle du handicap, fondée sur de simples dispositifs en faveur des personnes en situation de handicap.
Le 14 septembre 2021, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies a rendu son rapport sur la mise en œuvre, par la France, de la convention relative aux droits des personnes handicapées. Il a fortement critiqué le système actuel, qui prévoit des réponses isolées pour les personnes concernées et perpétue la méprise selon laquelle les personnes handicapées seraient objets de soins et non pas sujets de droit.
Il est donc indispensable de changer d’approche et de cesser d’estimer que la personne en situation de handicap a des besoins et qu’il faut lui apporter une aide : il faut considérer qu’elle a des droits et qu’ils doivent être rendus effectifs.
L’ONU estime que la France adopte un modèle médical et des approches paternalistes du handicap, qui nuisent à la bonne application des droits des personnes handicapées. L’approche des personnes en situation de handicap ne doit plus être fondée sur leur état de santé. Ces personnes doivent au contraire être considérées comme des sujets de droit : elles ont droit à l’éducation, à un logement, à un travail, aux loisirs, à une vie familiale et sexuelle, à l’accès à la santé et aux transports.
Notre société doit repenser son approche du handicap dans notre pays. Pourtant, la France avait fait un premier pas en ce sens lors de l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi reconnaissait pour la première fois la responsabilité de l’environnement dans la production du handicap et traitait de la compensation, par le biais de prestations ou de services, en posant le principe de l’accessibilité à tout, pour toutes et tous.
Malheureusement, depuis 2005, les gouvernements successifs ont été incapables de tenir les engagements inscrits dans la loi. Si des avancées ont pu avoir lieu, nous sommes encore très loin d’une société inclusive. Il suffit de constater l’absence de publication de certains décrets pour se convaincre que l’accessibilité à l’école, à l’emploi ou aux bâtiments publics n’a été que partiellement mise en œuvre.
Christel Prado, présidente de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), posait justement la question dans un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2014 de l’opportunité de concevoir une société où les biens et services sont accessibles à toutes et à tous et où toutes les citoyennes et tous les citoyens peuvent faire valoir leurs capacités en exerçant leurs droits fondamentaux.
Dans un rapport du mois d’août, la Défenseure des droits a, elle aussi, fait état d’un bilan contrasté s’agissant de l’effectivité des droits des personnes en situation de handicap. Ainsi, en 2020, le handicap est, pour la quatrième année consécutive, le premier motif de saisine de la Défenseure des droits en matière de discrimination, ce motif représentant 21 % des réclamations.
Pendant la crise de la covid-19, les personnes en situation de handicap et leurs proches ont subi, comme souvent dans leur quotidien, hélas ! l’absence d’aide, de soutien et de répit.
Face à ces constats alarmants, construire une société inclusive et solidaire s’impose, c’est-à-dire une société qui reconnaisse à chaque personne des droits humains inaliénables et universels – civils, politiques, économiques, sociaux, culturels – et s’assure de la réalité de ces droits et de leur mise en œuvre effective dans la vie quotidienne.
Une telle société suppose des politiques d’aménagement et de développement durable qui prennent mieux en compte l’empreinte sociale, économique et environnementale, des politiques qui combattent les préjugés et les discriminations, qui s’opposent à toute logique d’exclusion et d’injustice sociale, qui garantissent et défendent la participation sociale de chacune et chacun, quelles que soient ses capacités. Il s’agit d’affirmer que chaque personne a sa place et doit respecter celle des autres.
En matière de droit à l’éducation, les enfants et les jeunes en situation de handicap sont particulièrement concernés par cette école qui ne s’adapte pas. Il est temps de prendre les mesures nécessaires pour aller vers une éducation véritablement inclusive et émancipatrice, respectueuse des droits humains. Les enfants et jeunes en situation de handicap connaissent de nombreux décrochages et ruptures de parcours, dus à l’inadaptation de la pédagogie.
Des moyens financiers et du personnel d’encadrement formé sont nécessaires pour garantir la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire. Il faut rendre accessibles tous les lieux d’accueil, d’activités et d’enseignement, mais également former et soutenir les professionnels de l’éducation et de l’enseignement. Il faut enfin soutenir des structures adaptées, car tous les enfants en situation de handicap ne peuvent intégrer une école dite « ordinaire ».
En matière de droit au travail et à la formation, notre pays connaît un terrible retard. Est-il concevable que, en Île-de-France, Pôle emploi ne dispose que d’une seule personne référente sur ces questions ? Pour favoriser l’accompagnement en milieu ordinaire, des moyens supplémentaires doivent être apportés pour recruter et former des conseillers. Je rappelle que, en plus des contraintes budgétaires, le nombre de places disponibles en établissements ou services d’aide par le travail (ÉSAT) est gelé depuis 2013.
En matière d’accessibilité, les retards dans la mise en œuvre des normes, y compris dans les transports publics, doivent être rattrapés au plus vite, afin que ce droit soit enfin effectif.
En matière de droit au logement, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies a lui-même signalé les reculs dans le droit français consécutifs à l’adoption de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN). Il recommande « d’abroger les dispositions de la loi réduisant le seuil des exigences en matière d’accessibilité pour le logement neuf ».
En conclusion, la personne en situation de handicap est aujourd’hui considérée non pas comme un sujet de droit, mais comme une personne ayant des incapacités. C’est ce paradigme qu’il convient de changer en adaptant notre législation.
Je terminerai en citant cette phrase de Gabriel Garcia Marquez : « J’ai appris qu’un homme n’a le droit d’en regarder un autre de haut que pour l’aider à se lever. »
Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous entendiez, dans mon propos et lors du débat qui va suivre, les exigences des personnes en situation de handicap et que vous puissiez faire mieux dans les six mois à venir. Je souhaite enfin que ce débat permette de faire avancer les droits de ces millions de femmes et d’hommes qui n’aspirent qu’à une seule chose : le respect. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat sur les droits des personnes en situation de handicap. Cet échange offre l’occasion d’examiner les recommandations du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU (CDPH), qui a auditionné la France sur l’application de la convention relative aux droits des personnes handicapées ratifiée en 2010.
Si nous ne partageons pas la vision caricaturale présentée par le CDPH sur les établissements français accompagnant des personnes en situation de handicap, certaines recommandations vont dans le bon sens : renforcer l’accessibilité des maisons pour femmes handicapées victimes de violences, prévenir le risque de suicide des personnes autistes ou en situation de handicap psychique, limiter les disparités territoriales dans l’accès aux droits, notamment en matière d’accessibilité numérique. Plus largement, nous devons renforcer les dispositifs de protection des adultes vulnérables contre toute forme de maltraitance, allant de la négligence aux violences actives.
D’après les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne âgée sur six a été victime de maltraitance dans son environnement, qu’il soit familial ou institutionnel. Seulement un cas sur vingt-quatre fait l’objet d’un signalement. Le handicap est un facteur qui aggrave ce risque.
La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) fait clairement état dans son rapport publié en juillet 2020 d’une surexposition des personnes handicapées aux violences physiques, verbales ou sexuelles. Les femmes en situation de handicap sont deux fois plus souvent agressées à domicile ou près de chez elles, souvent par une personne de leur entourage. Le rapport sénatorial de la délégation aux droits des femmes publié en octobre 2019 décrit une situation alarmante pour les femmes autistes, dont 90 % seraient victimes de violences sexuelles.
L’accès aux soins des personnes autistes se révèle parfois difficile. D’après les experts, de nombreuses personnes autistes ou Asperger, en particulier des femmes, mettent en place un mécanisme de camouflage social pour des raisons d’acceptation sociale et professionnelle. Si cette stratégie de dissimulation leur permet de ne pas être identifiées comme des personnes autistes et ainsi d’éviter une forme de stigmatisation, cela se fait bien souvent au détriment de l’accompagnement et du soutien dont elles auraient besoin.
Ce mécanisme d’adaptation, qui concerne davantage les femmes, expliquerait pourquoi les hommes sont trois à quatre fois plus nombreux à être diagnostiqués autistes. Il faudrait, pour renforcer l’accès aux soins de ces personnes, adapter les outils diagnostiques à l’existence d’une spécificité féminine de l’autisme et du syndrome d’Asperger, moins visible et moins détectée.
Nous savons que les personnes autistes sont particulièrement vulnérables au harcèlement, à la dépression et au suicide. Selon une étude publiée en 2014, deux personnes autistes sur trois déclarent avoir envisagé de se suicider. Ces chiffres sont extrêmement préoccupants. C’est pourquoi l’accompagnement de ces personnes trop souvent isolées est indispensable.
Nous saluons la généralisation, annoncée par le Gouvernement, à la suite des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, du remboursement des consultations de psychologue ou de psychothérapeute. Il s’agit d’une avancée importante pour améliorer l’accès à la santé de nombreuses personnes vulnérables, dont celles qui sont atteintes d’un handicap.
J’espère que ce débat et les discussions qui se tiendront dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 contribueront, par l’attention qu’ils suscitent et les actions qu’ils permettront de mettre en œuvre, à améliorer l’accès des personnes handicapées à leurs droits, au premier rang desquels figure le droit à la santé.
« Dans ma civilisation, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit, […] car nul ne souhaite entendre son propre écho. » Ces mots d’Antoine de Saint-Exupéry traduisent notre vision du handicap et plus largement de la société à laquelle nous aspirons. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans une interview qu’elle a donnée en 2018, Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, affirmait : « Les personnes handicapées ne seront plus des objets de soin, mais des sujets de droit ».
Pensez-vous, madame la secrétaire d’État, que cela soit réellement le cas en 2021 ? Les droits des personnes handicapées sont-ils pleinement effectifs aujourd’hui ?
Pour le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, qui a publié ses conclusions portant sur l’application par la France de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, il semblerait que non.
Selon ce rapport sévère et inquiétant, « le modèle du handicap basé sur les droits de l’homme n’a pas été intégré dans la législation ni la réglementation nationales », pas plus qu’il n’est « devenu partie intégrante de la conscience politique et professionnelle » en France.
Malgré la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » du pays dit des droits de l’homme, les personnes en situation de handicap sont laissées de côté, a affirmé Jonas Ruskus, rapporteur de ce Comité.
De toute évidence, il y a eu des avancées ces dernières années, notamment pour inscrire la question du handicap à l’agenda politique et bâtir une société plus inclusive. Des progrès sont à noter.
Depuis la grande loi sur le handicap de 2005, de nombreuses mesures ont été annoncées par les différents gouvernements.
Je pense par exemple à la modification du code du travail obligeant les employeurs à prendre des mesures d’aménagement raisonnables et assimilant le refus d’obtempérer en la matière à une discrimination fondée sur le handicap.
Je pense aussi à la loi d’orientation destinée à favoriser l’autonomie des personnes handicapées et à la stratégie pour l’emploi des personnes en situation de handicap.
En mars dernier, contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a voté en faveur de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Comment justifier la réduction du montant de l’allocation d’une personne en situation de handicap pour la seule raison qu’elle se mette en couple ? C’est une injustice ! La démarche du Sénat répondait surtout à une attente sociétale profonde en faveur d’une plus grande autonomie financière au sein du couple.
Il y a aussi la cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à la perte d’autonomie : confirmée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, sa mise en place est toutefois inaboutie.
Ces mesures vont dans le bon sens, mais ne constituent pas toujours des engagements forts…
Dans les faits, qu’en est-il réellement des droits des handicapés en matière d’éducation, de cadre de vie, d’accessibilité, de droit à la vie, d’égalité, de non-discrimination ou encore de participation à la vie politique et publique ?
Le Comité onusien retient trois points de vigilance sur lesquels la France doit évoluer : le placement systématique en institution des personnes handicapées ; les traitements médicaux sous contrainte, notamment chez les personnes ayant un handicap psychosocial ; le dépistage génétique prénatal des déficiences fœtales, notamment de la trisomie 21, basé sur des stéréotypes négatifs à l’encontre des personnes handicapées et entraînant leur dévalorisation.
Le rejet prénatal des personnes porteuses de trisomie 21 se poursuit tout au long de leur vie. C’est ainsi que le Comité onusien reproche à la France le départ de personnes handicapées vers la Belgique – elles sont contraintes de s’exiler, faute de solutions dans notre pays.
Si nous n’accueillons pas pleinement la différence et la fragilité, alors les personnes handicapées n’auront jamais les mêmes droits que les autres. Elles ont besoin d’aide afin de prendre toute leur place dans la société.
C’est une révolution culturelle qu’il faut mener pour faire émerger cette société plus inclusive et faire changer le regard sur le handicap. L’accueil de la fragilité est le premier critère de notre humanisation.
Prenons l’exemple de l’école. Le droit à l’éducation est garanti par l’article 24 de la convention relative aux droits des personnes handicapées. L’école est essentielle pour les enfants : ils y sont instruits et y apprennent les règles de la vie en collectivité. Pourtant, de trop nombreux élèves ne sont plus accompagnés, faute de moyens financiers et d’une pénurie d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – je le constate dans mon département.
L’ONU dénonce ainsi le manque d’aménagements raisonnables pour répondre aux exigences éducatives, particulièrement pour les enfants autistes.
Le sujet de l’éducation est primordial, il faut agir !
Il en est de même concernant l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Aujourd’hui, le taux de chômage des actifs handicapés atteint 19 %. Les entreprises préfèrent payer une contribution plutôt que de respecter le quota ; ce n’est pas acceptable ! Nous devons favoriser la rencontre entre l’entreprise et la personne handicapée. Cela constitue bien souvent un choc positif pour l’entreprise, fabrique de la solidarité et accompagne les personnes handicapées vers l’indépendance.
Dans le champ de la simplification administrative, l’Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales de la Mayenne, mon département, m’a alerté sur le fait que la numérisation des administrations constitue un risque d’exclusion pour les personnes en situation de handicap.
Les démarches auprès des administrations sont parfois complexes et des difficultés existent pour certains dossiers. La non-fourniture d’un document ou l’incompréhension sur une demande peut entraîner des suspensions de droits pour les personnes handicapées.
J’attire par ailleurs votre attention sur le projet de simplification de l’accès aux droits des personnes en situation de handicap par une centralisation des informations. L’articulation entre la communauté 360 et son guichet unique, la plateforme de répit pour les aidants et la maison départementale de l’autonomie apportera-t-elle la simplification attendue ?
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Guillaume Chevrollier. Le chemin est encore long pour atteindre une société dite inclusive. Trois conditions doivent être remplies : l’accessibilité des services, notamment aux services numériques ; des ressources et des moyens ; une gamme de services d’accompagnement pour les personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter aux observations formulées par le Comité onusien ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 12 millions de personnes sont touchées par un handicap en France. La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis de réelles avancées, mais c’était il y a plus de quinze ans maintenant… Il nous faut encore faire des progrès en matière d’égal accès aux droits des personnes handicapées et tendre davantage vers l’objectif d’une société réellement inclusive.
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a voulu ce débat pour que, sur toutes les travées de cet hémicycle, des propositions soient faites afin d’améliorer concrètement la vie des personnes en situation de handicap tout au long de leur vie.
Dès la porte d’entrée que constituent les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui doivent assurer la reconnaissance du handicap, la prise en charge et l’accompagnement de la personne, les choses coincent : en moyenne, les MDPH mettent quatre mois et douze jours pour répondre à une demande de prestation. Ces délais peuvent même quadrupler dans certains départements !
Nous faisons là face à un problème structurel, qui nécessite sans doute que les départements, compétents en matière d’action sociale, soient mieux dotés financièrement pour répondre à des demandes en augmentation croissante.
