M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, auteur de la question n° 382, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur le projet d’implantation d’un centre de stockage de déchets ultimes sur le site de Nonant-le-Pin, dans l’Orne.
Si je ne suis pas un élu de ce territoire, j’ai pour lui un attachement significatif : ma mère en est originaire, et j’ai eu l’occasion d’y gambader quand j’étais petit. (Sourires.)
Mon attention a été particulièrement appelée par ma collègue du groupe de l’UDI-UC, Nathalie Goulet, qui, elle, est élue de ce département. Nous nous sommes rendus sur le terrain et avons constaté la réalité des méfaits environnementaux que pourrait engendrer ce centre de stockage de déchets ultimes.
L’ensemble de la population s’est bien évidemment émue de ce projet, d’autant plus que ce site est au centre des haras historiques de notre beau pays. Comment ne pas comprendre que des éleveurs, présents sur ce territoire depuis des dizaines d’années, parfois même des centaines d’années, puissent se montrer extrêmement combattifs et opposés à cette idée tout à fait saugrenue d’implantation d’un centre de déchets ? J’ai l’occasion ici de relayer leur colère.
Ce site et la nature des déchets stockés font peser un vrai risque environnemental, notamment par le ruissellement des eaux, sans compter les désagréments du trafic routier engendré par l’infrastructure. Cette dernière, après de nombreuses péripéties, y compris judiciaires – mais je n’y reviens pas, allant directement à l’essentiel – doit ouvrir dès le mois de juin prochain. Questionné le 28 juin 2012, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie affirmait, le 25 octobre, que le préfet de l’Orne, saisi d’une mission, devait rendre un rapport d’ici à la mi-novembre 2012
La mobilisation s’accroît très fortement : le conseil régional de Basse-Normandie, réuni le 14 février en assemblée plénière, a voté à l’unanimité une motion demandant à l’entreprise Guy Dauphin Environnement, dite GDE, et au ministère de l’écologie de mettre en place une concertation et un moratoire avant que le préfet de l’Orne ne prenne – ou plutôt, ce que je souhaite, ne prenne pas – l’arrêté définitif d’autorisation d’ouverture.
Une mobilisation citoyenne, associative, politique, a permis à plusieurs idées de germer. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des mobilisations. Un comité de soutien à la candidature au patrimoine mondial de l’UNESCO a ainsi vu le jour. Il s’agit de consacrer, par ce classement, le caractère exceptionnel des terres d’élevage équin qui entourent le haras national du Pin.
Je rappelle également que se tiendront l’année prochaine, sur ce site, les championnats du monde équestres. Nous sommes encore leaders mondiaux dans cette filière, mais que dirons nos partenaires étrangers en voyant que nous avons eu l’idée incroyable, à l’heure du Grenelle de l’environnement, d’installer un site de déchets ultimes toxiques dans un remarquable berceau vert de la Basse-Normandie, de l’Orne et de la France ? Cela nuira fortement, à mon avis, à l’image de notre pays à l’étranger ; nous n’en n’avons pas besoin.
Ma question est très simple, madame la ministre : quels sont les résultats de la mission demandée au préfet de l’Orne et qu’envisagez-vous de mettre en œuvre pour protéger ce site de Nonant-le-Pin contre les dangers environnementaux que représente l’implantation de ce centre de stockage de déchets ultimes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur Jean-Vincent Placé, je vous prie de bien vouloir excuser Delphine Batho, qui n’a pu se libérer ce matin pour répondre à votre question.
Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie vous a reçu personnellement, le 4 mars dernier, pour discuter de ce projet d’implantation d’un centre de stockage de déchets ultimes sur le territoire de la commune de Nonant-le Pin, dans l’Orne, à proximité de nombreux haras dont vous avez rappelé la remarquable notoriété.
Ce projet est fortement contesté, comme vous l’avez souligné, et le président de la région, Laurent Beauvais, a tenu à faire part à l’ensemble du Gouvernement de son opposition, au nom de son assemblée plénière qui a délibéré à l’unanimité.
Rappelons brièvement les faits. Ce projet de centre d’enfouissement de déchets industriels banals et de résidus de broyages automobiles a fait l’objet d’une demande d’autorisation d’exploiter de l’entreprise Guy Dauphin Environnement, dite GDE, en septembre 2006.
