M. Philippe Mouiller. Bravo !
Mme Catherine Procaccia et M. Claude Kern. Bravo, nous sommes d’accord !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je souhaite apporter un complément de réponse dans ce débat, qui est essentiel, je l’ai dit à la tribune. Si nous ne faisons rien, je crains que nous ne soyons ensuite confrontés à des usages qu’il sera de plus en plus difficile de contrebalancer. Lorsque ce secteur aura pris davantage de place, ce que je souhaite, il déstabilisera alors certains des systèmes existants. Discutez avec les chauffeurs de taxi, ils n’ont pas toujours tort lorsqu’ils vous font part de certaines de leurs préoccupations !
Mme Nicole Bricq. Nous aurions pu régler le problème des taxis. M. Grandguillaume avait fait une proposition qui a été rejetée par le Gouvernement !
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous avez probablement solution à tout…
Vous me parlez des gîtes ruraux, pour lesquels rien ne change ! Je ne comprends même pas pourquoi ce sujet est abordé. Ils ont le statut de meublé, et sont soumis à un seuil qui, d’ailleurs, est le même, au-delà duquel ils sont considérés comme des professionnels. Il n’y a pas de débat. Ce qu’ils craignent, car nous les avons bien sûr rencontrés, c’est justement que le seuil de 23 000 euros soit abaissé, car leur situation serait alors désavantageuse par rapport à celle qui résulte de la proposition issue des travaux de l’Assemblée nationale.
La question de savoir si les loueurs sont ou non des indépendants est évidemment pertinente. Nous les considérons effectivement comme des indépendants. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Vous avez lu les débats à l’Assemblée nationale, au point de savoir pourquoi une deuxième délibération avait eu lieu. J’y étais. Immédiatement après le scrutin, deux de vos collègues députés ont demandé à inverser leur vote, parce que celui-ci ayant eu lieu à une heure tardive – tout le monde peut être fatigué – ils pensaient voter l’article alors qu’ils votaient un amendement de suppression, ce qui peut entraîner une certaine confusion. La troisième parlementaire a changé son vote le lendemain, avant l’ouverture des travaux. Voilà pourquoi j’ai demandé une deuxième délibération, qui, d’ailleurs, n’est pas une procédure exceptionnelle.
Si vous avez lu les débats, vous avez constaté que j’étais ouvert à ce qu’une activité que l’on pourrait qualifier de secondaire n’entraîne pas nécessairement une déclaration au RSI. Je ferai des propositions en ce sens. La direction de la sécurité sociale et les services de Bercy sont en train de travailler sur le sujet.
Vous dites qu’il n’y a pas d’ouverture de droits. Bien sûr que si ! J’ai parlé des droits à retraite, qui sont ouverts lorsque l’on cotise à l’occasion de l’exercice d’une activité complémentaire, mais on pourrait évoquer d’autres droits, y compris des indemnités journalières en cas d’empêchement. Ce sont là des questions parfois un peu délicates. Nous travaillons sur ces sujets.
J’ai bien compris que mentionner le RSI comme passage obligé d’une déclaration pouvait effrayer.
M. Jean Desessard. C’est le problème !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un problème dont nous avons largement débattu hier, notamment avec M. Cardoux, qui a identifié certains progrès. Nous avons précisé le partage de frais ; les seuils offrent un critère beaucoup plus fonctionnel que les notions d’occasionnel et de récurrent ; le texte me paraît donc plutôt équilibré. Il pourra encore progresser durant la navette et devra probablement être revu pour intégrer d’autres activités qui se développent, car il y a toujours des zones grises dans les processus d’échange de services.
Ce que nous mettons en place permettra d’avancer. Ce texte ne bride pas le développement de ce secteur et ne pénalise pas non plus la saine concurrence entre différentes formes d’exercice d’une même activité commerciale, de production, de vente ou d’échanges de services.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je suis confus d’intervenir après le secrétaire d’État, mais cela me permettra peut-être de gagner du temps lors de l’examen des amendements suivants.