De même, l’ensemble des collectivités locales devraient être accompagnées et bénéficier d’un vaste plan leur permettant de concrétiser plus rapidement la mise en accessibilité de leurs structures, transports ou services.
Selon l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (Unapei), il manquerait entre 45 000 et 50 000 places dans les structures médico-sociales. De nombreux enfants sont concernés et ne bénéficient pas toujours des solutions éducatives qu’ils attendent, de même que de jeunes adultes, qui doivent rester, du fait de l’amendement Creton, dans des structures mal adaptées à leur âge.
Les personnes handicapées vieillissantes sont également concernées. C’est un sujet à part entière, particulièrement pour celles qui ne peuvent plus bénéficier du soutien de leurs parents disparus. J’insiste sur ce problème, qui plonge de nombreuses familles dans l’inquiétude et auquel il est apporté trop peu de réponses : nos anciens, qu’ils soient handicapés ou non, doivent pouvoir vieillir dignement et bénéficier de l’accompagnement qui leur est dû par la société.
Plutôt que de garantir un nombre de places suffisant, vous développez des services annexes comme la RAPT, le PAG et maintenant le PCPE, autant d’acronymes qui sont incompréhensibles pour les familles, mais qui ne masquent pas l’absence criante de structures adaptées !
La situation est identique dans les ÉSAT – ma collègue Laurence Cohen l’a évoquée –, où des tensions existent sur le nombre de places, notamment depuis 2013, aucune place n’ayant été créée depuis lors. Environ 2 000 jeunes qui devraient relever d’un tel établissement sont ainsi maintenus en institut médico-éducatif (IME) ou en institut médico-professionnel (IMPro), toujours au titre de l’amendement Creton.
En ce qui concerne la construction de logements accessibles, nous continuons de proposer de revenir sur les reculs de la loi ÉLAN, tant les besoins liés au handicap, mais aussi au vieillissement, plaident pour accroître leur nombre.
J’en viens à la scolarisation des enfants et au scandale qui demeure dans certaines académies : la non-prise en compte des élèves relevant des unités localisées pour l’inclusion scolaire, les classes ULIS, dans les effectifs des établissements scolaires. C’est non seulement inhumain, mais en plus, cela a un effet sur le taux d’encadrement, alors même que ces élèves devraient bénéficier d’un accompagnement renforcé.
Pour sécuriser le parcours des élèves en situation de handicap, trois principaux leviers doivent être actionnés selon nous : il faut professionnaliser les AESH et les « déprécariser », renforcer la formation des enseignants et élaborer un véritable partenariat entre l’école et le médico-social.
Pour conclure, permettez-moi de revenir sur un sujet d’actualité : le refus du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, de reconnaître l’autonomie des personnes bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, refus qui touche particulièrement les femmes. Les femmes qui vivent en couple se sentent à 75 % dépendantes de leur conjoint. La déconjugalisation doit être adoptée ; nous sommes nombreux ici à le dire, comme les personnes concernées et les acteurs de l’accompagnement du handicap. Cette légitime revendication doit être entendue. Soyez sûre, madame la secrétaire d’État, que la mobilisation ne faiblira pas sur ce sujet !
L’accès aux droits fondamentaux doit être effectif dans tous les secteurs de la vie quotidienne – logement, transport, scolarité, formation, emploi, culture, sport. Je n’ai pu esquisser ici que quelques-unes des pistes de travail sur lesquelles nous souhaitons que tout le monde se penche. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Brigitte Devésa. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé aujourd’hui sur l’initiative de nos collègues du groupe CRCE, que je remercie, porte non seulement le droit des personnes en situation de handicap, et donc l’accès à leurs droits, mais également le soutien que nous devons à ceux qui, proches aidants, apportent une assistance essentielle aux personnes malades, âgées ou handicapées.
En 2020, la Conférence nationale du handicap a permis la signature d’un accord de méthode sur le pilotage et le fonctionnement des MDPH. Il engage l’État et les départements vers une simplification de l’accès aux droits de façon équitable sur l’ensemble du territoire.
Plus récemment, la feuille de route MDPH 2022 a énoncé des objectifs similaires, à savoir un accès aux droits plus simple, plus efficace et plus équitable sur l’ensemble du territoire.
Madame la secrétaire d’État, nous n’ignorons pas les mesures prises par ordonnances pendant la crise sanitaire pour proroger les droits ou pour les attribuer à vie à celles et ceux dont, malheureusement, la situation n’est pas susceptible de s’améliorer.
Le baromètre n° 3 des MDPH, disponible sur le site de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, montre que les données de près d’un tiers des 101 MDPH sont soit totalement soit partiellement indisponibles ! Les données des deux tiers restants montrent que les délais moyens de 45 % des MDPH sont supérieurs à la durée légale de quatre mois. J’en profite pour saluer les bons résultats de la MDPH des Bouches-du-Rhône, dont la moyenne pour le premier trimestre de 2021 est de 1,4 mois – il est donc possible d’aller plus vite et de traiter efficacement les demandes.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire si la moyenne de ces délais s’améliore ? Si oui, de combien ? Surtout, pouvez-vous, dans votre réponse, distinguer le délai moyen de traitement des premières demandes et des demandes de renouvellement ? Dans un souci d’amélioration du service rendu, tant en termes d’efficacité que d’égalité des territoires, quels leviers pourrait-on actionner afin que les départements puissent améliorer ces délais ?
Hier se déroulait la journée nationale des aidants. Leur reconnaissance est de plus en plus forte. Les politiques publiques tendent à considérer l’aidance comme une politique à part entière.
La prestation de compensation du handicap (PCH), créée en 2005, permet de financer des solutions si le besoin de répit a été identifié lors de l’examen ou du réexamen de la prestation. Si le besoin apparaît en dehors de ces périodes et que le besoin est soudain, la prise en charge devient plus difficile.
En 2015, soit dix ans plus tard, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement réformait l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et consacrait, à la différence de la PCH, un module en faveur du répit d’environ 500 euros par an, permettant le financement d’une solution de répit.
Cette enveloppe sanctuarisée montre l’évolution de la place de l’aidance dans nos politiques publiques. J’ajoute toutefois que, juridiquement, rien ne s’oppose au financement du répit sur le volet relatif à l’aide humaine du plan APA, lorsque ce volet n’est pas saturé et que le département y consent.
Si je fais ce parallèle, madame la secrétaire d’État, c’est que le champ des personnes handicapées et des personnes âgées relève d’une approche similaire, celle de l’autonomie.
Nous savons que l’accompagnement quotidien des personnes en situation de handicap, que celui-ci soit physique ou mental, peut être éprouvant pour les proches aidants. Nous aimerions donc savoir si vous travaillez à une réforme de la PCH pour y inclure, à l’instar de l’APA, un module dédié au répit facilement accessible et mobilisable. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis de réaffirmer le droit à l’éducation des personnes en situation de handicap. Le texte pose les principes de l’école inclusive et prévoit que tout enfant ou adolescent en situation de handicap est de droit inscrit dans l’établissement d’enseignement le plus proche de son domicile.
En 2010, la France ratifiait la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et réaffirmait ainsi sur la scène internationale son engagement à protéger les personnes en situation de handicap et à leur garantir la mise en œuvre effective de leurs droits, dont le droit à l’éducation, sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances.
Onze années après la ratification par la France de cette convention, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU dresse un état des lieux qui, je le pense, mérite réflexion.
Le Comité se dit préoccupé par plusieurs éléments, notamment la présence de structures qui, selon lui, perpétuent la stigmatisation et l’exclusion des enfants en situation de handicap, désignant les IME et les ULIS. Cette préoccupation, qui ne doit pas remettre en cause les bénéfices de ces structures, doit en revanche nous inviter à faire preuve de vigilance et à privilégier le milieu scolaire ouvert chaque fois que cela est possible. Le soutien individualisé est insuffisant, alors qu’il est pourtant nécessaire pour permettre, en particulier aux enfants atteints d’autisme et de trisomie, de satisfaire les exigences académiques requises.
Le Comité déplore aussi la faiblesse de la part des personnes en situation de handicap qui accèdent à l’enseignement supérieur. Au cours de l’année universitaire 2020-2021, 40 000 personnes en situation de handicap suivaient une formation d’enseignement supérieur ; c’est certes 14 000 personnes de plus que l’année précédente, mais cela ne représente qu’un étudiant sur cinquante, alors que plus d’un Français sur six est en situation de handicap.
Le Comité constate également une insuffisance de données statistiques sur la scolarisation des enfants en situation de handicap résidant dans les territoires ultramarins. Les données sont également insuffisantes pour certaines populations malheureusement marginalisées : les Roms, les demandeurs d’asile ou encore les réfugiés.
Autre point : le Comité reproche à la France de n’avoir pas pu fournir des équipements satisfaisants aux enfants en situation de handicap lors de la crise sanitaire, en particulier aux enfants malentendants. La pandémie a, on le sait, contribué à aggraver les disparités dans l’éducation et l’absence d’équipements adaptés a constitué un obstacle de plus à l’inclusion.
Enfin, le Comité a jugé insuffisant l’enseignement dispensé en langue des signes, ainsi que celui de la langue des signes elle-même. Il déplore encore l’absence d’usage et d’enseignement du braille.
Dans son rapport de 2020 sur la mise en œuvre de la convention de l’ONU, le Défenseur des droits souligne de son côté le nombre insuffisant d’AESH recrutés. Ceux-ci sont pourtant un maillon essentiel de la scolarisation de ces élèves grâce à leur travail d’accompagnement et de socialisation.
Les accompagnants décrivent des conditions de travail difficiles, accentuées par la mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés. Ce nouveau dispositif d’organisation du travail des AESH a pu avoir pour effet de confier à l’accompagnant un groupe d’élèves trop nombreux, ne lui permettant plus d’assurer son travail dans les meilleures conditions.
Hier encore, à Lyon, dans mon département, 2 000 professionnels du secteur médico-social manifestaient devant la préfecture pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail et le manque de personnel qualifié et pour demander l’extension du Ségur de la santé aux établissements médico-sociaux.
Le bilan n’est cependant pas entièrement négatif : des progrès ont été réalisés, notamment, comme je l’ai évoqué, en termes d’accès à l’enseignement supérieur, mais la situation demeure perfectible.
La semaine prochaine, le Sénat examinera en deuxième lecture la question de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés. Je forme le vœu que le Sénat fasse, de nouveau, le choix de l’extension des droits des personnes en situation de handicap. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat inscrit à l’ordre du jour aujourd’hui sur l’initiative du groupe CRCE porte sur les droits des personnes en situation de handicap : ces droits sont-ils effectifs et respectés ?
Le respect des droits passe inévitablement par une bonne prise en charge des personnes et donc par la garantie d’un accompagnement adapté et qualifié. Les professionnels qui ont pour mission de « prendre soin » doivent eux-mêmes se sentir bien dans leur métier.
Or l’actualité et les sollicitations dont nous faisons l’objet dans nos départements nous interpellent. Ce mardi 5 octobre, à l’appel d’organisations syndicales et de jeunesse s’est tenue une journée de manifestation interprofessionnelle. Les professionnels du secteur médico-social étaient en première ligne.
Hier, 6 octobre, à l’occasion de la journée nationale des aidants, des mobilisations ont eu lieu dans toute la France autour des métiers du soin et de l’accompagnement des personnes dépendantes. Les professionnels du secteur du handicap, les personnes en situation de handicap et leurs familles étaient nombreux pour dire leur impatience face aux tensions majeures et au risque que la pénurie de main-d’œuvre fait courir aux personnes accompagnées.
Tous tirent la sonnette d’alarme sur le manque de moyens, qui met en péril les métiers du « prendre soin » et en danger le respect des droits des personnes en situation de handicap. Problèmes de recrutement, manque de reconnaissance, épuisement des personnels : dans le secteur médico-social, notamment celui du handicap, les démissions et l’absentéisme sont en augmentation.
Le Ségur a créé une concurrence entre les structures selon leur statut et nous constatons un mouvement de fuite des agents vers celles où ils sont désormais mieux rémunérés.
Le Gouvernement a proposé une hausse de salaire de 183 euros net par mois aux personnels des Ehpad et des hôpitaux publics, mais il a écarté ceux du secteur privé non lucratif du handicap.
L’accord résultant de la mission Laforcade, censé corriger les inégalités, a provoqué de nouvelles désillusions au sein des associations gestionnaires d’établissements médico-sociaux pour personnes handicapées, en créant de nouvelles incohérences, cette fois-ci entre professionnels d’un même établissement.
La question de la juste valorisation salariale pour l’ensemble des professionnels n’est pas le seul point de tension du secteur.
Promotion des métiers, politique de formation, évolution de carrière, qualité de vie au travail : la question de l’attractivité du secteur doit être retravaillée dans son ensemble pour une prise en charge de qualité des personnes en situation de handicap.
Cette pénurie a des effets délétères sur le bien-être des usagers, principalement dans les établissements médicalisés, qui ont dû mettre en place des fonctionnements dégradés. Les professionnels du secteur, les associations et les familles des personnes en situation de handicap nous alertent sur le nombre croissant de défauts de soins observés ces derniers mois.
Le turn-over des aides-soignants dans ces établissements pose aussi un problème en termes de respect de l’intimité. Il nuit également à la création de liens avec les soignants ou les éducateurs, lesquels se tissent au fil du temps et sont nécessaires pour que les personnes accueillies puissent faire leur connaissance et leur accorder leur confiance. C’est là une atteinte à leur dignité. Ces personnes deviennent alors des objets de soins.
Le recours à des intérimaires, à des bénévoles ou à des retraités manquant souvent de formation ne constitue pas une solution. Certaines structures se voient aujourd’hui contraintes de fermer des services et de limiter les accueils de jour.
Nous sommes surpris de constater que l’avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ne prévoie pas les compensations financières liées aux revalorisations salariales des professionnels de l’accompagnement.
Le projet de loi relatif à l’autonomie aurait pu être l’occasion de répondre à ces inquiétudes et de remettre à plat la prise en charge du handicap dans notre pays, mais nous savons désormais qu’il ne verra pas le jour durant ce quinquennat…
Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, le secteur médico-social du handicap requiert des mesures d’urgence pour mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap et assurer le respect de leurs droits élémentaires. Ces personnes doivent être des citoyens à part entière.
Je tiens aussi à vous alerter sur le manque de moyens mobilisés par l’éducation nationale pour accompagner la scolarisation des enfants en IME ou en milieu ordinaire. Les enfants porteurs de handicap sont privés d’un accès à l’école de la République, du fait d’un manque cruel d’auxiliaires de vie scolaire.
Je sais que Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, est sensible à ces questions et je connais son engagement,…
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Je le suis, moi aussi !
Mme Annie Le Houerou. … mais elle n’est pas entendue !
Comment garantir le respect et l’effectivité des droits des personnes en situation de handicap dans les conditions que je viens de décrire ?
Quelles mesures le Gouvernement prévoit-il afin de répondre au mal-être des professionnels qui s’engagent pour garantir les droits des personnes en situation de handicap, éviter la maltraitance institutionnelle et permettre aux personnes en situation de handicap d’occuper pleinement leur place de citoyen dans notre société ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRCE a souhaité inscrire à l’ordre du jour de nos travaux un débat sur les droits des personnes en situation de handicap. Je tiens à saluer cette initiative et à rappeler la nécessité pour notre assemblée de s’exprimer régulièrement sur cette question.
Nous le devons bien sûr aux 12 millions de Français touchés par un handicap, particulièrement aux 9 millions d’entre eux dont le handicap est invisible.