Après un avis défavorable de l’enquête publique, le préfet de l’Orne a pris un arrêté de refus en janvier 2010. Le tribunal administratif de Caen a cependant annulé cet arrêté préfectoral en février 2011 et accordé l’autorisation d’exploiter au pétitionnaire. Force est de constater que le gouvernement d’alors n’a pas interjeté appel et que le préfet de l’Orne a pris un arrêté de prescriptions, le 12 juillet 2011. Il ne pouvait, à l’époque, faire autrement puisqu’il n’y avait pas appel de la décision.
Cette absence d’appel pèse lourd aujourd’hui. Elle éteint toute marge de manœuvre juridique pour l’État. Compte tenu des fortes inquiétudes soulevées par ce projet, Delphine Batho a demandé au préfet de l’Orne, en août 2012, de procéder à une expertise complète, à la fois juridique et technique.
Toutefois, l’État se trouve aujourd’hui dans une impasse juridique et doit appliquer la décision du tribunal administratif.
J’ajoute que les récentes requêtes tendant à la suspension de l’arrêté du 12 juillet 2011 ont également été rejetées par le tribunal administratif de Caen, le 14 février 2013. La mise en service de l’installation est donc prévue par l’exploitant au début du mois de juin prochain.
Nous partageons beaucoup de vos avis sur cette question. Comme vous le savez, le conseil régional de Basse-Normandie a demandé à GDE d’entamer une vraie concertation en vue d’un moratoire. Le fait d’interrompre la poursuite du chantier et de réaliser des études supplémentaires sur les risques mis en avant par les experts désignés par les associations permettrait peut-être à l’exploitant de se poser la question de l’opportunité de son installation sur ce site.
Nous espérons beaucoup que ces démarches aboutissent. Pour sa part, l’État s’assure de la stricte surveillance du chantier. Il ne dispose pas d’autre moyen d’action au regard de l’ensemble des prescriptions prévues pour ce type d’installation.
Le Gouvernement connaît votre mobilisation sur ce sujet, monsieur Placé, et a conscience de l’inquiétude de tous ceux qui sont attachés à l’excellence de la filière équine française et au rayonnement de ce patrimoine lors des Jeux équestres mondiaux de 2014.
Tels sont les éléments de réponse que nous sommes dans l’obligation de vous apporter, avec une certaine forme de déception et en regrettant que l’appel n’ait pas été interjeté par le gouvernement d’alors.
J’espère que le moratoire sera obtenu et que les études supplémentaires permettront à l’ensemble des acteurs, en particulier à celui qui a déposé cette demande de permis, de progresser positivement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Merci, madame la ministre, de cette réponse très complète qui démontre l’attachement du Gouvernement aux préoccupations de défense de la nature et de l’environnement sur les sites remarquables de notre beau territoire français.
Vous avez rappelé les éléments politiques mais aussi les éléments de droit, en particulier de droit administratif, de ce dossier.
Vous avez surtout souligné, et je vous en remercie, la responsabilité du gouvernement précédent qui n’a pas interjeté appel dans une affaire particulièrement contestable, qui n’est pas allé jusqu’au bout des procédures.
Cela démontre – je le dis même si la séance du mardi matin n’est pas le lieu des polémiques – qu’il y a très loin de l’affichage en faveur de l’écologie à la réalité. Quel décalage entre le souci de l’environnement et la tranquillité d’une antichambre qui laisse s’éteindre les procédures administratives au profit des industriels ! Voilà une contradiction soulevée par un élément factuel.
Par ailleurs, je vous remercie d’indiquer que Delphine Batho, qui m’a reçu avec des habitants et des associations du territoire concerné, est particulièrement mobilisée. Je lui ai demandé que nous nous rendions très rapidement sur place, avec le président de région et le président du conseil général de l’Orne, afin d’avoir avec les dirigeants de GDE une discussion sérieuse, économique, témoignant de notre détermination. Nous souhaitons leur expliquer que, eu égard à la détérioration de l’image de leur entreprise, pourtant censée s’occuper de problématiques environnementales, un sursis à l’implantation du centre de stockage en cause, dans le cadre du fameux moratoire, pourrait, à ce stade du dossier, être une issue intelligente, à condition bien sûr que soit parallèlement étudié un nouveau projet sur un autre site pouvant satisfaire l’ensemble des parties. Telle est la proposition que j’ai formulée à Mme Batho, ainsi qu’aux présidents du conseil régional et du conseil général.