Je voudrais exprimer un véritable regret, comme les orateurs qui m’ont précédé. Nous sommes face à un mode d’économie nouvelle, qui constitue une opportunité pour beaucoup de nos concitoyens en termes de revenus, qui est une chance pour certaines entreprises, parce que l’on peut créer des champions français dans le secteur. L’émergence de cette nouvelle économie aurait nécessité une approche globale de cette question.
L’an dernier, le Sénat, à travers la mission confiée à certain d’entre nous par la commission des finances, a émis des propositions s’agissant de la problématique de l’imposition sur le revenu, avec la définition d’une franchise, que nous avions proposé de fixer à 5 000 euros afin de prendre en compte les compensations de frais d’entretien engagés par les propriétaires de structures, d’équipements, de véhicules ou autre. Nous nous étions efforcés de proposer également des solutions innovantes en matière d’encaissement de la recette au titre de l’impôt sur le revenu au travers des plateformes.
Nous découvrons des propositions concernant le volet des cotisations sociales, envisagées sous l’angle des recettes que l’État peut en attendre pour diverses structures et sous celui de la couverture des bénéficiaires, lesquels basculeraient alors dans une activité à caractère professionnel.
Nous avons le sentiment de traiter du sujet par petits segments – c’est dommage – sans nous assurer de la cohérence de l’ensemble, sans certitude que les décisions successives parcellaires que nous prenons ne désorganiseront pas cette économie émergente, ne pénaliseront pas certains de nos concitoyens et ne casseront pas la machine à création d’activités. Nous prenons le risque d’empêcher le basculement de la France dans cette nouvelle forme d’économie.
Je voudrais dire mon regret quant à la manière dont ce sujet est abordé, au compte-gouttes, de manière fractionnée et sans aucune vision d’ensemble de la part du Parlement, singulièrement du Sénat, qui s’était engagé et avait travaillé sur ces questions et dont les propositions l’an dernier n’ont pas été prises en compte comme nous l’aurions souhaité. (Mme Marie-Annick Duchêne et M. Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J’exprime ma position personnelle, parce que le groupe écologiste n’a pas encore analysé la question de façon globale.
Je défends la position du Gouvernement, donc le maintien de l’article 10, car il me semble important de mettre en place une taxation au-delà d’un certain niveau économique. Il est tout à fait normal que des gens percevant des revenus par la location s’engagent à payer quelque chose à la collectivité.
Je ne sais pas si vous vous représentez ce que cela signifie d’habiter à Paris dans un immeuble dont beaucoup d’appartements sont ainsi mis en location : le passage est incessant, les personnes, souvent âgées, qui habitent l’immeuble doivent entretenir les parties communes, on frappe chez elles pour demander où est l’appartement de M. Untel, le propriétaire, qui habite à cent cinquante kilomètres.
Il me semble normal que ceux qui louent leur appartement et en tirent un bénéfice soient contraints de rendre un peu à la collectivité qui a investi pour être attractive. Ne l’oublions pas, la ville est attractive grâce aux biens publics. En outre, il me semble justifié que les habitants des immeubles concernés payent moins d’impôts locaux, dans la mesure où ils subissent des dérangements pour des propriétaires qui n’habitent pas toujours à Paris.
Bien sûr, certaines personnes louent leur appartement le week-end pour se procurer un complément de revenus, mais d’autres en ont fait un métier, elles achètent pour cela, et habitent à cent cinquante ou à trois cents kilomètres de Paris.
Mme Catherine Procaccia. Vous mélangez tout !
M. Jean Desessard. Le seuil est très élevé ! Il ne concerne pas une personne qui loue trois fois dans l’année ! Il est donc tout à fait normal qu’il y ait taxation.