Un tel débat est nécessaire aussi afin de mesurer le chemin parcouru depuis l’adoption en 2005 de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et depuis l’entrée en vigueur en 2008 de la convention relative aux droits des personnes handicapées.
Ce débat est également l’occasion d’évaluer la politique du Gouvernement en la matière et les efforts consentis pour assurer l’effectivité et le respect des droits des personnes en situation de handicap.
Ces droits, quels sont-ils ?
C’est le droit de vivre, de se former, de travailler, d’avoir une vie intime et personnelle, de se déplacer en sécurité, de s’épanouir. Cela semble une évidence, et pourtant…
C’est aussi le droit de bénéficier d’une compensation financière pour faire face à des situations de vie souvent difficiles. Je pense à la prestation de compensation du handicap et à l’allocation aux adultes handicapés – cette dernière a d’ailleurs été revalorisée à deux reprises depuis le début du quinquennat.
Avec un budget annuel de 51 milliards d’euros, soit 2,2 % du PIB, la France figure à la troisième place des pays européens en termes de financement des politiques consacrées au handicap. Cependant, beaucoup reste à faire. La Défenseure des droits en a fait le constat il y a quelques mois dans un rapport sur la mise en œuvre par la France de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.
Le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies s’en est d’ailleurs ému. S’il a salué l’ambition de la stratégie nationale pour l’autisme ou la feuille de route pour la santé sexuelle des personnes handicapées, il a critiqué une approche jugée trop médicale et souligné l’urgence d’accroître nos efforts pour lutter contre la stigmatisation.
Si beaucoup reste à faire, il est utile, je pense, de rappeler l’ampleur du travail accompli depuis le début du quinquennat : 400 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés à la rentrée 2021, soit près de 20 % de plus qu’en 2017. Nous agissons en faveur de leur droit à l’éducation.
Nous agissons aussi en faveur de leur droit à une inclusion totale dans leur lieu de vie, grâce à la création des communautés 360, ou dans leur vie professionnelle. Le nombre d’apprentis en situation de handicap a ainsi bondi de 3 500 en 2019 à près de 6 000 en 2020.
Depuis janvier 2021, 15 000 recrutements, dont les deux tiers en contrat à durée indéterminée, ont été réalisés dans le cadre du plan de relance, au titre de l’aide à la mobilisation des employeurs pour l’embauche des travailleurs handicapés.
Nous agissons enfin pour leur droit à la protection. Je pense notamment aux projets pilotes en Gironde et en Loire-Atlantique lancés en octobre 2020 pour le soutien et l’accompagnement des femmes en situation de handicap victimes de violences conjugales.
J’évoquerai ici la situation particulière des outre-mer, où les besoins sont plus nombreux qu’ailleurs et où les retards en matière de politique du handicap sont réels.
Une enquête menée par la Drees et l’Insee en 2019 a révélé que 11 % des personnes âgées de 15 ans ou plus sont en situation de handicap dans les départements et régions d’outre-mer (DROM), contre 9 % dans l’Hexagone. En Martinique, la part des personnes handicapées atteint 13 %.
L’écart est encore plus frappant si l’on compare les chiffres de la population âgée. Ainsi, 21 % des personnes âgées de 55 ans ou plus sont handicapées en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion ; ils sont 24 % en Martinique et à Mayotte, contre 16 % dans l’Hexagone. À cet écart, qui exige des moyens adaptés, s’ajoute le retard de prise en charge des personnes handicapées.
Dans un rapport de septembre 2019 consacré à l’accès aux droits dans les outre-mer, la Défenseure des droits notait ainsi que « les insuffisances des dispositifs sanitaires et les inégalités d’accès à la santé y favorisent le renoncement aux soins, ainsi que les discriminations envers les personnes en mauvaise santé, âgées ou en situation de handicap ».
Ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne la scolarisation et l’accompagnement des plus jeunes. La détection des situations de handicap, faute de moyens suffisants, y est ainsi plus difficile qu’ailleurs.
Surtout, le manque de place dans les structures d’accueil des élèves en situation de handicap est compliqué pour leurs familles, bien sûr, qui se retrouvent parfois isolées, mais aussi pour eux-mêmes, puisque les réponses apportées, destinées à être temporaires, s’inscrivent parfois dans la durée.
La consultation sur les discriminations, lancée en avril dernier pour recueillir les propositions des citoyens, et la plateforme de signalement et d’accompagnement des victimes ou témoins de discriminations permettront – je l’espère – d’attirer un peu plus le regard sur ces territoires et d’apporter les réponses qui s’imposent. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Laurence Cohen et l’ensemble de ses collègues du groupe CRCE d’avoir pris l’initiative de ce débat sur l’effectivité et le respect des droits des personnes en situation de handicap. Il s’agit là d’un vaste sujet de société, concernant des personnes qui méritent beaucoup de respect et de reconnaissance.
Laurence Cohen l’a rappelé, les chiffres sont alarmants et il faut les avoir toujours en mémoire : le handicap concerne une personne sur quatre.
Lorsque j’ai intégré le Sénat – c’était le 26 août 2007 –, j’ai rejoint la commission des affaires sociales, alors présidée par Nicolas About. Paul Blanc, rapporteur de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, soutenait alors la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans les départements, même si toutes les collectivités, ainsi que l’État, sont concernées par le handicap. Leur création a été l’occasion de débattre de leur rôle, mais aussi des notions d’accessibilité et de proximité.
L’accessibilité des personnes atteintes d’un handicap physique est un vaste sujet : il concerne les transports, les écoles, collèges, lycées et universités, mais aussi le logement et l’emploi. Combien de bâtiments ne sont pas encore complètement accessibles ? À titre d’exemple, j’évoquerai les transports ferroviaires, que j’emprunte presque tous les jours. Certes, le personnel des trains fait le maximum pour aider les personnes atteintes d’un handicap physique, mais hier encore, l’ascenseur de la gare de Champagne-Ardenne TGV était en panne. Les dysfonctionnements de ce genre sont encore malheureusement trop nombreux.
Madame la secrétaire d’État, vous êtes chargée de l’éducation prioritaire. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.) À ce titre, il vous reste beaucoup à faire, nous en sommes tous conscients.
Sur l’aspect financier, Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances, rappellent chaque année les limites de l’AAH.
Certes, il y a le volet financier, mais il y a aussi le volet humain, qu’il faut toujours avoir à l’esprit. Le contexte sanitaire a encore mis en évidence le respect que nous devons avoir pour les personnes en situation de handicap et leurs familles, ainsi que pour l’ensemble des personnels qui œuvrent avec cœur, passion et dévouement auprès d’elles.
Le personnel des établissements s’est trouvé en première ligne durant la crise, alors que les visites n’étaient pas possibles.
M. François Bonhomme. Bravo !
M. Marc Laménie. N’oublions pas le rôle des associations et de tous les bénévoles qui œuvrent pour soutenir les personnes en situation de handicap.
Le volet médico-social, cela a été dit, sera abordé lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, lorsqu’il sera question de la cinquième branche, mais aussi lors de l’examen, dans le projet de loi de finances, des crédits de l’État et des collectivités territoriales, qui sont des partenaires particulièrement importants.
J’ai récemment rencontré une conseillère municipale de Charleville-Mézières non voyante, accompagnée d’un chien guide d’aveugle. Notre entretien, qui devait durer deux heures, s’est longuement prolongé et j’ai beaucoup appris – on en apprend tous les jours – sur les nombreuses préoccupations des personnes en situation de handicap et sur les progrès qu’il reste à faire.
Nous sommes tous conscients de ces difficultés et du combat qu’il nous faut mener afin que les personnes en situation de handicap soient respectées et reconnues. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Alain Duffourg. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, garantir l’accès à l’éducation et à une formation qualifiante, c’est préparer l’avenir de nos enfants, tant socialement que professionnellement.
Le 4 septembre dernier, des milliers d’enfants ont rejoint le chemin de l’école pour la rentrée scolaire. Malheureusement, certains d’entre eux, en situation de handicap, n’ont pas eu cette chance. Aujourd’hui, entre 8 000 et 11 000 enfants en situation de handicap – la majorité présente un handicap cognitif ou intellectuel – restent sans solution. De fait, certains enfants sont exclus de l’école de la République. Cette absence de solution hypothèque leur avenir et met les familles en difficulté.
Le nombre limité d’auxiliaires de vie scolaire, d’assistants d’élèves en situation de handicap et d’unités localisées pour l’inclusion scolaire complique la scolarisation. Les enfants présentant un handicap mental sont particulièrement touchés. Or les conséquences du déficit de scolarisation sont lourdes : retards d’apprentissage, manque de socialisation, difficultés d’intégration et autant de potentiels ignorés.
Cette inégalité suscite des interrogations. Stephen Hawking aurait-il été le physicien et le théoricien que nous connaissons s’il avait été français et atteint d’un handicap dès la naissance ? Quelles auraient été ses chances de devenir le chercheur et l’intellectuel qu’il a été ?
Madame la secrétaire d’État, vous avez lancé, avant la rentrée scolaire 2020, le numéro d’appel de l’école inclusive. Sa mise en œuvre a-t-elle permis une amélioration substantielle des situations et de l’accompagnement ? Pourriez-vous nous informer sur la montée en charge de ce dispositif ? Par ailleurs, ce numéro s’appuie-t-il sur une augmentation significative du nombre d’AESH et d’AVS ? Il nous semble qu’il doit être délicat de proposer des solutions pérennes en l’absence d’encadrement adéquat. À cet égard, quelle est la politique de recrutement du Gouvernement dans ce secteur ?
Nous l’avons dit, une meilleure scolarisation est susceptible de favoriser l’accès à un meilleur diplôme et une plus grande inclusion dans le monde du travail. Les données dont nous disposons confirment ce diagnostic : l’insuffisante scolarisation des personnes handicapées induit un faible niveau de formation, qui nuit à leur intégration sociale.
On constate que le niveau de handicap décroît tendanciellement avec le niveau de diplôme. En d’autres termes, plus le handicap d’un individu est important, plus son niveau de diplôme est bas. D’après les chiffres de 2020 de l’Insee, 80 % des personnes handicapées ont un niveau de qualification inférieur au baccalauréat. Cela explique en partie que leur taux de chômage – il est de 16 % – soit deux fois supérieur à celui de la population générale.
L’accès au travail est un droit pour tous, qui ne doit pas être entravé par un handicap. C’est un enjeu sociétal majeur dont nous savons, madame la secrétaire d’État, que vous mesurez pleinement l’ampleur. La France compte aujourd’hui 3,5 millions de personnes en situation de handicap, dont 700 000 en situation de handicap mental. Quelles solutions comptez-vous apporter pour améliorer leur insertion professionnelle ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir demandé la tenue de ce débat.
Les personnes handicapées ont le droit à la protection, « à leur domicile comme à l’extérieur, contre toutes formes d’exploitation, de violence et de maltraitance, y compris leurs aspects fondés sur le sexe », conformément à l’article 16 de la convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par les Nations unies en 2006 et signée par la France.
Nous savons pourtant que ce droit à la protection contre les violences sexuelles n’est pas correctement assuré, en particulier dans les institutions accueillant des mineurs en situation de handicap.
Dans le rapport qu’elle a remis en 2019, notre mission commune d’information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d’organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles commises sur des mineurs hors du cadre familial a relevé l’exposition particulière de ces enfants. Le ratio varie du simple au triple, comparé aux enfants valides, et du simple au quadruple pour les enfants en situation de handicap mental.
Cette exposition est effrayante, presque systématique, pour les jeunes filles atteintes de troubles autistiques : 90 % d’entre elles subissent des violences sexuelles et 31 % subissent un viol avant l’âge de 9 ans, en raison de leur immense vulnérabilité.
Face à ces fléaux, nous proposions quelques pistes pour améliorer la protection des enfants handicapés : renforcer les contrôles des nombreux intervenants, d’une part, développer les mesures de prévention, d’autre part.
Le premier moyen de protéger les enfants est de contrôler qu’ils ne sont pas exposés à des adultes auteurs d’infractions sexuelles. C’est le but du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Nous notions, en 2019, que ce fichier était méconnu des directions d’établissements accueillant des enfants handicapés et que sa consultation n’était pas systématique, faute d’habilitation des services recruteurs.
En février 2020, le Gouvernement a mesuré la marge de progrès pour faire du Fijais le point nodal de la lutte contre le renouvellement des infractions.
Je profite de ce débat pour vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur les résultats de l’audit effectué par le ministère de la justice : des procédures de téléconsultation du Fijais et du bulletin n° 2 du casier judiciaire sont-elles mises en place pour les établissements médico-sociaux, à l’instar de ce qui se pratique dans les centres de loisirs ?
Quel contrôle est effectué des prestataires de services et des animateurs extérieurs qui interviennent dans les instituts médico-éducatifs ou les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques ?
Les directions de ces établissements sont-elles sensibilisées à ces contrôles, alors qu’elles sont aujourd’hui fortement confrontées à des difficultés de recrutement ? À cet égard, les appels à bénévolat pour assurer l’encadrement de certaines activités ne sont pas de nature à nous rassurer.
Nous avions été frappés, concernant les mesures de prévention mises en œuvre, par l’absence totale de procédure et même de réflexion sur les pratiques professionnelles des deux grands réseaux associatifs gestionnaires d’établissements auditionnés. Ces préoccupations semblaient totalement hors de leurs radars.
Là encore, le plan du Gouvernement prévoyait « dès 2020 des formations communes pour renforcer la coopération entre professionnels sur les violences intrafamiliales ». En revanche, aucune stratégie n’a été définie pour accroître le repérage et le signalement des violences commises dans les établissements. Il nous semble primordial que ces enjeux soient inclus dans les modules de formation initiale et continue des professionnels.
C’est ainsi que nous avancerons vers un meilleur droit à la protection des personnes en situation de handicap – les enfants comme les adultes – contre les violences sexuelles. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2021, la place des Français en situation de handicap demeure un enjeu majeur. Près de 12 millions de Français sont actuellement touchés par un handicap et souffrent d’une incapacité ou d’une limitation d’activité.
Certes, les politiques publiques en faveur de l’intégration des personnes en situation de handicap ont été renforcées ces dernières années. Je pense bien sûr à la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
L’objectif de favoriser l’intégration des personnes handicapées et leur participation à la vie sociale demeure tout aussi important. Pour atteindre cet objectif, la loi privilégiait les éléments essentiels d’une vie normale à laquelle chacun aspire : l’accès aux lieux publics, aux transports en commun, à un logement, ainsi que l’obtention d’un travail adapté.
Pourtant, quinze ans après son entrée en vigueur, l’effectivité de cette loi reste incertaine.
De même, quinze ans après la loi pour l’égalité des droits et des chances, 18 % des personnes souffrant de handicap sont au chômage, soit près du double de la moyenne nationale. En outre, 67 % des personnes souffrant de handicap font face à un manque d’accessibilité des lieux publics et déclarent rencontrer des difficultés pour se déplacer.
Dans cette optique, le 14 septembre dernier, le Comité des Nations unies pour les droits des personnes handicapées relevait les limites de la loi pour l’égalité des droits et des chances de la France. Le Comité regrette par ailleurs que la loi de 2005 définisse un « modèle de prise en charge médico-sociale » favorisant l’institutionnalisation systématique sur la base du handicap.
Les Nations unies ont, par conséquent, recommandé à la France de mettre en œuvre des stratégies afin d’éliminer les représentations négatives ou dévalorisantes des personnes handicapées.