Je remercie le Gouvernement, particulièrement vous, madame Lebranchu, de l’intérêt qu’il a porté à cette question.
journée de carence non respectée par le conseil général du val-de-marne
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 280, adressée à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je veux attirer votre attention sur la décision du président du conseil général du Val-de-Marne de ne pas appliquer, depuis le mois de juillet 2012, l’article 105 de la loi de finances n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, qui prévoit le non-versement aux agents publics civils de la rémunération au titre du premier jour de congé de maladie. Cette disposition législative est pourtant entrée en vigueur au 1er janvier 2012 et précisée dans la circulaire d’application du 24 février 2012.
En effet, dans un souci de redressement des comptes de l’assurance maladie et d’égalité professionnelle entre la fonction publique et le secteur privé, secteur dans lequel un délai de carence de trois jours est imposé aux salariés, le gouvernement précédent avait mis en place la disposition pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques.
Récemment, vous avez proposé la suppression de ce jour de carence, mesure qui, pour être effective, devra figurer dans une prochaine loi de finances, puisque seule une loi peut en abroger une autre. En attendant, les dispositions en vigueur me paraissent devoir être respectées. Par conséquent, le versement d’une indemnité de compensation me semble demeurer une infraction.
Dans votre réponse apportée à la question écrite de notre collègue Jacques Mézard, publiée au Journal officiel du 8 novembre 2012, vous avez clairement précisé que la journée de carence s’appliquait bien aux trois fonctions publiques et que les modalités d’application de cette disposition étaient précisées dans la circulaire du 24 février 2012.
En conséquence, madame la ministre, me confirmez-vous oui ou non que la non-application de la journée de carence demeure illégale jusqu’au vote et à l’entrée en vigueur de la future loi ? Si tel est le cas, quelles sont les sanctions applicables aux collectivités ?
Par ailleurs, le président du conseil général, notre collègue Christian Favier, nous a indiqué que, alors qu’il portait la pétition des fonctionnaires de sa collectivité à Matignon, des conseillers l’avaient informé que des collectivités proches du Premier ministre n’appliquaient pas l’article 105 de la loi susvisée. De ce fait, il se sentait autorisé à faire de même. J’aimerais donc connaître le nombre de collectivités actuellement dans la même situation que le conseil général du Val-de-Marne. Quelle mesure comptez-vous prendre dans le projet de loi qui aura pour objet d’abroger cet article 105 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la sénatrice, pour justifier la création du jour de carence, le précédent gouvernement avait avancé les arguments simples suivants : les fonctionnaires sont avantagés par rapport aux salariés du secteur privé soumis à trois jours de carence ; l’absentéisme est plus important dans le secteur public que dans le secteur privé ; il est nécessaire de restaurer l’équité entre salariés et agents publics. Comme vous l’avez rappelé en posant votre question, l’objectif sous-jacent était, en fait, de réaliser des économies budgétaires puisque ce sont les administrations elles-mêmes, et non l’assurance maladie, qui assurent le versement du traitement des fonctionnaires pendant leurs arrêts pour maladie de ces derniers.
Le Gouvernement a décidé d’abroger ce dispositif dans la prochaine loi de finances. En effet, un an après la création de celui-ci, un premier bilan a été établi ; il démontre, d’une part, que le jour de carence n’a pas les effets que l’ancien gouvernement escomptait et, d’autre part, que de nombreuses craintes n’étaient pas fondées.
Ainsi, en termes d’équité, 77 % des salariés du secteur privé qui appartiennent à de grands groupes ne sont pas soumis à un jour de carence car ils sont couverts par des systèmes de prévoyance ou par des conventions de branche ou d’entreprise, tout comme 47 % des salariés des toutes petites entreprises, pour les mêmes raisons. En revanche, le jour de carence dans la fonction publique a concerné 100 % des agents publics dès le premier jour de leur arrêt maladie. Afin de corriger une iniquité, on en crée en réalité une nouvelle, et non des moindres.
Ensuite, l’absentéisme a été décrit comme un phénomène majeur. Or selon les chiffres fournis – j’ai d’ailleurs attendu d’en disposer avant de soumettre une proposition à M. le Premier ministre –, la proportion d’agents en arrêt de courte durée est passée de 1,2 % à 1 % dans la fonction publique d’État, de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière, tandis qu’elle est restée stable dans la fonction publique territoriale. Ces données montrent que les « récupérations » de journées travaillées redoutées n’ont pas eu lieu.