Je n’ai pas le temps de développer la seule divergence entre ma position et la vôtre, monsieur le secrétaire d’État, qui concerne la déclaration au RSI, avec les problèmes que nous avons soulevés hier. Vous nous dites qu’ils sont résolus, ce n’est pas le cas. Vous avez ébauché un embryon de solution qui reste à confirmer.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Ce n’est pas tous les jours le cas, mais je partage en grande partie la manière de voir qui vient d’être exprimée.
En outre, il faut écouter les territoires, et l’écoute doit être réciproque. Certains affirment que l’on met en danger une économie en devenir, par rapport aux plateformes, mais cette économie en devenir a mis elle-même en danger une certaine économie traditionnelle, en particulier dans le tourisme. Les uns et les autres, vous avez, comme nous, entendu dans les territoires l’expression de ces deux visions des choses.
Il me semble parfaitement juste, légitime et cohérent que nous légiférions dans cet hémicycle pour plus de justice pour tous, et que, lorsque des acteurs sont dans la même situation, ils soient régis par les mêmes règles à partir d’un certain montant. Nos concitoyens attendent aussi cela aujourd’hui : la justice pour les uns comme pour les autres.
Je partage également le souhait de disposer d’une vision globale que l’on pourrait évoquer dans un autre cadre et je regrette que celle-ci n’ait pas émergé avant, mais, en attendant, il me semble important de maintenir cet article 10, qui impose plus de justice dans notre économie, qu’il s’agisse de tourisme ou de mobilité, d’ailleurs. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’ai exprimé mon avis, qui diffère de celui de ma collègue Nicole Bricq, c’est la richesse du débat.
Je souhaite demander une explication à M. le secrétaire d’État. Ceux qui mettent un bien en location par l’intermédiaire de la plateforme Airbnb sont-ils concernés par les dispositions que nous nous apprêtons à voter ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La réponse est oui, monsieur le sénateur, à partir du moment où les revenus tirés de ces locations dépassent 23 000 euros par an. Cela correspond à 230 nuitées à 100 euros. On nous a parlé des étudiants qui louent leur studio quelques week-ends pour arrondir leurs fins de mois. Chacun peut reconnaître qu’ils ne sont pas concernés. On peut même imaginer quelques mois de location ou quelques semaines dans le courant d’une année, y compris pour des appartements parisiens. C’est quand même deux fois le SMIC !
Nous avons fixé ce seuil par référence à des seuils de sécurité sociale, bien entendu. On peut en discuter, mais cette disposition n’est pas confiscatoire (Mme Hermeline Malherbe opine.) et n’empêche pas l’exercice d’une activité annexe par les gens qui doivent – c’était votre position – compléter leurs revenus – mais c’est un autre débat. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Évelyne Yonnet. Je souhaite poser à M. le secrétaire d’État une question qui me semble très importante.
Vous évoquez 23 000 euros de revenus par an. J’ai déposé une proposition de loi sur l’habitat indigne et la lutte contre les marchands de sommeil. À mon avis, au vu des lits superposés qui sont installés dans leurs logements ou dans leurs caves, ceux-ci gagnent beaucoup plus que 23 000 euros. Qu’allez faire pour les taxer ?
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Bravo !
M. Jean Desessard. C’est un autre problème !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je comprends votre sensibilité à ce problème et je la partage, madame la sénatrice, mais il ne s’agit pas du même sujet.
Les marchands de sommeil, compte tenu des sommes en jeu, que tout le monde imagine, malheureusement, doivent déjà déclarer leurs revenus et contribuer à l’impôt. Si ces revenus sont réguliers et dépassent certains seuils, ils doivent normalement s’affilier. Encore faut-il, bien entendu, qu’ils soient connus ou repérés et poursuivis.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 397 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 57, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
1° Remplacer les mots :
dont les recettes tirées de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés
par les mots :
exerçant une activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés dont les recettes
2° Remplacer les mots :
au seuil mentionné au 2° du 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts
par les mots :
à 40 % du plafond annuel mentionné à l’article L. 241-3 du présent code
3° Après les mots :
mentionnées au 1°
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
du 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts ; »
II. – Alinéa 6
Remplacer le taux :
20 %
par le taux :
40 %
III. – Après l’alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
3° L’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par dérogation aux dispositions du III et dans des conditions définies par décret, les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d’hébergements pour le compte de particuliers, peuvent sous réserve d’avoir été habilités à cet effet par ces derniers, être préposés au prélèvement de la contribution sur le montant des transactions effectuées par son intermédiaire. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous venons de débattre fort utilement pour ouvrir cette salve d’amendements.