L’ONU a par ailleurs encouragé la France à renforcer les mécanismes tels que la surveillance indépendante et le contrôle judiciaire afin de prévenir toutes les formes de mauvais traitements et de protéger de la surmédication les enfants handicapés placés en institution.
Nos concitoyens en situation de handicap ont en principe les mêmes droits que le reste de la société. En pratique, l’application de ces droits reste souvent parcellaire.
L’exemple de l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés illustre cette inégalité des droits. De nombreuses propositions de loi ont été déposées afin de désindexer l’AAH des revenus du conjoint et du foyer, mais le Gouvernement s’y est malheureusement encore opposé.
Difficultés de niveau de vie, impossibilité d’obtenir l’AAH en deçà d’un certain degré de handicap, baisse de l’AAH de la personne en situation de handicap au fur et à mesure qu’augmentent les revenus du conjoint valide, impossibilité d’acquisitions immobilières : les problématiques posées par l’AAH sont multiples et reflètent la situation à laquelle se heurtent encore nombre de nos compatriotes en situation de handicap. L’ONU invite d’ailleurs le Gouvernement à réformer le règlement de l’AAH en ce sens.
Nous le constatons encore et encore, la personne handicapée est considérée comme une personne souffrant d’incapacités avant d’être considérée comme un sujet de droit.
Il nous revient dorénavant de changer ce paradigme, pour peu que nous voulions réellement que notre pays franchisse une étape importante pour l’inclusion des personnes handicapées. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser ma collègue Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, qui est retenue à l’Assemblée nationale.
En quatre ans, beaucoup a déjà été accompli pour rendre notre société toujours plus inclusive et pour faire toute leur place aux 12 millions de personnes en situation de handicap et à leurs 8 millions d’aidants.
Des mesures historiques, qui étaient attendues depuis longtemps par le secteur, ont été prises pour l’exercice de la pleine citoyenneté, comme le droit de vote, rendu aux majeurs sous tutelle, ou l’allégement de la charge de la preuve pour l’octroi de droits à vie lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement.
L’engagement de campagne de revaloriser l’AAH a été tenu, son montant ayant été porté à 900 euros par mois pour plus d’un million de bénéficiaires de l’augmentation à taux plein.
Un effort inédit a été fait pour le service public de l’école inclusive et il sera poursuivi.
Enfin, pour la première fois, et au lendemain de la douzième journée nationale des aidants, nous œuvrons pour la reconnaissance des proches aidants. Nous avons créé un congé de proche aidant, indemnisé depuis octobre 2020, et nous investissons dans le développement de solutions de répit.
Nous disposons ainsi d’une feuille de route ambitieuse pour la dernière partie du mandat, établie en concertation avec les personnes en situation de handicap, les associations, les collectivités locales et, bien sûr, la société civile et dont les objectifs ont été renforcés par le contexte de la crise sanitaire, économique et sociale.
Dans le champ du handicap, quatre réformes prioritaires ont été intégrées au dispositif gouvernemental : elles visent à simplifier l’accès aux droits pour les personnes handicapées, à permettre une intervention précoce auprès des enfants souffrant de troubles du neuro-développement, à offrir une scolarité inclusive et adaptée à tous les enfants handicapés et, enfin, à mieux accompagner les aidants.
Je vais à présent vous présenter les deux réformes dont le secrétariat d’État assure le pilotage en vous faisant part à chaque fois de leur état d’avancement et de l’ambition que nous portons d’ici la fin du mandat, chère Sophie Cluzel. (Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées arrive au banc du Gouvernement.)
Notre première réforme prioritaire porte sur la simplification de l’accès aux droits des personnes handicapées. Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement conduit une politique volontariste pour simplifier durablement l’accès aux droits des personnes en situation de handicap et assurer une équité territoriale, quel que soit le lieu de résidence des personnes concernées.
Nous avons fait le choix de mobiliser tous les leviers réglementaires et budgétaires pour permettre aux MDPH d’accélérer le traitement des dossiers afin que nos concitoyens bénéficient de leurs droits sans avoir à multiplier les démarches.
C’est la logique qui a sous-tendu la création, au début de l’année 2019, de droits sans limitation de durée pour les personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement, le passage de six à douze mois de la validité des certificats médicaux, la simplification des formulaires de demande ou le déploiement d’un système d’information harmonisé pour près de 99 MDPH.
Nous menons cette action en lien étroit avec les conseils départementaux dans le cadre de la Conférence nationale du handicap. Le 11 février 2020, un accord de méthode inédit a été signé entre l’État et l’Assemblée des départements de France pour optimiser de façon significative, en deux ans, le pilotage et le fonctionnement des MDPH.
Après des années de stagnation, l’État mobilise désormais d’importants moyens financiers pour accompagner cette transformation, avec un rehaussement inédit de 15 millions d’euros, dès 2021, du concours versé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux départements au titre du financement des MDPH. Il s’accompagnera d’une meilleure prise en compte de la réalité de la démographie et de l’activité des MDPH afin de soutenir l’équité de la réponse.
Par ailleurs, pour soutenir les départements, la CNSA a mis en place une équipe de sept personnes afin d’épauler les MDPH sur le terrain et améliorer leur processus de traitement et leur pilotage. Il s’agit de réduire le stock des dossiers.
Enfin, pour permettre en toute transparence à chaque citoyen de suivre les avancées et de s’assurer de l’équité territoriale de notre action, nous avons créé, avec Dominique Bussereau, le baromètre des MDPH. Il s’agit d’un tableau de bord de l’activité des 104 MDPH, qui permet de suivre chaque trimestre la progression des différents chantiers et de favoriser une dynamique positive entre les territoires.
L’ensemble de nos actions permet aujourd’hui de disposer d’indicateurs très positifs de suivi de la réforme, même si les moyennes nationales masquent encore des disparités territoriales. Ainsi, à la fin du mois de décembre 2020, il fallait en moyenne de 4,2 mois pour obtenir une réponse de la part d’une MDPH, alors que l’objectif fixé pour 2022 est un délai de 4 mois.
Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux pour le délai d’attribution de l’allocation adulte handicapé, le délai de réponse devant être inférieur à 3 mois. Nous sommes, là encore, au rendez-vous : la moyenne s’établit désormais à 4,1 mois et décroît de trimestre en trimestre.
Le taux d’attribution de droits sans limitation de durée atteint 56 % selon les derniers chiffres, quand l’objectif était d’atteindre 65 %. Ce taux a progressé de 7 points au cours du dernier trimestre de l’année 2020.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, notre action porte ses fruits et notre dynamique se poursuivra en 2021. Nous opterons pour une approche territorialisée en faisant porter nos efforts notamment sur les MDPH qui sont les plus en retard, avec l’appui des services de l’État dans les départements. Nous simplifierons et fluidifierons encore et toujours le travail de ces maisons.
Notre seconde réforme prioritaire vise à permettre une intervention précoce auprès des enfants atteints de troubles du neuro-développement. Chaque année, 35 000 enfants en moyenne naissent en France avec un trouble du neuro-développement. Ils sont diagnostiqués en moyenne vers l’âge de 6 ou 7 ans, alors même qu’il est possible de repérer ces troubles plus précocement. L’enjeu est ainsi d’agir tôt, alors que l’enfant bénéficie encore d’une grande plasticité cérébrale permettant d’améliorer son développement.
Le forfait « intervention précoce » est l’une des mesures phares de la Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement pour la période 2018-2022. L’objectif de ce nouveau dispositif est d’identifier le plus tôt possible ces troubles afin de mettre en place pour les enfants de 0 à 7 ans une intervention adaptée afin de favoriser leur développement et de limiter leur surhandicap.
Ce forfait repose sur la mise en place par les agences régionales de santé de plateformes de coordination et d’orientation capables de proposer aux familles, dès les premiers signes d’alerte, des interventions adaptées ou bien de les orienter vers les professionnels libéraux respectant les recommandations de bonnes pratiques, avec lesquels elles auront passé un contrat.
L’intégralité du parcours est évidemment pris en charge par l’assurance maladie. Un forfait sera attribué pendant 24 mois afin de rémunérer les interventions de psychologues, ergothérapeutes, psychomotriciens exerçant en libéral, dont les bilans n’étaient jusqu’alors pas remboursés. Cela représente pour les familles une dépense évitée de 1 500 euros en moyenne.
À ce jour, 63 plateformes sont d’ores et déjà en place et 15 plateformes supplémentaires seront ouvertes avant l’été. Elles auront permis de repérer plus précocement 6 800 enfants et de déclencher 3 807 forfaits de bilan et d’intervention précoce.
D’ici 2022, cent plateformes seront installées sur l’ensemble du territoire, ce qui permettra de repérer 30 000 enfants et d’attribuer 19 000 forfaits au total. Dans les territoires où le déploiement du dispositif se révèle plus difficile, nous faisons appel à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) pour soutenir les ARS.
En parallèle, les premières plateformes dédiées aux enfants de 7 ans à 12 ans présentant des troubles du neurodéveloppement seront également mises en place dès 2021.
Vous pouvez constater que cette réforme change profondément la vie des enfants diagnostiqués et de leurs familles. Il nous faut continuer dans cette voie en mobilisant encore davantage les professionnels de la petite enfance, les médecins généraux et les pédiatres, en lien avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la secrétaire d’État, chère Sophie, l’action de transformation que nous menons. Cette politique facilite la vie de nos concitoyens en situation de handicap, dans la mesure où nous leur accordons tout simplement des droits et le meilleur accompagnement possible dans un projet de société toujours plus inclusive. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d’État, vous n’avez apparemment pas bien écouté le débat : vous n’apportez aucune réponse !
M. François Bonhomme. Ce n’est pas faux !
M. le président. Madame Cohen, le Gouvernement dit ce qu’il veut…
Mme Laurence Cohen. Avec ce gouvernement, tout va bien : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »
M. le président. Madame Cohen, un peu de calme. Après tout, chacun est libre de s’exprimer. (Sourires.)
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Les droits des personnes en situation de handicap sont-ils effectifs et respectés ? »
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Harcèlement scolaire et cyberharcèlement
Débat organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement. »
Dans le débat, la parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Sylvie Vermeillet et Sabine Van Heghe applaudissent également.)
Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe cet après-midi est grave, comme l’actualité nous le démontre régulièrement, ce qui rend notre débat d’autant plus nécessaire.
Sur l’initiative de mon groupe, Les Indépendants – République et Territoires, le Sénat a créé en mai dernier une mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Présidée par notre collègue Sabine Van Heghe, que je tiens ici à saluer et à remercier pour sa présidence efficace et attentive, notre mission a travaillé dans une ambiance studieuse et confiante, qui est la marque de fabrique du Sénat.
Le harcèlement scolaire et son développement dans le cyberespace constituent une préoccupation très largement partagée, qui nous concerne tous. En effet, il s’agit d’un fléau qui, surtout dans sa dimension « cyber », sape insidieusement les fondements du vivre ensemble. Nous devons donc décréter la mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter, afin de suivre efficacement les victimes et de disposer d’un réel suivi des harceleurs.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’articulerai mon propos de ce jour autour de deux grands axes. Tout d’abord, j’évoquerai le fait que les pouvoirs publics reconnaissent le harcèlement comme un fléau depuis dix ans, ce dont il faut se féliciter. Mais, et ce sera mon second point, nous avons une ardente obligation de tout faire pour endiguer et éradiquer ces ferments de haine.
La mobilisation générale que nous préconisons doit devenir sans tarder une grande cause nationale, et nous comptons sur votre implication, madame la secrétaire d’État, pour faire aboutir cette recommandation.
Je commencerai mon propos en revenant sur le constat actuel, très largement partagé, concernant l’acuité de ce fléau du harcèlement.
Le harcèlement scolaire – chacun le voit dans son environnement personnel ou familial – est un drame individuel, mais aussi collectif. Il n’épargne personne, aucun milieu, aucun établissement, d’autant plus que les réseaux sociaux, par leur puissance, leur anonymat, leur viralité et leur évolution permanente en démultiplient les effets dramatiques.
Se crée ainsi, pour reprendre une expression largement répandue parmi les acteurs du monde de l’éducation, un « continuum de violence » entre l’école et la sphère privée. Les chiffres qui figurent dans notre rapport le montrent en détail : près d’un élève sur dix en est victime ; dans sa version « cyber », il se concentre surtout sur les jeunes filles et stigmatise toutes les différences. Face à ce phénomène, on constate le désarroi du milieu éducatif : les deux tiers des enseignants s’estiment ainsi mal armés face au harcèlement.
Pourtant, les pouvoirs publics, au-delà des alternances, ont pris la mesure du phénomène depuis dix ans. Des partenariats existent ente l’éducation nationale et les grands services publics. Je n’oublie pas non plus l’action de terrain des associations, qui s’avère efficace. Sans être exhaustive, je pense aux associations Marion la main tendue, HUGO !, Respect Zone, ainsi qu’à toutes celles qui sont présentes localement. Il faut ainsi saluer et reconnaître à sa juste mesure tout ce travail.
C’est en réalité la prise en charge du « dernier kilomètre » qui fait souvent défaut. Elle suppose une capacité d’écoute qui est propre à des adultes formés pour cela, une stabilité des équipes, une libération de la parole des enfants, un suivi de la victime et l’adoption de sanctions éducatives contre les harceleurs.
Nous devons également relever un double défi.
D’une part, la panoplie actuelle des instruments de lutte contre le harcèlement est assez, voire paradoxalement trop étendue. Des numéros d’appel, ainsi qu’un site public dédié existent, sans oublier un concours national et une journée annuelle de sensibilisation, le dispositif des « élèves ambassadeurs » ou les opérations locales de sensibilisation. Mais, en réalité, nombre de ces outils sont mal connus ou insuffisamment utilisés.
D’autre part, il nous semble que l’arsenal juridique est, pour une large part, insuffisant face au cyberharcèlement. En droit français, le harcèlement est déjà pénalement réprimé, notamment lorsque les actes sont effectués en meute. Il est ainsi assorti de circonstances aggravantes quand il s’applique à des mineurs ou s’exerce sur les réseaux sociaux. Cependant, pour tout ou partie, l’activité sur les réseaux sociaux n’est accessible que via des messageries privées protégées par le secret des correspondances, et le siège de ces réseaux n’est pas situé en France ni même en Europe.
Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur l’engagement déterminé du Gouvernement, car une action juridique solide et efficace ne peut se concevoir que dans un cadre européen, voire international.
De ce fait, et c’est mon second point, notre mission d’information a pour objet très précis d’accélérer la prise de conscience et la mise en place de nouvelles réponses mieux adaptées à l’environnement « cyber ».
Pour ce faire, nous avons veillé à proposer des recommandations pouvant être rapidement appliquées. Nous les avons donc classées – vous l’avez sûrement vu dans notre rapport – à la fois par grand axe et de façon séquencée dans le temps, en précisant par qui et comment il faudrait les mettre en œuvre.
Vous l’avez bien compris, nous n’avons pas l’esprit de système et voulons agir avec efficacité et réalisme.
Aussi, il nous semble qu’il faut commencer par mieux cerner le phénomène sur un plan statistique, car sa mesure reste encore imparfaite. Quel effet a eu le confinement sur le harcèlement et le cyberharcèlement ? Les premières indications accréditent l’idée d’une stagnation du harcèlement classique et, à l’inverse, d’une augmentation du cyberharcèlement, ce que l’on comprend aisément.