En revanche, dans le même temps, on note une durée plus longue des arrêts pour maladie. Le salarié qui justifie son jour de carence en produisant un certificat médical a tendance à suivre les préconisations de son médecin et à prendre les trois ou quatre jours d’arrêt maladie que celui-ci lui conseille. Nous sommes donc perdants de ce point de vue.
Toutes choses égales par ailleurs, puisque la mesure a rapporté 60 millions d’euros à l’État, alors que son produit avait été évalué à 120 millions d’euros, j’ai proposé que soit supprimé le jour de carence.
Je rappelle également qu’un certain nombre de collectivités territoriales sont en train de négocier des systèmes de prévoyance supplémentaires, qui vont coûter fort cher.
Comment vérifier que chaque collectivité locale soit en accord avec la loi ? À l’heure actuelle, aucun dispositif ne le permet. Je rappelle le principe de libre administration des collectivités locales. Il appartient donc à chaque citoyen ou à toute personne qui y a intérêt d’ester en justice en la matière.
Mais compte tenu de la grande difficulté à mettre en place le dispositif actuellement en vigueur, du coût qu’il représente pour les fonctions supports, notamment l’établissement de nouveaux logiciels de paye, je comprends qu’il ne soit pas forcément appliqué les prochains mois de son existence. Il revient à l’exécutif de chaque collectivité de décider ce qu’il doit faire.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, comment voulez-vous que je me satisfasse de votre réponse ? Je vous ai posé une question précise : la non-application de la journée de carence est-elle légale ou pas ? Vous ne me répondez pas !
Mme Catherine Procaccia. Vous avez justifié pendant une minute et demie l’abrogation du jour de carence, après l’avoir expliqué en long et en large dans les journaux. Je vous demande simplement : est-ce légal ou non ? Or vous ne me répondez pas ! Vous comprenez, dites-vous, que la disposition actuellement en vigueur ne soit pas appliquée, mais vous ne vous prononcez pas sur l’aspect juridique.
Mme Catherine Procaccia. Vous êtes ministre. Vous devez pouvoir me répondre sur ce point ! Par conséquent, je m’étonne de votre réponse.
Par ailleurs, vous me dites que vous n’avez pas de remontées. Or, dans la circulaire d’application, il est bien précisé qu’un tableau des remontées statistiques serait réalisé, qu’un bilan chiffré du nombre de jours ayant fait l’objet d’une retenue devrait être produit tous les trimestres et que la direction générale des collectivités locales et la direction générale de l’organisation des soins feraient remonter toutes les informations. Est-ce à dire que les circulaires de l’État ne sont pas non plus appliquées ?
Par votre absence de réponse, vous montrez l’ambiguïté de la situation dans laquelle vous vous trouvez. Vous refusez de nous dire que cela ne coûtera pas très cher. Or hier, comme par hasard, j’ai réussi à obtenir le coût de la mesure pour ma collectivité. En deux mois, cette dernière a enregistré 1 890 jours d’arrêt maladie pour un montant total de 128 000 euros, soit annuellement – j’ai fait le calcul – 768 000 euros, et ce alors que la loi s’appliquait. Alors que l’on demande aux collectivités locales de réaliser des économies, en l’espèce, en attendant le vote d’une prochaine loi, on n’essaie même pas d’appliquer les dispositions en vigueur !
Madame la ministre, je suis assez scandalisée par votre absence de réponse et par l’attitude du Gouvernement.
rétribution des heures de vie de classe
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, auteur de la question n° 212, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Alain Houpert. Monsieur le ministre, ma question porte sur la rétribution des heures de vie de classe, motif fréquent de désaccords entre les professeurs principaux et leur direction.
L’heure de vie de classe est intégrée à l’emploi du temps des élèves depuis la rentrée de 2002. L’organisation de cette heure incombe au professeur principal de la classe, à qui il revient de faire appel à divers intervenants pour l’animer, s’il le souhaite.
Une dizaine d’heures annuelles sont consacrées à la vie de classe, mais aucune rémunération spécifique n’est prévue. En effet, le décret n° 50-581 concernant les obligations réglementaires de service pose des principes clairs : toute heure au-delà des obligations réglementaires de service inscrite à l’emploi du temps est rémunérée en heure supplémentaire annuelle. Toute heure supplémentaire effectuée ponctuellement est payée en heure supplémentaire effective.