Au sein de la commission, nous sommes tout à fait d’accord pour fixer un seuil de revenus, nous nous accordons sur la philosophie générale.
Simplement, deux seuils sont prévus dans l’article, l’un à 23 000 euros, qui semble assez élevé et concerne les meublés, et l’autre, fixé à 7 720 euros par an, au-delà duquel un loueur de biens meubles sera considéré comme exerçant une activité professionnelle.
La commission a considéré qu’un seuil unique serait peut-être préférable, qui définirait de façon claire, au regard du plafond de la sécurité sociale, ce que peut représenter une activité professionnelle. Nous avons donc voté en commission la création d’un seuil fixé à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 15 691 euros, qui vaut à la fois pour les biens meublés et pour les locations de biens meubles.
Pour autant, cet article ne traite pas la question des personnes qui n’exercent pas une activité considérée comme professionnelle, mais qui valorisent leur patrimoine. Celles-ci sont actuellement redevables au premier euro, en théorie. Malheureusement, beaucoup d’entre elles y échappent, parce qu’elles ne déclarent pas leurs revenus au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Comme les travaux de la commission des finances du Sénat l’ont montré, ces revenus sont très rarement déclarés et, donc, très rarement imposés.
La deuxième partie de cet amendement est par conséquent un appel à sécuriser davantage le recouvrement de la CSG et de la CRDS, qui sont dues sur ces revenus. Je rappelle que nous sommes tous redevables de cette contribution dans nos activités salariées ou dès lors que nous sommes indemnisés, mais nous le sommes également sur les revenus du capital.
Nous avons donc ajouté un deuxième volet à cet article, qui prend en compte et essaye de sécuriser cet aspect pour ceux qui sont en dessous du seuil.
M. le président. L'amendement n° 412, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre en même temps les amendements nos 413, 410 et 411, puisqu’ils relèvent de la même philosophie et de la même préoccupation.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 413, 410 et 411, présentés par M. Bouvard.
L'amendement n° 413 est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Après les mots :
biens meubles
insérer les mots :
leur appartenant
2° Après les mots :
code de commerce
rédiger ainsi cet alinéa :
lorsque ces biens sont loués plus de 120 jours par an. » ;
L'amendement n° 410 est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
sont supérieures à 20 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code
par les mots :
, hors partage de frais, sont supérieures à un montant fixé par décret. Sont réputées correspondre à un partage de frais les recettes n’excédant pas le coût d’usage du bien considéré tel que ce coût est déterminé, selon des catégories appropriées, par décret en Conseil d’État.
L'amendement n° 411 est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
à 20 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code
par les mots :
au seuil mentionné au 2° du 2 du IV de l’article 155 du code général des impôts
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. Les modifications apportées par l’Assemblée nationale à l’article 10 fixent dans la loi le seuil de professionnalisation à 20 % du plafond annuel de la sécurité sociale pour la location des biens meublés entre particuliers.
On sait très bien qu’en fonction de lieux, les coûts d’usage seront plus ou moins élevés, ce qui suscite des interrogations. Il y a en outre un problème d’équité, tous biens meubles confondus, pour ne pas freiner brutalement le partage de certains biens.
Ces amendements visent donc d’abord à établir un seuil à 1 500 euros, avec un système de déduction des sommes perçues des frais d’usage inhérents aux biens meubles partagés.