Par ailleurs, nous estimons que des outils efficaces comme les numéros d’appel 3020 ou 3018 devraient être davantage visibles dans les établissements et figurer dans les carnets de correspondance ou les agendas scolaires. Les élèves harcelés ne doivent faire aucun effort de mémorisation au moment où ils estiment nécessaire de recourir à ces numéros.
En outre, nous avons regardé les solutions mises en place dans d’autres pays comparables au nôtre, qui ont fait la preuve de leur efficacité. Comme dans les pays scandinaves, il faut promouvoir le maintien ou la construction d’un climat scolaire de qualité autour de la notion du vivre ensemble.
Il y a matière à faire évoluer la formation initiale et continue, non seulement des enseignants, mais aussi, plus globalement, de toute la communauté éducative.
Surtout, chaque enfant doit connaître précisément ses droits et ses devoirs. Un document d’information, dont le contenu sera annexé au projet d’établissement, doit être distribué chaque année au moment de la rentrée pour rappeler le droit existant, les numéros d’appel et les sanctions encourues.
Une autre de nos priorités est de développer notre capacité à détecter rapidement une situation de harcèlement et, notamment, à repérer les signaux dits « faibles ». Il s’agit, par exemple, des élèves qui, sans raison apparente, durant plusieurs jours, ne terminent pas leur repas de midi à la cantine.
L’enfant ne doit pas avoir peur d’aller en parler avec des adultes de confiance, que ce soit l’enseignant, le conseiller principal d’éducation (CPE), l’assistant d’éducation, l’infirmière scolaire ou le personnel de la cantine.
C’est pourquoi nous suivrons avec beaucoup d’attention la généralisation du programme Phare qui va s’appliquer partout, dans toutes les académies et dans tous les établissements. À ce propos, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer où en est le déploiement de ce programme annoncé pour la rentrée ?
Enfin, il faut évidemment traiter systématiquement, et sans délai, tous les cas de harcèlement. Les élèves et leurs parents doivent bien savoir qu’aucun fait ne restera sans sanction, car le harcèlement est illégal. Toutes les victimes doivent être aidées.
Dans une visée éducative, il faut concilier justice « restaurative », en généralisant les stages et les travaux d’intérêt général, et sanction des harceleurs. Il faut aussi éviter que, comme trop souvent, ce soit l’élève harcelé qui doive quitter l’établissement et qui soit ainsi victime d’une double peine. Nous demandons aussi que les suites réservées à ces cas de harcèlement soient systématiquement examinées par le conseil d’administration de l’établissement, ce qui n’est que trop rarement le cas.
Ce traitement systématique doit permettre à chaque élève, qu’il soit victime, harceleur ou même témoin, de comprendre que le harcèlement n’est pas toléré, et que telle ou telle moquerie, tel ou tel geste, même pour jouer ou plaisanter, constitue pour l’enfant qui le subit un fait de harcèlement. En effet, à de nombreuses reprises, il nous est apparu que le harceleur, le témoin et même la victime n’arrivaient pas à percevoir ce qui caractérise pourtant un harcèlement.
Enfin, à l’heure des réseaux sociaux, il faut que vous nous aidiez à gagner la course contre la montre engagée en matière de lutte contre la propagation des actes de malveillance sur internet. Bref, il faut que les réseaux soient enfin proactifs. Nos auditions le prouvent bien, il leur reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
À cet égard, je salue la rencontre qui a eu lieu la semaine dernière entre le ministre de l’éducation nationale et les responsables des principaux réseaux sociaux. Cet échange doit constituer un premier pas, qui devra être suivi d’effets.
Nous comptons sur le Gouvernement pour saisir l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, afin de faire avancer deux dossiers : d’une part, la mise en place de stress tests pour vérifier que les objectifs assignés aux réseaux sociaux en matière de suppression des contenus litigieux sont bien atteints ; d’autre part, le développement du name and shame pour favoriser la dissuasion par la publicité, en stigmatisant les mauvais élèves du cyberespace.
Madame la secrétaire d’État, je viens de rappeler nos principales préoccupations. Vous le savez, nous avons mené nos travaux avec beaucoup de pragmatisme, afin de faire avancer la lutte contre ce fléau. Aussi, nous espérons bien qu’elle sera dès 2022 ou 2023 notre prochaine grande cause nationale.
Dans cette attente, je vous remercie, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, de votre attention. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’enfance est de ces temps fragiles que le regret ignore et la souffrance effleure. Elle est l’aube des promesses, la démonstration, parfois trompeuse, mais toujours nécessaire, de l’innocence, de l’illusion. Cette enfance est bercée des devoirs bénéfiques de l’apprentissage du destin d’adulte et de la vie collective.
L’école, quant à elle, est d’abord le balbutiement de la conscience d’autrui, le lieu de l’apprentissage, du savoir, le temple de l’instruction. Cette école permet à nos enfants de grandir et de s’épanouir, tant sur le plan personnel, en tant qu’individus, que collectif : ils deviennent ainsi des citoyens vertueux, ouverts aux autres et sur le monde.
Pour tous nos jeunes compatriotes, voilà ce que devrait être l’enfance et ce que devrait être l’école. Je viens en vérité de vous décrire un idéal déchu, tant cette école est peu à peu devenue pour beaucoup de nos enfants, et par le seul fait du harcèlement, un lieu de souffrance, de mal-être et de violence. Le développement du cyberharcèlement a accentué ce phénomène, en instaurant un continuum pervers de violence invisible, qui va bien au-delà du portail des établissements.
Le rapport de notre mission d’information a mis en exergue l’ampleur du phénomène. Avec ses trente-cinq recommandations, ce rapport est déjà plus qu’un thermomètre et bien davantage qu’une boussole, mais c’est d’un électrochoc que nous avons besoin.
C’est devant les réalités vertigineuses du mal-être des jeunes Français, encore illustrées par le suicide d’une élève de 12 ans dans le Pas-de-Calais, il y a tout juste une semaine, que nous prenons conscience du déni dans lequel nous étions plongés.
Alors que 700 000 élèves, soit deux à trois enfants par classe en moyenne, sont concernés par le harcèlement, alors qu’une victime sur quatre a déjà songé au suicide, alors que la médecine scolaire ne met à la disposition des établissements qu’un professionnel pour 12 000 élèves, nous avons l’impérieuse nécessité d’agir.
Il faut donc agir vite et fort, mais surtout agir enfin. Et dans ce domaine plus qu’ailleurs, tout délai est un drame. Alors que faire ? Détecter ? Oui. Traiter ? Bien sûr. Sanctionner ? Si nécessaire. Le mot clé est réactivité, car notre ennemi est le temps : le temps de la compréhension, de la réaction, du témoignage, ce temps qui écrase, dilue et parasite l’action.
La réactivité passe d’abord par l’action du témoin. Le ou les témoins, ce sont d’abord les élèves eux-mêmes, ce public des harceleurs, ces camarades des harcelés, qui constatent la souffrance de leurs pairs, mais qui ne donnent pas l’alarme de peur d’être perçus comme des délateurs.
Construire une culture de la vigilance, c’est d’abord briser l’omerta de ceux qui voient ; c’est inverser la charge de l’anonymat qui déresponsabilise aujourd’hui l’agresseur, alors qu’il devrait protéger et libérer le lanceur d’alerte. Nous devons offrir aux témoins la faculté de sonner l’alarme sans risquer de représailles.
Appuyons-nous sur les solutions existantes. Je citerai à cet égard l’application The Sorority, qui permet le renseignement instantané des signaux faibles en matière de lutte contre les violences conjugales. Pourquoi ne pas envisager la territorialisation d’un outil numérique similaire dans chaque établissement ? Chaque école, collège ou lycée disposerait ainsi d’un signal d’alarme efficace.
Pourquoi ne pas recourir aux applications existantes du type OSE ou Pronote, qui relient parents, professeurs et élèves, et y adjoindre un lanceur d’alerte anonyme ? Une fois l’alerte donnée, c’est au système éducatif, parents compris, d’intervenir pour couper net les racines du harcèlement.
La clé, disais-je, c’est la réactivité, et cela vaut bien sûr pour le cyberharcèlement, tant l’internet constitue l’espace des flux où se répand l’information à une rapidité parfois mortelle.
À la dictature de la vitesse et de la réputation, opposons un principe de précaution qui imposerait aux réseaux sociaux de bloquer un contenu, dès lors qu’il met en péril l’intégrité d’un élève. Pour exemple, TikTok dit retirer a priori à chaque signalement les publications susceptibles de constituer un harcèlement. Nous l’avons vu récemment avec l’ignoble mouvement symbolisé par le hashtag #Anti2010.
Oui, mes chers collègues, il est impérieux de s’attaquer à la racine du mal, car le sacrifice de l’enfance est aussi celui du développement personnel et de la vie collective. C’est en pensant à Fénelon que j’ai été amenée à cette conclusion : « Les premières années de l’enfance sont les plus précieuses, elles décident du sort des autres. » (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’école, les vexations, les humiliations et, parfois, les attaques répétées qui atteignent la dignité humaine ne sont pas chose nouvelle.
Ainsi, le jeune Charles Bovary, par son accoutrement de paysan normand et sa balourdise, avait subi la risée de sa classe. En 1857, Gustave Flaubert décrit ce harcèlement scolaire dans le premier chapitre de son roman pour brosser les faiblesses de caractère du futur mari d’Emma.
L’expansion de l’usage des outils numériques, jusque dans les mains d’enfants de plus en plus jeunes, a incontestablement donné à ce harcèlement scolaire, que vous qualifiez de cyberharcèlement, une ampleur et conduit à des modes opératoires nouveaux et toujours plus pernicieux, qui exigeaient que le Sénat s’en préoccupât.
Aussi, notre groupe exprime sa reconnaissance aux membres de la mission présidée par notre collègue Sabine Van Heghe pour le travail réalisé et à notre collègue Colette Mélot pour son substantiel rapport.
Les premiers travaux parlementaires sur ce sujet ont été entrepris il y a une dizaine d’années, mais le rapport qui sert de prétexte à ce débat dresse un bilan nouveau, utile et alarmant de l’étendue du phénomène, et prévoit le cadre d’une politique nationale qui mérite d’être discuté dans cet hémicycle.
Nous partageons l’idée que les établissements d’enseignement et les équipes éducatives, dans leur intégralité, doivent être au cœur de la lutte contre ce harcèlement, même si ce dernier peut se poursuivre à la maison à cause de la domination toujours plus despotique des réseaux dits « sociaux » sur des jeunes devenus dépendants.
De nouvelles compétences pourraient certainement être acquises par ces équipes ; des formations nouvelles devront sans doute leur être proposées. Néanmoins, encore une fois, ces récentes exigences nous imposent de réfléchir collectivement à la place de l’école dans la société et à la mission donnée à l’enseignant.
La mission de l’école n’a jamais été de transmettre uniquement des savoirs et des connaissances. Celle-ci a toujours contribué à l’émancipation individuelle, à la diffusion d’une morale républicaine. En un mot, elle se devait d’éduquer, dans le sens latin du verbe, c’est-à-dire de former des esprits.
Alors que les cadres moraux de nos sociétés vacillent, la tentation est grande de demander à l’école d’apporter, par l’éducation, des remèdes à tous les maux qui nous accablent. Souvent, y compris dans cet hémicycle, nous y cédons en ajoutant des lignes aux programmes des élèves et de formation des professeurs. Cette pratique risque fort de transformer le code de l’éducation en un cahier de doléances.
En l’occurrence, il n’est pas absurde de confier à l’école une mission particulière en matière de cyberharcèlement scolaire, mais il ne faudrait pas qu’elle s’ajoute à toutes celles qui incombent depuis peu aux enseignements.
Le rapport dont nous débattons recommande avec raison la reconstitution, dans les établissements, d’équipes pluridisciplinaires composées de médecins, de psychologues et d’assistantes sociales, pour assurer cet indispensable travail d’accompagnement.
La deuxième préconisation forte de ce rapport, dont nous partageons totalement l’esprit, concerne les réseaux dits « sociaux ». Nous discutons de ce rapport, alors que les révélations de Frances Haugen, ancienne ingénieure de Facebook chargée de « l’intégrité civique » – sic ! –, jettent une lumière crue sur ce qui constitue la banqueroute morale de ce réseau de destruction sociale.
Les machines algorithmiques qui sont au cœur de ces réseaux sont paramétrées pour retenir l’attention. Or cette captation est l’objet même de leur modèle économique. Les réseaux qui les utilisent n’ont donc aucun intérêt à les réguler : ils sont complices de leur propagation.
Le psychiatre Serge Tisseron considère que ces réseaux sont des produits toxiques, et qu’il faudrait les réglementer comme des aliments dangereux pour la santé. Au lieu de cela, nous nous contentons de les appeler à la raison et nous leur demandons, par faiblesse, d’organiser eux-mêmes leur régulation.
Ainsi, la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information, qui confie au Conseil supérieur de l’audiovisuel la mission d’analyser le fonctionnement des algorithmes des plateformes n’est pas appliquée, faute d’un régime de sanctions contraignant.
Le Sénat l’a déjà affirmé à plusieurs reprises, et je le redis avec force devant vous : puisque nous convenons tous qu’il est urgent d’agir sur les vecteurs du cyberharcèlement, aucune évolution positive n’est à attendre de ces entreprises tant que nous ne nous attaquerons pas à leur modèle économique. Nous devons le faire urgemment pour la santé psychique et morale de nos enfants. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier le groupe Les Indépendants – République et Territoires pour ce débat.
Le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, dont nous discutons aujourd’hui, concernent un nombre considérable d’enfants, entre 800 000 et 1 million. Ainsi, en France, un élève sur dix subirait ou aurait subi une forme de harcèlement au cours de sa scolarité.
Il est urgent que chacun d’entre nous prenne conscience de cette réalité et mesure le drame individuel et collectif que le harcèlement représente aujourd’hui pour notre école.
Les réseaux sociaux ont amplifié le phénomène. La violence du cyberharcèlement est décuplée en ce qu’elle frappe dans l’école et au-dehors : il en résulte une exposition permanente à la violence, entre la sphère scolaire et la sphère privée. Près de 25 % des collégiens déclarent ainsi avoir déjà été victimes d’un cyberharcèlement.
Depuis la rentrée, de nombreux élèves de sixième sont harcelés pour la seule raison qu’ils sont nés en 2010. Sur la plateforme TikTok, le hashtag #Anti2010 a prospéré, et des vidéos invitent les jeunes à s’en prendre à ces élèves de sixième.
En 2020, à la suite du confinement et de la fermeture des établissements scolaires, le cyberharcèlement s’est dramatiquement accru. La plateforme d’écoute de l’association e-Enfance a ainsi enregistré une hausse de 30 % des appels, ce qui a entraîné deux fois plus de signalements.
Aucun établissement, aucune région, aucune catégorie sociale ne sont épargnés. Face à cette réalité, le corps enseignant s’estime souvent désarmé. Sont en cause le manque de formation et la difficulté à identifier les cas. C’est pourquoi il me paraît primordial d’intégrer dans la formation initiale et continue des enseignants une sensibilisation à l’empathie et à la détection des situations de harcèlement.
Je rappelle que les conséquences du harcèlement sont graves. Celui-ci accroît le risque d’entrer dans la délinquance criminelle, d’adopter des conduites à risques et peut pousser la victime au suicide.
Mardi, dans les colonnes de Ouest France était évoqué le cas de Chanel, 12 ans, victime de harcèlement ayant mis fin à ses jours le 30 septembre dernier. Le titre de l’article était édifiant : « En France, dix-huit enfants se sont suicidés depuis le 1er janvier 2021. »
Face à cette situation, la prise en compte du problème par les pouvoirs publics dans les années 2010 a cependant permis de réelles avancées.