Une indemnité de suivi et d’orientation des élèves a été instituée en 1993 ; elle n’a cependant pas vocation à rémunérer les heures de vie de classe créées par les arrêtés postérieurs du 14 janvier 2002 et du 6 juillet 2004. De plus, ces arrêtés prévoient que le professeur principal est chargé d’organiser l’heure de vie de classe, non de la faire. Si rien n’est effectivement indiqué sur leur rémunération, le fait qu’elles soient considérées comme supplément du service dû implique, de facto, qu’elles soient rétribuées en heures supplémentaires effectives.
Force est de constater qu’il existe un flou persistant autour de la rémunération des heures de vie de classe. Cette situation est d’autant plus anormale qu’elle cause de réelles disparités d’un établissement à l’autre.
Ce faisant, de telles disparités s’accroissent, au point de devenir intolérables avec la fiscalisation des heures supplémentaires.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer sur la manière dont le Gouvernement entend désormais rétribuer les heures de vie de classe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, intégrées à l’emploi du temps des élèves depuis la rentrée scolaire de 2002, les heures de vie de classe ont pour objet de permettre un échange au sein de la classe entre les élèves et les adultes sur toutes les questions liées à la vie scolaire, à l’éducation et à l’orientation.
Elles représentent environ, comme vous l’avez rappelé à juste raison, dix heures par an et sont placées sous la responsabilité du professeur principal.
Elles peuvent également être animées, vous le savez, par d’autres enseignants, mais toujours sur leur temps de travail.
Les heures de vie de classe, eu égard à leur objet, sont assez satisfaisantes.
Monsieur le sénateur, vous soulevez plus spécifiquement la question de la rémunération de ces heures consacrées à la vie de classe.
Ces heures, comme cela a toujours été le cas, relèvent des obligations de service des personnels concernés et ne donnent donc lieu à aucune rémunération supplémentaire.
L’indemnité de suivi et d’orientation des élèves, l’ISOE, instituée en 1993 et à laquelle vous avez fait référence, n’a donc pas pour vocation de rémunérer ces heures de classe. Mais l’attribution de la part modulable de l’ISOE peut reconnaître le travail particulier et l’investissement des professeurs principaux, qui assurent à la fois une tâche de coordination des élèves et apportent à ceux-ci un soutien dans la préparation de leur orientation.
Vous le savez, notre position est de conforter les moyens qui permettent une meilleure vie scolaire comme une meilleure orientation. Le Sénat aura l’occasion de débattre de ces questions à partir du 20 mai prochain, et la commission saisie plus prochainement.
À l’heure actuelle, il n’existe aucune difficulté majeure concernant la rétribution des heures en cause. Si l’heure de vie de classe se déroule sur un temps de service normal, sa rémunération relève du traitement normal ; si elle s’effectue dans le cadre d’heures supplémentaires, elle sera rétribuée à ce titre.
Si, en raison de l’apparition de vraies difficultés – je n’en ai pour l’instant pas connaissance –, nous devions envisager des rétributions particulières, nous le ferions.
Par ailleurs, je ne vois pas de rapport entre cette question et la défiscalisation des heures supplémentaires, qui correspond à une autre préoccupation.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Monsieur le ministre, il me semble que cette question est légitime, et nous l’entendons souvent posée dans nos permanences. Tout travail mérite salaire, et l’absence de rémunération peut démotiver les enseignants, qui effectuent un travail noble. Comme le disait le sénateur Victor Hugo, « chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne ».
effectifs des rased en dordogne dans les années à venir
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 294, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’évolution du nombre de postes dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, en Dordogne.
En effet, 23 postes – soit la moitié des effectifs – ont été supprimés dans les écoles primaires en 2012, et aucune indication n’a été fournie pour les années à venir, du moins pour l’instant. Les syndicats d’enseignants et les associations de parents d’élèves se sont d'ailleurs mobilisés récemment sur ce sujet.
Le simple maintien du nombre de postes à son niveau actuel ne permet pas de répondre efficacement aux besoins des élèves les plus fragiles et les plus « en souffrance », comme on dit, dans l’école. Il ne permettra pas non plus de réduire les inégalités entre les élèves.