Ce seuil est issu d’un rapport rendu récemment par l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, afin de simplifier l’exercice de certaines activités accessoires générant de très faibles montants de complément de revenus.
Ces amendements tendent en outre à clarifier la finalité du partage entre particuliers, une coconsommation facilitée sans recherche de bénéfices, mais uniquement partage des coûts d’usage. Ils visent donc à établir une distinction quand un particulier est propriétaire des biens, afin que le dispositif soit sans doute plus juste.
Encore une fois, je regrette, au moment de débattre de ces amendements, que nous n’ayons qu’une approche partielle du sujet. Nous sommes en train de bricoler quelque chose qui a été modifié à l’Assemblée nationale, sans disposer d’une vision d’ensemble de ce que nous faisons, entre l’imposition sur le revenu, les cotisations sociales, leur niveau, les incidences sur les plateformes et les libertés ménagées aux particuliers.
Dans ces conditions, les mesures que je propose ne peuvent être que des pis-aller ; je regrette qu’une mesure introduite de manière subreptice et adoptée sans réflexion nous oblige à procéder de la sorte.
M. le président. L’amendement n° 187 rectifié bis, présenté par MM. Daudigny, Labazée et Guillaume, Mmes Génisson et Riocreux, MM. Godefroy, Durain et Tourenne, Mmes Schillinger, Émery-Dumas, Yonnet, Féret et Claireaux, MM. Vergoz et Caffet, Mmes Meunier et Campion, M. Jeansannetas et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le taux :
20 %
par le taux :
40 %
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Il s’agit de savoir à partir de quel niveau de recettes annuelles on bascule d’une économie du partage vers une activité professionnelle. L’effet n’est pas neutre, puisque cela implique aussi de s’affilier au RSI.
M. le secrétaire d’État a répondu aux questions qui ont été posées précédemment en ce qui concerne les gîtes et les chambres d’hôtes. Un certain nombre de professions n’auront pas accès à ce dispositif, sans quoi ceux qui les exercent perdraient le statut ou l’avantage dont ils bénéficient.
Nous proposons de porter le seuil d’assujettissement à 15 691 euros pour les locations de biens meubles, soit le double du seuil d’assujettissement adopté à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de celui qu’elle a elle-même présenté ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si le seuil de 120 jours par an est utilisé par certaines collectivités territoriales pour les locations meublées de courte durée, c’est pour des raisons tenant davantage au marché immobilier locatif qu’à un seuil d’activité professionnelle. Dès lors, l’amendement n° 413 ne répond pas exactement, à notre sens, à la question soulevée par l’article 10. Un seuil de revenus nous semble plus adapté.
L’avis est donc défavorable.
Nous sommes également défavorables à l’amendement n° 412, puisque, si l’on peut débattre du niveau qui doit être retenu, un niveau que la commission se propose de relever, il y a bien un seuil de revenus au-delà duquel l’activité devient professionnelle ; monsieur Bouvard, nous pouvons nous rejoindre au moins sur ce point. (M. Michel Bouvard acquiesce.)
Renvoyer la définition du seuil à un décret en Conseil d’État pourrait être une solution de repli intéressante, mais la commission a fait un choix différent : elle considère que le seuil doit être suffisamment élevé pour prendre en considération le partage de frais en matière sociale – je répète que, en matière fiscale, cette notion est déjà définie par l’instruction fiscale du 30 août dernier.
L’avis est donc défavorable aussi sur l’amendement n° 410.
Quant à l’amendement n° 411, il vise à unifier les seuils à un niveau très élevé, près de 2 000 euros par mois, soit plus que le salaire médian. L’avis est défavorable.
En revanche, la commission ne peut qu’être favorable à l’amendement n° 187 rectifié bis du groupe socialiste et républicain, qui vise à porter à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale le seuil de recettes au-delà duquel les personnes exerçant une activité de loueur de biens meubles doivent s’affilier au RSI en tant que travailleur indépendant. En effet, ce seuil est fixé au niveau qu’elle a elle-même retenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements (M. Michel Bouvard rit.), non par principe, mais pour des raisons que je vais tenter de vous expliquer.