De nombreuses actions ont été engagées par le ministère de l’éducation nationale : la publication de guides à l’attention des équipes éducatives, l’instauration d’une ligne d’écoute téléphonique nationale, la création d’un site internet proposant des ressources aux enseignants et aux parents, la liste n’étant pas exhaustive : autant de dispositifs qui visent à protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’adolescent dans la construction de son identité et dans sa formation scolaire.
Tous les ministres de l’éducation nationale ont poursuivi cette politique publique. Des partenariats entre les services de police et de gendarmerie, les équipes enseignantes et le personnel médico-social existent. Les départements et les régions mènent également très souvent des campagnes de sensibilisation et de formation de leurs agents. Enfin, les associations de victimes, elles aussi, œuvrent chaque jour auprès des victimes – je souhaite saluer ici la mobilisation de tous les acteurs.
Malgré tous ces efforts et tous les instruments qui sont déployés, la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement se révèle aujourd’hui imparfaite sur plusieurs points.
D’abord, si les outils à la disposition des pouvoirs publics sont nombreux, ils sont peu connus. Ensuite, l’arsenal juridique existant est souvent inadapté face au cyberharcèlement.
Les enseignants sont par ailleurs trop peu formés pour faire face à ces situations. Faute d’une formation adaptée, seuls 35 % d’entre eux se sentent armés pour gérer une situation de harcèlement. Environ 83 % des enseignants indiquent n’avoir jamais reçu de formation consacrée à la prévention et à la gestion du harcèlement. Ils sont tout aussi nombreux à estimer que cette lutte doit être considérée comme un enjeu de santé publique.
Enfin, j’évoquerai un dernier point, le manque de moyens humains et financiers dans les établissements.
La lutte contre le harcèlement implique des moyens humains mobilisant l’ensemble de la communauté éducative. L’intervention de tiers extérieurs à l’établissement figure parmi les initiatives intéressantes mises en œuvre, mais cette intervention a un coût difficile à assumer, notamment pour les collèges.
Face à ces insuffisances, la mission d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, dont je veux saluer ici le travail, a formulé trente-cinq propositions afin de combattre, de manière systématique, le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, et ce autour de trois axes : prévenir, détecter, traiter.
Afin de mieux prévenir les cas de harcèlement, nous recommandons notamment de faire un point systématique, à chaque rentrée, dans chaque académie, sur la qualité du climat scolaire ; de faire remonter, également de manière systématique, au niveau de l’académie les faits de harcèlement et en présenter les suites devant le conseil d’administration de l’établissement.
Pour détecter les cas de harcèlement, il faut intégrer dans la formation des enseignants une sensibilisation à l’empathie et à la détection des situations de harcèlement ; mesurer précisément par cycle scolaire et par région l’ampleur du harcèlement scolaire.
Pour traiter rapidement et efficacement les cas qui se présentent, il faut continuer à développer les travaux d’intérêt général et les stages de citoyenneté traitant de harcèlement pour les enfants harceleurs ; entamer, dès le 1er janvier 2022, les négociations européennes pour promouvoir les stress tests et le name and shame afin de lutter contre le cyberharcèlement.
Le dixième et dernier principe de la Déclaration universelle des droits de l’enfant nous rappelle que l’enfant doit être protégé contre toute forme de discrimination.
C’est dans cet unique but qu’il nous incombe de lutter sans relâche contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, qui remettent en cause le droit essentiel de l’enfant à s’instruire et s’attaquent aux principes de notre République. Nous nous devons de tout faire pour mettre un terme à ce fléau et protéger nos enfants.
Dès lors, madame la secrétaire d’État, quels nouveaux dispositifs et moyens comptez-vous mettre en œuvre, notamment dans le cadre du futur projet de loi de finances ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le cyberharcèlement s’est de nouveau invité dans le débat public avec le hashtag #Anti2010. Alors que nous sommes concentrés sur la gestion de la crise sanitaire depuis de longs mois maintenant, ce déferlement de haine en ligne – j’utilise ce mot volontairement – est venu mettre encore plus en évidence le mal-être des jeunes, qui s’est accru depuis le début de la pandémie.
Si la France demeure dans la moyenne des pays européens concernant le harcèlement et le cyberharcèlement, les politiques publiques mises en place sont extrêmement récentes : elles n’ont qu’une dizaine d’années, alors que dans d’autres pays le problème est pris à bras-le-corps depuis des décennies.
Or le sujet n’est pas à traiter de manière accessoire. Il faut s’emparer du problème au sein de l’école – sur les temps scolaire et périscolaire –, certes, mais surtout au niveau de la société tout entière. La famille et la parentalité ont d’ailleurs, sur ce sujet, un grand rôle à jouer, rôle d’autant plus important que le harcèlement se met en place, aussi, sur les réseaux sociaux, qui n’offrent plus aucune période de repos aux jeunes victimes. Les problèmes de l’école se retrouvent le soir sur les réseaux, et vice versa.
Les statistiques varient, selon ce que l’on intègre dans la notion de harcèlement. Si je me réfère à l’excellent et très complet rapport de notre collègue Colette Mélot pour la mission d’information à laquelle j’ai participé, au moins 6 % des élèves subiraient une forme de harcèlement scolaire, soit plus de 800 000 jeunes chaque année.
Ce chiffre colossal est inquiétant quand on sait que le harcèlement peut conduire à des troubles du comportement, plus ou moins graves, des dépressions, jusqu’à des gestes suicidaires dont certains aboutissent. Je pense, par exemple, à ce jeune marseillais de 13 ans, atteint de troubles « dys », qui a fait deux tentatives de suicide à la suite au harcèlement qu’il a subi, à l’école et sur les réseaux sociaux, après s’être confié à une camarade de classe sur son homosexualité.
Parmi les plus stigmatisés, on retrouve évidemment les filles, mais également tous ceux que l’on considère comme « différents » ou qui sont considérés comme tels par leur entourage, mais aucune catégorie n’est épargnée. Chaque enfant peut être harcelé et harceleur. Aussi, il est impossible de cibler des victimes ou des agresseurs potentiels pour espérer résoudre le problème. Ce sont toutes les valeurs qui traversent non seulement l’école, mais aussi la famille et la société tout entière qui doivent être questionnées.
Selon Catherine Blaya, une professeure qui dirige des travaux de recherche sur le sujet, les pays les plus concernés par la violence sur les réseaux sociaux sont aussi ceux où il y a le plus de violence dans la société. Le fond du problème me semble être là. Je note d’ailleurs avec satisfaction que les préconisations du rapport en matière de prévention sont les plus nombreuses.
Dans beaucoup de domaines, mieux vaut prévenir que guérir. La prévention est particulièrement indispensable s’agissant du cas précis du harcèlement, car elle crée un climat psychosocial dans lequel l’agresseur est celui qui se retrouve stigmatisé.
L’empathie et la fraternité sont à l’origine des modèles scandinaves de lutte contre le harcèlement, modèles dans lesquels l’agresseur est perçu comme un élève à guérir plutôt qu’à punir. D’ailleurs, on estime que 40 % des agresseurs sont aussi des victimes – ce n’est pas anodin.
En travaillant sur l’empathie et la réflexion des élèves harceleurs et de leurs familles, les modèles suédois et norvégien, appliqués dans de nombreux autres pays, ont fait leurs preuves. Ils sont plus favorables à la création d’un sentiment de communauté entre les élèves, et entre les élèves et l’équipe éducative. Au-delà de l’apprentissage d’un savoir-faire, c’est le savoir-être qui est diffusé.
Cela demande beaucoup de travail de la part des équipes encadrantes et des enseignants, qui, on le sait, sont déjà très sollicités sur différents sujets. Mais il faut insister sur le caractère déterminant de leur rôle : ils sont des figures d’autorité et des modèles pour nos jeunes.
Le positionnement de l’adulte a un impact considérable, lorsqu’il véhicule la bienveillance et l’engagement, mais aussi, c’est vrai, un cadre strict et des sanctions si nécessaire. Pour cela, le personnel encadrant doit être formé et engagé sur cette cause. C’est un préalable indispensable sur lequel notre pays doit, me semble-t-il, encore travailler, y compris sur les temps périscolaires où les collectivités ont un rôle à jouer. Le décloisonnement est plus que jamais nécessaire sur ce sujet.
Ces mesures générales ont montré leur efficacité. Elles entraînent une diminution de l’anxiété chez les jeunes, dans le même temps que leur confiance – en soi et envers les autres – et leur motivation à l’école progressent.
Elles peuvent se décliner en mesures concrètes, telles que des travaux de groupe ou des jeux de rôle, pour inciter témoins et victimes à manifester leur réprobation, résoudre les éventuels conflits et se mettre à la place des victimes. Cela nous renvoie à l’empathie.
On sait que le cyberharcèlement est plus fréquent chez les écoliers du primaire, avec 14 % de victimes parmi les élèves du CE2 au CM2. Peut-être faudrait-il mieux prévenir les familles et limiter davantage le recours à internet à ces âges. Il faudrait en outre que les plateformes s’engagent davantage dans cette lutte,…
M. le président. Il faudrait surtout conclure !
Mme Véronique Guillotin. … elles ne peuvent plus détourner les yeux – le législateur non plus !
Pour conclure, tous les enfants ont le droit de se sentir en sécurité à l’école, de ne subir ni oppression ni humiliation intentionnelle. J’espère que ce rapport, comme ses prédécesseurs, permettra de donner le coup d’accélérateur dont nos politiques publiques ont définitivement besoin. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est sur fond de drame que se déroule notre débat de ce jour sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, dans le prolongement du rapport récemment rendu public par la mission d’information que j’ai eu l’honneur de présider.
J’étais hier à Frévent, petite commune du Pas-de-Calais, pour participer à la marche blanche organisée en la mémoire de Chanel, une enfant de 12 ans qui a mis fin à ses jours parce qu’elle était harcelée, violemment et depuis trop longtemps. Permettez-moi d’associer l’ensemble de notre assemblée au soutien que j’exprime à l’endroit de sa famille et de ses proches.
Avec notre rapporteure, Colette Mélot, dont je tiens à saluer la très forte implication, ainsi d’ailleurs que celle de tous les membres de la mission, nous avons, me semble-t-il, utilement œuvré en faveur d’une détection plus précoce du harcèlement, d’un suivi mieux assuré et d’un traitement plus efficace, avec la volonté de mettre un terme à ce fléau.
Je vous renverrai, pour cela, à la liste des trente-cinq recommandations présentées dans notre rapport, déjà évoquées par les précédents orateurs. Dans un souci didactique et pratique, et pour que nos travaux soient immédiatement opérationnels, nous les avons présentées sous la forme d’une feuille de route. Elles sont classées par grande priorité et par ordre chronologique, avec l’indication systématique de l’entité qui en a la responsabilité, du vecteur juridique à mobiliser et du calendrier de mise en œuvre.
Je me félicite donc de votre venue cet après-midi, madame la secrétaire d’État, pour ce débat dont je ne doute pas que vous mesurez les enjeux.
Il nous faut maintenant passer aux travaux pratiques, c’est-à-dire appliquer, sans tarder, chacune de ces trente-cinq recommandations et les rendre opérationnelles sur le terrain.
Chacun voit bien à quel point le harcèlement scolaire représente pour notre société un drame, individuel et collectif, qu’il est plus que jamais urgent de combattre, tant il sape insidieusement les fondements de notre bien vivre ensemble. Le mouvement de harcèlement à l’encontre des élèves de sixième nés en 2010, survenu à la mi-septembre dans nos collèges, en montre encore, s’il en était besoin, la malheureuse actualité, tout autant que le caractère proprement irrationnel.
Si la mobilisation est réelle et si les outils de sensibilisation existent, le dispositif actuel contre le harcèlement scolaire pèche encore dans le suivi, qui n’est pas suffisamment assuré.
Mon intervention portera donc tant sur le fond que sur la forme de cette mise en œuvre.
Sur le fond, et sans revenir sur les points que mes collègues ont déjà pu aborder, j’ai principalement deux séries de questions à évoquer devant vous.
La première série porte sur les moyens nécessaires pour lutter contre le harcèlement et leur renforcement indispensable. Nos auditions l’ont amplement montré : tant la prévention que la détection suppose que les moyens humains de l’éducation nationale soient à la hauteur.
Nos déplacements sur le terrain dans deux collèges, à Melun et à Douvrin, ont permis de constater la forte implication des personnels, tout autant que l’efficacité de leur action au quotidien. Cette action est menée en lien étroit avec les autres partenaires publics que sont la police, la gendarmerie et la justice, ainsi qu’avec les associations.
Le succès en la matière du collège de Melun, en particulier, semble autant dû à l’implication dévouée de ses personnels qu’aux moyens supplémentaires dont il bénéficie en tant que collège classé en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+). Les professeurs, dont les heures de cours sont pondérées, utilisent celles qui leur restent pour organiser des temps d’équipe, permettant d’échanger et, donc, d’identifier beaucoup plus rapidement les situations anormales, tout en maintenant un climat scolaire serein.
La mobilisation générale contre le harcèlement scolaire suppose donc bien que la gestion de ces moyens humains se fasse de façon plus fine qu’actuellement. Il faut éviter un turn-over trop rapide afin que les personnels en place disposent du temps nécessaire pour asseoir leur légitimité et leur positionnement au sein de l’équipe éducative.
Les premières indications concernant le projet de budget pour 2022 paraissent montrer des créations de postes d’infirmiers scolaires, d’assistants sociaux et de CPE dans l’enseignement secondaire, avec notamment l’ouverture de 300 postes de CPE et de 50 postes d’assistants sociaux et infirmiers.
Si ces ouvertures de postes répondent en partie à notre attente de plus de moyens et de personnels dans les établissements, encore faut-il que les postes ainsi ouverts soient effectivement pourvus… Pour cela, madame la secrétaire d’État, il faudra veiller à leur attractivité.
Par ailleurs, s’agissant des assistants sociaux et des infirmiers, les besoins actuels sont importants, surtout au regard du faible nombre de postes ouverts. Ainsi, les 50 postes d’assistants sociaux ou d’infirmiers prévus au budget ne représentent qu’un petit « demi-poste » par département ! C’est absolument insuffisant, eu égard aux attentes de la communauté éducative et des parents.
Madame la secrétaire d’État, au titre du suivi vigilant qui sera le nôtre, et que notre rapporteure a rappelé, nous attendons des éclaircissements sur cette question cruciale de l’accroissement, indispensable et significatif, des moyens de lutte contre le harcèlement scolaire. Je ne doute pas, d’ailleurs, que nous en débattrons de nouveau très prochainement, en commission ou en séance publique, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.
Ma deuxième série d’interrogations porte sur les priorités de la présidence de l’Union européenne, que notre pays va assumer au premier semestre de 2022.
Vous le savez, une partie de la lutte contre le cyberharcèlement véhiculé par les réseaux sociaux passe par une action déterminée au niveau communautaire, qui viserait à leur imposer des stress tests ou diffuser la pratique du name and shame, comme l’a rappelé notre rapporteure. Lors de nos auditions, nous avons bien constaté que les représentants de ces réseaux ne réagissaient réellement que sous contrainte, quand ils étaient soumis à une forte pression tant politique que médiatique. À ce sujet, je continue de regretter que l’un de ces réseaux, et pas des moindres puisqu’il s’agit de Twitter, n’ait pas pu ou pas voulu participer à notre table ronde du 23 juin dernier.