La situation est particulièrement préoccupante en Dordogne. Le dernier rapport relatif aux résultats de l’académie de Bordeaux, publié le 4 septembre 2012, relevait, certes, que le taux de réussite au baccalauréat général en Dordogne était à peu près identique au taux national, mais il indiquait également que, dans les filières technologiques et professionnelles, le taux de réussite dans ce département était inférieur à celui de la moyenne de la région Aquitaine depuis plusieurs années.
Mis en place en 1990, le dispositif RASED a fait la preuve de ses effets positifs sur la réussite des enfants dans le secondaire. Réduire les effectifs de ces réseaux revient donc – vous le savez, monsieur le ministre – à créer un important échec à long terme, notamment dans les filières d’apprentissage.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avec 31 671 enfants scolarisés en Dordogne à la rentrée 2012-2013, il ne reste plus qu’un enseignant RASED pour 1 319 élèves dans ce département, contre un pour 546 élèves à l'échelon national. Cet écart illustre parfaitement les difficultés que nous rencontrons. Je sais bien, monsieur le ministre, que vous avez créé un millier de postes de professeurs des écoles en juillet 2012 et que 104 postes ont été réaffectés aux RASED. Nous nous en félicitons, mais ce ne sont malheureusement pas des académies de notre secteur qui en ont bénéficié.
Les difficultés scolaires existent également dans les milieux ruraux, j’y insiste. Et pour ces futurs adultes en délicatesse avec l’école, l’insertion professionnelle est fortement problématique. Il importe que nos élèves en décrochage puissent bénéficier de nouveau d’un soutien pédagogique spécifique. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande quelles propositions concrètes vous comptez mettre en œuvre pour renforcer le dispositif RASED ou tout autre système d’aide spécialisée aux élèves en difficulté scolaire, en particulier en Dordogne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, vous soulevez un problème qui nous préoccupe au premier chef : le traitement de la difficulté scolaire.
Nous avons affirmé que l’école était l’une de nos priorités, et nous avons déjà traduit cette assertion en actes, y compris du point de vue budgétaire, afin de nous donner les moyens, après la suppression de 77 000 postes en cinq ans, de traiter progressivement cette difficulté et de permettre à la France de retrouver de meilleures performances scolaires. C’est en effet notre avenir qui est en jeu : l’avenir de nos enfants, mais aussi, bien entendu, celui de notre pays.
Le Président de la République a souhaité inscrire cet engagement dans la durée, par le biais d’un projet de loi de programmation. Dès l’arrivée aux responsabilités de la nouvelle majorité, un collectif budgétaire exceptionnel a permis de créer un millier de postes supplémentaires dans l’enseignement primaire. Chaque académie gère ses postes de la manière qui lui semble la plus appropriée. Environ 10 % des postes ont été affectés à la reconstitution des RASED.
Notre action se poursuivra à l’avenir. Elle continuera à concerner en priorité les zones urbaines en difficulté, les zones rurales et les départements, régions et collectivités d’outre-mer. Ces territoires doivent être les premiers à bénéficier des moyens supplémentaires que nous mettons en œuvre, par exemple pour l’accueil des enfants de moins de trois ans ou le dispositif « plus de maîtres que de classes » ; cinq postes ont d'ailleurs été attribués à votre département grâce à ce dispositif. Le souci d’aider les départements comme le vôtre anime toutes nos décisions.
Nous avons entamé une réflexion globale sur le traitement de la difficulté scolaire et l’organisation des RASED, qui, dans votre département, avaient été réorganisés au début de l’année 2012.
Nous voulons mieux articuler ces réseaux avec le traitement des difficultés dans les classes – tel est l’objet du dispositif « plus de maîtres que de classes » – et en dehors des classes. Des travaux sont en cours au ministère de l’éducation nationale, avec l’ensemble des organisations représentatives des personnels. Un rapport a été demandé à l’inspection générale de l’éducation nationale. Ce document nous permettra bientôt de définir les principes d’une organisation optimale du traitement de la difficulté scolaire, en nous appuyant sur les 7 000 postes programmés dans le cadre du dispositif « plus de maîtres que de classes ».
J’examinerai tout particulièrement les situations locales, comme j’ai eu l’occasion de l’annoncer à l’Assemblée nationale. Je n’ai pas pu me rendre dans votre département il y a une quinzaine de jours, comme je souhaitais le faire, mais ce n’est que partie remise. Je dois en effet vous dire que j’ai été quelque peu surpris par votre description de la situation lorsque je l’ai découverte, hier après-midi.