Il me semble qu’il faut distinguer la location de biens immobiliers et la location de matériels : perceuses, bétonnières ou autres.
Dans le second cas, les sommes en jeu ne sont généralement pas élevées. L’Assemblée nationale a néanmoins décidé de doubler le seuil proposé par le Gouvernement pour le porter à 7 723 euros. Le Gouvernement ne souhaite pas que ce seuil soit réduit.
En ce qui concerne les locations d’immeubles, nous avons choisi le seuil de 23 000 euros annuels, parce que c’est celui qui s’applique en matière fiscale.
Monsieur Bouvard, la question du partage de frais, que vous voulez traiter au travers de votre amendement n° 410, a fait l’objet d’un certain nombre de réflexions et travaux, comme, du reste, toutes les questions dont nous parlons. Je ne prétends pas que nous serions parfaits, mais il reste que nous avons beaucoup consulté et réfléchi, après quoi, comme M. le rapporteur général l’a précisé, la notion de partage de frais a été précisée par l’instruction fiscale du 30 août 2016 publiée au BOFIP.
Je vous le confie : nous n’étions pas tous d’accord. Ainsi, pour la location des véhicules, nous avons pris comme référence le barème kilométrique. Celui-ci, à mon avis, n’est pas forcément idéal, vu qu’il prend en compte l’amortissement des véhicules, mais nous l’avons retenu parce que le principal site de partage de voyages, BlaBlaCar, s’y réfère pour le calcul des prix recommandés dans le cadre des partages de frais. Nous n’avons pas voulu revenir en arrière, pour ne pas donner l’impression que nous voulions déstabiliser le secteur, ce qui, quoi qu’on en ait dit, n’était absolument pas la volonté du Gouvernement. Nous avons donc choisi la référence utilisée et recommandée par les plateformes.
Les conditions des partages de frais étant définies aussi parfaitement qu’il est possible dans l’instruction du 30 août 2016, l’amendement n° 410 me paraît inutile.
Monsieur le rapporteur général, j’entends bien que vous avez trouvé un consensus sur un seuil unique, qui peut apparaître comme un élément de simplification, mais je continue de penser qu’il y a lieu de distinguer des formes d’activité différentes, suivant ce qu’a fait l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je ne serai pas long, car il nous reste de nombreux articles à examiner.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir reconnu avec franchise que l’instruction du 30 août 2016 n’est pas parfaite. De mon point de vue, notre tort est de vouloir réfléchir à ces questions en partant des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en essayant de faire rentrer cette nouvelle forme d’économie dans un dispositif existant.
Le travail de concertation mené par le Gouvernement avec les différents acteurs est bien réel, mais nous commettons l’erreur de ne pas aborder ces questions avec une vision différente, y compris en ce qui concerne la perception des recettes – car, au-delà des mesures votées, il faudra voir comment faire rentrer des recettes… Il nous manque une vision consolidée, globale, de cette nouvelle forme d’économie !
Je maintiens mes amendements, car, même si je comprends l’argumentation du Gouvernement, celle-ci me paraît calée sur la boîte à outils existante, alors qu’il est sans doute nécessaire d’imaginer quelque chose de nouveau.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 412, 413, 410, 411 et 187 rectifié bis n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 395 rectifié bis, présenté par MM. Chaize et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les personnes exerçant une activité de vente de biens, de fourniture de services ou d’échange ou de partage de contenus, de biens ou de services par l’intermédiaire d’une plateforme mentionnée à l’article L. 111-7 du code de la consommation, et dont les recettes annuelles tirées de cette activité sont supérieures au coût moyen annuel d’utilisation du bien partagé tel que ce coût est déterminé, selon des catégories appropriées, par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Patrick Chaize.