Madame la secrétaire d’État, votre collègue secrétaire d’État aux affaires européennes a indiqué voilà une semaine, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, que le programme détaillé de cette présidence serait dévoilé par l’exécutif le 1er décembre prochain. Pouvez-vous nous rassurer dès à présent, et clairement, quant à la suite positive que vous allez réserver à cette demande pressante ? Ces priorités figureront-elles bien dans la feuille de route du prochain semestre européen dont vous aurez la charge ?
Enfin, et pour conclure mon propos, je sais que vous avez lu le rapport de notre mission d’information. Nous l’avons voulu opérationnel. Les choses sont dites, les recommandations séquencées dans le temps, les vecteurs juridiques précisés, ainsi que les acteurs publics ou privés en charge de leur mise en œuvre.
L’école ne doit pas être un lieu de souffrance. Elle forme notre jeunesse pour en faire les adultes-citoyens de demain, et je vous sais attachée à ces valeurs.
Alors, comme mes vingt-deux collègues membres de la mission d’information, nous espérons que, avec le ministre Jean-Michel Blanquer, vous agirez vite et bien. Saisissez-vous de ce rapport ! La mission a bien travaillé, tout y est !
C’est une question de volonté politique. Nous l’avons, nous la partageons ici, sur toutes les travées. À vous de jouer ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en premier lieu, je tiens à remercier Mme Colette Mélot, rapporteure de la mission d’information, et Mme Sabine Van Heghe, sa présidente, pour la conduite des travaux et l’écriture des conclusions qui viennent d’être publiées sur ce sujet essentiel.
Mieux prévenir, mieux détecter, mieux traiter le harcèlement scolaire : voilà un enjeu primordial. Nous parlons effectivement d’un drame, individuel et collectif, qu’il nous faut combattre ensemble. Tout le monde a un rôle à jouer dans cette lutte, en particulier tous les membres de la communauté éducative.
« Tous les ans, plus de 700 000 enfants sont cassés, abîmés par le harcèlement scolaire. Ils se débattent au milieu de leurs cauchemars, de leurs peurs, de leur confiance en eux, en l’autre qui à chaque fois s’envole un peu plus. » Tel est le constat, effrayant, que dresse l’association Les Papillons sur son site internet.
Cette structure, présente dans plusieurs départements, dont le Finistère, vise à libérer la parole des enfants victimes de maltraitances. Elle est d’ailleurs citée, comme d’autres structures impliquées dans ce domaine, dans le rapport de la mission.
L’« affaire Mila » a aussi récemment marqué les esprits. L’histoire de cette jeune fille, victime d’un raid numérique, sujette à des menaces de mort, des appels au viol, des insultes, a remis en lumière les effets dramatiques du harcèlement, en l’occurrence du cyberharcèlement, et ses conséquences bien réelles. En juillet, onze prévenus ont été condamnés.
Le harcèlement est bien un fléau, qui se retrouve à tout âge et dans tous les champs de la vie sociale : à l’école – cour de récréation, classe ou vestiaire –, au travail, dans la sphère familiale et dans les espaces publics, en ligne ou dans la rue.
Face à cet état de fait, les jeunes doivent être particulièrement accompagnés. Dans son rapport présenté voilà un an, notre collègue député Erwan Balanant rappelle ce chiffre : « en moyenne, ce sont 2 à 3 enfants par classe qui sont stigmatisés, malmenés, moqués et violentés » dans les établissements publics et privés, avec des conséquences sur le long terme, entraînant des traumatismes profonds et des fragilités durables.
Aussi de nombreuses actions sont-elles menées. La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance consacre, en son article 5, le droit à une scolarité sans harcèlement, reconnaissant ainsi la gravité de cette forme de violence scolaire. L’encadrement de l’utilisation des portables dans les établissements scolaires vise ce même objectif. Un numéro contre le harcèlement scolaire est disponible, de même que contre le cyberharcèlement. Des ressources pédagogiques ont été élaborées. Plusieurs « élèves ambassadeurs », en collège et en lycée, peuvent être nommés. Des référents ont été mis en place. Le travail avec les associations se poursuit et se renforce.
Mais le phénomène a pu connaître un rebond durant la période de confinement, comme l’a rappelé le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports voilà quelques mois.
Il est aussi absolument nécessaire d’intervenir à trois niveaux.
En amont, par une éducation aux médias renforcée tout au long de la scolarité et une prévention dans le milieu scolaire, notamment par la sensibilisation des plus jeunes aux conséquences du cyberharcèlement et une information sur les accompagnements existants.
Par une prise en charge rapide des victimes de harcèlement ou cyberharcèlement dès les premiers « signaux faibles », ce qui implique de savoir détecter ces derniers rapidement, avec le partage de dispositifs simples, d’outils identifiés par les enfants, par les familles et par toutes les équipes éducatives. Il est indispensable que des personnes ressources, de proximité et de confiance, soient connues des enfants pour plus de réactivité dans l’accompagnement.
En aval, enfin, par un accompagnement des harceleurs et un renforcement de l’efficacité de la réponse pénale à l’égard des auteurs. La sanction doit, de toutes les façons, s’accompagner d’une prise de conscience de l’agresseur.
Les plateformes ont évidemment un rôle de coopération primordial à jouer, en lien avec les pouvoirs publics. Leur responsabilité est engagée. Les signalements doivent pouvoir se faire rapidement, puis être traités avec la même célérité.
Il s’agit bien entendu d’un sujet global puisque, si le cyberharcèlement franchit les murs des établissements, les politiques de régulation appellent aussi à dépasser les frontières étatiques. En fin d’année dernière, l’Unesco et le ministère français de l’éducation nationale avaient organisé une conférence internationale sur la lutte contre le harcèlement entre élèves.
Cette problématique pourra être abordée lors de la présidence française de l’Union européenne.
Le Gouvernement a récemment annoncé la généralisation sur tout le territoire du programme de lutte contre le harcèlement à l’école Phare, sur la base de l’expérimentation menée, depuis deux ans, dans six académies.
En cette rentrée, un projet de loi visant à mieux protéger les victimes, en soignant aussi les harceleurs, va être discuté au Danemark. Cette approche était préconisée par la méthode de la « préoccupation partagée », développée dès le début des années 1980 en Suède par Anatol Pikas ; elle est aujourd’hui utilisée avec succès en Finlande, en Australie et au Canada. De la même manière, pour lutter contre le harcèlement scolaire, les Finlandais ont inventé une méthode appelée KiVa.
Échangeons donc sur nos dispositifs de lutte afin de combattre, ensemble, ce fléau ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. « Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison. » C’est par cette formule que Victor Hugo, qui siégea dans cet hémicycle, traduisait l’idéal républicain : l’éducation remplit une mission fondamentale. À ceux qui affirmaient que les criminels étaient responsables de leur état, il répondait depuis ces travées : « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire. »
L’école dispense le premier remède contre la violence, par l’apprentissage du civisme et de la citoyenneté. À côté des règles de grammaire et de conjugaison, des jalons de l’histoire de France et de l’algèbre, l’acquisition de compétences psychosociales est indispensable à la cohésion d’une communauté, à l’échelle d’une école, comme à l’échelle d’une nation.
À l’origine de tout harcèlement se trouve bien souvent une défaillance d’empathie de la part d’individus incapables de se mettre à la place des autres, de se représenter les conséquences de leurs actes, nourris par un sentiment de toute-puissance. Du côté des victimes, la peur, la honte et, souvent, une fausse culpabilité paralysent la parole. Les harceleurs s’attaquent en général à des élèves pacifiques, isolés, plutôt introvertis, instaurant un rapport de force inégal et un mécanisme odieux de violence.
L’étendue du phénomène, sa banalisation insupportable et l’augmentation des cas de cyberharcèlement font de ce fléau un fait de société, qu’il faut que nous combattions de toute urgence.
C’est précisément l’objectif que s’est donné le groupe Les Indépendants - République et Territoires, en proposant cette mission d’information contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement au printemps dernier. Je souhaite, moi aussi, saluer le travail remarquable des sénatrices Colette Mélot et Sabine Van Heghe, rapporteure et présidente de la mission.
Comme l’explique le rapport présenté le 23 septembre dernier, le harcèlement scolaire engendre des conséquences dramatiques pour les victimes, à commencer par le désengagement scolaire : selon les enquêtes nationales de 2010 et 2011, le harcèlement est à l’origine de 25 % des cas d’absentéisme chronique. Il est responsable d’une très forte augmentation des risques de dépression et de suicide. L’état de stress permanent dans lequel il plonge l’élève n’épargne aucune sphère de sa vie, à court terme, mais aussi à très long terme.
Malheureusement, dix ans d’actions des gouvernements successifs n’ont pas permis d’éradiquer le problème. De nombreux outils existent, et c’est pourquoi la mission d’information s’est intéressée à l’application sur le terrain des dispositifs déployés.
Le premier obstacle à franchir étant le silence des victimes, il nous faut à tout prix favoriser les prises de parole, grâce à la qualité du climat scolaire, et détecter les signaux faibles. Cela passe par une mobilisation générale de la communauté éducative, appuyée par les parents d’élèves et les associations. Nous devons aussi placer les responsables des réseaux sociaux face à leur responsabilité.
Les problèmes complexes à résoudre nécessitent parfois des approches décalées, innovantes, surprenantes.
Je souhaite ainsi attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur une méthode proposée par un certain nombre d’associations de terrain. Cette méthode, peut-être moins orthodoxe que l’approche institutionnelle, mérite néanmoins d’être citée, me semble-t-il, afin d’enrichir notre débat.
La méthode résolutoire consiste à proposer à l’enfant victime de harcèlement une stratégie de sortie de crise lui permettant de reprendre le contrôle de la situation et de briser la spirale du harcèlement, renforçant dans un même temps sa confiance en lui-même et ses capacités de résolution de conflits. Il n’y a rien de pire que de lui demander de changer d’école ; il faut donc lui apporter les outils pour qu’il puisse, au sein de l’école où il étudie, se défendre par lui-même.
Il s’agit donc de lui donner des moyens d’action, des outils relationnels, lui permettant de désamorcer la spirale de violence, de ne plus subir le harcèlement en développant l’affirmation de soi. Un protocole adéquat pourrait être proposé par l’équipe pluricatégorielle déployée dans le cadre du programme Phare.
Madame la secrétaire d’État, j’aimerais que vous considériez cette proposition de former le personnel compétent en matière de lutte contre le harcèlement scolaire aux méthodes visant à renforcer l’affirmation de soi chez les élèves qui en sont victimes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout comme les précédents orateurs, je voudrais moi aussi saluer le travail accompli par la mission d’information, sa présidente et sa rapporteure. En tant que membre de cette mission, je peux témoigner du fait que personne n’est ressorti indemne des auditions auxquelles nous avons pu prendre part.
Le harcèlement scolaire débute dès l’école élémentaire, parfois même dès la maternelle.
Or l’enjeu n’est pas seulement d’y faire face par la voie des sanctions et de la judiciarisation. Il s’agit aussi de se donner, ou plutôt de se redonner les moyens de mener un travail au sein de l’école afin d’y réinstaurer un climat susceptible de permettre à chaque enfant de se sentir suffisamment en sécurité pour s’investir dans les activités et les contenus scolaires qui lui sont proposés.
Dans mon département, le Haut-Rhin, dans la circonscription d’Andolsheim, une expérimentation a été mise en place en 2014. Elle est d’ailleurs toujours en vigueur, puisqu’elle a permis, depuis sa mise en place, de juguler des phénomènes émergents de harcèlement au sein des écoles du premier degré de la circonscription.
Selon une méthode suédoise qui a fait ses preuves, un groupe de pilotage dédié au harcèlement a été créé et mis à la disposition des établissements scolaires.
Constitué du directeur académique des services de l’éducation nationale, des enseignants spécialisés du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) de la circonscription, de directeurs d’école formés à ces problématiques, il intervient lorsque les équipes, dans les classes, ne sont plus en mesure de gérer une situation en interne.
En se fondant sur le dialogue, les membres de ce groupe prennent en charge l’élève harcelé, ainsi que son ou ses harceleurs, pour les aider à trouver, avec eux, les ressources pour changer les choses, pour les responsabiliser, les rendre acteurs et les inciter à trouver des solutions qui permettront d’éviter le recours à la sanction.
Cette méthode vise à « redonner une place centrale au respect, à l’empathie, une chance à la fois à l’agresseur et à l’agressé », à « sortir de la spirale infernale “violences-sanctions-violences” », comme l’explique Fabienne Schlund, inspectrice de la circonscription qui a pris l’initiative de créer ce groupe, à la suite de son travail de recherche et de sa thèse.
Les actions mises en œuvre dans les classes par son équipe ont permis de juguler ces phénomènes dans les écoles primaires de son secteur.
Mais pour mener ces actions de prévention et de remédiation, l’école, notamment en milieu rural, ne dispose plus de moyens humains suffisants lui permettant de soutenir les personnels enseignants. Il faudrait pourtant les soulager dans leurs charges administratives, comme les aider à faire face aux difficultés qu’ils rencontrent dans la gestion de leurs classes et celles, surtout, de leurs élèves dépassés par les attentes de l’école ou pris dans la spirale du harcèlement en tant que victimes ou auteurs.
Voilà encore une dizaine d’années, les Rased, comme celui qui met en œuvre ce programme dans la circonscription d’Andolsheim, disposaient de moyens humains qui leur permettaient d’assurer une présence régulière dans les écoles, notamment rurales, et de mettre en œuvre des actions de prévention et de remédiation auprès des élèves, d’accompagner et de soutenir leurs parents et leurs enseignants.
Aujourd’hui ces structures ne sont plus en mesure, par manque de postes et de personnels, de remplir leurs missions.
Les enseignants, notamment ceux qui enseignent dans des territoires éloignés de structures médico-psycho-pédagogiques ou socio-éducatives, n’ont ni la formation ni la disponibilité nécessaire pour faire face, seuls, à ces phénomènes qui explosent partout, en n’épargnant aucun territoire ni aucune classe sociale.
La réussite de l’expérimentation menée dans le Haut-Rhin le prouve : il faudrait renforcer les réseaux de professionnels spécialisés qui interviennent directement à l’école, aux côtés des enseignants, à intervalles réguliers. En amont, ces personnels sont à même de proposer des actions de prévention, par exemple en développant les facultés d’empathie des enfants. En aval, ils peuvent assurer un suivi personnalisé des élèves et de leurs familles.
Mes chers collègues, si elles ne sont pas traitées aujourd’hui, les difficultés rencontrées par les élèves à l’école, notamment celles qui sont liées aux phénomènes de harcèlement, portent en elles le germe des détresses de demain ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport de notre mission d’information a un mérite, celui d’attirer vivement l’attention sur un phénomène de plus en plus répandu, multiple dans ses modalités et ses conséquences dramatiques. Depuis le 1er janvier 2021, on a déploré dix-huit suicides parmi les élèves victimes de harcèlement scolaire.
Nous sommes tous partisans d’une mobilisation générale. Les recommandations du rapport, pragmatiques, ne peuvent qu’être approuvées et il est bon qu’un échéancier accompagne ces préconisations très concrètes.
Il est inutile de revenir sur les constats d’un fléau dont la violence s’est accentuée avec celle des réseaux sociaux. Il est inutile de revenir sur l’insuffisance de l’action actuellement déployée : l’abaissement continu de l’âge de possession du premier smartphone en démontre toutes les limites. Les élèves de l’école primaire sont de plus en plus largement concernés, aux âges charnières du début de la construction de l’identité.
Ce danger qui menace nos enfants ne peut être ni analysé ni combattu sans une prise en compte globale de l’environnement dans lequel il se situe, sans la volonté de ne pas s’y plier passivement, par fatalisme, impuissance ou absence de volonté politique.
Toutes les actions proposées doivent s’inscrire dans une telle perspective politique générale. Des effets d’annonce sans lendemain, de la part de l’exécutif, ne seraient pas à la hauteur des défis qui sont devant nous.
Il faut commencer par la prise de conscience en s’adressant aux Français de manière simple, claire et directe. J’espère que le débat d’aujourd’hui y contribuera. (Mme la secrétaire d’État le confirme.)
Le cyberharcèlement est une thématique à l’intérieur de la problématique numérique. Il sera difficile de renforcer durablement les défenses de nos enfants si nous n’acceptons pas de voir que le système numérique tout entier est organisé pour les rendre réceptifs et pour les affaiblir.
Au-delà des manipulations, l’ensemble des moyens utilisés par les réseaux relèvent de l’addiction et des circuits de la récompense. Ils doivent être traités comme tels dans notre pays et de nouveaux chantiers s’ouvriront à ce titre.
Les moyens de contraindre les réseaux sociaux à plus de vigilance existent. Le rapport souligne que la présidence française de l’Union européenne est une occasion à ne pas rater. Toutefois, je ne suis pas persuadé que les grandes plateformes redoutent particulièrement cette échéance.
L’Europe n’est pas toujours unanime sur ces sujets et elle se révèle trop souvent frileuse. Les combats seront compliqués et ardus, du fait, notamment, de la réactivité des grandes plateformes. Renforcer leurs obligations exigera un volontarisme national, européen et mondial sans faille.
Pour ce qui concerne la responsabilité parentale, il faut se garder des culpabilisations excessives. Il faut prendre conscience, là encore, que le rapport des parents aux réseaux sociaux est significatif pour leurs enfants.
Pour les parents, la question est simple : qui acceptent-ils de voir entrer dans leur foyer ? Qui autorisent-ils à s’immiscer dans leur environnement familial, par exemple en passant par les consoles de jeux ? Cyberprédateurs, pédocriminels et terroristes savent utiliser ces outils de la modernité avec une efficacité redoutable, en passant par nos enfants : aucune classe sociale n’est épargnée.
À mon sens, il faut aller au-delà d’une simple sensibilisation « soft ». Je suis favorable à ce que des images de publicité fortes, voire choquantes, rendent le message d’alerte officiellement plus présent à nos concitoyens. L’exemple peut venir de certains pays voisins. Il est impératif de compléter ainsi les outils actuels, trop dispersés, trop bureaucratiques, en tout cas inconnus du grand public.
Ce débat est aussi un appel à une citoyenneté et un civisme exigeants, aux plans individuel et collectif. C’est d’une vision républicaine, où la raison et les lumières l’emportent, que nous avons besoin, pas d’un usage obscurantiste où la violence sous toutes ses formes s’associe au complotisme dans un anonymat délétère.
En matière pénale, les sanctions restent très largement insuffisantes. L’effet de groupe, la puissance du collectif conduisent à négliger la responsabilité de ceux qui se taisent et n’osent s’opposer ; et cette insuffisance accentue encore la violence de la relation entre harceleur et harcelé. Les peines, facteurs d’exemplarité, ne sauraient épargner les participants qui, de manière abusive, s’estiment passifs. Notre lutte contre le harcèlement scolaire ne peut qu’être consensuelle, en dépassant les préjugés idéologiques et les excuses sociologiques.
En matière institutionnelle, il est compréhensible que les enseignants se sentent mal armés, mal formés ou démunis. La prise en charge du fameux « dernier kilomètre » ne peut être laissée à leur seule et ultime responsabilité. Si elle est aisée à reformuler a posteriori, la détection des signaux faibles est bien difficile a priori.
Cette nouvelle problématique à laquelle est confrontée l’école la soumet précisément aux contraintes et aux contradictions auxquelles le XXIe siècle l’habitue.
Il est nécessaire de déployer notre action dans un cadre géographique restreint et approprié, par des rencontres et des conférences régulières entre les acteurs. La dispersion des responsabilités entre les communes, les départements et les régions peut être source d’incohérences et nuire à l’homogénéité de l’action publique.
M. le président. Il va falloir conclure !
M. Jacques Grosperrin. En outre, le partage des informations et des expériences est indispensable. Au-delà de l’éducation nationale, je n’oublie pas le rôle éminent de la justice.
Enfin, parce qu’elles ont des responsabilités éducatives, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle accru dans la proximité et la prévention. Le Sénat, chambre des territoires, y sera attentif ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à vous remercier de la qualité de vos interventions, qui étaient toutes empreintes de gravité.
Vous l’avez dit : le harcèlement est un fléau qui menace nos enfants au quotidien. Il appelle évidemment toute notre attention et, surtout, notre entière mobilisation, car il peut conduire au pire.
J’ai une pensée pour toutes ces victimes, leurs familles, leurs proches et leurs camarades de classe. J’ajoute que notre parole doit être mesurée, tout particulièrement quand il s’agit d’affaires en cours. L’une d’elles a été citée à deux reprises. L’enquête se poursuit. Rien ne permet d’accréditer quoi que ce soit à ce stade. Veillons au respect des proches de cette jeune fille, pour qui j’ai bien sûr une pensée : c’est aujourd’hui le temps du recueillement.
Aucune forme de violence ne peut être tolérée au sein de l’école et le Gouvernement est pleinement mobilisé en ce sens.
C’est donc avec solennité que je m’adresse à vous aujourd’hui. Le harcèlement et le cyberharcèlement sont des sujets prioritaires. Ils concentrent l’attention du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean-Michel Blanquer, depuis 2017. D’ailleurs, ils ont déjà donné lieu à des évolutions profondes, qu’il s’agisse de la prise en charge au sein de la sphère scolaire ou des relations avec les familles.
J’y insiste : ces violences ont pris une nouvelle ampleur au cours des dernières années, notamment en raison du mauvais usage des réseaux sociaux et, plus largement, du numérique.
La cyberviolence ne peut plus être déconnectée des violences subies dans le cadre scolaire, puisqu’elle se propage très souvent par la diffusion entre pairs. Nous le savons : combiné aux réseaux sociaux et aux outils de communication de jeux vidéo, le harcèlement peut se prolonger au-delà des espaces physiques, tout au long de la journée, voire de la nuit.
Les précédents orateurs l’ont rappelé, la rentrée a aussi été le théâtre d’un nouveau hashtag, #Anti2010, qui a émergé progressivement sur des plateformes de jeux en ligne avant de contaminer certains réseaux sociaux, et qui nous a conduits à intervenir rapidement en lançant un autre hashtag : #BienvenueAux2010.
Du fait de l’accroissement exponentiel du cyberharcèlement, la lutte contre le harcèlement s’inscrit dans un contexte mondial et doit mobiliser l’ensemble de la société – j’y reviendrai.
Depuis quatre ans, notre ministère a placé la lutte contre le harcèlement scolaire en tête de ses priorités, en conduisant une politique publique volontariste et ambitieuse de lutte contre toutes les formes de harcèlement.
Cette détermination s’est traduite en actes, concrètement.
Ainsi, dès 2017, nous avons interdit les téléphones portables dans l’enceinte des collèges. Nous avons également créé un prix « Non au harcèlement » pour inviter les équipes et les élèves à débattre de ces problèmes dans les classes.
En 2018, des campagnes de prévention annuelles ont été instituées. Elles portent sur des sujets comme le revenge porn, le rôle des témoins, le harcèlement en primaire et les dynamiques de groupe positives. En parallèle, des réseaux plus structurés et professionnalisés de 335 référents harcèlement ont été constitués à l’échelle des académies.
En 2019, nous avons élaboré un plan national de dix nouvelles mesures pour amplifier l’action publique. De surcroît – cette initiative a toute son importance –, un article spécifique de la loi pour une école de la confiance a consacré le droit à une scolarité sans harcèlement. Nous avons créé un comité national d’experts associé aux travaux du ministère et des équipes d’intervention auprès des services déconcentrés, prêtes à être déployées en cas de situations complexes.
En 2020 – je le rappelle à mon tour –, nous avons organisé une conférence internationale avec l’Unesco afin de lancer la première journée mondiale « Non au harcèlement ».
En 2021, nous avons assuré le lancement du 3018, de l’association e-Enfance, pour le cyberharcèlement, en plus du 3020, destiné aux élèves, aux parents et aux professionnels. Grâce au 3018, on peut désormais faire supprimer une publication en ligne avec les commentaires qui l’accompagnent : ce faisant, on parvient à limiter sa viralité.
Le premier programme français de lutte contre le harcèlement à l’école, ou programme Phare, à destination des établissements scolaires, a quant à lui été généralisé. On m’a interrogée au sujet de sa mise en œuvre : après une année d’expérimentation menée dans plusieurs académies et couronnée de succès, ce programme se déploie désormais sur l’ensemble du territoire. Cette année, il reste appliqué sur la base du volontariat, avant sa généralisation à la rentrée 2022.
Concrètement, chaque établissement se dote d’ambassadeurs « Non au harcèlement » parmi les élèves. Dans les établissements, les comités d’éducation à la santé, à la citoyenneté et au développement durable (CESCDD) sont mobilisés pour la prévention du harcèlement et chargés de déterminer un plan d’action. Il existe un process écrit, lequel est strictement appliqué dès lors qu’un cas est signalé.
Les écoles et établissements constituent ainsi une équipe pluricatégorielle, formée à la prise en charge spécifique du harcèlement – la question a également été posée : il y a bien une formation. De plus, des modules en ligne sont mis à disposition de tous les élèves.
Les parents sont eux aussi associés à cette démarche : on sait l’importance du lien avec la famille pour la prévention et le traitement de ce type de violences, car les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants.
Je le disais précédemment : le harcèlement, aujourd’hui, c’est aussi le cyberharcèlement. C’est la raison pour laquelle, il y a quelques jours, le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a reçu les représentants des principales plateformes des réseaux sociaux, en présence de responsables du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et du Service d’information du Gouvernement (SIG). Notre volonté est très claire et nous l’avons réaffirmée : il s’agit de mieux partager l’information, de mieux alerter et surtout de mieux contrôler.
On le voit bien, il est nécessaire d’engager une nouvelle dynamique, car nous devons nous mobiliser collectivement à la hauteur de ces nouveaux enjeux. C’est notre responsabilité commune. Bien sûr, l’éducation nationale doit agir ; mais, dès lors qu’il s’agit de cyberharcèlement, les plateformes, les parents et l’ensemble des parties prenantes ont une responsabilité.
La question de la régulation reste ouverte, et il convient de pousser plus loin tout dispositif qui permettrait de faire respecter l’âge minimal d’inscription, lequel est fixé à 13 ans. À cet égard, il faut passer de la théorie à la pratique : si cet âge était respecté par tous, le phénomène serait déjà en partie jugulé.
Notre responsabilité, c’est aussi de sensibiliser et d’accompagner. C’est la raison pour laquelle nous développons une approche partenariale avec les différents réseaux sociaux afin d’anticiper et d’endiguer les phénomènes viraux.
Mais la prévention, hélas ! ne suffit pas et l’accompagnement des victimes doit nous mobiliser toujours davantage. Ainsi, en collaboration avec toutes les parties prenantes, le ministère souhaite donner davantage de visibilité aux structures et aux initiatives permettant d’accompagner les victimes.
Certaines associations, que je connais bien, ont été citées au cours du débat, comme Marion la main tendue, fondée par Nora Fraisse, ou Les Papillons, fondée par Laurent Boyet. Je tiens à les saluer à mon tour.
Toutes ces parties prenantes doivent avoir davantage de visibilité et leurs initiatives doivent être valorisées. Le traumatisme des victimes est réel et sa réduction devient un enjeu de santé publique. Or, je le répète, la puissance publique ne peut pas tout et les associations de terrain font un travail remarquable dans ce domaine : elles sont à même de nous aider.
Aujourd’hui, plus d’un élève de sixième sur deux dispose d’un compte sur un réseau social. Il est donc nécessaire d’apprendre aux enfants à communiquer sur ces plateformes. C’est aussi la mission de l’éducation aux médias et à l’information, dès la fin de l’école primaire.
En effet, nos enfants doivent absolument avoir les clefs pour naviguer dans cet univers : la prise de conscience et le travail des élèves par eux-mêmes sont des éléments décisifs pour combattre durablement le harcèlement.
Je tiens également à témoigner personnellement de l’amélioration des pratiques sur le terrain, pour le repérage et le traitement des situations de harcèlement et de cyberharcèlement dans les écoles, les collèges et les lycées.
Chaque semaine, je parcours le territoire et je peux le constater : la prise en charge quotidienne des méfaits du harcèlement est une préoccupation commune et constante des équipes – conseillers principaux d’éducation, professeurs, assistants d’éducation (AED) –, des familles et des associations.
La sensibilisation et la formation des acteurs de l’école pour écouter, répondre, alerter et réparer doivent permettre aux enfants et aux adolescents de se sentir de nouveau en confiance.
Il n’est pas question de s’arrêter là, car beaucoup reste à faire. Chaque situation de harcèlement est une situation de trop ; mais, avec les familles, nous devons trouver les voies de l’apaisement sur ces sujets et permettre à chaque élève victime d’évoluer sereinement avec ses camarades, dans la sphère scolaire comme dans la sphère privée.
C’est un enjeu de protection de l’intégrité morale et physique de nos élèves, face à un phénomène qui, je le disais en préambule, peut avoir des répercussions terribles pour la vie des enfants victimes comme pour l’équilibre de familles.
Nous en mesurons l’importance. Nous y consacrons toute notre détermination. Je peux vous l’assurer : à la fois en tant que mère de quatre enfants et comme responsable politique, je me sens très concernée par ces sujets.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également évoqué de possibles comparaisons avec les pays scandinaves : la Suède et la Finlande ont notamment été citées. Dans quelques jours, je me rendrai précisément en Scandinavie dans le cadre d’un voyage d’études, afin que nous puissions comparer les actions entreprises et partager les bonnes pratiques, comme certains d’entre vous l’ont suggéré.
Enfin, si la lutte contre le harcèlement reste une compétence nationale, l’Union européenne doit agir dans ce domaine. D’ailleurs, elle le fait déjà, notamment en finançant des associations, comme e-Enfance.
Vous l’avez compris, Jean-Michel Blanquer et moi-même sommes déterminés à porter ce sujet, à la faveur de la présidence française de l’Union européenne ! (Mmes Colette Mélot et Véronique Guillotin applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement. »
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée mardi 12 octobre 2021 :
À quinze heures et le soir :
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses mesures de justice sociale (texte de la commission n° 17, 2021-2022) ;
Proposition de loi tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 19, 2021-2022) ;
Proposition de loi organique favorisant l’implantation locale des parlementaires, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 24, 2021-2022).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures vingt.)
nomination de membres de commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Catherine Deroche, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin et M. Xavier Iacovelli ;
Suppléants : M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, M. Alain Milon, Mmes Élisabeth Doineau, Annie Le Houerou, Véronique Guillotin et Laurence Cohen.
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Catherine Deroche, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Corinne Imbert, MM. René-Paul Savary, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin et M. Xavier Iacovelli ;
Suppléants : M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, M. Alain Milon, Mmes Élisabeth Doineau, Annie Le Houerou, Véronique Guillotin et Laurence Cohen.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER